Sōka Gakkai

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La Sōka Gakkai (創価学会), littéralement « Société pour la Création de Valeur », est une organisation bouddhiste laïque qui fonde ses pratiques religieuses et son socle doctrinal sur les enseignements de Nichiren, moine bouddhiste japonais du XIIIe siècle, fondateur notamment de la Nichiren Shoshu, à laquelle Sōka Gakkai était liée jusqu'en 1991.

Créée en 1930 au Japon comme mouvement pédagogique, la Sōka Gakkai s'est transformée après la 2e Guerre mondiale pour devenir un mouvement religieux laïc. L'organisation s'est développée à l'international et dispose aujourd'hui d'un réseau étendu à 190 pays qui revendique près de 12 millions de fidèles.

La Sōka Gakkai Internationale fédère l'ensemble des organisations locales au sein d'une ONG ayant un statut consultatif auprès du Conseil économique et social et du Département de l'information publique des Nations unies. Au travers de plusieurs associations culturelles et pédagogiques (Ecoles et Universités Sōka, Concerts Min-on, Musées Fuji, Institut de Philosophie Orientale, etc.), elle entretient des échanges culturels avec des institutions universitaires. Elle participe également aux actions humanitaires internationales menées par les institutions de l'ONU.

Au Japon, la Sōka Gakkai dispose d'un poids financier important, d'un groupe de presse et d'édition, et elle est à l'origine d'une formation politique présente dans les deux chambres de l'appareil législatif Japonais. Ce parti, le Nouveau Kômeitô (公明党), est composé de membres de la Sōka Gakkai et de personnalités extérieures au mouvement, et représente la troisième force politique du Japon. Daisaku Ikeda et le Komeito ont joué un rôle important dans le rétablissement des relations diplomatiques entre le Japon et la Chine en 1972. Le Komeito s’oppose à la révision de la Constitution en vue de l’établissement du "droit d’autodéfense collective" - c'est-à-dire le rétablissement d'une armée japonaise. Depuis les élections de juillet 2007 à la Chambre des Conseillers , la Diète est divisée, avec d’un côté la coalition au pouvoir de centre droit Parti Libéral Démocrate-Nouveau Komeito qui contrôle plus des deux tiers des sièges à la Chambre des Représentants et de l’autre l’opposition qui détient la majorité à la Chambre des Conseillers Ambassade du Japon en France. En France,la Sōka Gakkai est considérée par plusieurs rapports parlementaires, une partie des médias et des associations civiles anti-sectes de défense de la famille et de l'individu comme une secte. Le mouvement Sōka Gakkai organise en France des conférences magistrales, des colloques inter-religieux et des actions culturelles de faible intensité. Son activité religieuse comporte notamment la pratique du gongyo matin et soir (récitation d'extraits du Sûtra du Lotus et de Nam Myoho Renge Kyo), l'étude de lettres et traités de Nichiren et d'encouragements de Daisaku Ikeda ou autres responsables, et de la foi en cette religion, dans le cadre ou non de réunions de discussion (zadankai). Des fidèles propagent le bouddhisme de Nichiren par des actions individuelles, "de coeur à coeur", dites shakubuku. Aux origines du mouvement, des campagnes organisées de shakubuku étaient menées, au Japon et dans les différents pays, pour faire connaître la Soka Gakkai. Aujourd'hui, le terme shakubuku désigne seulement des discussions libres et informelles auprès de sympathisants pour les amener à la pratique. Le caractère antagoniste de la méthode de conversion, aux débuts du mouvement, au Japon, a fait place à une démarche conviviale d'explication des fondements du bouddhisme de Nichiren. Les adhérents sont également libres de quitter l'organisation définitivement, ou d'y revenir, sans aucune pression des responsables.

Sommaire

[modifier] Présentation de l'organisation

[modifier] Bref historique

Le mouvement est fondé en 1930 sous le nom de Sôka Kyôiku Gakkai (創価教育学会) par Tsunesaburo Makiguchi (牧口常三郎), éducateur et directeur d’école primaire. Littéralement cette dénomination signifie "société pour une éducation créatrice de valeurs". Elle réunit donc des enseignants et se veut une société académique. Inspiré de plusieurs auteurs occidentaux, Tsunesaburo Makiguchi cherche à développer une méthode pédagogique originale basée sur l’individu et son rapport à l’environnement. Converti au bouddhisme de Nichiren transmis par la Nichiren Shoshu de l'époque, il rapproche ses théories pédagogiques des enseignements de Nichiren.

Persécutés pendant la seconde guerre mondiale par le gouvernement Japonais, Tsunesaburo Makiguchi et Josei Toda (戸田城聖, disciple de Makiguchi) sont arrêtés en 1943 pour crime de lèse-majesté (car refusant de se plier au Shintoïsme devenu religion d’état obligatoire). La Sôka Kyôiku Gakkai est déclarée hors la loi et dissoute. Ses principaux responsables sont également incarcérés. Le temple principal de la Nichiren Shoshu est réquisitionné et transformé en garnison. En 1944, à l’âge de 74 ans, Makiguchi meurt pendant son incarcération.

Après la capitulation du Japon, les prisonniers politiques sont libérés et Josei Toda est le dernier membre encore incarcéré (refusant toujours de se plier au Shintoïsme). Malgré un état de santé difficile, il engage une action de prosélytisme intense en faveur de l'enseignement de Nichiren et de la Nichiren Shoshu. Dans un pays ravagé et appauvrit par la guerre, Josei Toda établit une nouvelle organisation, la Sōka Gakkai, littéralement société pour la création des valeurs. Entre 1946 et 1958, la Sōka Gakkai a converti 700 000 foyers et gagné en influence au sein de la société Japonaise. Lorsque Toda meurt le 2 avril 1958, à l’âge de 58 ans, la Nichiren Shoshu est devenue l’une des premières confessions bouddhistes du Japon.

À partir de 1960, c’est Daisaku Ikeda (池田大作), proche disciple de Josei Toda, qui devient président de la Sōka Gakkai. Il lance une campagne internationale pour faire connaître le mouvement et ses idéaux hors des frontières du Japon. En 1975, il fonde la Sōka Gakkai Internationale qui a pour mission de superviser les activités de toutes les organisations locales qui ont été créées dans de nombreux pays occidentaux. Il fonde également plusieurs institutions à vocation artistique et culturelle, et des universités et écoles Sōka. En 1983, l’ONU lui décerne la médaille de la paix.

Avec le développement international, puis son admission au sein des Nations Unies comme ONG, la Sōka Gakkai place la Nichiren Shoshu parmi les principaux mouvements bouddhistes du monde. En 1991, après plusieurs différends notables au cours des quinze années précédentes, la Nichiren Shoshu et son grand patriarche, Nikken Abe, décident d’expulser l’ensemble des membres et des croyants de la Sōka Gakkai. Cette dernière se retrouve dès lors indépendante de toute organisation monastique. La majorité des croyants ayant suivi le mouvement laïc, la Nichiren Shoshu se retrouve isolée, au Japon et sur le plan international.

Aujourd’hui, la Sōka Gakkai internationale revendique 12 millions de fidèles dans plus de 190 pays. Dans nombre d'entre eux, elle est reconnue comme un mouvement religieux et s’implique dans de nombreuses initiatives culturelles, artistiques et patrimoniales. Elle organise des actions humanitaires et entretient des échanges avec des institutions académiques, universitaires et gouvernementales.

En 2006, Henry Hank Johnson, africain américain, démocrate, a été élu membre de la Chambre des Représentants du Congrès des Etats-Unis, au titre d’une circonscription de Géorgie. Membre connu de la Soka Gakkai, c’est le premier élu bouddhiste de Nichiren au Congrès. Le Washington Post a commenté cette élection comme une expression de la nouvelle diversité religieuse.[1] [2]

[modifier] Croyances et pratiques

La Sōka Gakkai (et ses membres) fondent leur action et leur pratique religieuse sur les enseignements du moine Nichiren (1222-1282). Moine bouddhiste de l'école Tendai, Nichiren a proposé, dans le contexte féodal du Japon du XIIIe siècle, une pratique centrée sur la récitation exclusive du titre du Sutra du Lotus assortie d'un ensemble de commentaires et exégèses (le gosho) qui forment le corpus doctrinal de cet enseignement.

Sortant des cadres traditionnels du bouddhisme Tendai, Nichiren a diffusé une approche plus prosaïque et plus proche du profane. Son article de foi central est que chaque individu dispose de la capacité de manifester l'éveil du Bouddha au cours de sa vie, sokushin jobutsu. Chacun peut donc obtenir le bénéfice et les attributs du Bouddha sans avoir à passer par les diverses écoles monastiques du bouddhisme historique.

Nichiren a donc proposé une approche simplifiée de la pratique bouddhique. Elle s'appuie sur une liturgie comprenant une pratique rituelle bi-quotidienne, appelée gongyo, composée de la récitation des chapitres II et XVI du sutra du Lotus et de la récitation, d'une durée libre, d'un mantra tiré du titre Japonais du Sutra du Lotus (nam-myoho-renge-kyo, ou Daimoku), de l'étude des enseignements bouddhiques (Sutras et commentaires) selon la classification chinoise de Tendai, et de la profession de foi par le principe de la conversion antagoniste (Jap. Shakubuku).

Son antagonisme vis-à-vis des autorités politiques et sa critique verbale énergique des autres écoles bouddhiques de son époque valent à Nichiren d'être la cible privilégiée de ses détracteurs religieux et d'être considéré comme un fanatique séditieux par la classe dirigeante du Shogunat de Kamakura. Il est exilé à deux reprises et manque d'être exécuté sommairement lors de son deuxième exil. Persuadé de sa mission de "Pratiquant du Sûtra du Lotus" (Hokke gyoja) ainsi qu'il se définit d'abord, avant de se présenter implicitement, après son exécution jugée providentiellement manquée, comme le Bouddha des Derniers Jours de la Loi (du moins selon la tradition commune à la Nichiren Shoshu et à la Soka Gakkai, mais qui n'est pas partagée par d'autres organisations nichiréniennes),Nichiren n'a de cesse de démontrer la supériorité de sa doctrine sur l'ensemble des écoles bouddhiques japonaises. Imprécateur sans armes ni armée, Nichiren a la violence verbale des réformateurs. Cette véhémence de Nichiren est dirigée contre ses concurrents des écoles bouddhiques plus proches des pouvoirs politiques et militaires alors en place. Ce trait de caractère s'est longtemps perpétué dans les écoles qui se réclament de son enseignement avec plus ou moins d'intensité.

Aujourd'hui, la pratique religieuse au sein de la Sōka Gakkai est, sur le fond, la même que celle instituée par la Nichiren Shoshu, créée en 1912, elle-même issue d’une mouvance plus large connue sous le nom d’« Ecole Fuji », et qui se réclame de Nikko (1246-1333), jugé par celle-ci le plus fidèle disciple de l’enseignement de Nichiren. Pour ce qui est des formalités, elle se veut adaptée à la vie quotidienne des laïques, notamment en ce qui concerne le lieu de culte, l'ordre de récitation de la liturgie et le type de mandala conféré aux croyants. Depuis 1991, le schisme entre la Sōka Gakkai et son école bouddhique de référence, la Nichiren Shoshu, a supprimé le rôle de l'ordre monastique dans la pratique et les formalités religieuses. La croyance est cependant restée la même en s'articulant sur le Gohonzon, le Daimoku (Titre-mantra du Sûtra du Lotus) et le Gosho (recueil des enseignements de Nichiren).

L'apport de la Sōka Gakkai dans la pratique et la croyance dans les enseignements de Nichiren porte essentiellement sur la diffusion laïque des principes du bouddhisme de Nichiren auprès de toutes les couches de la population Japonaise, et étrangère dans une seconde étape. Héritant de la vocation pédagogique de ses fondateurs, la Sōka Gakkai propose une lecture contemporaine et actualisée d'un bouddhisme populaire mais très empreint des valeurs Japonaises traditionnelles. Cette lecture introduit des concepts tels que la révolution humaine, les valeurs Sōka (beauté, bonté, bénéfice) ou encore une pratique religieuse qui se fonde sur la vie quotidienne. Enfin, la Sōka Gakkai a élargi le champ de son action à des activités humanitaires et associatives dans la société civile à l'instar des grandes organisations laïques apparentées aux principales confessions du monde contemporain.

[modifier] Structures et fonctionnements

En France, la Sōka Gakkai est constituée selon le modèle associatif en vigueur pour les associations religieuses ou d'utilité publique. Segmentée sur trois associations distinctes (ACSBN, ACSF et ACEP), elle sépare son action en fonction d'activités cultuelles et d'activités culturelles. Cette distinction repose essentiellement sur la nécessité d'être reconnue comme association cultuelle à part entière.

Concrètement, les trois associations sont placées sous la tutelle d'une autorité morale, le Consistoire Soka du Bouddhisme Nichiren. Cette entité assure la représentation nationale des intérêts du culte du bouddhisme de Nichiren. Les trois associations sont dirigées essentiellement par des dirigeants français, d'origine française pour la plupart. Cette nouveauté a pour objectif de contrer les accusations qui désignaient la Sōka Gakkai comme une émanation locale d'un culte strictement japonais.

Sur le terrain, l'organisation est déployée sur l'ensemble de la France à peu près de la même manière depuis les origines du mouvement. Elle est constituée d'un réseau de réunions de discussions locales (zadankai) tenues par les fidèles, qui ont lieu chez les particuliers. Ces réunions, ouvertes à tous et libres d'accès, ont lieu deux fois par mois et réunissent les fidèles, des amis ou de simples visiteurs autour d'une thématique d'étude ou d'un sujet d'ordre général. Les participants sont invités à relater leur expérience de la pratique au quotidien qu'elle soit ou non liée au sujet.

Les réunions de discussion sont animées par une équipe d'encadrement qui a la charge de l'organisation et de l'entretien de ces réunions. Elles sont ensuite regroupées en structures plus grandes de 3 à 5 réunions (les districts), elles-mêmes regroupées en chapitres, puis en centres régionaux, puis en régions. L'ensemble du dispositif est centralisé dans la région parisienne. A chaque échelon, une nouvelle équipe supervise l'échelon inférieur. Ces équipes sont constituées de responsables, cooptés et nommés par les équipes des échelons supérieurs. L'ensemble du dispositif national est coordonné par le C.E.P. (Comité Exécutif Permanent).

Les fidèles n'ont pas de statut officiel, et ne participent donc pas à la gestion de l'organisation dans le sens juridique du terme. Leur lien avec l'organisation reste informel et ne repose que sur la réception de l'objet de culte (le Gohonzon) qui est octroyé après quelques semaines, voire quelques mois de présence régulière aux réunions de discussion. Le réseau tient essentiellement sur des contacts personnels et des rencontres d'encouragement qui viennent s'ajouter aux réunions mensuelles au cours desquelles les équipes locales rencontrent individuellement les fidèles. Il est demandé aux fidèles une pratique quotidienne, et sont encouragés en fonction de leur ancienneté, ou de leur implication, à inviter des nouveaux venus en réunion de discussion.

Ne disposant pas d'une structure associative de membres, l'organisation repose sur les dons libres pour constituer son budget de fonctionnement. Ces dons libres sont encouragés une fois par an (sous le nom de zaimu) et lors de la remise des Gohonzons. L'organisation propose à la vente des articles religieux et des publications. Le budget couvre l'entretien du patrimoine immobilier de l'organisation, les frais de fonctionnement et une vingtaine de salaires. Il couvre aussi certains événements annuels tels que conférences, etc. L'essentiel des activités (réunions, déplacements, festivités, encadrement, accueil, etc.) est donc assuré par des bénévoles non-rémunérés. Le principe de cooptation des responsabilités et des critères de sélection interne sont basés sur la "qualité spirituelle et l'expérience bouddhique", et une grande concertation entre les différents départements (homme, femme, jeunesse) pour toutes les décisions importantes.

[modifier] Controverses et polémiques

[modifier] Au Japon

Bien que les différents courants se réclamant de Nichiren soient anciens, aucun d'eux n'a connu de réel essor avant la fin deuxième guerre mondiale. Les organisations laïques bénéficièrent des dispositions législatives mise en place par l'administration américaine, et connurent alors un fort développement. La Sōka Gakkai fondée par Josei Toda, comme de nombreuses autres organisations laïques, a su tirer profit de ces dispositions qui ont mis un terme à la consubstantialité institutionnelle entre la tradition Shintoïste et l'autorité impériale.

La Nichiren Shoshu et ses émanations monastiques se sont enrichis grâce à la force financière et la notoriété de la Sōka Gakkai. Ceci a entrainé au Japon essentiellement, de nombreuses luttes d’influences intérieures entre factions politiques et religieuses, et extérieures contre les courants religieux rivaux et les groupes financiers qui les soutiennent. La Sōka Gakkai dispose d'un puissant groupe d'édition qui lui permet d'entretenir une image publique positive et de mener plusieurs campagnes médiatiques au sein de la sphère publique japonaise. En 2000, la sociologue Florence Lacroix déclarait que « La Soka Gakkai, c'est (...) une fortune estimée entre 500 et 700 milliards de francs, ce qui en fait la secte la plus riche au monde. » Elle concluait en affirmant que « la Soka Gakkai, première secte au monde par sa logistique et le degré de sophistication de sa stratégie, me semble être le prototype des sectes à venir. ».

La Sōka Gakkai est, depuis sa création, au cœur de nombreuses controverses politiques et financières. Ces controverses sont évoquées par les principaux organes de presse et de télévision japonais. Certains observateurs reprochent à la Sōka Gakkai un manque total de transparence et, paradoxalement, un désintérêt pour les rouages de la communication institutionnelle dans un pays où la collusion entre pouvoir politique, pouvoir économique et médias est régulièrement citée comme un modèle du genre[1].

[modifier] En France

En France, la Sōka Gakkai s’est heurtée au modèle français de la laïcité, à sa tradition de vigilance face aux manipulations mentales, et à la méfiance des milieux catholiques ou laïques des organisations anti-sectes (ADEFI, UNADFI). De nombreux traits de caractères spécifiques de la philosophie de l'organisation ont, d'emblée, rebuté les institutions françaises[2] puis une partie de la sphère publique concernée par la spiritualité[3].

Au niveau social et local, la profession de foi par la conversion antagoniste (Jap. Shakubuku) est devenu le trait de caractère le plus rebutant. La réfutation systématique et le prosélytisme militant des débuts du mouvement en France, puis une certaine exclusivité doctrinale, ont entretenu la méfiance et l'hostilité du public vis-à-vis de la Sōka Gakkai française et de son action. Ce fait est reconnu implicitement par le président actuel de la Sōka Gakkai, qui signale en 2008 aux adeptes français que le langage véhément de Nichiren est à comprendre à la lumière du contexte de son époque, et dans le cadre de conflits entre bouddhistes, et qu'il ne doit pas être pris pour modèle par les adeptes occidentaux dans leurs relations avec les croyants d'autres religions[4].

En 1999, l'obligation de la récitation du mantra a été relevée aussi comme "dangereuse et objectivement déshonorante" pour la Soka Gakkai par le Tribunal de Grande Instance d'Annecy, qui l'a donc déboutée sur le fond d'une plainte pour diffamation déposée en 1999[5]. Ce tribunal a même repris à son compte d'autres jugements du journaliste, que l'organisation attaquait comme diffamatoires: outre les "effets aliénants" et "déséquilibre psychologique" générés par le mantra, "l'intolérance de la doctrine ajoutée aux sentiments de persécution" qui "envahit peu à peu les adeptes". On notera particulièrement ces attendus: "Attendu que le paragraphe consacré à l'éducation des enfants ne peut être qualifié de diffamatoire dans le mesure où il reprend des extraits du magazine "troisième civilisation" édité par la Soka Gakkai; Attendu par contre que les méfaits de la pratique par la répétition à l'infini des mantras et la dénonciation de leur effet aliénant provoquant une rupture radicale des membres de l'association avec leur famille et des déséquilibres psychologiques appuyés par des interviews constituent des faits précis de nature à porter atteinte à la considération et contraires à l 'honneur puisqu' elles renvoient aux pratiques des sectes dangereuses pour les libertés individuelles; Attendu qu'il en va ainsi de la répétition des mantras décrit comme un "phénomène d'hypnose auto-suggestive qui crée des accoutumances et peut produire des effets aliénants", du "déséquilibre psychologique" qui résulte de la fréquentation de la Soka Gakkai, de l'adhésion à cette religion qui "provoque, presque à coup sûr, ce genre de rupture radicale" avec les proches non pratiquants, de "l'intolérance de la doctrine ajoutée aux sentiments de persécution" qui "conduit les membres au "rejet de toute forme d'opposition. Petit à petit, la Soka Gakkai envahit complètement leur vie"".</ref>. On observera que cette juridiction, reprenant l'argumentaire et les termes des organisations anti-sectes, croit pouvoir imputer à la seule Soka Gakkai la récitation de mantras et de litanies religieuses que l'on retrouve dans toutes les grandes traditions spirituelles.

Les juridictions françaises ont, en fait, en ces matières,des positions très discordantes. Cinq jugements ont ainsi donné raison à la Soka Gakkai dans des procès en diffamation contre plusieurs organes de presse.

Condamnation définitive pour diffamation prononcée le 1er avril 1992 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, pour un article intitulé « Péril jaune. Qui a peur de la Soka Gakkai ? » publié dans le Nouvel Observateur du 18 juillet 1991 Condamnation définitive pour diffamation prononcée le 17 juin 1992 par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, pour un article intitulé « Daisaku Ikeda : Hugo et l’atome »), publié dans Le Quotidien de Paris du 19 juin 1991 Condamnation définitive pour diffamation le 2 novembre 1992 par le Tribunal de Grande Instance d’Évry, pour un article intitulé « Polémique autour de la Soka Gakkai : pacifisme forcené ou prosélytisme dangereux ? », publié dans Le Républicain de l’Essonne, en date du 27 juin Condamnation définitive pour diffamation le 15 décembre 1993 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, pour un article intitulé « Cette étrange secte que soutient Danièle Mitterrand », publié le numéro du 12 1992 de l’hebdomadaire Minute. Condamnation définitive pour diffamation le 9 février 1994 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, pour un article intitulé « Au bicentenaire de la Révolution ... l’extrême droite japonaise ! publié dans le magazine Le Crapouillot daté de novembre-décembre 1992 Condamnation définitive pour diffamation le 2 mars 1994 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, confirmée le 19 septembre 1995 par la Cour d’appel de Paris, pour un article intitulé Une multinationale bouddhiste excommuniée par ses propres moines. Comment la Soka Gakkai a appliqué avec succès et quelques revers les recettes du marketing japonais à la religion, publié dans l’hebdomadaire L’Evènement du Jeudi, daté du 20 août 1992. Le pourvoi en cassation formé par L’Evénement du Jeudi a été rejeté par un arrêt du 29 avril 1998. Voir les jugements en ligne[3].

D'autre part, six autres jugements rendus entre 2003 et 2007 ont débouté les plaignants qui voulaient instrumentaliser l'appartenance du parent adverse à la Soka Gakkai dans les contentieux de divorce : jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice ordonnance 03/692 du 21 juillet 2003[4]; jugement du Tribunal de Grande Instance de Nantes le 21 février 2006 n°118[5]; jugement du Tribunal de Grande Instance de Pointe à Pitre du 17 mars 2005 n°03/02056[6]; arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 24 janvier 2007 n°46 [7]; arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 janvier 2006 n°05/00517 [8]; arrêt de la Cour d’appel de Douai du 24 mai 2007[9] Tous ces jugements sont en ligne. On notera particulièrement les conclusions de l'arrêt de la Cour d'Appel de Douai, que l'on comparera au jugement du TGI d'Annecy de 1999 : Ainsi que précédemment relevé dans l’arrêt du 12 janvier 2006, si M. X… reconnaît être adepte du mouvement de pensée développé par l’Association Soka Gakkai fondée sur une philosophie bouddhiste, il n’est pas démontré que ce choix qui relève de la seule liberté de pensée de conscience de l’intéressé aurait une influence néfaste sur sa fille, ni que celle-ci serait contrainte d’adhérer à des pratiques ou de supporter des règles contraires à son équilibre personnel et à son bon développement

Ces campagnes ont contribué à faire figurer la Sōka Gakkai dans une liste de sectes dites dangereuses des rapports parlementaires successifs de la MILS dans un contexte historique de normalisation institutionnelle de centaines d'associations venues d'horizons aussi divers que la macrobiotique, la médecine orientale, les techniques de massage, certains arts martiaux, et bien sûr toutes sortes de mouvements philosophiques, spirituels et religieux.

L'importance du Komeito sur l'échiquier politique japonais, la puissance financière de l'organisation et le développement d'un réseau d'influence diplomatique au travers des actions classiques des ONG ont hissé la Sōka Gakkai au niveau international, lui assurant une meilleure image publique. Ce développement considérable a aggravé, surtout en France, l'image négative que lui prêtent certains medias et plusieurs organisations anti-sectes de défense de la famille et de l'individu.

La suspicion qui entoure l'organisation conduit des associations anti-sectes comme l'UNADFI à déclarer : "La paix dans le monde est l’un des thèmes de base de la campagne de communication mise en place par la Sōka Gakkai dans le cadre de sa stratégie d’expansion mondiale. Afin de cultiver cette image, elle s’appuie sur l’ONU dont elle est une ONG, comme d’autres grands mouvements sectaires, et elle finance des projets culturels et éducatifs."

Le rapport de la MILS en 1995 stipule que :"la Sōka Gakkai prétend enseigner (malgré le schisme de 1990 [en fait, 1991] avec Nichiren Shoshu) la doctrine de Nichiren, moine bouddhiste du XIIIe siècle qui professait une version nationaliste et intolérante du bouddhisme".Sur les conditions de rédaction du rapport de la commission parlementaire de 1995, on consultera aussi [10]

Dans son rapport de 1999, la MILS indiquait que : "la Sōka Gakkai est, par sa richesse, la troisième secte implantée en France : son patrimoine, acquis en partie grâce aux apports venant de l'organisation mère, représente 240 millions de francs [env. 36 millions d'euros], et son budget annuel atteint, certains exercices, une vingtaine de millions de francs [env. 3 millions d'euros]."

La Sōka Gakkai est de nouveau mentionnée dans le rapport 2005 de la Miviludes[6] et 2007. Dans le même temps, l'organisation française restructure son dispositif et remplace les neuf associations qui la composaient en seulement trois entités ayant des prérogatives spécifiques et délimitées. Elle fait paraitre une constitution religieuse, une littérature de réponses aux quelques mentions faites dans le rapport 2005, et un manifeste d'évaluation.

Après trente ans de présence sur le territoire français, la Sōka Gakkai, rebaptisée ACSBN (Association Cultuelle Sōka du Bouddhisme de Nichiren) revendique près de 16 000 participants à ses réunions bimensuelles.

[modifier] Notes et références

[7] 2 3 4 5 6 7 8 <"Nicolas Sarkozy. La République, les religions, l'espérance". Entretiens entre Nicolas Sarkozy, Thibaud Collin (agrégé de philosophie) et Philippe Verdin (religieux dominicain) publié par le Centre d'Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités et les Editions du Cerf (novembre 2004)./>

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Travaux de chercheurs sur la Sōka Gakkai :
    • Karel Dobbelaere, La Sōka Gakkai, un mouvement de laïcs de l'école bouddhiste de Nichiren devient une religion, 2001, Elledici, Turin.
    • Louis Hourmant, « La relation à l'objet sacré dans un culte néo-bouddhique. La Sôka Gakkai française », Systèmes de pensée en Afrique noire (Paris), 12, 1993.
    • Louis Hourmant, « La Soka Gakkai, un bouddhisme "paria" en France ? », in F. Champion et M. Cohen, Sectes et Démocratie, Paris, Seuil, 1999.
    • Louis Hourmant, « Transformer le poison en élixir. L'alchimie du désir dans un culte néo-bouddhique, la Soka Gakkai française », in Françoise Champion, Danièle Hervieu-Léger, (dir.), De l'émotion en religion. Renouveaux et traditions, Paris, le Centurion. 1990, pp. 71-119.
    • David Machacek, Bryan Wilson, Citoyens du monde, le mouvement bouddhiste Sōka Gakkai au Japon, 2004, L'Harmattan, Paris.
    • Thierry Mathé, Le bouddhisme des Français : Le bouddhisme tibétain et la Sōka Gakkaï en France, contribution à une sociologie de la conversion, 2005, L’Harmattan, Paris.
    • Bruno Etienne, Raphaël Liogier, Etre bouddhiste en France aujourd'hui, 1997, Hachette, Paris.
  • Travaux de chercheurs étrangers :
    • Richard Hughes Seager, Encountering the Dharma: Daisaku Ikeda, Soka Gakkai, and the Globalization of Buddhist Humanism, 2006, University of California Press.
    • David Machacek et Bryan Wilson (sous la direction de), Global Citizens: The Soka Gakkai Buddhist Movement in the World, 2001, Oxford University Press.
    • Daniel A. Metraux, The International Expansion of a Modern Buddhist Movement: The Soka Gakkai in Southeast Asia and Australia, 2001, University Press of America.
    • Phillip Hammond et David Machacek, Soka Gakkai in America--Accommodation and Conversion, 1999, Oxford University Press.
  • Ouvrages de référence :
    • Gaston Renondeau, Histoire des moines guerriers au Japon, 1957, PUF
    • Gaston Renondeau, La doctrine de Nichiren, 1953, PUF
    • Henri-Charles Puech (sous la direction de), Histoire des religions, 1976, Gallimard (Pléïade)

[modifier] Liens internes

[modifier] Références

  1. Sōka Gakkai et les médias japonais, Takesato Watanabe, in Citoyens du monde, sous la direction de D. Machacek et B. Wilson, 2000, L'Harmattan
  2. Voir par exemple le rapport parlementaire de 1996, l'article du Dauphiné libéré du 11 octobre 1999, et le jugement rendu par le TGI d'Annecy le 13 décembre 2001.
  3. En France, la Sōka Gakkai n’est pas membre de l’Union des Bouddhistes de France.
  4. Troisième Civilisation (revue mensuelle de la Sōka Gakkaï), numéro de février 2008.
  5. Texte complet du jugement en ligne, et extrait ci-dessous.
  6. Mais elle ne l'est plus dans ceux de 2006
  7. Sōka Gakkai et les médias japonais, Takesato Watanabe, in Citoyens du monde, sous la direction de D. Machacek et B. Wilson, 2000, L'Harmattan

[modifier] Liens externes

Travaux de chercheurs