Séparation des Églises et de l'État en 1905

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Première page du projet de loi de 1905
Première page du projet de loi de 1905

La séparation des Églises et de l'État est un événement fondateur de la société française du XXe siècle. Même si elle s'applique aux quatre confessions principales alors représentées en France (le catholicisme, l'Église de la Confession d'Augsbourg ou protestants luthériens, les Églises réformées et le judaïsme), la loi que fait voter le député socialiste Aristide Briand le 9 décembre 1905 est avant tout l’achèvement d’un affrontement violent qui a duré presque vingt-cinq ans et qui a opposé deux visions de la France : la France catholique royaliste et la France républicaine et laïque. Elle remplace le régime du Concordat de 1801.

Sommaire

[modifier] Vers la séparation

[modifier] Les bases d’une séparation

[modifier] Les partisans de la laïcité

Caricature parue dans  Le Rirele 20 mai 1905
Caricature parue dans Le Rire
le 20 mai 1905

Les partisans de la laïcité, autrement dit de la séparation des affaires religieuses et politiques, se partagent en deux camps :

[modifier] L’école laïque de Ferry

Icône de détail Article détaillé : Lois Jules Ferry.

À l’aube de la Troisième République et avant que n’intervienne Jules Ferry, l’enseignement primaire conserve une forte connotation religieuse, du fait de la loi Falloux votée en 1850 par une assemblée à majorité conservatrice. Cette loi obligeait tous les instituteurs à inscrire le catéchisme au programme et à conduire les enfants à la messe.De plus, il y a le droit de fonder un etablissement d'enseignement secondaire privé à toute personne possédant le baccalauréat; aucune condition exigée des maitres ecclesiastiques à qui suffit une lettre de régence de l'éveque; suppression du controle universitaire, réduction de l'autorité des recteurs un par département, introduction de notabilité et d'ecclesiastique dans les instances supérieures de l'enseignement public. Dans le conseil supérieur de l'instruction publique qui remplace le conseil de l'université sur les 27 membres, il y a 7 ecclesiastiques. L'enseignement public est sous le controle du clergé.

Jules Ferry et les dirigeants de la IIIe République ne veulent pas seulement des citoyens instruits mais de bons républicains et de bons patriotes. Ils se proposent d’exclure pour cela les religieux de l’enseignement. Devenu ministre de l’instruction publique en 1879, Ferry accomplit une œuvre considérable. Il souhaite bâtir une France républicaine et laïque sur les fondements de l’école. Une loi de 1879 avait déja écarté du conseil supérieur et des conseils académiques des évêques et les pasteurs qui avaient été introduits par la loi Falloux. La collation des grades de l'université est désormais réservé aux facultés d'état. Dès mars 1879, le jeune ministre dépose un projet de loi pour retirer aux membres des congrégations non autorisées le droit d’enseigner, mais le Sénat repousse le texte le 2 août. Cela s'oppose à l'objectif de la loi Falloux. Cependant, Jules Ferry et les opportunistes - à commencer par Paul Bert, chef du groupe des "républicains" et principal inspirateur de la législation à venir - tiennent bon sur l'interdiction de l'enseignement aux congrégations non autorisées et sur ce point ils ont en tête l'idée d'écarter La Compagnie de Jésus sur laquelle se cristallise le sentiment anticlerical de l'opinion républicaine. C'est chose faite avec les deux décrets du 29 et 30 mars 1880. Jules Ferry ne se laisse pas démonter et réplique le 29 mars 1880 en prenant deux décrets par lesquels il ordonne aux Jésuites sous trois mois de quitter l’enseignement. Il donne ensuite aux enseignants des congrégations catholiques non autorisées le même délai pour se mettre en règle avec la loi ou alors quitter eux aussi l’enseignement. 5000 congrégationalistes sont presque aussitôt expulsés sans ménagement et certaines municipalités anticléricales font du zèle en expulsant aussi les religieuses qui se dévouent dans les hôpitaux.

Sous le coup, le président du Conseil, Charles de Freycinet est obligé de démissionner le 19 septembre 1880. Jules Ferry le remplace à la tête du gouvernement, et en profite pour compléter l’application de ses décrets, établit la gratuité de l’enseignement primaire par la loi du 16 juin 1881 et le rend laïque et obligatoire de 6 à 13 ans pour les deux sexes, garçons et filles par la loi du 29 mars 1882. Les locaux sont aussi laicisés. Cela permet que les deux tiers des français savent lire et écrire. L'école primaire scolarise déja une grande partie des enfants dans des écoles où la gratuité concerne déja 60% des élèves. La loi de 1882 sur l'obligation scolaire ne fait qu'ajouter 600 000 élèves au 3 823 000 déja inscrits. En revanche, les dépenses de locaux et de matériels font un pas en avant décisif. En 10 ans, le budget de l'éducation triple et dès 1883 on mets en construction 20 000 écoles. Le 30 octobre 1886 laicisation du personnels enseignants. Le pretre n'a plus de prise sur l'instruction et n'accede plus à l'école laique, le catéchisme ne plus etre enseigné, le crucifix disparait de l'école et les très nombreux enseignants congréganistes qui enseignent dans le public doivent y etre remplacés dans les 5 ans. C'est pour celà qu'un grand effort de formation des instituteurs est organisé dans des Ecoles Normales Primaires dont les enseignants sont eux-même formés dans les Ecoles Nationales Supérieures à Saint Cloud et Fontenoy. Cependant, pour l'enseignement des filles la pénurie d'enseignants contraint à maintenir jusqu'en 1900 des enseignements congréganistes. En développant des écoles privées, l'église entreprend rapidement du reste de reconquérir des positions et le nombre des élèves qu'elle scolarise passe de 623 000 en 1878 à 1 250 000 en 1901, le tiers des élèves du secondaire. Ceci n’est que la première étape du processus de laïcisation qui aboutit à la loi de la séparation de l’Église et de l’État.

[modifier] Une séparation douloureuse

[modifier] Waldeck-Rousseau : le modéré

Après Ferry, il se passe près de vingt ans sans véritable avancée dans les domaines de la laïcisation. Le « bloc des gauches », une coalition regroupant radicaux et gauche républicaine, arrive alors au pouvoir et reprend l’œuvre entamée par Ferry. La politique du Bloc des gauches se différencie néanmoins de ses prédécesseurs par la virulence de son anticléricalisme. Toutefois, on se doit de distinguer l’action plus modérée de Waldeck-Rousseau de l’action militante de Emile Combes.

Les républicains, et plus particulièrement les républicains radicaux, s’inquiètent en ce début de XXe siècle, où la IIIe République apparaît encore fragile, du contrôle que garde l’Église catholique sur l’éducation des jeunes par le biais des congrégations. Le but de Waldeck-Rousseau n’est pas de supprimer toutes les congrégations, mais plutôt d’interdire les plus gênantes et de surveiller les autres. C’est dans cet esprit que la loi du 1er juillet 1901 sur les associations est votée. Cette loi de Waldeck-Rousseau est motivée par le souçi de restaurer la présence de l'état après plusieurs décennies de complaisance à l'écart des institutions ecclésiastiques. Elle prévoit d’une part un régime de liberté pour la création des associations mais aussi et surtout elle prévoit d’autre part que chaque congrégation devra être autorisée par une loi et qu’elles pourront être dissoutes par un simple décret selon l'article 14 de la loi. La plupart des congrégations (environ 4 sur 5) se conforment à la procédure. Celles qui s’y refusent sont dissoutes en octobre 1901, mais la loi reste appliquée dans un premier temps de manière relativement libérale, d’ailleurs Waldeck-Rousseau informe le Vatican que les demandes d’autorisation seront examinées avec mesure. En janvier 1902, le Conseil d'État établit que l’autorisation préalable nécessaire aux congrégations s’impose désormais à toute école où enseigne ne serait-ce qu’un seul congrégationaliste. C’est la voie ouverte à tous les excès, et quand Émile Combes arrive au pouvoir, en 1902 succédant à Waldeck-Rousseau à l'age de 67 ans, il s’engouffre dans cette brèche.

[modifier] L’anticléricalisme de Combes

Son premier passage au gouvernement en 1895 comme ministre de l'instruction publique et des cultes lui permet de mettre en pratique ces convictions laiques. Emile Combes fut porté au gouvernement par une poussée radicale au terme d'élections qui se sont faites sur le thème pour ou contre le fait d'appliquée la loi de 1901 avec une vigueur accrue. En effet, l’arrivée au pouvoir d’Emile Combes après les élections de 1902 va modifier les données du problème. Car il ne cache pas dès son investiture sa volonté de mener une politique « énergique de laïcité ». Cette déclaration va être suivie immédiatement d’un durcissement des dispositions prises précédemment par Waldeck-Rousseau : celà se remarque par le fait que l'on refuse en bloc les demandes d'autorisations pour assurer définitivement la victoire de la société laique sur l'obéissance monocale. Ainsi en juillet 1902, les établissements scolaires non autorisés (environ 3000) des congrégations autorisées sont fermés : cette mesure donne lieu à de nombreux incidents et 74 évêques signent une « protestation ». Le gouvernement réplique en suspendant le traitement (salaire) de deux évêques.

  • Une nouvelle étape est franchie en mars 1903 : toutes les demandes d’autorisation des congrégations masculines sont rejetées. En juillet 1903, les congrégations féminines subissent le même sort, ce qui provoque des désaccords au sein même de la majorité républicaine, Waldeck-Rousseau reprochant même à Combes d’avoir transformé une loi de contrôle en loi d’exclusion.
  • Sourd aux critiques, Emile Combes, le 7 juillet 1904 interdit l'enseignement aux congrégations, ainsi leur enlève aussi la possibilité de precher, de commercer, étant entendu que les congrégations enseignantes doivent disparaitre dans un délai de dix ans.

[modifier] La rupture des relations diplomatiques avec le Vatican

Emile Combes lui-même hésite à s'engager fermement pour la séparation de l'Église et de l'État : en effet, les relations entre l'Église et l'État en 1904 sont toujours régies par le Concordat signé entre Napoléon Bonaparte et le pape un siècle plus tôt, et ce concordat permet au gouvernement de contrôler le clergé Français en nommant les évêques. Combes craint de perdre ce contrôle sur l'Église en s'engageant pour la séparation, mais la suite des évènements ne va guère lui laisser d'autre solution :

  • d'une part, en juin 1903, une majorité de députés décide qu'il y a lieu de débattre d'une éventuelle séparation et constitue une commission dont Aristide Briand est élu rapporteur.
  • d'autre part, le Pape Léon XIII meurt en juillet 1903, et son successeur, Pie X, n'a pas sa souplesse : les incidents entre la France et le Vatican se multiplient.

L'interdiction de l'enseignement aux congrégations provoquent un conflit avec le Pape qui entraine la rupture des liens diplomatiques entre le gouvernement français et la papauté. Et l'on sent bien désormais qu'il n'y a plus qu'un pas à franchir vers la séparation. De plus, le projet murit rapidement, parce que le Pape, directement touché par les mesures sur les congrégations qui dépendent de Rome s'attaque nommément à Emile Combes.

La visite du président de la République Émile Loubet au roi d'Italie Victor-Emmanuel III que le Vatican refuse de reconnaître est la goutte d’eau qui fait déborder un vase déjà bien plein : le Vatican envoie des lettres de protestation anti-françaises aux chancelleries européennes. Lorsque le gouvernement français en a écho, en mai 1904, il rompt immédiatement les relations diplomatiques avec le Saint-Siège.

La fin des relations entre l'État Français et la papauté rend le régime concordataire caduc : la séparation est donc urgente, et Combes s'y rallie : il propose un projet sans tenir compte des travaux de la commission Briand, mais il est déstabilisé et contraint à démissionner par le scandale de « l'affaire des fiches ». C'est le successeur de Combes, Maurice Rouvier, qui va mener la séparation jusqu'à son terme.

[modifier] L’action décisive du rapporteur Aristide Briand

Le nouveau projet de loi déposé dès la formation du gouvernement s’inspire beaucoup plus du travail de la commission dirigée par Aristide Briand. La commission est parvenue au terme de son œuvre et le 4 mars 1905, Briand dépose son rapport : d’emblée il déclare que les conclusions de la commission sont que la solution des difficultés intérieures que connaît la France réside dans « une séparation loyale et complète des Églises et de l’État ». La tâche d’Aristide Briand s’annonce complexe : il va devoir convaincre une partie de la droite religieuse que cette loi n’est pas une loi de persécution anti-chrétienne, sans toutefois se montrer trop conciliant aux yeux d’une gauche radicale ou d’une extrême gauche qui voudrait éradiquer le « bloc romain ».

Les intérêts et les enjeux sont compliqués : ils provoquent des débats houleux et passionnés : les groupes de gauche comme de droite sont divisés, et il faudra tout le talent d’orateur d’Aristide Briand pour réunir tout le monde autour d’un texte, au prix de quelques compromis. La chance d’Aristide Briand est que chacun dans l’hémicycle semble avoir compris que la Séparation était devenue inéluctable, et sa première victoire est due au fait qu’une partie de la droite catholique accepte de faire avancer le débat, non pas en tant que partisans de la Séparation, mais pour obtenir des concessions qui rendront la Séparation moins douloureuse pour les catholiques.

Aristide Briand a en effet bien conscience que si faire voter la loi est une chose, la faire appliquer en sera une autre, et qu’une loi de Séparation, votée par la gauche et refusée par les catholiques serait inapplicable sur le terrain. C’est pourquoi il tient à montrer qu’on ne doit pas faire une loi « braquée sur l’Eglise comme un revolver », mais prenant en compte les remarques acceptables des catholiques. On peut considérer que la plus grosse pierre apportée à l’édifice de la séparation réside dans l’acceptation de l’article 4 de la loi, tant celui-ci aura été l’objet de craintes de part et d’autre de l’Assemblée : c’est l’article qui doit dire à qui, dans le nouveau régime des cultes qu’est la Séparation, reviendront les biens mobiliers et immobiliers de l’Église.

Les catholiques craignent que l’État ne veuille disloquer l’Église et provoquer des schismes, alors que les républicains redoutent que l’on donne un trop grand pouvoir à des associations cultuelles qui pourraient être basées à l’étranger. À force de compromis et notamment en déclarant que le pays républicain saura faire preuve de bon sens et d’équité. Aristide Briand accepte de revoir quelques formulations de l'article 4 proposé par Emile Combes et cette loi est adoptée à une très grande majorité. Enfin, et malgré des divergences assez fortes (l'esprit de compromis dont Briand a fait preuve n’ayant pas suffi à taire les craintes et les protestations des catholiques, et ayant même divisé une partie de la gauche radicale), la loi sera promulguée le 9 décembre 1905 (Publiée au Journal officiel le 11 décembre 1905) après avoir été votée à l’Assemblée (341 Pour, 233 Contre) et au Sénat (181 Pour, 102 Contre). Par conséquent, le projet déposé par Emile Combes en novembre 1904 sur la séparation de l'église et de l'état est donc défendu par Aristide Briand et ainsi son projet est rentré dans la loi. La loi met fin à la notion de "culte reconnu" et fait de l'église une association de droit privé. De plus avec l'article 4 on organise la dévolution des bien des établissements religieux à des associations culturelles.

[modifier] La loi de séparation et ses conséquences

[modifier] Le contenu de la loi

Les talents pragmatiques et de négociateurs d'Aristide Briand ont finalement permis une application de mesurer et un accord de fait entre les républiques laiques et l'église catholique.La nouvelle loi met fin au Concordat napoléonien de 1801 qui régissait les rapports entre le gouvernement français et l'Église catholique. Inventant la laïcité à la française, elle proclame la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes.

Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes [...] ». Le premier article crée un large consensus. Le texte ne laisse que peu de marge pour son application, par les mots « assure » et « garantit ».
Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte [...] »

Par cette loi, l'État manifeste sa volonté de neutralité religieuse mais ne s'exonère pas de ses responsabilités.

Il veut « garantir » à chacun les moyens d'exercer librement sa religion dans le respect de celles d'autrui. C'est dans cet esprit que sont instituées des aumôneries dans les milieux fermés (casernes, lycées, prisons, hôpitaux)... et, plus tard, des émissions religieuses sur les chaînes publiques de télévision. L'État n'entend en aucune façon limiter la liberté de conscience ni cantonner la religion à la sphère privée. Sur le plan domanial et financier, la loi a trois conséquences majeures :

  • Les ministres des cultes (évêques, prêtres, pasteurs, rabbins...) ne sont plus rémunérés par l'État (alors qu’avant 1905 ce budget était de 40 millions de francs) et celui-ci se désintéresse totalement de leur nomination (auparavant, l’État nommait les évêques),
  • Les établissements publics du culte sont dissous et remplacés par des associations cultuelles ; ces dernières pourront recevoir le produit des quêtes et des collectes pour les frais du culte, mais elles ne devront en aucun cas percevoir de subventions de l’État, des départements ou des communes.
  • Les biens religieux propriété de l'État ou des communes depuis 1789 le restent mais l'État se réserve le droit de les confier gratuitement aux représentants des Églises en vue de l'exercice du culte. La loi de séparation prévoit ainsi un inventaire estimatif des biens mobiliers et immobiliers des fabriques et des consistoires avant de les confier aux associations cultuelles.

[modifier] Une loi de compromis

Si le vote de la loi contribue à apaiser les esprits, l’épisode des inventaires qu’elle inclut se révèle être le dernier épisode douloureux qui place une fois de plus la France au bord de la guerre civile. En effet, la loi de la séparation de l'église et de l'état entraine une résistance acharnée de Rome, qui interdit aux catholiques de l'accepter et condamne une loi qui a mis fin de façon unilatérale au concordat. En réalité, du fait de la prise en charge de l'entretien des bâtiments par l'État, le bilan financier est finalement positif pour l'Église catholique (paradoxalement, les protestants qui ont accepté la loi sont moins favorisés), mais ceci n'est visible que bien plus tard. D'une part, les ministres du culte et en particulier les évêques gagnent en indépendance, n'étant plus tenus de rendre des comptes à l'administration. D'autre part, les Églises (mais pas les protestants) n'ont plus à leur charge l'entretien très coûteux des édifices religieux (cathédrales, églises...) préexistant à la loi de 1905. Quant à ceux qu'elles seront amenées à construire après la loi de 1905, ils seront leur propriété pleine et entière.

Les bibliothèques des paroisses, évêchés et séminaires reviennent également à l'État. Confiées à différentes bibliothèques publiques, elles contribuent à enrichir leurs fonds en ouvrages parfois rares ou précieux, portant surtout sur les questions religieuses mais pas seulement.

Parmi les autres mesures d'apaisement figurant dans la loi, l'État assure le salaire des prêtres, recrutés comme fonctionnaires avant 1905, pendant quatre ans. Il les indemnise ainsi de leur perte de statut et facilite la transition.

[modifier] La tourmente des inventaires

Lors des débats parlementaires sur la loi de Séparation des Églises et de l’État, l’idée d’un inventaire des biens des anciens établissements du culte s’est naturellement imposée. Ainsi tous les édifices construits avant cette date deviennent propriété de l'état pour les cathédrales ou des communes pour les paroisses. C'est pour cela que le 29 décembre 1905, il y aura un décret d'administration publique concernant les inventaires. Elle applique le passage de l'église paroissiale sous la tutelle de la mairie et donc l'inventaire dans son contenu dévolu aux associations culturelles. Ce fut l'objet de l'article 3 de la loi. Ces dispositions sont logiques, et leur exécution telle qu'elle est prévue est raisonnable. Seule la question d'éventuelles dettes antérieures anima un peu le débat parlementaire. Le 2 février 1906, une circulaire destinée aux fonctionnaires des Domaines contient une phrase provocatrice qui va mettre le feu aux poudres : « les agents chargés de l’inventaire demanderont l'ouverture des Tabernacles ». Inutile et d'une pertinence douteuse, cette disposition déclenchera des protestations. Les milieux politiques conservateurs ne tarderont pas à s'emparer de l'affaire et à susciter l'émotion populaire dans certaines régions. Un communiqué gouvernemental va être émis pour rassurer les catholiques : « Aucun inventaire n'aura lieu avant la discussion de l'interpellation fixée le 19 janvier ».

Tout semble dès lors devoir se passer sans incident, mais d'importantes séries de manifestations vont avoir lieu devant de nombreuses églises. La plupart des catholiques pensent que l'opération des inventaires est une profanation et les communautés rurales pensent que c'est une spoliation des biens. Selon eux, il s'agit d'une atteinte à la propriété individuelle. En effet, si les catholiques ont dans l'ensemble accepté la loi de séparation, ils refusent qu'on pille leur église. L'importance des troubles lors des inventaires varie en fonction des régions. En effet, certaines populations par leur passé et leur attachement confessionnel apparaissent plus déterminées à défendre leurs convictions religieuses dont les symboles leur semblent remis en cause surtout dans les régions chrétiennes comme la Bretagne, le Massif Central, la Flandre. Le gouvernement doit affronter une opposition virulente notamment dans les régions de la Bretagne comme Nantes et Quimper, des échauffourées se produisent entre les manifestants et les forces de l'ordre. Ils se barricadèrent dans les églises pour empêcher les agents du fisc de procéder à l'inventaire. En effet, si les catholiques ont dans l'ensemble accepté la loi de séparation, ils refusent qu'on pille leurs églises. Dans ces endroits virulents ou ailleurs, gendarmerie et armée ont du intervenir ou alors les agents fiscaux. L'action de la gendarmerie, se limite à la constatation des délits et de l'établissement des contraventions au cours des opérations des inventaires. Ils ne doivent pas répondre par la force. Ce genre de dispositions restreint le champ d'action immédiat de la gendarmerie mais permet aussi de contrôler l'appareil représentatif limitant ainsi les excès de la violence. Si pendant les manifestations, les gendarmes sont pris à partis et mis à mal, ils doivent se défendre et faire en sorte que "la force reste à la loi". Par ailleurs les textes sont la pour le rappeler : "si l'exécution de la loi impose de recourir à la force publique, vous en ferez usage en conformant votre conduite aux instructions sur l'emploi de la force armée dans les grèves". Le commandement militaire bien que n'ayant pas réellement la maitrise réelle des opérations, joue pleinement son rôle d'encadrement, prévenant à plusieurs reprises les débordements. Malgré cela, la violence est virulente afin de prévenir toute action du maintient de l'ordre, le ministre de la guerre adresse un courrier au ministre de l'intérieur, dans lequel il lui demande qu'on lui communique les débordements où les inventaires ont pris fin, pour lui permette d'effectuer les prélèvements sur les effectifs des gendarmes d'une région à l'autre afin de diriger sur d'autres. Les autorités, notamment préfectorales, craignant des troubles plus importants, privilégie des actions de la gendarmerie afin de ne pas à avoir utiliser l'armée de ligne.

Les premiers incidents sanglants éclatent dans la Haute-Loire, dans le Velay, sur les confins des Cévennes. Le 27 février a lieu l’inventaire de la Chapelle de pèlerinage de Champels (commune de Monistrol-d'Allier). Quelques 150 manifestants, armés de bâtons, de fourches, et pour certains de barres de fer, se ruent sur le receveur de l’enregistrement : la « fusillade » de Champels ne fait que des blessés légers, mais elle propage l’agitation dans toute la région, une agitation dans laquelle plusieurs gendarmes sont tués. À la suite de cette affaire, le ministre de l'Intérieur Georges Clemenceau décide de renoncer aux opérations d'inventaire dans les cas où elles rencontrent une résistance violente. Georges Clemenceau dit "quelques chandeliers ne valent pas une révolution". La situation du gouvernement semble déjà bien délicate quand parvient la nouvelle de l'incident de Boeschepe : le 6 mars, à proximité de la frontière belge, un inventaire tourne au drame et entraîne la mort d'un homme. Le préfet du département du Nord, confronté à une véritable surexcitation dans sa région, ne fut que trop heureux de suspendre les inventaires à la demande du ministre de l'Intérieur. Par la suite, un débat parlementaire est organisé entre Briand et les autres partis, dans lequel ils décident de laisser la loi comme elle est, et donc de ne pas céder, ce qui entraîne la chute du ministère.

Le nouveau ministère mis en place est nettement plus axé à gauche que le précédent, et il veut absolument résoudre au plus tôt l'affaire des Inventaires. Le 16 mars 1906, une circulaire confidentielle adressée aux préfets les invite à suspendre les opérations d'inventaire dans le cas où elles doivent se faire par la force. Clemenceau précisera que « ça ne veut pas dire que nous ayons renoncé à l'application de la loi, seulement nous l'abordons à notre manière ». L'agitation née des inventaires, localisée mais considérable, prend fin.

[modifier] Une France divisée avant l’apaisement

Manifestation devant Notre-Dame des Champs
Manifestation devant Notre-Dame des Champs

L’épisode des inventaires, qui comme on l’a vu ont souffert à la fois de mesquinerie de la part des républicains et de la colère du pape Pie X qui n’a rien fait pour arranger les choses, a été le dernier pic de tension entre catholiques et anti-cléricaux. Mais la division de la France a été profonde dans les campagnes mais aussi dans le paysage politique :

  • La gauche était divisée en deux tendances :
  • l’une, radicale, qui voulait éliminer totalement la religion,
  • l’autre, modérée et qui a finalement triomphé, qui était pour la liberté de conscience dans le cadre de la Séparation.
  • La droite s’était elle aussi divisée sur la question de la Séparation :
  • une partie l’a acceptée en tentant toutefois d’en atténuer les effets.
  • une autre s’est bornée à la rejeter en bloc.

On comprend alors que les cicatrices résultantes de ce douloureux divorce entre Église et État ont mis quelques années à se refermer : ce fut en quelque sorte la mission du gouvernement suivant, mené par Armand Fallières (président de la République), Georges Clemenceau (président du Conseil) et Aristide Briand (ministre de l'Instruction publique et des Cultes) La loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public du culte règle la question des édifices appartenant aux évêchés et aux « fabriques » (ainsi appelait-on les associations catholiques qui géraient les biens paroissiaux).

Finalement, en 1907, plus de 30 000 édifices sont mis gratuitement à la disposition des Églises et le 28 mars 1907 une nouvelle loi autorise les croyants à se réunir sans déclaration préalable. Les sonneries de cloches sont autorisées. D'une manière générale, la jurisprudence administrative légitime les manifestations publiques qui satisfont à des traditions locales et à des habitudes (enterrements religieux, etc).

C’est à l’occasion de la Première Guerre mondiale que la question religieuse est reléguée au second plan et que l’« union sacrée » rassemble une France unie sous la bannière tricolore. Au sortir de la Guerre, le gouvernement décide tout à la fois de transférer au Panthéon de Paris le cœur de Gambetta, illustre fondateur de la République, et d'honorer le souvenir de Jeanne d'Arc en proclamant fête nationale le deuxième dimanche de mai. Les relations diplomatiques sont ainsi rétablies avec le Vatican, dont le nouveau pape Benoît XV se montre autrement plus conciliant que Pie X, notamment en promettant de consulter Paris avant la nomination des évêques. De son coté, l'État français concède aux associations diocésaines placées sous l'autorité des évêques le statut d'« associations cultuelles » ; autrement dit, il reconnaît les évêques comme des interlocuteurs légitimes. L’anticléricalisme militant décline et finit par s’éteindre.

La guerre religieuse menace de se rallumer après le succès du Cartel des gauches, une coalition de socialistes et de radicaux, aux élections législatives du 11 mai 1924. Mais les évêques mobilisent les catholiques avec le concours du général de Castelnau, héros de la Grande Guerre, et le gouvernement renonce à remettre en cause les arrangements antérieurs. L'anticléricalisme militant finit par décliner cependant que les Églises retrouvent, avec leur liberté, une nouvelle vigueur.

[modifier] Bilan et perspectives

Le vote et l’application de la loi de séparation ont été les dernières étapes du mouvement de laïcisation et de sécularisation engagé en 1789. Le 9 décembre 1905 est une date capitale qui met fin au concordat napoléonien, mais aussi et surtout à l’antique union entre l’Église catholique de France et le pouvoir politique : cette loi de séparation invente la laïcité à la française.

L'Alsace et la Moselle n’étant pas françaises au moment de la promulgation de la loi, celles-ci ont encore aujourd’hui un statut spécial, sorte de dernier héritage du concordat, les évêques et les prêtres étant toujours assimilés à des fonctionnaires et l'entretien des bâtiments payés par l'État. 37 millions d'euros y auraient été consacrés en 2004.

A ce sujet, voir Concordat en Alsace-Moselle.

En 2000, l'article 30 interdisant l'enseignement religieux pendant les heures de classe dans les écoles publiques est abrogé (ordonnance 2000-549 du 15 juin 2000, article 7-24).

En 2003 la loi subit un changement en ce qui concerne le port de signes religieux ostensibles à l'école. Cette suggestion a provoqué de nombreuses critiques dans certain milieux politiques français, qui craignent un retour à une union de l'État et de la religion, réintégrant ainsi la religion dans le domaine public.

En 2004, à la veille de la célébration du centenaire de la loi fondant la laïcité républicaine, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Économie, mais sortant de son poste de ministre de l'Intérieur et des Cultes s'interroge dans un livre intitulé La République, les religions, l'espérance sur une possible modification de la loi, sans toutefois remettre en cause ses fondements.

Il propose de donner à l'État les moyens de pouvoir contrôler efficacement le financement des cultes, en particulier le culte musulman, financé actuellement en grande partie par des puissances islamistes proche et moyenne orientale. Ce contrôle permettrait, d’après lui, de libérer le culte musulman français de la tutelle extrémiste et ainsi de pouvoir limiter les dérives extrémistes et terroristes au sein des mosquées françaises. Ce contrôle impliquerait comme effet secondaire des facilités accordées par l'État en matière de formation des agents des cultes, en mettant par exemple à disposition des enseignants pour les matières non religieuses pour la formation des prêtres, pasteurs ou imams.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens connexes

[modifier] Lien externe

[modifier] Bibliographie

  • Jean Marie Mayeur, La Séparation de l'Église et de l'État, Paris, Colin, Collection « archives Julliard », 1998 . Réédité avec compléments aux Editions de l'Atelier, en janvier 2005.
  • Jean Baubérot, Laïcité 1905-2005, entre passion et raison, Le Seuil, Paris, 2004
  • André Damien, Yves Bruley, Dominique de Villepin et Jean-Michel Gaillard , 1905, la séparation de l'Église et de l'État : Les textes fondateurs, Librairie Académique Perrin, Paris, 2004.
  • M. Larkin, L'Eglise et l'État en France, 1905: la crise de la séparation, Privat, Toulouse, 2004
  • Jean Sévilla, "Quand les catholiques étaient hors la loi", Paris, Librairie Académique Perrin, 2005, ISBN : 2262021961
  • Jean-Paul Scot, "Comprendre la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l'État" Points Seuil 05/2005
  • Jean-Michel Ducomte "La loi de 1905 entre syncrétisme incrémentiel et phénoménologie praxéologique" Points
  • M., tacel,Restaurations,revolutions,nationalités (1815-1870),Masson,1990
  • F.,demier."La France du dixneuvieme siecle 1814-1914,Paris,Seuil,"point histoire",2000
Autres langues