Révisions constitutionnelles sous la Cinquième République

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En France, la Constitution du 4 octobre 1958 a fait l'objet de nombreuses révisions dès les premières années de son fonctionnement. Les modifications de la loi fondamentale sont devenues plus fréquentes encore depuis les années 1990, sous une double impulsion : apparition d'une volonté de moderniser les institutions d'une part, construction européenne et intégration à l'ordre juridique international de l'autre.

Sommaire

[modifier] Révisions votées

La Constitution de la Cinquième République française a été révisée dix-huit fois par vingt-trois textes différents depuis 1958[1].

  1. Le 4 juin 1960 (indépendance des états africains membres de la Communauté)
  2. Le 6 novembre 1962 (élection du Président de la République au suffrage universel)
  3. Le 30 décembre 1963 (modification de la date des sessions parlementaires)
  4. Le 29 octobre 1974 (extension du droit de saisine du Conseil constitutionnel)
  5. Le 18 juin 1976 (modification des règles de la campagne électorale des élections présidentielles)
  6. Le 25 juin 1992[2] (dispositions permettant de ratifier le traité de Maastricht (Union économique et monétaire, vote des ressortissants européens aux élections municipales, politique commune des visas), langue française, lois organiques relatives aux TOM, résolutions parlementaires sur les actes communautaires.)
  7. Le 27 juillet 1993[2] (création de la Cour de Justice de la République)
  8. Le 25 novembre 1993[2] (accords internationaux en matière de droit d'asile)
  9. Le 4 août 1995[2] (élargissement des possibilités de recours au référendum, session parlementaire unique, aménagement des immunités parlementaires)
  10. Le 22 février 1996[2] (lois de financement de la sécurité sociale)
  11. Le 20 juillet 1998[2] (Nouvelle-Calédonie)
  12. Le 25 janvier 1999 (dispositions permettant de ratifier le traité d'Amsterdam)
  13. Le 8 juillet 1999[2] (dispositions permettant de reconnaître la Cour Pénale Internationale)
  14. Le 8 juillet 1999 (dispositions relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes)
  15. Le 2 octobre 2000 (quinquennat)
  16. Le 25 mars 2003 (mandat d'arrêt européen)
  17. Le 28 mars 2003[2] (organisation décentralisée de la République: référendum local, expérimentation par les collectivités locales et finances locales)
  18. Le 1er mars 2005 (traité établissant une Constitution pour l'Europe)
  19. Le 1er mars 2005 (charte de l'environnement)
  20. Le 23 février 2007 (collège électoral de Nouvelle-Calédonie)
  21. Le 23 février 2007 (statut pénal du chef de l'État)
  22. Le 23 février 2007[2] (constitutionnalisation de l'abolition de la peine de mort)
  23. Le 4 février 2008 (modification du titre XV en vue de la ratification du traité de Lisbonne)

[modifier] Remarques

La loi constitutionnelle du 4 juin 1960 a été adoptée par un vote parlementaire selon l'ancien article 85 de la Constitution, qui faisait intervenir le Sénat de la Communauté.

La loi constitutionnelle du 6 novembre 1962 a été adoptée, hors de toute procédure parlementaire, par la voie du référendum direct prévu par l'article 11 de la Constitution. L'utilisation de cette procédure pour réviser la Constitution a été vivement critiquée, étant donné que dans le texte l'article ne prévoit pas qu'il puisse être utilisé pour réviser les institutions.

Toutes les autres révisions ont été adoptées selon la procédure prévue par l'article 89 de la Constitution. Une seule d'entre elle, celle relative au quinquennat, a été soumise à référendum et approuvée le 24 septembre 2000 (loi constitutionnelle du 2 octobre 2000). Les autres modifications ont été adoptées par la voie du Congrès.

[modifier] Révisions importantes

[modifier] 1962 : l'élection du Président de la République au suffrage universel direct

Voulant passer outre l'opposition probable du Sénat, De Gaulle fait réviser la constitution en utilisant l'article 11 qui permet au président de soumettre à référendum «tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics». La légalité du recours à cet article est très douteuse, car la Constitution prévoit les mécanismes de sa propre révision dans l'article 89 (un référendum est possible, mais après accord du Parlement). Elle suscite de vifs débats politiques et une controverse juridique, ainsi que la constitution d'un "cartel des non" inédit.[3]

Néanmoins le prestige de De Gaulle, le fait que le « oui » l'emporta avec plus de 62% des voix, et le fait que le conseil constitutionnel refuse de contrôler la constitutionnalité des lois adoptées par référendum (car elles sont adoptées directement par le peuple), ont permis la mise en œuvre de cette réforme.

Dans la pratique, cette réforme n'a pas seulement changé le mode d'élection du Président, elle a aussi considérablement augmenté ses pouvoirs en lui donnant une légitimité populaire que n'a pas le Premier ministre. Par exemple, le Président a pu, sauf en période de cohabitation, demander à son Premier ministre de présenter sa démission, ce qui n'est pas prévu dans les textes. On peut ainsi parler de seconde naissance de la Ve République.

[modifier] 1974 : la réforme du Conseil Constitutionnel

[modifier] Contexte

Le Conseil constitutionnel avait été pensé par Michel Debré et Charles de Gaulle comme une arme pointée contre le Parlement, dans le cadre d'un parlementarisme rationalisé. Ainsi, le rôle du Conseil était d'abord de faire respecter l'article 34 de la Constitution, en limitant les empiètements du Parlement et en faisant exister a contrario un exécutif fort et autonome. Cependant, la décision constitutionnelle n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 "Liberté d'association" a donné une nouvelle place au Conseil constitutionnel.

[modifier] Révision

Dès lors, le Conseil Constitutionnel a besoin d'une réforme. Valéry Giscard d'Estaing, nouvellement élu Président de la République, souhaite élargir la saisine du Conseil Constitutionnel aux parlementaires (60 députés et 60 sénateurs), permettant dès lors à une opposition suffisamment importante de saisir le Conseil constitutionnel et de ainsi de veiller au respect de la Constitution. Cependant, il souhaite aussi que le Conseil Constitutionnel puisse s'autosaisir lorsqu'une loi porte selon lui atteinte aux libertés publiques garanties par le Préambule ou le corps même de la Constitution [4], afin que chaque loi puisse effectivement être conforme à la Constitution. En effet, en l'absence d'une saisine parlementaire, par absence de volonté politique, une loi contraire à la Constitution peut entrer en vigueur. Cette disposition n'a cependant pas été acceptée par le Sénat.

[modifier] Conséquences

La révision constitutionnelle de 1974, si elle a été qualifiée de « réformette » lors de son vote par le Congrès, a profondément bouleversé l'action politique française, en garantissant mieux la supériorité de la Constitution sur les lois. Il y eut 54 décisions constitutionnelles entre 1950 et 1975, alors qu'il y en a eu plus de 200 dans les 15 années suivantes, entre 1975 et 1990. Cependant, le problème de la saisine reste entier : il est toujours aujourd'hui possible de voir une loi contraire à la Constitution entrer en vigueur, avec les dérives que cela peut emporter. Une saisine indépendante du pouvoir législatif et exécutif paraît aujourd'hui indispensable, comme c'est déjà le cas en Allemagne ou en Espagne.

[modifier] 1992 : le traité de Maastricht

Cette révision avait pour but de rendre la Constitution compatible avec le traité sur l'Union européenne.

[modifier] 2000 : le quinquennat

C'est la première révision constitutionnelle soumise au référendum en application de l'article 89 de la Constitution. Après 73% de « oui » le 24 septembre 2000, elle fut promulguée le 2 octobre. Elle a limité à cinq ans la durée du mandat présidentiel, mais ne s'est pas appliqué au président en exercice, Jacques Chirac, qui avait été élu en 1995 pour sept ans. La principale motivation de cette révision était d'éviter la cohabitation, en faisant concorder la durée des mandats du Président avec celui des députés. En effet, lorsque la majorité parlementaire n'était pas favorable au Président, celui-ci était contraint de nommer un Premier ministre hostile, car un ministre de son parti aurait toutes les chances de se faire renverser par l'Assemblée nationale.

[modifier] 2005 : la charte de l'environnement

La Constitution inclut dans son préambule, depuis le 1er mars 2005, une charte de l'environnement en 10 articles, à la demande du Président de la République Jacques Chirac.

[modifier] 2008 : Ratification du traité de Lisbonne

En vue de la ratification ultérieure du Traité de Lisbonne, une révision du titre XV de la Constitution a été votée par le Congrès le 4 février 2008, par 560 voix contre 181. La loi constitutionnelle a été promulguée le jour même[5].

Les modifications apportées à la Constitution entérinent les transferts de souveraineté énumérés dans le traité de Lisbonne (par un renvoi direct à ce texte). Une trentaine de domaines régis jusqu'alors par la règle de l'unanimité comme la politique agricole commune ou la justice pénale, relèveront désormais d'un vote à la majorité qualifiée.

Sur le plan du fonctionnement institutionnel, les modifications traduisent en termes constitutionnels les prérogatives accordées aux parlements nationaux.

À compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le titre XV de la Constitution sera modifié selon l'article 2 de la loi constitutionnelle.

L’article 3 de la loi constitutionnelle procède à l’abrogation des dispositions de l’article 3 de la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 qui avait modifié le titre XV de la Constitution « à compter de l’entrée en vigueur de ce traité » : ces dispositions constitutionnelles ne sont pas entrées en vigueur et sont désormais dépourvues d’objet.

[modifier] Révisions interrompues

  • Le référendum du 21 avril 1969 sur la création des régions et la rénovation du Sénat [6] a été rejeté par 54% de non (le Président Charles de Gaulle, prenant acte de ce refus des Français, démissionna immédiatement).
  • Le projet de Georges Pompidou, le 10 septembre 1973 réduisait le mandat du Président de la République de sept à cinq ans. Ce texte, adopté en termes identiques par l'Assemblée nationale et par le Sénat, n'a pas été soumis au Congrès pour approbation définitive.
  • Le projet[7] de Valéry Giscard d'Estaing en 1974 modifiait l'article 25 de la Constitution pour assouplir le régime de l'incompatibilité entre le mandat parlementaire et les fonctions gouvernementales. Le projet a été adopté par les deux assemblées mais le Président de la République n'a pas donné suite.
  • Le projet[8] de François Mitterrand de 1984 permettait d'élargir le champ du référendum de l'article 11 pour l'étendre aux garanties fondamentales des libertés publiques. Le texte, ayant été voté par l'Assemblée nationale mais rejeté par le Sénat, le Président de la République n'a pas poursuivi la procédure.
  • Le projet de François Mitterrand permettait la saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens dans le cadre de l'institution d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception.
Une première fois, en 1990, le projet[9] a été approuvé par l'Assemblée nationale, modifié par le Sénat et finalement retiré par le Gouvernement.
Un nouveau projet[10], déposé en 1993, a été abandonné après délibération par le Sénat.
Le décret du 3 novembre 1999[11] tendant à soumettre ces deux projets au Parlement réuni en Congrès le 24 janvier 2000 a été abrogé par le décret du 19 janvier 2000.

[modifier] Groupes de réflexion sur la modification de la Constitution

Plusieurs commissions ont été montées officiellement afin de formuler des propositions de refonte des institutions :

[modifier] Articles connexes

[modifier] Lien externe

[modifier] Notes et références

  1. En effet, à quatre reprises la constitution a été modifiée par plusieurs textes : le 28 juin 1999, le 17 mars 2003 et le 28 février 2005 par deux lois constitutionnelles, et trois le 19 février 2007.
  2. abcdefghi Cette révision constitutionnelle a été scellée : voir la liste des textes scellés par le Grand sceau de France depuis 1946.
  3. Voir "Changer de République, 1962-2004", Parlement(s), Revue d'histoire politique, hors-série 1, 2004, accès gratuit en ligne sur Cairn
  4. (fr) Projet de loi constitutionnelle portant révision de l'article 61 de la Constitution
  5. Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution. Pour plus d'informations, voir :
  6. extraits sur le site du Sénat
  7. projet sur le site du Sénat
  8. projet sur le site du Sénat
  9. projet sur le site du Sénat
  10. projet sur le site du Sénat
  11. décret sur le site Legifrance