Psychothérapie cognitivo-comportementale

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Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont l'application de la psychologie scientifique à la thérapie de certains troubles déterminées par cette approche particulière de la psychologie. Selon cette approche, la thérapeutique doit s'appuyer sur une méthodologie expérimentale et contraignante afin de comprendre et de traiter les troubles psychologiques (phobies, addictions, psychoses, dépressions, troubles anxieux...). Elles ne peuvent de ce fait être véritablement appelées "psycho- thérapies", étant donné que leur abord ne se fait pas par ce que l'on appelle "psyché" dans le contexte scientifique actuel.

Ces thérapies ont pour particularité de s'attaquer au(x) problème(s) du patient par des exercices pratiques (au contraire de la psychanalyse et des psychologies cliniques qui se centrent sur le concept de psyché et ce qui constitue la cause des troubles). D'après Jean Cottraux (1982), la thérapie comportementale apparaît comme un "relais" efficace vers les thérapies analytiques. Dans le même article, cet auteur se félicite par ailleurs de "l'épanouissement des différences" entre psychanalyse et le comportementalisme.

Sommaire

[modifier] Histoire

En 1879, Wundt fonde le premier laboratoire de psychologie expérimentale, qui tend à étudier scientifiquement le psychisme humain.

Mais les premières notions à l'origine des TCC viennent plus tard. Au début du XXe siècle, l'expérience de Ivan Pavlov révélera le conditionnement classique : si on présente un stimulus normalement neutre, par exemple de la lumière, juste avant de donner de la nourriture à un chien et que l'expérience est répétée plusieurs fois, le chien finira par saliver rien qu'à la vue du premier stimulus : il y a conditionnement. Mais si la lumière est présentée, plusieurs fois, sans nourriture, la salivation ne se produira plus car il y a "extinction", déconditionnement.

Quant à John Watson, en 1920, il induit une phobie chez un enfant à partir de cette théorie du conditionnement. Watson produira de nombreuses recherches - le béhaviorisme sera parfois appelé psychologie watsonienne.

Mais ce n'est qu'avec Mary Cover Jones, en 1924, que sera réalisée la première thérapie comportementale : elle expose peu à peu des enfants à l'objet de leur peur, tout en les récompensant de cette "exposition", ainsi qu'en leur montrant d'autres enfants qui eux n'ont pas peur.

Cette première thérapie comportementale demeure alors une expérience. Wolpe théorisera d'ailleurs en 1952 le principe de récompenser l'exposition à l'objet phobique ; Solomon en 1953 formalisera l'idée même d'exposition, prouvant avec des chiens que si l'exposition est suffisamment longue la phobie disparaît.

Toujours en 1953, Burrhus F. Skinner découvre ce qu'il nomme conditionnement opérant, qui montre comment les individus acquièrent leur comportement - en sélectionnant ceux qui seront positifs pour eux. Il tentera de l'appliquer à une meilleure compréhension de l'éducation. Ce concept se révélera marquer profondément les thérapies comportementales.
Skinner sera néanmoins critiqué par Noam Chomsky pour proposer une théorie n'expliquant pas l'acquisition d'un comportement complexe : le langage. Cette critique reste d'importance, moins par elle-même que par la volonté qu'elle inspirera aux psychologues.
Le développement de l'informatique, des sciences de la communication, de la linguistique aideront au développement d'une psychologie cognitive.

Albert Ellis, développera à partir de 1953 la thérapie rationnelle-émotive.

Dès 1959 apparaissent les prémisses d'une thérapie cognitive. Beck, en effet, qui est psychanalyste, s'intéresse à la dépression et considère un traitement visant les pensées automatiques et les monologues internes.

1961 : Albert Bandura révèle que, si l'on présente à des enfants de deux ans et demi des adultes maltraitant une poupée, et que ces adultes partent, les enfants imiteront ces comportements violents. L'imitation fonctionne si le comportement imité n'est pas vu "directement", mais est seulement filmé. [1].


En 1965, Ayllon et Azrin mettent au point une thérapie basée sur des jetons (récompenses) auprès de schizophrènes : à défaut de pouvoir guérir la psychose, cette méthode permet d'enseigner des tâches simples mais précieuses dans les cas difficiles : telles que s'habiller, ranger sa chambre.

Le premier modèle de traitement de l'information semble naître en 1968. Mobilisant le nouveau modèle que propose l'informatique, Atkinson et Shiffrin distingueront une mémoire sensorielle, à court terme et à long terme.

En 1970, Marks, qui distingua phobies simples et sociales, théorisa l'idée d'immersion : il s'agit de confronter, non plus progressivement à des situations de plus en plus effrayantes afin de faire disparaître l'anxiété, mais d'immerger directement le patient face à sa plus grande peur[2]

À partir du milieu des années 1970, se développe la médecine comportementale.

En 1976, Bandura formalise l'idée d'apprentissage par modèle (que Cover Jones utilisait déjà en 1924). Il s'agit d'une puissante innovation puisque que le paradigme d'ignorer le psychique, la « boîte noire », se voit détrôné, annonçant le développement de thérapies cognitives.

En 1995, de premières tentatives mobilisent la technologie de réalité virtuelle afin de pratiquer l'immersion.

De nouveaux modèles continuent d'apparaître : citons par exemple la thérapie d'acceptation et d'engagement (Hayes 1999), ou encore la thérapie de pleine conscience, cherchant à éliminer les rechutes dépressives.

[modifier] Principes thérapeutiques

La thérapie comportementale agit au moyen de mises en situation et d'expositions graduées aux situations provoquant une anxiété: par exemple, dans le cas d'une phobie des araignées, le patient devra d'abord imaginer une araignée, puis observer des images d'araignées, toucher un bocal où se trouve une araignée, et finalement toucher l'araignée. En même temps, il apprendra à contrôler les manifestations physiologiques de la peur.

Bien que fortes d'un succès incontestable notamment dans le traitement des troubles anxieux; des troubles du comportement alimentaire et les difficultés sexuelles, les thérapies comportementales se devaient de supporter plusieurs critiques au sein même du courant béhaviouriste, elles négligeaient une part importante de la dimension psychique humaine, à savoir l'importance du lien entre pensées et émotions et l'impact de ces dernières sur le comportement. Par ailleurs, pour les théoriciens behaviouristes à l'image de Watson, le cerveau restait considéré comme une boîte noire à laquelle il était inutile d'accéder, seules comptaient les stimulations, les réponses et les conséquences de ces dernières sur l'organisme et son environnement.

La thérapie cognitive agit sur les pensées du patient présentant une distorsion cognitive (par exemple, une peur excessive d'être contaminé par une maladie pourra être combattue par une information sur la maladie en question et l'appréciation des risques réels).

Les thérapies cognitives, à la suite notamment des travaux de Beck sont apparues comme un complément nécessaire à l'approche comportementaliste pure en mettant l'accent sur l'importance des schémas inconscients de pensée chez l'être humain et la manière dont les schémas dysfonctionnels peuvent générer et/ou entretenir divers troubles mentaux. La thérapie cognitive ne diffère pas dans sa méthodologie de la thérapie comportementale se pliant aux exigences de l'efficacité et de l'évaluation. La réussite des traitements des états dépressifs par les techniques cognitives a suscité l'espoir que d'autres pathologies pourraient bénéficier de ce type d'approche et à l'heure actuelle plusieurs chercheurs travaillent pour appliquer cette approche dans un registre pathologique plus large incluant les troubles de l'humeur, les états anxieux, les troubles de la personnalité et les psychoses.

En pratique, les psychothérapeutes, qui ne sont pas nécessairement des médecins, formés à ces techniques mélangent les approches comportementales et cognitives dans un même projet thérapeutique dans le but d'améliorer l'efficacité, ce qui fait qu'on parle généralement de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour désigner cette approche thérapeutique.

[modifier] Déroulement d'une thérapie

Les TCC sont des "thérapies actives" : le psychothérapeute ne se contente pas d'écouter le patient, mais échange avec lui, le renseigne, lui propose des techniques, etc..

Parmi ses techniques figurent l'exposition (en imagination, Thérapie par réalité virtuelle ou "in vivo"), la relaxation, le façonnement, modeling, la restructuration cognitive,...

  • Évaluation avant traitement
    L'analyse fonctionnelle : il s'agit d'étudier quel est le problème que l'on souhaite résoudre, de préciser ce problème, d'en comprendre le contexte et l'histoire. Il s'agit d'une analyse qualitative. Diverses grilles permettent de réaliser cette analyse, comme le BASIC ID d'Arnold Lazarus, ou la grille SECCA
    Une évaluation quantitative est également effectuée. Elle s'appuie sur plusieurs éléments : auto-enregistrement, échelles d'auto-évaluation, évaluations externes.
  • Mise en place d'un objectif
    Il s'agit avant tout d'un contrat thérapeutique, déterminant le but de la thérapie.
    L'objectif sera gradué : une fois ciblé le problème, il est question du chemin qui mènera à la résolution, pas à pas.
  • Application du programme
    L'application du programme consiste simplement à suivre le programme, étape par étape. On ne revient pas en arrière mais une étape peut, occasionnellement, demander un peu plus de temps.
  • Évaluation des résultats
    Le psychothérapeute cognitif et le patient évaluent le résultat de la thérapie. On a vu que celle-ci commençait par une évaluation, que d'autres peuvent avoir lieu en cours de traitement. Cette dernière évaluation renseignera sur le succès de la thérapie.
    Il n'est pas impossible de considérer une nouvelle thérapie suite à cette évaluation, si de nouveaux objectifs sont envisagés.

[modifier] Présentation des techniques

[modifier] TCC et psychanalyse

Les thérapies cognitivo-comportementales et psychanalytiques sont fondamentalement différentes.

A l'inverse de la psychanalyse, et de la psychopathologie analytique où le symptôme est porteur de sens pour le patient, puisque concue comme expression d'une singularité et d'une histoire subjective en lien avec l'hypothèse de l'inconscient, les tenants du courant comportementaliste s'appuient plutôt sur les lois de l'apprentissage et des différentes formes du conditionnement pour expliquer la formation des symptômes. Le traitement n'est donc pas fondé sur la problématique de l'origine du symptôme ou sur son rôle et sa participation dans l'économie psychique du sujet. Le traitement répond au contraire à l'actualité du symptôme et vise sa rémission.

Chaque thérapie commence donc par une analyse comportementale détaillée dans le but d'aboutir à une hypothèse scientifique sur la manière dont le symptôme s'est constitué et sur les conséquences qui en découlent. La thérapie proprement dite utilisera des techniques scientifiquement validées et reproductibles d'un patient à l'autre. Tout au long de la thérapie, le patient sera évalué à chaque étape et l'hypothèse initiale rediscutée. La réussite de la thérapie consiste idéalement en la disparition du symptôme et de ses conséquences sur la vie du patient.

Ces points n'empêchèrent pas certains psychanalystes de s'intéresser aux TCC, dont Dollard, Miller ou le plus consensuel Beck ; ni certains comportementalistes d'orienter certains patients vers le divan. Une triple prise en charge ("tri-focale"), alliant TCC, analyse, prescriptions psychiatriques, est pratique courante face au Trouble obsessionnel compulsif.

[modifier] Les protocoles de recherche et d'évaluations des TCC

C'est une approche scientifique conforme aux exigences de Popper.

[modifier] Indications

Les maladies mentales pour lesquelles l'efficacité des TCC est "attestée"[3] (liste non exhaustive)

[modifier] Critiques des thérapies cognitivo-comportementales

Elles sont mises en causes, notamment en France, par les tenants des théories psychanalytiques qui affirment qu'elles ne prendraient pas en compte "la dimension humaine du patient" et qu'elles ne viseraient que les symptômes, pris "au pied de la lettre", sans travail d'interprétation.

Pour ce qui est de la France, la critique des TCC se double souvent d'une remise en cause d'une possibilité d'évaluation des psychothérapies

Cependant une étude de 2005[4] démontre que le bénéfice des thérapies cognitivo-comportementales sur un petit échantillon de patients souffrant de troubles anxieux et psychotiques ne se maintient pas complètement dans le temps. Il faut noter que cette étude prend en compte des sujets avec une intensité de symptômes importante et ne fait pas état de trouble de la personnalité concomitant ou non, ce qui est nécessaire afin de déterminer exactement la nature du trouble étudié.

Enfin, il faut noter que le rapport français de l'Inserm de 2004 a étudié l'efficacité des psychothérapies au moyen de trois approches - TCC, systémie; psychodynamique - et démontre l'efficacité des TCC dans 15 troubles cliniques étudiés sur 16, ce qui la place première parmi les trois approches étudiées. cf. http://ist.inserm.fr/basisrapports/psycho.html

C'est en continuant les recherches et les études validées scientifiquement que les psychothérapies en général et les TCC en particulier pourront adapter au mieux leurs théories et méthodes dans le traitement des troubles psychiques de l'être humain.

[modifier] Références

[modifier] Notes

  1. On remarque également des différences entre les genres : les filles reproduisent moins la violence physique, mais garçons comme filles imitent plutôt les garçons
  2. Cette technique semble cependant très peu appliquée!
  3. Selon l'ANAES, l'INSERM pour ces pathologies les TCC sont prouvées par une ou plusieurs "méta-analyses" ou des "essais randomisés de forte puissance statistique et dont les résultats convergent" (voir évaluation des psychothérapies) ; Les thérapies comportementales et cognitives,p379 Jean Cottraux
  4. RC Durham, JA Chambers, KG Power, DM Sharp, RR Macdonald, KA Major, MGT Dow, AI Gumley, « Long-term outcome of cognitive behaviour therapy clinical trials in central Scotland », Health Technology Assessment 2005; Vol 9: number 42

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Albert Bandura, L'apprentissage social, Mardaga, Bruxelles, 1980
  • Paul Chadwick, Max Birchwood, Peter Trower, Thérapie cognitive des troubles psychotiques, Décarie éditeur
  • Olivier Chambon, Carlo Perris, Michel Marie-Cardine, Techniques de psychothérapie cognitive des psychoses chroniques, Masson
  • Jean Cottraux. "Le relais des psychothérapies analytiques par les thérapies comportementales et vice-versa. Problèmes théoriques et pratique", in Psychothérapies, Recherche, M+H Genève, 1982 vol II n0 2/3
  • Jean Cottraux, Les thérapies comportementales et cognitives, Masson
  • Jacques-Alain Miller (sous la direction de), "L'anti-Livre noir de la psychanalyse" - Seuil 2006
  • Joel David Swendsen, Catherine Blatier, Psychopathologie et modèles cognitivo-comportementaux, Presses universitaires de Grenoble
  • Albert Ellis, H Harper, L'approche émotivo-rationnelle, Editions de l'homme, Montréal, 1992
  • B. Samuel-Lajeunesse et al. , Manuel de thérapie comportementale et cognitive, DUNOD, Paris, 2004
  • Nicolas Sarrasin, Petit traité antidéprime: Quatre saisons dans le bonheur, Montréal, 2005, 364 p. Livre qui aborde les distorsions cognitives et qui présente des stratégies pour appliquer la thérapie cognitive.
  • Joseph Wolpe, Pratique de la thérapie comportementale, traduit par Jacques Rognant, Masson, Paris 1975
  • Mansour EL Feki, La sexothérapie, Deboek, Bruxelles 2007

[modifier] Liens externes