Orson Welles

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Orson Welles
Orson Welles en 1937 photographié par Carl Van Vechten
Orson Welles en 1937 photographié par Carl Van Vechten

Nom George Orson Welles
Naissance 6 mai 1915
États-Unis Kenosha, Wisconsin (États-Unis)
Nationalité États-Unis Américaine
Mort 10 octobre 1985
États-Unis Hollywood, Los Angeles, Californie (États-Unis)
Profession(s) Réalisateur
Films notables Citizen Kane
Le Procès
Conjoint(e) Virginia Nicholson (1934-1940)
Rita Hayworth (1943-1948)
Paola Mori (1955-1985)
Récompense(s) 1941, Oscar du meilleur scénario pour Citizen Kane
Fiche IMDb

Orson Welles est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste américain. Né le 6 mai 1915 à Kenosha dans le Wisconsin (États-Unis), il est mort le 10 octobre 1985 à Hollywood, Los Angeles en Californie d'une crise cardiaque. Conformément à sa dernière volonté, ses cendres ont été dispersées au-dessus de l'Espagne[1]. Il a été parfois crédité sous les noms de O.W. Jeeves ou G.O. Spelvin.

Orson Welles est une figure incontournable du cinéma comme réalisateur avec Citizen Kane, considéré comme l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma alors que c'était son premier film. Il a également laissé sa trace en tant qu'acteur, assura de nombreuses narrations dans près d'une centaine films. Malgré une filmographie de seulement quinze films, il a exercé une grande influence sur différents réalisateurs, en particulier sur Stanley Kubrick dont il se sentait artistiquement très proche[2]. Artiste précoce, il s'est pris de passion pour Shakespeare très jeune ainsi que pour Montaigne, et a également laissé sa marque à la radio avec ses adaptations d'œuvres littéraires, plus particulièrement celle de La Guerre des mondes de HG Wells, le 30 octobre 1938, où il réussit à faire croire à ses auditeurs que l'Amérique était envahie par des martiens.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Une enfance riche et chaotique

Son père, Richard Heard Welles, est ingénieur et sa mère, Béatrice Ives Welles, est pianiste[3]. Le fils les décrit ainsi : « Mon père était un bon vivant de l'époque édouardienne qui aimait se dire inventeur[4]. Il était généreux et tolérant, adoré de tous ses amis. Je lui dois une enfance privilégiée et l'amour des voyages[5]. Ma mère était une femme d'une beauté mémorable, elle s'occupait de politique, était une championne de tir au fusil, ainsi qu'une pianiste de concert très douée[6]. Je tiens d'elle l'amour de la musique et de l'éloquence sans lesquels aucun être humain n'est complet[7]».

Le jeune Orson grandit dans une ambiance de culture raffinée et d'une touche d'excentricité, ce qui a des répercussions immédiates. Les témoignages de sa précocité sont multiples et éloquents: il sait lire à deux ans, apprend à jouer du piano à trois ans et réalise sa première adaptation de Shakespeare à sept ans. De telle sorte que le journal local lui consacre un article titré : « Dessinateur, acteur, poète; il n'a que dix ans »[8]. Ses aptitudes dans le monde du spectacle ne s'arrêtent pas là. Il est également décorateur, metteur en scène et surtout acteur. À dix ans, il interprète Peter Rabbit au Marshall Field de Chicago[9].

Mais les malheurs du jeune Orson commencent lorsqu'il perd sa mère en 1925 puis son père cinq ans plus tard. Il se retrouve orphelin à quinze ans et est pris en charge par le docteur Bernstein[10], un ami de ses parents, qui va s'occuper de son éducation. En 1930, il gagne un prix récompensant sa mise en scène de Jules César de Shakespeare. Il part pour l'Irlande, étancher sa soif de peinture. Il parcourt le pays avec une voiture à âne[11], et se rend à Dublin, âgé de seize ans. Il se présente comme une vedette du théâtre de New York devant le directeur du Gate Theatre. Ce dernier est berné car Welles s'est habilement grimé, et sa voix chaude et grave le fait passer pour plus âgé qu'il ne l'est vraiment. Il approfondit son expérience de la scène: « Je commençai en jouant les premiers rôles en vedette. Les petits rôles vinrent plus tard. »[12] Il part ensuite pour Séville, dans le sud de l'Espagne, et se fait passer pour un auteur de romans policiers[13]. Il dit à ce propos : « J'habitais dans le quartier de Triana. J'écrivais des romans policiers, ce qui me prenait deux jours par semaine et me rapportait trois cents dollars. Avec cet argent, j'étais un grand seigneur à Séville »[14]. C'est également à cette période qu'il se prend de passion pour la corrida. Il torée à quelques reprises, mais s'estimant mauvais, il préfère renoncer à devenir toréador et reprend l'écriture[15].

[modifier] Ses débuts au théâtre et à la radio

Après cette expérience formatrice, il retourne aux États-Unis en 1933. Le jeune homme a alors une solide culture littéraire et théâtrale, et une très bonne maitrise des artéfacts de la scène. Il démontre également des aptitudes pour la prestidigitation. Il va d'abord travailler, en 1934, à la Todd School de Woodstock, dans l'Illinois[16]. Il y fait la connaissance de Virginia Nicholson, actrice de dix-huit ans, qu'il épouse quelques mois plus tard. En 1939, le couple a une fille. S'il ne parvient pas à décrocher les premiers rôles lors des différentes mises en scène, il a la satisfaction de commencer à se faire connaître à Broadway. John Houseman lui offre de travailler avec lui, au Federal Theatre[17]. Parallèlement à ses activités scéniques, il débute à la radio où sa voix chaude et grave fait des merveillles[18].

Il fait sensation en montant sur les planches une adaptation très originale du Macbeth de Shakespeare, car il transpose l'histoire de l'Écosse, brumeuse et froide, à Tahiti[19], avec des acteurs noirs. L'histoire se déroule à l'époque de l'empereur noir Jean-Christophe, et les sorcières deviennent des sorciers vaudoux. Il monte également le Faust de Marlowe. Houseman et Welles souhaitent mettre en scène une sorte de satire de la vie politique américaine en forme d'opéra intitulée The craddle will rock. De nombreux opposants politiques, mais aussi des ennemis du Federal Theatre, font pression auprès de Washington, qui ordonne à la police de fermer les portes du théâtre. Houseman et Welles refusent d'obéir et jouent leur opéra dans la rue, devant deux mille personnes[20].

Il fonde, toujours avec John Houseman, le Mercury Theatre, en 1938, spécialisé dans Shakespeare. La même année, la radio CBS l'engage pour réaliser, avec la troupe du Mercury, des adaptations radiophoniques d'œuvres littéraires. L'émission intitulée «Mercury Theatre on the air» met en ondes des pièces du dramaturge anglais, ainsi que de nombreux romans, dont La Splendeur des Amberson, qui sera son deuxième long-métrage. L'expérience dure vingt et un mois[21], avec en point d'orgue le lundi 30 octobre1938, où Welles effraye une bonne partie de l'Amérique en faisant croire à l'invasion des martiens à travers une adaptation de La Guerre des mondes de H.G. Wells.

[modifier] L'annonce du 30 octobre 1938

Ce jour-là, sur CBS, l'émission Mercury Theatre on the air présente une adaptation de La Guerre des mondes de HG Wells dans laquelle un faux présentateur de CBS annonce l'arrivée belliqueuse des Martiens sur Terre.

En 1938, la radio est un nouveau média de communication et c'est pour cela que de nombreux auditeurs l'écoutent. Ainsi il parvient à faire croire à près d'un million d'auditeurs — sur les six millions qui écoutaient l'émission — que les États-Unis était attaqués par des extraterrestres venus de Mars et qu'il faut impérativement fuir. C'est le chaos dans tout New-York et même les troupes américaines, massées dans le port mais en permission, sont rappelées dans le but de défendre la patrie[réf. nécessaire].

Le disque de l'émission où Orson Welles fit croire à l'invasion des martiens
Le disque de l'émission où Orson Welles fit croire à l'invasion des martiens

Il faut pourtant signaler que les circonstances qui ont conduit à la réalisation de cette émission sont beaucoup moins glorieuses que ses conséquences. Orson Welles travaille à la radio CBS, avec toute la troupe du Mercury Theater, pour une émission intitulée «Mercury Theater on the air». Welles y présente hebdomadairement une œuvre classique, parmi lesquels L'île au trésor de Robert Louis Stevenson, Jane Eyre de Charlotte Brontë, Jules César de Shakespeare et Le Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne[22]. Il souhaite adapter une œuvre de science-fiction et propose aux adaptateurs de la radio Le nuage pourpre de Shiel, Le monde perdu de Conan Doyle avant d'arrêter son choix sur La Guerre des mondes de HG Wells[23]. Devant le refus des adaptateurs qui trouvent le roman trop faible, Welles décide de travailler seul à l'adaptation du roman[24]. Le 29 octobre, Welles passe sa journée à rédiger le texte et à répéter l'émission, mais devant le résultat qu'il juge trop médiocre, il décide de remanier son texte et passe sa nuit à l'actualiser[25]. Il décide d'utiliser systématiquement la première personne, de sorte que les intervenants donnent l'impression de vivre les événements[26]. Lorsqu'Orson Welles débute son émission, il précise, comme il le fait à chaque fois, qu'il s'agit d'une adaptation d'une œuvre littéraire[27]. En dépit de cela, les auditeurs croient réellement que le pays est attaqué. André Bazin, dans son étude sur Welles, rappelle que le Ministère de l'Intérieur et le Président des États-Unis ont chacun à leur tour fait des communiqués dramatiques[28], amplifiant ce qu'il nomme «un extraordinaire phénomène de schizophrénie collective»[29].

Les conséquences sont multiples: la radio est submergée d'appels de gens prétendant avoir aperçu des OVNI. En fait, la panique n'a eu lieu que le lendemain, dans la presse[réf. nécessaire]. La côte du surdoué monte en flèche, et Hollywood lui fait les yeux doux.

[modifier] Premiers films, premiers ennuis

C'est à la RKO que Welles va travailler. Le studio lui donne une entière liberté artistique: il est réalisateur, acteur, scénariste de son propre film. Jamais personne n'a eu une si grande liberté pour un premier film. Quelques années plus tard, Welles se rendra compte que ce cadeau inespéré était empoisonné. Il travaille d'abord à l'adaptation d'un roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres (qui plus tard est transposé par Francis Ford Coppola dans Apocalypse Now). Le projet n'aboutit pas.

[modifier] Rosebud

Welles, avec Herman Mankiewicz, le frère du cinéaste Joseph Mankiewicz, rédige le scénario de Citizen Kane, à partir de la vie du magnat de la presse William Randolph Hearst. Toute la troupe du Mercury est présente. Le cinéaste a obtenu le contrôle total et désire garder le secret sur le sujet de son film, mais les producteurs tentent de s'en mêler. Ils débarquent à l'improviste sur le plateau, et découvrent techniciens et acteurs en train de jouer au base-ball sur ordre du réalisateur[30]. Le tournage débute le 30 juillet 1940 et s'achève le 23 octobre de la même année[31]. Une fois la post-production achevée, Orson Welles participe à de nombreuses manifestations promotionnelles où on ne lui parle que du parallèle entre le personnage de Charles Foster Kane et William Randolph Hearst, et de la réaction de ce dernier qui a engagé une campagne de dénigrements via ses journaux. Lassé, Welles déclare que si on continue à lui échauffer les oreilles, son prochain film sera une biographie de William Randolph Hearst. Les choses s'enveniment à tel point qu'au sein de l'état-major de la RKO, les dirigeants décident de lâcher du lest[32]. Il est question de brûler le négatif du film. Welles, s'estimant trahit, menace publiquement la société d'un procès en rupture de contrat, en son nom et celui de la compagnie du Mercury Theatre. Son état nerveux s'altère au point que son médecin l'envoie prendre du repos dans une clinique de Palm Spring[33]. Malgré l'énorme campagne de dénigrement orchestrée par Hearst, le film sort en salles le 1er mai 1941[34]. Le succès critique est unanime: le film de Welles est une révolution dans la technique cinématographique, de la structure du récit, du montage, des décors, des maquillages, des mouvements de caméra et de l'impact des images. Mais le public ne suit pas.

[modifier] La Splendeur des Amberson

Pour son deuxième film, La Splendeur des Amberson, le studio reconsidère son contrat, et réduit sa marge de manœuvre. Une fois encore, le génie du cinéaste inonde le film, mais le public n'est toujours pas là. Il part au Brésil, préparer un reportage sur le festival de Rio. Sur place, il se passionne pour le récit de quatre marins et commence à tourner les séquences de ce qui devait être It's All True, mais qu'il n'a jamais pu terminé, pour de nombreuses raisons, notamment financières. Dans les mois qui suivirent, on a raconté que le film ne sortirait jamais car les rushs reposaient au fond de la mer. Pendant ce temps, les pontes de la RKO, mécontents des pré-projections, obligent Robert Wise, le monteur des deux premiers films d'Orson Welles, à remonter le film pendant l'absence du cinéaste. Plus de quarante-trois minutes sont retirées[35] malgré l'insistance de tous les acteurs qui demandent aux producteurs d'attendre le retour de Welles pour prendre une décision concernant l'avenir du film. Même si Welles reconnait que dans cette situation, Wise est pris entre le marteau et l'enclume, il ne lui pardonnera jamais. Il dira: « J'étais en Amérique du Sud et attendais les rushes de Voyage au pays de la peur ; c'est alors qu'un galopin de la RKO ayant reçu l'approbation bienveillante d'un couple de vice-présidents et des censeurs du studio, se permit de monter le film. Le résultat fut heureusement présenté par une nuit noire, alors que personne ne regardait. »[36]

Après deux échecs commerciaux consécutifs, Welles devient suspect aux yeux des studios. En délicatesse financière, il joue dans de nombreux films pour financer ses projets. Sur le plan personnel, il épouse la star Rita Hayworth le 7 septembre 1943. La chance lui sourit avec Le criminel. Les producteurs du film proposent à Welles de réaliser le film, à condition de prendre le scénario de John Huston tel quel. Il accepte et parvient aisément à mener la mise en scène à bien avec dix jours d'avance sur la date prévue. La même année, Charlie Chaplin sort Monsieur Verdoux, d'après une idée d'Orson Welles, ainsi qu'en fait mention le générique du film. Welles avait proposé à Chaplin de jouer le rôle principal dans un film inspiré de l'affaire Landru. Après lecture du scénario, Chaplin le réécrit selon ses besoins, y incluant notamment une critique socio-économique, et pour dédommager Welles, il lui propose 5 000 dollars ainsi que sa présence au générique.

[modifier] La Dame de Shanghaï

La même année, il réalise La Dame de Shanghaï, grâce à la présence de Rita Hayworth, avec qui il est en instance de divorce. Le public crie au scandale en voyant la rousse Rita en blonde platine, cynique et froide, symbole du glamour hollywoodien, et boude le film qui n'emballe pas non plus la Columbia, qui préfère retarder la sortie du film de Welles au profit de Gilda, autre film avec Hayworth en vedette. Ce quatrième film de celui qui est maintenant l'enfant terrible d'Hollywood s'achève sur la séquence du palais des glaces, où les trois protagonistes s'entretuent. Woody Allen y rendra hommage dans Meurtre mystérieux à Manhattan, en mettant en scène le règlement de compte final dans une pièce remplie de miroirs.

En 1948, un petit studio indépendant, spécialisé dans le western, accepte de financer son prochain film, Macbeth, dont il dissimule la pauvreté des décors par un brouillard artificiel. Le résultat est saisissant d'étrangeté et de mystère, restituant très bien l'atmosphère de la pièce de Shakespeare. Nouveau coup de maître : il tourne son film en seulement vingt et un jours.

[modifier] La carrière européenne

Alors qu'il est à New-York pendant la guerre, Orson Welles assiste à une projection de La Femme du boulanger de Marcel Pagnol ; Welles parle très bien le français et l'espagnol. Enthousiasmé par le jeu de Raimu, il part pour Marseille dès la fin de la guerre. Pagnol racontera qu'il a vu débarquer un géant dans son bureau qui lui dit « Je veux voir monsieur Raimu ». Marcel Pagnol lui répond que Raimu vient juste de mourir et voit alors Orson Welles fondre en larmes : « C'était le meilleur de nous tous ! » dit-il avant d'exposer qu'il avait conçu de nombreux projets de tournage de films avec Raimu. Pour Pagnol, Orson Welles va devenir un ami fidèle, n'hésitant pas à critiquer son travail de façon objective disant par exemple de La Femme du boulanger qu'il est parmi les meilleurs films du monde mais parmi les plus mal filmés[37]. C'est en fréquentant Pagnol que Welles fait la connaissance de Roger Corbeau, photographe de Pagnol notamment pour Le Schpountz. Il l'engagera pour diriger la photographie de deux de ses films Dossier secret et Le procès[38] .

En disgrâce avec les producteurs américains, Welles va jouer de nombreux rôles pour financer son nouveau projet : Othello. Il va mettre quatre ans à tourner le film, utilisant de nombreux décors (Venise, Rome, ainsi que de nombreux lieux d'Italie et du Maroc) sans que cela soit visible ou handicapant, interrompant son film par manque de financement pour le reprendre quelques mois plus tard. Une fois encore, la réussite artistique est totale, le film recevant même une récompense à Cannes. Trois ans plus tard, il réalise Dossier secret, dans la lignée de Citizen Kane, pour des résultats artistiques et commerciaux très similaires. Il joue dans plusieurs films, notamment en France où il est très admiré: Paris brûle-t-il ? de René Clément, Si Versailles m'était conté et Napoléon de Sacha Guitry avec qui, il s'entend à merveille. Les deux hommes ont de nombreux points communs : hommes de théâtre et de radio, réalisateurs et acteurs, scénaristes de leurs propres films, le même humour noir et caustique.

Le héros de Cervantes, Don Quichotte avec son fidèle Sancho Pansa, d'après une illustration de Gustave Doré
Le héros de Cervantes, Don Quichotte avec son fidèle Sancho Pansa, d'après une illustration de Gustave Doré

En 1958, il se voit confier la réalisation de La Soif du mal. Dans ses entretiens avec son ami Peter Bogdanovich, Welles explique comment Charlton Heston, grande star des années 50, a joué un rôle déterminant pour lui. Intéressé par le projet, Heston rencontre les producteurs de Universal qui lui déclarent que la distribution comprendra Janet Leigh dans le rôle de sa femme, et Orson Welles dans le rôle du commissaire. Heston croit que Welles va être le réalisateur du film et déclare : « Si Welles est le réalisateur, je suis d'accord ». La machine est en marche, et les producteurs qui visionnent tous les soirs, les rushes sont emballés au point de proposer à Welles de signer un contrat de quatre films pour les cinq ans à venir. Hélas pour lui, une fois le film monté, le studio change radicalement de position. Toujours dans le livre de Bogdanovich, Welles déclare : « L'humour que j'ai mis dans le film était inhabituel pour l'époque. Aujourd'hui, il s'est banalisé. Mais à l'époque, il a déplu aux pontes de Universal ». Son seul tort serait d'être trop en avance sur son temps. C'est son dernier film hollywoodien.

Il commence à tourner, en 1959, les premières images de Don Quichotte, film qui ne verra jamais le jour de la main de son auteur. Il va tourner pendant sept ans, interrompant volontairement le film, le plus souvent pour des raisons budgétaires. Il sera monté en 1994, suivant les notes laissés par Welles. En 1963, il signe Le Procès d'après Kafka. Film baroque et déstabilisant, avec une distribution éclectique, qui s'achève sur le champignon atomique. Trois ans plus tard, il met en scène Falstaff, qui est une refonte de plusieurs tragédies de Shakespeare. Orson Welles incarne John Falstaff, et sa passion dévorante pour le dramaturge anglais irradie le film ; il considère lui-même qu'il s'agit de sa plus grande réussite: « Mon meilleur film est Falstaff, ensuite Les Amberson. Falstaff est le complément, quarante ans plus tard, de ce Citizen Kane que j'ai tourné à l'aube de ma vie »[39]. Son film suivant, F for Fake est une réflexion sur le cinéma, art de l'illusion, ainsi que sur les différentes techniques à mettre en oeuvre. Son tout dernier travail, Filming Othello, est réalisé pour la télévision, mais bénéficie d'une distribution en salles, fait rare mais dû à la personnalité et au prestige de son auteur. En 1982, il est le président de la cérémonie des César.

[modifier] L'artiste

Acteur shakespearien génial et inspiré, scénariste incisif, Orson Welles a su poser sur le monde du spectacle et de la communication un regard lucide et visionnaire. Son analyse du pouvoir des médias, dans Citizen Kane, n'a pas pris une ride. Et les dangers liés aux progrès de la science, cristallisés dans l'accident de George Amberson, dans son deuxième film, sont toujours d'actualité. Mais l'homme est avant tout un féru de littérature, de musique, de peinture et de théâtre. En 1958, venu présenter La Soif du mal en France, Orson Welles rencontre André Bazin, journaliste et fondateur des Cahiers du cinéma, à qui il accorde un long entretien qui est repris dans le livre que le critique consacre à Welles. Il parle des cinéastes qu'il admire : Marcel Pagnol, John Ford dont il a vu La Chevauchée fantastique une quarantaine de fois avant de réaliser son premier film, Vittorio de Sica, Kenji Mizoguchi, Sergueï Eisenstein, Charlie Chaplin, René Clair et D.W. Griffith. Mais il n'est pas tendre avec certains de ses pairs. Toujours dans l'entretien avec Bazin, il descend Roberto Rossellini, Nicholas Ray et Vincente Minnelli. Seul Stanley Kubrick trouve grâce à ses yeux. Du reste, il est possible de considérer Kubrick comme le meilleur disciple de Welles tant les deux artistes ont en commun.

Sa carrière n'a pas été un long fleuve tranquille. Il a été obligé de batailler ferme pour mener à bien tous ses projets, qu'il s'agisse de théâtre ou de cinéma. Après 1946 et l'échec commercial cuisant du Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne, au théâtre, il a eu des ennuis avec le fisc. Mais il a également connu des moments heureux. Il a pu monter quelques pièces de Shakespeare en Angleterre. Visionnaire et audacieux, il a monté, à New-York, Macbeth et transposé l'histoire de l'Ecosse brumeuse aux îles de Tahiti, en faisant jouer des acteurs noirs. Sa passion pour le grand dramaturge anglais ne s'arrête pas au théâtre et au cinéma : il réalise plusieurs adaptations radiophoniques qu'il sortira par la suite en disque.

Il a collaboré avec le groupe de heavy-metal Manowar en prêtant sa voix pour des narrations sur les titres Dark Avenger et Defender.

[modifier] Shakespeare

Orson Welles idolâtrait le dramaturge anglais plus que n'importe qui. Dans les multiples entretiens qu'il accordait, il ne cessait de répéter que Shakespeare était le plus grand poète de tous les temps. Le choc, dans le plus beau et le plus noble sens du terme, entre les deux artistes ne pouvait déboucher que sur des chefs-d'oeuvres. Avant même de faire du cinéma, Welles maîtrisait parfaitement le théâtre de Shakespeare: Richard III, monstre du théâtre du dramaturge anglais, était à son répertoire. En 1939, il produit Les cinq rois, où il refond plusieurs pièces, et le fait jouer par le Mercury Theatre. La consécration eut lieu dans les années 50, quelque temps après avoir terminé son adaptation de Othello. Grâce à l'aide de l'acteur Laurence Olivier, il put monter la pièce sur la scène du Saint James Theatre, soit le temple du théâtre élizabéthain. Le triomphe fut total. En 1956, à New-York, il a mis en scène Le roi Lear, au théâtre City Center, toujours avec le même succès.

Au cinéma, l'influence de Shakespeare se manifeste dès Citizen Kane : un roi de la presse, qui cherche à étendre son empire, doit essuyer plusieurs échecs sentimentaux, relationnels et professionnels qui le conduiront à la solitude et à la mort. Nous retrouvons dans ce premier film de nombreuses thématiques shakespeariennes: un roi solitaire, tentant en vain de concilier ambition, pouvoir et vie de famille, et devant faire face à la trahison. Celle de ses amis, mais aussi la sienne car Charles Kane trahit sa profession de foi. Ce thème de la trahison, et de l'échec qui s'ensuit, va se retrouver tout au long de son oeuvre, mais également de sa vie professionnelle. Il suffit de penser à It's all true et Don Quichotte : trahi par ses échecs commerciaux, le cinéaste a de nombreuses difficultés pour mener à bien ses projets.

Macbeth et Banquo rencontrant les trois sorcières
Macbeth et Banquo rencontrant les trois sorcières

Les adaptations qu'Orson Welles réalise sont chacune différentes mais également fascinantes. Macbeth est composé majoritairement de plans séquences très longs. Le seul couronnement du roi dure près de dix minutes. Le cinéaste plonge le film dans des brumes, rappelant celles d'Ecosse, afin de cacher la pauvreté des décors. A l'inverse, Othello est composé d'environ deux mille plans. Véritable prouesse technique de Welles qui interrompt son film pour le reprendre quelques mois plus tard, une fois les finances arrivées. C'est également le film où le thème de la trahison est sublimé : Othello est berné par Iago qu'il croit être son ami, alors qu'en fait ce dernier ne sert que ses ambitions. Sa dernière adaptation est également grandiose puisqu'il s'agit de Falstaff, où il refond plusieurs pièces du dramaturge et fait de John Falstaff, personnage secondaire, presque un faire-valoir chez Shakespeare, un personnage de premier plan. La séquence de bataille est admirable, et le pachyderme Welles, très loin du jeune premier de Citizen Kane, incarne le bouffon mais sincère Falstaff, renié par son ami devenu roi.

[modifier] Filmographie

[modifier] Réalisateur

[modifier] Courts métrages

[modifier] Longs métrages

[modifier] Acteur

acteurs et actrices

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

[modifier] Box-office américain

[modifier] Documentaires pour la télévision

  1. L'Affaire Dominici
  2. Corrida à Madrid
  3. Saint-Germain-des-Prés
  4. Le Pays Basque
  5. La Pelote Basque
  6. Le Troisième Homme à Vienne
  7. Les Prisonniers de la Reine

[modifier] Producteur

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

Ouvrages spécialisés:

  • Moi, Orson Welles, de Peter Bogdanovich. Éditions Points. 1997. Cet ouvrage est composé de plusieurs entretiens avec Peter Bogdanovich, réalisés à partir de 1968 et s'étendant sur 15 ans. C'est sa seule véritable autobiographie.
  • Orson Welles au travail, de Jean-Pierre Berthomé et François Thomas. Édition Cahiers du Cinéma.
  • Orson Welles le magnifique, de Peter Noble. Édition Pierre Horay. 1957.
  • Orson Welles d'André Bazin. Éditions Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma. 2002. Réédition de l'étude réalisé en 1972, et préfacé par André S. Labarthe, avec ajout d'un texte de François Truffaut. Étude d'autant plus précieuse que le critique a pu s'entretenir avec Orson Welles qui venait à Paris pour présenter La Soif du mal.
  • Une monumentale monographie de Youssef Ishaghpour (trois volumes, 1971 pages) Orson Welles, cinéaste, une caméra visible (éditions la différence, 2001).
  • Orson Welles, d'Alain Bergala, Jean Narboni et Claudine Paquot. Les auteurs ont rassemblé de nombreuses études critiques de différents numéros des Cahiers du cinéma, ainsi que des entretiens avec Orson Welles.
  • Orson Welles, de Danièle Parra et Jacques Zimmer. Éditions Filmo-13. 1985.
  • Les grands cinéastes: Orson Welles, de Paolo Mereghetti. Éditions Cahiers du cinéma. 2007

Ouvrages généralistes:

  • Dictionnaire du cinéma: les réalisateurs, de Jean Tulard. Éditions Robert Laffont. 2003 (dernière édition).
  • Dictionnaire du cinéma: les acteurs, de Jean Tulard. Éditions Robert Laffont. 2004 (dernière édition).
  • 50 ans de cinéma américain, de Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier. Éditions Omnibus. 2003.
  • Cinéma expressionniste, Francis Courtarde. Editions Henri Veyrier. 1984. L'auteur consacre un chapitre à analyser l'œuvre de cinéastes influencés par le courant expressionniste, parmi lesquels Orson Welles, Fritz Lang et Friedrich Wilhelm Murnau.

Supports audio:

  • Il existe un CD audio édité en France qui restitue l'ensemble de l'émission La guerre des mondes de 1938 avec un épais livret de commentaires, dans la collection Les grandes heures de la radio (Phonurgia nova éditions, Arles, France. 1989).

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

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  1. Narrateur du générique final de Don Quichotte
  2. « Pour moi, Kubrick est meilleur que John Huston. Je n'ai pas vu Lolita, mais je crois que Kubrick peut tout faire. Il possède un talent que n'ont pas Ray, Aldrich et les autres cinéastes de la génération précédente. C'est peut-être parce que son tempérament correspond davantage au mien ». Alain Bergala, Jean Narboni, Claudine Paquot, Orson Welles, éd. Cahiers du cinéma, 1986, p. 47.
  3. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 13
  4. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 15
  5. André Bazin, Orson Welles. Editions Cahiers du Cinéma. Page 49
  6. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 15
  7. André Bazin, Orson Welles. Editions Cahiers du Cinéma. Page 49
  8. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 14
  9. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 14
  10. Alain Bergala, Jean Narboni, Claudine Paquot, Orson Welles. Éditions Cahiers du Cinéma. Page 22
  11. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 15
  12. Positif juillet-août, 1963. Traduit du Sunday Times par Jean-Claude Allais
  13. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 16
  14. Alain Bergala, Jean Narboni, Claudine Paquot, Orson Welles. Éditions Cahiers du Cinéma. Page 41
  15. Alain Bergala, Jean Narboni, Claudine Paquot, Orson Welles. Éditions Cahiers du Cinéma. Page 41
  16. Orson Welles, page 27. Editions Cahiers du Cinéma
  17. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 16
  18. Orson Welles, page 29. Editions Cahiers du Cinéma
  19. Orson Welles, page 57. Editions Cahiers du Cinéma
  20. André Bazin, Orson Welles. Editions Cahiers du Cinéma. Page 58
  21. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 17
  22. André Bazin, Orson Welles. Editions Cahiers du Cinéma. Page 61
  23. André Bazin, Orson Welles. Editions Cahiers du Cinéma. Page 61.
  24. André Bazin, Orson Welles. Editions Cahiers du Cinéma. 2002. Page 61
  25. André Bazin, Orson Welles. Editions Cahiers du Cinéma. Page 62
  26. Paolo Mereghetti, Les grands cinéastes: Orson Welles. Éditions Cahiers du cinéma. 2007. Page 17
  27. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 17
  28. André Bazin, Orson Welles. Editions Cahiers du Cinéma. 2002. Page 62
  29. André Bazin, Orson Welles. Editions Cahiers du Cinéma. 2002. Page 62
  30. André Bazin Orson Welles. Éditions Petite biliothèque des Cahiers du cinéma. Page 68, chapitre: Hollywood 1939-1941. Le grand diptyque
  31. Paolo Mereghetti, Les grands cinéastes: Orson Welles. Éditions Cahiers du cinéma. 2007. Page 28
  32. André Bazin Orson Welles. Éditions Petite biliothèque des Cahiers du cinéma. Page 69, chapitre: Hollywood 1939-1941. Le grand diptyque
  33. André Bazin Orson Welles. Éditions Petite biliothèque des Cahiers du cinéma. Page 69, chapitre: Hollywood 1939-1941. Le grand diptyque
  34. Paolo Mereghetti, Les grands cinéastes: Orson Welles. Éditions Cahiers du cinéma. 2007. Page 33
  35. André Bazin, Orson Welles. Editions Cahiers du Cinéma. Page 25
  36. Orson Welles, le magnifique, de Peter Noble, repris dans Orson Welles de Danièle Parra et Jacques Zimmer. Editions Filmo-13. Page 21
  37. Encyclopédie Microsoft Encarta en ligne 2007, Femme du boulanger, la [Marcel Pagnol]
  38. Roger CORBEAU - Biographie
  39. Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles. Editions Filmo-13. Page 10