Notation du mouvement

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La notation du mouvement est un procédé de consignation du mouvement par écrit.

De tous temps, les maîtres de danse et de ballets ont tenté de décrire les pas et les figures de danse, et de les mettre sur le papier. Mais le mouvement, expression du corps humain, ne se laisse pas apprivoiser aussi aisément que la musique : en plus des caractéristiques propres à cette dernière (hauteur, force, durée, etc.), le mouvement comporte un aspect tridimensionnel particulièrement difficile à rendre en deux dimensions. Comment décrire la fluidité du mouvement ? Comment rendre sa durée, sa dynamique, sa trajectoire au sol et dans l'espace ? Comment décrire les variantes d'un mouvement, les singularités d'un danseur, les subtilités d'un style ?

Sommaire

[modifier] Les débuts

Manuscrit des basses danses de Marguerite d'Autriche. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique.
Manuscrit des basses danses de Marguerite d'Autriche. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique.

Dès le Moyen Âge, et presque en même temps qu'apparaît la notation musicale, le danseur tente de capter le mouvement et commence par utiliser des abréviations pour indiquer les pas à exécuter. Ainsi, vers le milieu du XVe siècle, Antonio Cornazano et Guglielmo Ebreo écrivent chacun un traité des danses de leur temps, les basses danses. Les pas principaux de la basse danse sont la révérence (représentée par R), le simple (s), le double (d), le branle (b) et la reprise (r). Vers 1497-1500, un maître à danser de la cour de Bourgogne rédige (ou copie ?) un aide-mémoire connu sous le nom de manuscrit des basses danses de Marguerite d'Autriche et conservé à la Bibliothèque royale de Bruxelles[1]. 58 danses y sont notées en lettres d'or sur papier noir : sous la portée sont notés les pas à exécuter. Mais comme la portée ne compte que quatre lignes (contre cinq aujourd'hui) et qu'on ne note que la ligne mélodique et non pas la succession des sons, à la difficulté de décrypter les pas s'ajoute celle de l'interprétation musicale. Ce système de lettres sera pourtant utilisé durant un siècle et demi.

[modifier] Le XVIe siècle

Le chanoine de Langres Jehan Tabourot, mieux connu sous le pseudonyme de Thoinot Arbeau, publie en 1589 (privilège daté du 22 novembre 1588) le premier véritable « manuel » de danse, l'Orchésographie, dans lequel il expose la manière d'exécuter non seulement les basses danses, mais aussi toutes les nouvelles danses du XVIe siècle. En regard de la partition musicale, disposée verticalement, il explicite les pas à exécuter, de sorte que ces danses sont, aujourd'hui, les premières qu'ont ait pu reconstituer à peu près fidèlement.

[modifier] Le XVIIe siècle

Il faut attendre ensuite 1651 pour voir paraître un recueil anglais, signé par John Playford, décrivant les country dances au moyen de signes symboliques.

[modifier] Le « système Feuillet »

André Lorin, Livre de contredance présenté au Roy (manuscrit, 1686).
André Lorin, Livre de contredance présenté au Roy (manuscrit, 1686).

En 1686, André Lorin, membre de l'Académie royale de Danse, avait dédié à Louis XIV son Livre de contredance présenté au Roy (Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 1697). Il y décrivait la manière de danser les country dances qu'il avait apprises lors de son séjour en Angleterre avec le maréchal d'Humières.

[modifier] Le XIXe siècle

Durant la première moitié du siècle, le système Feuillet se perpétue et connaît diverses tentatives d'adaptation aux exigences du nouveau répertoire, notamment au ballet romantique. Franz Anton Roller est l'un des derniers utilisateurs du système Feuillet, dans son ouvrage Systematisches Lehrbuch der bildenden Tanzkunst (Weimar 1843).

Parallèlement, certains théoriciens et chorégraphes recherchent de nouvelles manières de décrire les danses de leur temps. Théleur, dans ses Letters on Dancing (Londres 1831), décrit la Gavotte de Vestris au moyen de symboles abstraits disposés de part et d'autre de la portée musicale. Arthur Saint-Léon fait de même avec des figurines stylisées dans sa Sténochorégraphie parue en 1852. Friedrich Albert Zorn améliore le système de Saint-Léon dans sa Grammatik der Tanzkunst (Leipzig 1887) et décrit notamment la Cachucha que Fanny Elssler avait dansée en 1836 dans Le Diable boiteux. Quant à Bernhard Klemm, il « détourne » des signes musicaux pour figurer des attitudes et des pas de danse dans son Katechismus der Tanzkunst (Leipzig 1855), qui connaîtra un certain succès pendant plus de quarante ans.

[modifier] Le XXe siècle

Jusqu'au XXe siècle, les systèmes de notation ne s'appliquent qu'à la danse, et plus particulièrement au ballet et aux danses de bals. Le premier à avoir élaboré un système « universel » d'écriture du mouvement est Rudolf Laban en 1926 (Choreographie), qu'il développera deux ans plus tard dans Schrifttanz.

Figure fondatrice de la danse moderne et de la recherche en danse, Rudolf Laban est né à Bratislava en 1879 de parents hongrois ; il est mort en Angleterre, où il s'était fixé, en 1958. Pédagogue, il comptera parmi ses élèves Mary Wigman et Kurt Jooss.

Sa réflexion philosophique et théorique sur le mouvement humain l'amènera à concevoir tout au long de sa vie plusieurs « systèmes » comme la choreutique — étude du corps dans l'espace —, l'eukinétique (ou effort-shape) — étude de la dynamique du mouvement — et la cinétographie (ou kinétographie ou Labanotation), système de transcription du mouvement dont les principes seront exposés dans Schrifttanz, ouvrage publié à Vienne en 1928.

Après avoir étudié très minutieusement les lois de la cinétique humaine ainsi que les essais antérieurs d'écriture de la danse, Rudolf Laban a construit son système autour des quatre éléments essentiels constitutifs d'un mouvement : l'espace, le temps, le poids et la force. Cette notation appelée notation Laban est principalement utilisée actuellement pour la danse moderne, notamment aux États-Unis[2].

Un deuxième type de notation est apparue après la Seconde Guerre mondiale, en Angleterre, grâce à Rudolf Benesh qui la codifia vers 1955. Cette notation Benesh est actuellement utilisée dans de grandes maisons d'opéra et de ballet ainsi que par chorégraphes contemporains comme par Angelin Preljocaj.

Les notations de Laban et celle de Benesh sont actuellement les plus utilisées au monde[2], mais chaque compagnie possède ses propres procédés d'écriture chorégraphique, et que l'utilisation de la vidéo est le support le plus fréquent d'enregistrement de la complexité des mouvements, et surtout de l'interprétation.

[modifier] La notation du mouvement pour les déficients visuels

L'association française Acajou a mis au point une notation Laban en relief utilisée depuis février 2005 pour l'enseignement de la danse aux déficients visuels. Le système de notation laban est beaucoup plus précis et efficace que le langage verbal, car il transmet simultanément des informations sur le rythme et la coordination des différents mouvements du corps, et des informations sur sa situation dans l’espace. Dans le cas du déficient visuel, les signes de notation proposent en eux-mêmes des outils pour se représenter le mouvement à effectuer et donc affiner la perception corporelle, tout en libérant son imaginaire.

[modifier] Principaux systèmes de notation

[modifier] Notes et références

  1. Manuscrit 9085.
  2. ab All the Right Moves dans The New York Times du 30 août 2007 (en).

[modifier] Bibliographie

  • Ann Hutchinson Guest, Dance Notation. The process of recording movement on paper, London, Dance Books, 1984.
  • Claudia Jeschke, Tanzschriften. Ihre Geschichte une Methode, Bad Reichenhall, Comes Verlag, 1983.

[modifier] Liens externes

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