Nombre de Bernoulli

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

En mathématiques, les nombres de Bernoulli, notés B_n\,, ont d'abord été étudiés en cherchant des formules pour exprimer les sommes du type :

\sum_{k=0}^{m-1} k^n = 0^n + 1^n + 2^n + \cdots + {(m-1)}^n

pour différentes valeurs de l'entier n.

Sommaire

[modifier] Introduction

De telles expressions sont toujours des polynômes en m, de degré n+1\, et sont appelées polynômes de Bernoulli. Les coefficients des polynômes de Bernoulli sont liés aux nombres de Bernoulli de la façon suivante :

\sum_{k=0}^{m-1} k^n = {1\over{n+1}}\sum_{k=0}^n{n+1\choose{k}} B_k m^{n+1-k}

Par exemple, en donnant à n la valeur 1, on obtient :

0+1+2+\ldots+(m-1) = \frac{1}{2}(B_0 m^2+2 B_1 m^1) = \frac{1}{2}(m^2-m)\,

Les nombres de Bernoulli ont d'abord été étudiés par Jacques Bernoulli, ce qui a conduit Abraham de Moivre à leur donner le nom que nous connaissons aujourd'hui.

Il est possible de calculer les nombres de Bernoulli en utilisant la formule de récurrence suivante :

\sum_{k=0}^n{n+1\choose{k}}B_k = 0\,

en plus de la condition initiale : B_0 = 1\,.

Les nombres de Bernoulli peuvent aussi être définis en utilisant la technique des fonctions génératrices. Leur fonction génératrice exponentielle est \frac{x}{e^x-1}\,, de telle sorte que :


\frac{x}{e^x-1} = \sum_{n=0}^{\infin} B_n \frac{x^n}{n!}

pour tout x de valeur absolue inférieure à 2\pi\, (le rayon de convergence de cette série entière).

Ces définitions peuvent être montrées comme équivalentes en utilisant l'induction mathématique. La condition initiale B0 = 1 est immédiate à partir de la règle de L'Hôpital. Pour obtenir la récurrence, on multiplie les deux cotés de l'équation par ex − 1. Alors, en utilisant les séries de Taylor pour la fonction exponentielle,

x = \left( \sum_{j=1}^{\infty} \frac{x^j}{j!} \right) \left( \sum_{k=0}^{\infty} \frac{B_k x^k}{k!} \right).

En développant ceci comme un produit de Cauchy et en réarrangeant légèrement, on obtient

 x = \sum_{m=0}^{\infty} \left( \sum_{j=0}^{m} {m+1 \choose j} B_j \right) \frac{x^{m+1}}{(m+1)!}.

Il est clair, à partir de cette dernière égalité, que les coefficients dans cette série de puissances satisfont la même récurrence en tant que nombres de Bernoulli.

Parfois, la notation b_n\, est utilisée pour distinguer les nombres de Bernoulli des nombres de Bell.

[modifier] Valeurs

Les premiers nombres de Bernoulli sont les suivants :


n Bn
0 1
1 −1/2 = −0,5
2 1/6 ≈ 0,1667
4 −1/30 ≈ −0,0333
6 1/42 ≈ 0,02381
8 −1/30 ≈ −0,0333
10 5/66 ≈ 0,07576
12 −691/2730 ≈ −0,2531
14 7/6 ≈ 1,1667
n Bn
16 −3617/510 ≈ −7,0922
18 43867/798 ≈ 54,9712
20 −174611/330 ≈ −529,124
22 854513/138 ≈ 6192,12
24 −236364091/2730 ≈ −86580,3
26 8553103/6 ≈ 1425517
28 −23749461029/870 ≈ −27298231
30 8615841276005/14322 ≈ 601580874
32 −7709321041217/510 ≈ −15116315767

On peut démontrer que B_n = 0\, lorsque n est impair et différent de 1.

L'apparition de la valeur de B_{12} = \frac{-691}{2730}\, montre bien que la valeur des nombres de Bernoulli ne peuvent pas être décrits simplement ; en fait, ce sont essentiellement des valeurs de la fonction ζ de Riemann pour des valeurs entières négatives de la variable, (puisque \zeta(-n) = -B_{n+1}(n+1)\, pour tous les entiers positifs n), et sont en conséquence, associés à des propriétés profondes de la théorie des nombres, et ne peuvent pas espérer avoir de formulation triviale.

Les nombres de Bernoulli apparaissent également dans le développement en série de Taylor des fonctions tangentes circulaire et hyperbolique, dans la formule d'Euler-Maclaurin ainsi que dans des expressions de certaines valeurs de la fonction zeta de Riemann.

[modifier] Identités remarquables

Leonhard Euler a exprimé les nombres de Bernoulli en termes de fonction zeta de Riemann :

B_{2k}=(-1)^{k-1}\frac {\zeta(2k)\; 2(2k)!} {(2\pi)^{2k}}\,

Les relations suivantes, dues à Ramanujan, fournissent une méthode plus efficace pour le calcul des nombres de Bernoulli :

m\equiv 0\,\bmod\,6\qquad {{m+3}\choose{m}}B_m={{m+3}\over3}-\sum_{j=1}^{m/6}{m+3\choose{m-6j}}B_{m-6j}
m\equiv 2\,\bmod\,6\qquad {{m+3}\choose{m}}B_m={{m+3}\over3}-\sum_{j=1}^{(m-2)/6}{m+3\choose{m-6j}}B_{m-6j}
m\equiv 4\,\bmod\, 6\qquad{{m+3}\choose{m}}B_m=-{{m+3}\over6}-\sum_{j=1}^{(m-4)/6}{m+3\choose{m-6j}}B_{m-6j}

Une identité de Carlitz :

(-1)^m \sum_{r=0}^m {m \choose r} B_{n+r}
= (-1)^n \sum_{s=0}^n {n \choose s} B_{m+s}

[modifier] Propriétés arithmétiques

Il est possible d'exprimer les nombres de Bernoulli grâce à la fonction zeta de Riemann de la façon suivante :

B_n = -n \zeta(1-n)\, ;

C'est la raison pour laquelle les nombres de Bernoulli possèdent des propriétés arithmétiques profondes, comme l'a découvert Kummer dans ses travaux sur le dernier théorème de Fermat.

Les propriétés de divisibilité des nombres de Bernoulli sont liées aux groupes des classes d'idéaux des corps cyclotomiques par un théorème de Kummer et son renforcement dans le théorème de Herbrand-Ribet, et aux nombres de classes des corps quadratiques par la congruence d'Ankeny-Artin-Chowla. Nous avons aussi un lien de parenté avec la K-théorie algébrique; si c_n\, est le numérateur de \frac{B_n}{2n}\,, alors l'ordre de K_{4n-2}(\Bbb{Z})\, est -c_{2n}\, si n est pair, et 2c_{2n}\, si n est impair.

Le théorème de von Staudt-Clausen est aussi relié à la divisibilité. Il énonce ceci : si nous ajoutons \frac{1}{p}\, à B_n\, pour chaque nombre premier p tel que p − 1 divise n, nous obtenons un nombre entier. Ce fait nous permet immédiatement de caractériser les dénominateurs des nombres de Bernoulli différents de zéro B_n\, comme le produit de tous les nombres premiers p tels que p − 1 divise n; en conséquence, les dénominateurs sont sans carré et divisibles par 6.

La conjecture d'Agoh-Giuga postule que p est un nombre premier si et seulement si pB_{p-1} \equiv -1 \mod{p}\,.

[modifier] Continuité p-adique

Une propriété de congruence spécialement importante des nombres de Bernoulli peut être caractérisée comme une propriété de continuité p-adique. Si b, m et n sont des nombres entiers positifs tels que m et n ne sont pas divisibles par p-1\, et m \equiv n\, \bmod\,p^{b-1}(p-1)\,, alors

(1-p^{m-1}){B_m \over m} \equiv (1-p^{n-1}){B_n \over n} \,\bmod\, p^b\,.

Puisque B_n = -n\zeta(1-n)\,, ceci peut être aussi écrit

(1-p^{-u})\zeta(u) \equiv (1-p^{-v})\zeta(v)\, \bmod \,p^b\,

u=1-m\, et v=1-n\,, c’est-à-dire u et v sont négatifs et non congru à 1 mod p-1. Ceci nous indique que la fonction zeta de Riemann, avec 1-p^z\, prise hors de la formule du produit d'Euler, est continue pour les nombres p-adiques sur les nombres entiers négatifs congrus mod p-1, en particulier a \not\equiv 1\, \bmod\, p-1, et donc, peut être étendu à une fonction continue \zeta_p(z)\, pour tous les nombres entiers p-adiques \mathbb{Z}_p,\, la fonction zeta p-adique.

[modifier] Propriétés géométriques

La formule de Kervaire-Milnor pour l'ordre du groupe cyclique des classes de difféomorphismes des (4n−1)-sphères exotiques qui bornent des variétés parallélisables pour n \ge 2 impliquent les nombres de Bernoulli : si B est le numérateur de \frac{B_{4n}}{n}\,, alors 2^{2n-2}(1-2^{2n-1})B\, est le nombre de ces sphères exotiques. (La formule dans les articles topologiques diffère parce que les topologistes utilisent une convention différente pour nommer les nombres de Bernoulli ; cet article utilise la convention de la théorie des nombres).

[modifier] Bibliographie