Néarque

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L'empire d'Alexandre. L'itinéraire de la flotte de Néarque entre l'Indus et l'Euphrate figure en pointillé.
L'empire d'Alexandre. L'itinéraire de la flotte de Néarque entre l'Indus et l'Euphrate figure en pointillé.

Néarque (en grec ancien Νέαρχος / Néarchos), né en Crète vers 360 av. J.-C., mort à une date inconnue, est un Compagnon (hétère) d'Alexandre le Grand. Un temps satrape de Lycie-Pamphylie, il devient navarque de la flotte royale en 325 ; il pilote l'expédition entre l'Indus et l'Euphrate et explore la mer d'Oman et le Golfe Persique. Le récit de ce périple nous est bien connu grâce à Arrien et Strabon.

Sommaire

[modifier] Biographie

Probablement originaire de la cité de Leto en Crète, Néarque s'établit à Amphipolis sous le règne de Philippe II dont il en devient le conseiller. Sans doute guère plus âgé qu'Alexandre, il en est l'un des compagnons de jeunesse. Vers 336 av. J.-C., il est en effet exilé avec Ptolémée, Harpale, Laomédon et Érigyos après qu'Alexandre s'est querellé avec son père.

Néarque participe à l'expédition d'Alexandre et devient, sûrement en raison de son expérience de navigateur, satrape de Lycie-Pamphylie vers 334 av. J.-C. Il est rappelé vers 330 et rejoint le souverain en Bactriane vers 329 à la tête de troupes levées en Asie Mineure. Après avoir participé à l'expédition d'Inde, il obtient en 325, au titre de navarque, le commandement de la flotte qui doit rejoindre l'embouchure de l'Euphrate. Il écrit par la suite un rapport détaillé sur ce périple réalisé dans des conditions très difficile. Il se prépare à diriger la flotte pour l'expédition d'Arabie quand Alexandre disparait en juin 323. Présent lors du banquet fatal à Alexandre, Néarque a été l'un des quelques grecs (avec notamment Eumène de Cardia et Médéios de Larissa) membres de l'entourage prôche d'Alexandre. Durant le règne d'Alexandre, Néarque a épousé la fille de Barsine et de Mentor, le frère de Memnon de Rhodes ; il tente à la mort d'Alexandre de faire reconnaître comme roi, Héraklès, le fils illégitime d'Alexandre et de Barsine.

Lors des premiers conflits pour le partage de l'empire, Néarque prend le parti d'Antigone le Borgne et participe à la lutte contre Eumène de Cardia (321-316). Il devient par la suite le conseiller du fils d'Antigone, Démétrios Poliorcète, en Syrie entre 313 et 312[1]. Il participe probablement aux côtés de Démétrios à la bataille de Gaza, perdue face à Ptolémée. On ignore la date exacte et les circonstances de sa mort ; on peut supposer qu'il se soit retiré afin d'écrire le récit de son périple maritime.

[modifier] Le périple de Néarque

André Castaigne (1898-1899), Alexandre au milieu de sa flotte en Inde.
André Castaigne (1898-1899), Alexandre au milieu de sa flotte en Inde.

En 325 av. J.-C., Néarque, secondé par Onésicrite (le futur rédacteur de l'Alexandropédie), est chargé par Alexandre, de piloter une flotte de 120 navires, transportant près de 10 000 hommes[2]. Le navarque a pour mission d'établir une nouvelle route maritime entre l'Indus et le Golfe Persique, alors qu'Alexandre ambitionne de dynamiser le commerce entre l'Inde et la Mésopotamie. Les embarcations utilisées s'avèrent être de grandes qualités ; certaines, très performantes, sont encore inconnues de la marine grecque, dont les pentèreis, les tétrèreis ou les kerkouroï d'inspiration phénicienne et chypriote[3]. Alexandre a en effet amené en Inde des constructeurs chypriotes ; c'est leurs navires (les kerkouroï) qui ont été chargés de descendre le cours de l'Indus en 325.

La flotte prend la mer à l'embouchure de l'Indus le 23 octobre 325, avec un mois de retard à cause des vents de mousson. Elle longe les côtes de la mer d'Érythrée (actuelle mer d'Oman) pour rallier l'embouchure de l'Euphrate. Explorant le rivage avec minutie, les marins gréco-macédoniens rencontrent pour la première fois des baleines et sont confrontés à plusieurs tempêtes. Ils souffrent durement de la faim et de la soif ; Néarque est en effet contraint de maintenir la flotte à la mer jour et nuit car il craint les désertions. En outre le littoral de Gédrosie, peuplé des misérables Ichtyophages (« mangeurs de poisson »), est trop pauvre pour apporter le ravitaillement nécessaire. Quant aux dépôts de vivres laissés sur la côte par Alexandre, ils sont attaqués par les Orites ou alors situés trop loin dans les terres. Après 80 jours de navigation et 1 300 km parcourus, la flotte de Néarque parvient au détroit d'Ormuz. Néarque se rend alors en Carmanie au devant d'Alexandre qui le reçoit avec des transports d'allégresse, persuadé de la disparition de sa flotte. Néarque repart ensuite jusqu'aux bouches de l'Euphrate et rallie Suse (début 324). Là, il reçoit du souverain en récompense de ses mérites une couronne d'or, tout comme Héphaistion, Léonnatos et Onésicrite, principaux officiers ayant organisé le retour d'Inde.

Le récit de Néarque (avec en complément celui d'Onéscrite) a inspiré très largement Arrien dans sa description de l'Inde (Indica) et Strabon dans la Géographie (livre XV), où Néarque est abondamment cité. Fidèle au journal du navarque, Arrien narre avec précision les aventures des marins d'Alexandre, abrutis par la chaleur, la faim et la soif, effrayés par les baleines et étonnés par les mœurs alimentaires des Ichtyophages. Ce récit a été confirmé par les navigateurs modernes. Néarque est considéré comme le « créateur » de la route maritime des épices que suivront désormais les navigateurs mésopotamiens puis arabes et indiens.

[modifier] Notes

  1. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XIX, 69, 1. Il s'agit de la dernière mention de Néarque.
  2. Sur le périple de Néarque voir Diodore de Sicile, XVII, 104, 3 ; Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne], Alexandre, 66, 2 ; Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre, IX, 10, 3-4 ; Arrien, Anabase, VI, 19-21 ; VII ; Inde.
  3. Au sujet de ces navires voir Paul Faure, Alexandre, Fayard, 1985, p. 454-458.

[modifier] Sources

[modifier] Bibliographie

  • Paul Pédech, Historiens compagnons d'Alexandre : Callisthène, Onésicrite, Néarque, Ptolémée, Aristobule, Collection d'Études Anciennes, 1984.