Musique arabo-andalouse

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La musique arabo-andalouse (الطرب الأندلسي), aussi appelée al-ala ou al-andaloussi au Maroc, gharnati, san'â ou malouf en Algérie, en Tunisie et en Libye est un genre musical profane, classique ou savant, du Maghreb, distinct de la musique arabe classique pratiquée au Moyen-Orient (ou Machrek) et en Égypte.

Elle est l'héritière de la musique chrétienne pratiquée en Espagne et au Portugal avant la Conquista, de la musique afro-berbère du Maghreb et de la tradition musicale arabe transmise au IXe siècle de Bagdad (alors capitale des Abbassides) à Cordoue et Grenade grâce notamment à Abou El Hassan Ali Ben Nafiq ou Ziriab, musicien brillant qui en créa à l’époque les bases, en composant des milliers de chants et en instituant le cycle des noubat, composées de formes poétiques tels le muwashshah ou le zajal (qui furent une des sources des Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse X de Castille, et du flamenco). La nouba se distingue de la wasla et de la qasîda arabes tant par ses modes que par ses formes.

À sa suite, Abu Bakr Ibn Yahya Al Sayih, dit Ibn Bâjja ou (Avenpace), poète et musicien lui aussi, a mis au point l’accord du oud maghrébin, a perfectionné la nouba et a laissé un grand nombre de compositions.

La musique arabo-andalouse développée en Espagne et au Portugal s'est propagée grâce aux échanges importants entre les centres culturels d’Andalousie et du Maghreb, formant trois grandes écoles citadines :

Il y a deux écoles de Grenade : du XIIIe au XVe siècle, elle rivalise avec les styles de Cordoue, Séville et Valence ; au XVe siècle, lorsque les Arabes se retirèrent elle hérite de leurs répertoires.

D'après Al-Tifâshî, érudit tunisien du XIIIe siècle, les pôles musicaux andalous seraient plutôt : Cordoue, Saragosse et Murcie.

L'implantation maghrébine s'est accentuée grâce aux Maures et aux juifs sépharades expulsés de l’Andalousie redevenue catholique en 1492 lors de la Reconquista.

À partir du XVIe siècle, la culture et la musique ottomane investissent l'Algérie et la Tunisie, influençant fortement les formes musicales locales. Le Maroc est épargné et grâce en outre à l'importance de ses communautés immigrées (par sa proximité géographique), sa musique ne connaît pas à ce moment de genre mixte, tel le malouf, héritier à la fois des Andalous et des Ottomans.

Ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle que des corpus écrits apparaissent, recueillant ce répertoire poétique menacé. Le début du XXe siècle verra lui ce recueil systématique par des transcriptions musicales ainsi que l'organisation de congrès internationaux (au Caire et à Fès).

[modifier] Système musical

La musique arabo-andalouse est constituée autour d'un cycle de 24 noubat originelles, dont seule la moitié subsistent inaltérées. Elles s’inspirent largement des modes byzantins, perses, et arabes. Bien des noms sont encore en résonance, avec leurs origines : Ispahan, Iraq, Hijaz, Mashriq, etc. Ces 24 noubat étaient jouées sur 24 modes correspondant chacun à une heure des 24 que compte un jour (système similaire au râga indien). Chaque nouba est composée d'une suite fixe alternante de mouvements musicaux instrumentaux et poétiques. Il n'existe pas de répertoire unique et commun au Maghreb ; même des noubas de même nom diffèrent d'écoles en écoles, et à l'intéreur même d'une école, il peut y avoir des dizaines de versions d'une même nouba.

  • École marocaine :

Compilée par Muhammed Ibn al-Hasan al-Hayik au XVIIIe siècle, la nouba marocaine est une suite de chants déclinés sur 26 modes (tab') diatoniques différents (n'usant pas de micro-intervalles, sauf dans les mawwâl récents), dont 4 principaux (Mâya - Al-dhîl - Mazmûm - Zîdân).

Les 11 noubat : Raml al-mâya - Isbahân - Al-mâya - Rasd al-dhîl - Al-istihlâl - Rasd - Gharîbat al-husayn - Al-hijâz al-kabîr - Al-hijâz al-mashriqî - ‘Irâq ‘ajam - ‘Ushshâq.

Elles sont composées chacune de cinq parties ou rythmes différents (mizan) : Basît (dont les ouvertures : mshâliya et bughya - Qâ’im wa-nisf - Btâyhî - Quddâm - Dârij.

Les formes poétiques sont les suivantes : Muwashshah - Zajal - Shugl - Barwal - Melhoun

  • École algérienne :

Il n'y a que 16 modes diatoniques (une tendance récente introduit des micro-intervalles arabes) dont 7 principaux (Raml Al-Mâya, Arak, Zîdân, Mûal, Sîkâ, Mazmûm et Djarka).

Les 16 noubat (dont 4 inachevées): : Al-dhîl – Mjenba - Al-hussayn - Raml Al-mâya - Ramal - Ghrîb - Zîdân - Rasd - Mazmûm - Sîkâ - Rasd Al-Dhîl – Mâya (Ghribet Hassine – Araq – Djarka – Mûal).

Elles sont composées chacune de cinq mouvements de base (Msaddar - Btâyhî - Darj - Insirâf - Khlâs), mais des préludes et des interludes en portent le nombre jusqu'à sept ou neuf : Tûshiya ou Dâ'ira ou Bashraf - Mestekhber san'â (Alger) ou Mishalia (Tlemcen) - Tûshiya - Msaddar - Btâyhi - Darj - Tûshiya el Insirafate - Insirâf - Khlâs ou Tûshiya el Kamal.

Les formes poétiques : Muwashah - Zajal -

  • École tunisienne :

Compilée au XVIIIe siècle par Rachid Bey, elle fut consolidée au XXe siècle par la Rachidia. Les modes sont basés sur certains micro-intervalles ottomans.

Les 13 noubat : Dhîl - ‘Irâq - Sîkâ - Hsîn - Rast - Raml al-mâya - Nawâ - Asba‘ayn - Rast al-dhîl - Ramal - Isbahân - Mazmûm - Mâya.

Elles sont composées de 9 mouvements (qut'a,jiz) basés sur 9 rythmes (iqa) : Ishtiftâh ou Bashraf samâ'î ou Tshambar - Msaddar - Abyât - Btâyhî - Barwal - Darj - Tûshiyâ - Khafîf - Khatm.

Les formes poétiques : Nashîd - Istihlâl - ‘Amal - Muharrak - Muwashshah - Zajal - Barwal - Shugl.

  • École libyenne :

Les noubat sont composées de huit parties : deux Msaddar - deux Mûrakaz - deux Barwal - Khafîf - Khatm. Elles sont composées d'un même rythme dont le nom diffère selon la rapidité du mouvement musical.

Khemaïs Tarnane jouant de l’oud.
Khemaïs Tarnane jouant de l’oud.

[modifier] Instruments de musique

Les instruments utilisés dans un ensemble typique de musique arabo-andalouse (takht) sont :

[modifier] Expressions régionales

[modifier] Maroc

Icône de détail Article détaillé : Musique marocaine.

Le Maroc est le pays du Maghreb où la tradition arabo-andalouse est la plus évidente de par sa proximité géographique avec la péninsule Ibérique qui poussera une large majorité d'arabo-andalous à s'exiler au Maroc dans l'espoir d'un retour, de par l'intervention des dynasties Almoravides et Almohades dans le maintien des arabo-andalous en Espagne, et enfin de par l'absence de colonisation ottomane qui a été forte dans tout le monde arabe (de la Syrie à l'Algérie) en particulier sur le plan musical. Cette musique est restée vivace et elle possède un véritable public depuis des siècles.

Au Maroc, les Andalous apportent trois formes musicales : tarab al-âla, qui est la forme principale, à Fès ; tarab al-gharnâti, forme rencontrée à Oujda, Rabat et Salé ; les piûtim et les trîq pratiquées par les juifs.

Après l'avènement des Alaouites, en 1660, la musique arabo-andalouse connaît un nouvel essor grâce aux zâwya et tariqa (confréries soufies) qui encouragent leurs adeptes à la pratique musicale.

Un siècle plus tard, le Tétouanais al-Hâ'ik sauvegarde le patrimoine poétique et musical de al-Âla. En 1886, Al-Jâm'î publie un ouvrage sur le répertoire pratiqué à Fès : Précis du kunnâsh de al-Hâ'ik. À la même époque, des mouvements importants de populations (juives notamment) entre le Maroc et l'Algérie, entraîne des échanges musicaux et une dissémination des styles, de part ét d'autres de la nouvelle frontière.

Il existe plusieurs écoles musicales ayant comme référence une cité andalouse :

Les Andalousiyates organisées depuis quelques années au Maroc permettent les rencontres entre les artistes marocains, espagnols, algériens, tunisiens et syriens.

[modifier] Algérie

Icône de détail Article détaillé : Musique algérienne.

L'influence ottomane y donnera un nouvelle variante : le malouf ; Toutefois la musique est restée arabo-andalouse et maghrébine dans certaines villes du pays.

Trois grandes écoles constituent la musique andalouse algérienne :

D'autres genres plus populaires en sont issus : n’qlabate, aroubi, zendani, etc. Cette musique s’est démocratisée ces dernières années seulement et est appréciée par une partie de la population algérienne en quête de retour aux sources. D'autres écoles plus modestes existent telles : Bejaia, Mostaganem et Blida.

[modifier] Tunisie

Icône de détail Article détaillé : Malouf tunisien.

Si elle a certes subit l'influence ottomane qui se traduit par l'usage des modes (maqâmat) et des formes (bashraf et samai) turques, l'accord des instruments reste maghrébin et la musique profondément ancrée dans le genre arabo-andalou et l'art de la nouba. L'école de Kairouan s'est transportée à Tunis, où le malouf est représenté par :

[modifier] Libye

Le malouf libyen a quasi disparu aujourd'hui et n'est plus guère représenté que par l’Ensemble de Malouf de la Grande Jamahiriya dirigé par Hassan Araibi.

[modifier] Espagne

Sous l'impulsion de musiciens spécialistes du répertoire médiéval ibérique, tels Grégorio, Luis, Carlos et Eduardo Paniagua (membres de l'Atrium Musicae), Luis Delgado, Begonia Olavide et les ensembles Calamus, Mudejar et Ibn Baya, une complicité s'est établie avec des musiciens marocains pour réinterpréter les noubat en terre andalouse.

[modifier] Israël

Suite à l'émigration massive des juifs vers ce pays, des musiciens arabo-andalous maghrébins s'y sont retrouvés et ont formé l'Orchestre andalou d'Israël en 1994, alors que cette musique était éteinte au Moyen-Orient depuis l'absorbtion de l'école d'Alep, où le muwashshah était très riche, dans la musique arabe.

[modifier] Sources et liens

  • Guettat Mahmoud, La Musique classique du Maghreb, Paris, Sindbad, 1980.
  • Poché Christian, La Musique arabo-andalouse, Paris, Cité de la musique/Actes Sud, 1995.