Mouvement autonome

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Le mouvement autonome se définit comme une lutte pour l’autonomie du prolétariat par rapport au capitalisme et à l’État, mais aussi par rapport aux partis et aux syndicats.

Sommaire

[modifier] Caractéristiques du mouvement autonome

Le mouvement autonome contemporain est apparu en Italie en 1973 sous le nom d' « Autonomia Operaia » (Autonomie ouvrière). Il fait donc référence au concept d'« autonomie ouvrière » ou d'« autonomie prolétarienne ».

Le mouvement autonome se distingue par sa violence (émeutes ou lutte armée clandestine) et par un certain nombre de pratiques radicales comme le squat ou l’autoréduction. L’autoréduction consiste pour un groupe d’usagers à imposer par la force une baisse du prix d’un produit ou d’un service. Elle peut aller jusqu’à la gratuité et prendre la forme de véritables pillages de supermarchés. Les autonomes parlent alors de « communisme immédiat ».

La diffusion, en France des idées de l'autonomie, s'est faite à partir des militants de la revue Camarade. Il est rapidement apparu plusieurs pôles de sensibilité différente dont le consensus se faisait autour de l'opposition aux partis et syndicats, sans pour autant endosser les idées libertaires spécifiquement anti-état et anticapitaliste. Une large partie du mouvement autonome n'était pas opposée à l'idée d'un état fort, notamment dans la perspective ultérieure de défendre les acquis de l'autonomie. Les différentes sensibilités étaient liées aux parcours des différentes familles politiques qui se sont rejointes, notamment ceux issu du mouvement (post) Internationale situationniste et ceux que l'on appelait les "militaristes", "mao-spontanéistes" issus de l'ex Gauche prolétarienne autour du journal "La Cause du Peuple" (qui a été dirigé par Jean-Paul Sartre), dont l'expérience donnera naissance au journal Libération avec Serge July . Les différentes sensibilités étaient aussi liées à la pratique et la situation sociale de chacun, avec notamment, un pôle étudiant (Normale sup, Paris Dauphine, Nanterre...), et un pôle de jeunes représentant les "nouvelles marges" de banlieue (Rueil Malmaison....). La débat intellectuel du mouvement s'est nettement démarqué de la volonté de lutte armée prônée par certains sur le modèle Italien. Il a été estimé que les contradictions de la société française n'étaient pas telles que la lutte armée soit justifiée. C'est une des raisons qui a évité à la France les "Années de plomb" connues notamment en Italie et en République Fédérale d'Allemagne. Ceci malgré l'aventure d' Action directe qui a été d'un impact limité en proportions.

[modifier] Chronologie

[modifier] Années 1970

[modifier] 1974

Fondation du groupe Marge, par Gérald Dittmar et Jacques Lesage de La Haye. Parution de la revue Marge, à laquelle collaboreront Serge Livrozet, Frédéric Nathan et Daniel Ladovitch. Certains numéros seront tirés à 10 000 exemplaires. Daniel Guérin, Walter Jones et Grisoune Jones ont milité dans Marge.

[modifier] 1976

En France, le mouvement autonome apparait autour du groupe « Camarades », animé par Yann Moulier-Boutang qui a édité entre 1972 et 1973 la revue Matériaux pour l'intervention inspiré des thèses de l'opéraïsme italien.

[modifier] 1977

Assassinat le 23 mars de Jean-Antoine Tramoni par les NAPAP (Noyaux armés pour l'autonomie populaire), composés pour partie d'anciens militants de la Gauche prolétarienne. Jean-Antoine Tramoni était le vigile de Renault qui avait tué en 1972 un militant maoïste de la Gauche prolétarienne, Pierre Overney. Au cours de l’été, les NAPAP organiseront un certain nombre d’attentats antinucléaires avec l’aide de militants des GARI (Groupes d’action révolutionnaire internationaliste) comme Jean-Marc Rouillan.

Le mouvement autonome s’organise dans l’APGA (Assemblée parisienne des groupes autonomes). Il regroupe de nombreuses tendances : outre les militants de Camarades qui se réclament des idées de Toni Negri, on trouve aussi dans ce mouvement des membres de l’OCL (Organisation communiste libertaire), des individus se référant à l' « Autonomie désirante » autour de Bob Nadoulek, mais aussi des voyous, des squatters, et des marginaux (groupe Marge). Les autonomes se mobilisent en faveur des prisonniers de la Fraction armée rouge (Rote Armee Fraktion).

8 juin : manifestation à la mémoire de Pierre Maître, gréviste de Citroën, tué par balle dans la nuit du 4 au 5 juin 1977 par deux hommes membres du SAC et de la CFT (Confédération Française du Travail, syndicat jaune). 4.000 personnes manifestent, dont 200 autonomes casqués et armés de barres de fer. Une société de vigile, place de la Nation, est attaquée à coups de cocktails Molotov.

21 octobre : manifestation à Saint-Lazare, à l'appel de l'OCL, pour contester la version "suicide" de la mort d'Andreas Baader, de Gudrun Ensslin et de Jan-Carl Raspe à la prison de haute sécurité de Stuttgart-Stammheim, perçue comme un assassinat perpétré par l'Etat fédéral allemand. La manifestation, illégale, entraîne l'interpellation de 300 personnes.

[modifier] 1978

Autodissolution de l’APGA.

[modifier] 1979

En France, les autonomes font surtout parler d’eux lors de la manifestation des sidérurgistes qui a lieu à Paris le 23 mars et qui se transforme en émeute. Apparition d'un nouveau groupe de lutte armée : Action directe. Ce groupe organisera jusqu'en 1987 plusieurs dizaines d’attentats sur tout le territoire.

[modifier] Années 1980

Le mouvement autonome disparait en Italie sous les coups de la répression. Il est alors surtout présent en Allemagne. En France, il se retranche dans les squats parisiens mais apparaît encore dans certaines émeutes :

Les autonomes se mobilisent également beaucoup pour la libération des prisonniers.

[modifier] Principaux collectifs

  • Collectif autonome Tolbiac (CAT, 1981-1982)
  • Centre autonome occupé (CAO, 1983-1984)
  • Coordination autonome pour des espaces libérés (CAEL, 1983-1984)
  • Narbé L'Hermitte (1987-1989)
  • Squatters et précaires associés (1987-1989)
  • Sans-cravates (1989)

[modifier] Médias et publications

  • CAT Pages (1981-1982)
  • Tout ! (1982-1985)
  • Molotov et Confetti (1984)
  • Radio Mouvance (1985)
  • Radio Pirate (1986)
  • Quilombo (1988-1993)

[modifier] Principaux squats parisiens

  • rue de l'Est (1981-1982)
  • rue Piat (20e, 1982-1983)
  • rue des Cascades (20e, 1982-1983)
  • rue de Tlemcen (20e, 1982-1983)
  • L'Usine L’Utilisation subversive des intérêts nuisibles aux espaces (Montreuil, 1984-1985)
  • rue Caplat (18e, 1987-1989)
  • rue Lignier (20e, 1989-1990)
  • rue Popincourt (11e, 1990-1991)

[modifier] Années 90

[modifier] 1992

Le groupe « Apache » quitte le SCALP.

[modifier] 1993

[modifier] 1994

Un collectif autonome est créé à l'occasion du mouvement anti-CIP : le « MARS » (Mouvement d'Action et de Résistance Sociale). La CDSA ouvre un squat avenue de Breteuil (7°) puis rue Saint-Sauveur (2e). Apparition de « Travailleurs, Chômeurs, et Précaires en colère » (TCP).

Une fusillade éclate à Paris entre la police et deux autonomes : Florence Rey, qui est arrêtée, et Audry Maupin, qui est tué en même temps qu’un policier et un chauffeur de taxi.

[modifier] 1995

Campagne contre les vigiles du métro (TRAUM, Tribune de Résistance Active des Usagers du Métro). Création durant la grève du mois de décembre du Collectif d'Aide aux Manifestants interpelés (CAMI).

Parution de Tic-Tac : huit numéros jusqu'en 1997. « T...I...C, T...A...C..., T'es ici, t'en as assez, Tic-Tac, Si t'en as ta claque de tout ce mic-mac, Sois frénétique, freine pas l'attaque, Pas fanatique mais feinte l'attaque, Sois systématique, le système attaque, Pas trop plastique et place ta claque ».

[modifier] 1996

Collectif Des papiers pour tous : actions de solidarité avec les sans-papiers.

[modifier] 1997

  • Coordination de résistance et de lutte anti-capitaliste (CRELAC)

[modifier] 1998

[modifier] 1999

Parution de Tiqqun : "Organe conscient du Parti Imaginaire", revue de métaphysique post-situationniste

[modifier] Années 2000

Dans le mouvement altermondialiste, les autonomes sont désignés sous le terme de « Black Bloc » en raison de leur tenue noire qui leur permet d’être plus difficilement identifiés par la police lors de leurs actions émeutières. En France, la mouvance autonome semble plus apparaitre comme une composante spontanéiste du mouvement libertaire.

[modifier] 2000

Création du collectif « Pour en finir avec toutes les prisons ».

Publications :

  • Tout le Monde dehors ! : « feuille d'info sur les prisonniers en lutte »
  • L'Envolée (journal de prisonniers)

[modifier] 2002

Du 19 au 28 juillet, un campement No Border est organisé à Strasbourg, pour l'abolition des frontières et des nations, la liberté de circulation et d'installation, et l'arrêt des expulsions de « sans-papiers ».

[modifier] 2003

Autodissolution de « Pour en finir avec toutes les prisons » dans une éphémère « Coordination anticarcérale européenne ».

Le 15 novembre, des affrontements opposent des autonomes au cortège du Parti Socialiste, à l'occasion de la manifestation du Forum social européen qui se déroule à Paris.

Début décembre, a la fin d'une manifestation de chômeurs, une centaine de militants investissent le Bon Marché et repartent avec des provisions pour fêter Noël. Des affrontements avec les CRS ont lieu a l'intérieur du magasin. En sortant, une tension continue de régner entre la police et les manifestants, qui mettront plus d'une heure à se disperser.

Ouvrages :

  • Appel (Appel à la création de communautés autonomes)
  • Une Fièvre impossible à négocier : roman publié par Flammarion dans lequel Lola Lafon décrit de manière particulièrement romancée une histoire s'appuyant sur sa connaissance de la mouvance autonome parisienne

Revues :

  • Asymétrie : « bulletin communiste pour la guerre civile ».
  • Macache : « Macache : expression de la négation, rien. Rien, parce que de cette société de classe il n'y a rien à vouloir, de sa démocratie rien à attendre, Rien, parce que face au capital, il n'y a rien à négocier, face à l'État rien à revendiquer. Rien, rien que la guerre sociale ! ».

[modifier] 2004

Campagne antisécuritaire à l'université de Nanterre.

Publications :

  • Meeting : "Revue internationale pour la communisation". Revue plutôt proche de"l'ultra gauche" Voir aussi le site Summermeeting et les Editions Senonevero qui publient ces textes sur la "communisation" et aussi un ouvrage sur l'Opéraisme Italien " A l'assaut du ciel, lutte de classes dans le marxisme autonome Italien" de Steve WRIGHT
  • Vidange : technophobie, squats, et lutte contre la répression.
  • Mathieu Amiech et Julien Mattern, Le Cauchemar de Don Quichotte : sur l'impuissance de la jeunesse d'aujourd'hui, Editions Climats. Critique du mode de production industriel.

[modifier] 2005

Parution de Outrage : bulletin édité par Action-K (collectif de propagation de contre-culture).

Parution du Riot Magazine : Revue papier à publication aléatoire, informations et pratiques insurrectionnelles.

En février, à Paris, lors d'une manifestation pour la défense des 35 heures, des autonomes ont "séquestré" Julien Dray et Malek Boutih pendant environ une heure dans un café. [ Source ]

[modifier] 2006

A Paris, durant le mouvement anti-CPE de mars 2006, l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) a été occupée durant quatre jours par plusieurs centaines de personnes, dont au moins 200 anarchistes et autonomes réunis en assemblée générale autonome. Le matériel d'enseignement et informatique a été saccagé, et les murs couverts de graffitis. Le tag "Mort à la démocratie" a notamment fait scandale auprès des médias.

[modifier] 2007

Un verdict de la cour d'appel de Copenhague rendu en août 2006 et obligeant l'évacuation du squat Ungdomshuset (Quartier de Norebro, Copenhague), ouvert depuis 1982 a entrainé une vague internationale de solidarité envers les squatteurs. Aussi le mouvement autonome européen s'est-il mobilisé partout sur le continent pour leur exprimer son soutien (occupations de consulats danois, manifestations devant les ambassades danoises, manifestations massives à Copenhague). Les manifestations qui ont dégénéré en émeutes le 16 décembre 2006 et le 1er mars 2007 ont donné lieu à de nombreuses arrestations d'anarchistes, de squatteurs, d'autonomes et de personnes proches de l'extrême gauche d'une vingtaine de nationalités différentes (dont quelques français). Les violentes émeutes qui ont suivi l'expulsion du squat par une unité antiterroriste de l'armée danoise (matin du 1er mars 2007) et qui se sont produites les soirs du 1, 2, 3 et 4 mars 2007 sont elles aussi à mettre en grande partie sur le compte du mouvement autonome européen (on compte quelques dizaines de blessés légers des deux côtés). Le squat Ungdomshuset a finalement été démoli le matin du lundi 5 mars 2007. Même si le mouvement de solidarité a été un échec, ces événements ont prouvé l'existence d'une certaine coordination autonome internationale, et ont par la même occasion démontré la puissance offensive de cette dernière.

En Italie, Oreste Scalzone est de retour en février 2007 après 26 ans d'exil.

En France, suite à l'élection de Nicolas Sarkozy, création d'Assemblées de résistance populaire Autonome à Caen et à Toulouse. Grève spontanée des jeunes ouvriers d'Airbus Toulouse, en opposition aux centrales syndicales. Vote de la grève des étudiants réunis en assemblée générale à l'université de Tolbiac (connue pour être un bastion gauchiste).

Publications :

  • Bachibouzouk (Hiver 2006-2007)
  • CNT-AIT Toulouse, L'anarcho-syndicalisme questionné (essai de synthèse pour la réactualisation des pratiques et idées anarchistes, à la lumière des expériences anarcho-syndicalistes, conseillistes et de l'autonomie ouvrière)
  • Comité Invisible, L'Insurrection qui vient, La Fabrique, 2007
  • Le Jardin S'embrase, Les mouvement sont faits pour mourir... , Tahin Party, 2007

[modifier] 2008

Le 19 Janvier deux personnes sont arrêtées, dans la région parisienne, en possession de fumigènes artisanaux et de crèves pneu (clous tordus) sont mises en détention provisoire. D’après les informations apportés par les Renseignements Généraux à la presse il s’agirait « d’anarcho-autonomes »[1].

Le 5 avril, à Paris, dans le cadre d'une manifestation (de la place d'Italie à la place de Rennes) de soutien aux sans-papiers qui rassemble entre 5.000 (selon la police) et 15.000 personnes (selon les organisations présentes), un cortège autonome de 200 personnes s'affronte durement au service d'ordre de la LCR. Selon la LCR, ce serait une réaction de défense de leur SO face à une charge violente apparemment non justifiée de la part des autonomes. Selon les autonomes, ce serait le SO de la LCR qui les auraient agressé, en les bloquant physiquement et en arrachant leur banderole de tête, pour les empêcher de se positionner derrière leur cortège qui venait de les dépasser. Il y a eu plusieurs blessés légers, et aucune interpellation.

La veille, Baba Traoré, un sans-papier, avait été trouvé mort après s'être jeté dans la Marne (alors qu'il ne savait pas nager) du haut du pont de Joinville pour échapper à un contrôle de la Brigade anticriminalité (ce qui expliquerait la faible présence policière sur le parcours de la manifestation : la crainte d'éventuelles représailles de la part des manifestants). Après la manifestation, entre 200 et 300 personnes se sont rendu au Centre de Rétention de Vincennes, en solidarité avec les sans-papiers enfermés là-bas dans l'attente d'une expulsion. Suite à la rumeur de l'arrivée massive de forces de police, le rassemblement part en manifestation sauvage. La circulation d'une route est bloquée, une patrouille de trois policiers est "caillassée", une voiture de police, un commissariat de police municipale, ainsi que des panneaux publicitaires, ont été dégradés. La gare RER où Baba Traoré avait été contrôlé a, quant à elle, aussi été attaquée et vandalisée. Le cortège se disperse par la suite, sans aucune interpellation.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. « Mauvaises Intentions » L'outil "antiterroriste" et la "mouvance anarchoautonome", dossiers de presse et recueil de textes publics, 44p, mai 2008.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • L’Autonomie. Le mouvement autonome en France et en Italie, éditions Spartacus 1978
  • La Mouvance autonome en France de 1976 à 1984, Sébastien Schifres, Université Paris X, 2004
  • Autonomes, Jan Bucquoy et Jacques Santi, ANSALDI 1985
  • Action Directe. Du terrorisme français à l’euroterrorisme, Alain Hamon et Jean-Charles Marchand, SEUIL 1986
  • Paroles Directes. Légitimité, révolte et révolution : autour d’Action Directe, Loïc Debray, Jean-Pierre Duteuil, Philippe Godard, Henri Lefebvre, Catherine Régulier, Anne Sveva, Jacques Wajnsztejn, ACRATIE 1990
  • Un Traître chez les totos, Guy Dardel, ACTES SUD 1999 (roman)
  • Bac + 2 + crime : l’affaire Florence Rey, Frédéric Couderc, CASTELLS 1998
  • Italie 77. Le « Mouvement », les intellectuels, Fabrizio Calvi, SEUIL 1977
  • Una sparatoria tranquilla. Per una storia orale del'77, ODRADEK 1997
  • Die Autonomen », Thomas Schultze et Almut Gross, KONKRET LITERATUR 1997
  • Autonome in Bewegung, AG Grauwacke aus den ersten 23 Jahren, ASSOCIATION A 2003
  • Anarcho-syndicalisme et Autonomie Populaire, CNT-AIT, 2001
  • Autonomie populaire et désobéissance civile : Les autoréductions en Italie suivi de La grève de 1979 à Renault Véhicule Industriel (RVI), CNT-AIT Caen, Cahiers de l'Annarcho-syndicalisme (CAS), 2007
  • Parisquat - Des squats politiques à Paris 1995-2000, Jean Berthaut, recueil de témoignages de militants autonomes, Atelier de création libertaire, 2008.

[modifier] Liens externes