Lysis

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Cet article fait partie de la série
Les dialogues de Platon
Dialogues socratiques : Socrate, les vertus,

les Sophistes

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Le Politique - Timée
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Les Rivaux - Théagès – Épinomis
Minos - Clitophon

Le Lysis (ou Sur l’Amitié) est un dialogue de Platon. Il appartient à la série dite des « Premiers Dialogues », composés à l’époque où l’auteur était encore jeune.

Ce texte est essentiellement un monologue de Socrate, lequel sait intéresser et captiver son auditoire, composé de plusieurs jeunes gens.

Si l’on en croit une anecdote rapportée par Diogène Laërce, Platon aurait écrit ce dialogue très tôt, du vivant de Socrate, étant donné que ce dernier se serait exclamé à la lecture du dialogue : « Que de choses ce jeune homme me fait dire auxquelles je n’ai jamais pensé !  ».

Il est toutefois plus vraisemblable de penser qu’il a été composé plus tardivement, après le Lachès ou le Charmide, car des éléments fondamentaux du système platonicien y sont déjà perceptibles.

Sommaire

[modifier] Personnages

  • Socrate ;
  • Hippothalès : Hippothalès, fils d’Hiéronyme, n’est connu que par ce dialogue. Le jeune garçon se caractérise par le puissant désir qu’il éprouve pour son camarade Lysis. Il ne souffle pas un mot dans la partie principale du dialogue, de peur d’importuner son bien-aimé, et sert au lecteur d’exemple concret au thème de la discussion ;
  • Ctésippe : Ctésippe, de Paeanie, est un jeune disciple des sophistes, ami d’Hippothalès et cousin de Ménexène. Il manifeste une certaine raillerie condescendante à l’égard des sentiments que ressent son camarade pour Lysis. Ce personnage apparaît également dans l’Euthydème. On sait enfin de lui que, tout comme Ménexène, il assista à la mort de Socrate ;
  • Ménexène : Ménexène, cousin de Ctésippe et grand ami de Lysis, a la réputation d’un jeune garçon intelligent sachant manier les idées. Il manque encore, en réalité, d’un peu de maturité, et ne sait rivaliser avec la dialectique de Socrate ;
  • Lysis : Lysis, un jeune garçon charmant semblant paré de toutes les vertus physiques et morales, est le fils de Démocrate d’Aixonè. Il a pour meilleur ami Ménexène, et pour admirateur secret Hippothalès.

[modifier] Le dialogue : définir l’amitié au sens grec du terme

Le Lysis traite de la nature de l’amitié. Ce concept doit cependant s’entendre en son acception grecque, où l’amitié recouvre à la fois les relations amicales entre deux personnes et le désir homosexuel.

[modifier] Scène introductive

Alors qu’il passe devant un gymnase à Athènes, Socrate rencontre Hippothalès et Ctésippe, accompagnés de plusieurs autres jeunes gens. Ils y participent régulièrement, lui expliquent-ils, à des conversations en compagnie de maîtres sophistes, et invitent Socrate à les rejoindre.

Ce dernier remarque immédiatement le trouble visible d’Hippothalès et lui en fait part. Comme il l’avait deviné, le jeune homme est amoureux d’un camarade, dont il apprend qu’il s’appelle Lysis. Ctésippe explique à Socrate, sans ménagement pour son ami, la manière dont ce dernier n’a que le nom de son bien-aimé à la bouche et les importune de ses poèmes.

C’est, pense Socrate, une bien mauvaise manière de faire sa cour, car charger de tant d’éloges la personne que l’on désire aura pour seul effet de la rendre plus orgueilleuse et encore moins accessible. Hippothalès, désireux d’en savoir autant que possible sur la bonne manière d’agir, ne s’oppose pas à ce que Socrate rentre avec eux dans le gymnase pour converser avec Lysis, qui s’y trouve.

Une fois à l’intérieur, afin d’inciter le timide Lysis à les rejoindre et à prendre part à la conversation, Ctésippe va chercher son cousin Ménexène, qui est aussi le meilleur ami de Lysis. Enhardi par cette présence, Lysis se joint au groupe. Hippothalès se place en retrait pour ne pas être vu du jeune garçon.

[modifier] Un ignorant ne peut être fier de lui-même

En préambule à la conversation sur l’amitié, Socrate veut discrètement indiquer à Hippothalès la manière dont il convient de rabattre et de restreindre l’amour-propre de celui qu’on aime pour mieux le conquérir.

Il se met donc à questionner Lysis. Il va de soi que les parents de ce dernier lui portent un grand amour et souhaitent de tout cœur son bonheur. Comment, dès lors, expliquer que son père lui interdise de conduire lui-même un char lors d’une course, ou lui impose l’autorité d’un pédagogue, d’une condition sociale bien moindre que la sienne ? C’est, répond Lysis, qu’il n’a pas encore l’âge requis pour échapper à toutes ces choses.

Pourtant, réplique Socrate, il est certaines choses que les parents de Lysis lui laissent faire, et même lui font faire en priorité par rapport aux autres personnes du foyer, comme écrire des lettres ou jouer de la lyre. Comment expliquer cette différence d’attitude ?

Lysis trouve immédiatement la réponse attendue : c’est qu’il est savant dans certaines matières et encore ignorant dans d’autres. Les personnes savantes s’attachent l’amitié et la confiance de tous, tandis que les ignorants ne sont appréciés de personne. Si Lysis a toujours besoin d’un maître, c’est qu’il n’est pas encore parfaitement instruit. Et s’il n’est pas encore parfaitement instruit, c’est donc qu’il ne saurait en aucun cas ressentir de la fierté pour lui-même.

[modifier] L’ « ami » est-il celui qui aime, celui qui est aimé, ou les deux ?

[modifier] Socrate en appelle à l’expérience de Ménexène

Ceci ayant été convenu, Lysis prie Socrate de bien vouloir s’entretenir avec Ménexène, qui sait selon lui parler avec élégance sur de nombreux sujets.

Socrate commence par avouer son désir de faire un jour la connaissance d’un véritable ami, ce qui ne s’est jusqu’alors jamais réalisé, et complimente Ménexène sur la belle amitié qu’il entretient avec Lysis. Peut-être Ménexène pourrait-il l’éclairer de sa visible expérience en la matière ?

[modifier] L’ami n’est ni celui qui aime, ni celui qui est aimé, ni celui réunissant les deux conditions

La question, poursuit-il, se pose en ces termes : il souhaiterait d’abord savoir, quand un homme en aime un autre, lequel des deux est l’« ami ». Celui qui aime, celui qui est aimé ou encore les deux à la fois ?

Ménexène est tenté de répondre qu’il s’agit des deux personnes à la fois. Mais Socrate lui objecte qu’un homme en aimant un autre peut ne pas être payé en retour, ou même être haï par celui qu’il aime. Dans ce cas, au contraire, ni l’un ni l’autre ne semblent pouvoir être qualifiés d’amis.

Socrate en tire la conclusion contestable que l’ami n’est ni celui qui aime, ni celui qui est aimé, ni même celui qui tout ensemble aime et est aimé.

[modifier] Réflexion sur les fondements de l’amitié

==== L’amitié ne peut-elle naître qu’entre deux personnes semblables ? ==== *Important*

Reconnaissant que la discussion s’est engagée sur de mauvaises bases, Socrate reprend la recherche depuis le début par une autre question, destinée cette fois à Lysis : est-il vrai que l’amitié ne peut naître qu’entre deux personnes semblables ? C’est en tout cas ce que semble avoir pensé Homère lorsqu’il a écrit :

Un Dieu conduit toujours le semblable vers son semblable.
(Odyssée, XVII, 218) 

Au mieux, une telle idée n’est vraie qu’en partie : on peut en effet difficilement concevoir qu’un homme méchant se lie d’amitié avec un autre homme méchant, la méchanceté rejetant par nature toute forme d’amitié. Mais cette thèse ne trouve pas non plus d’application pour les hommes de bien : un homme parfaitement bon se suffit à lui-même et n’a pas besoin de l’amitié d’autres hommes bons.

Plus généralement, on peut donc dire que le semblable n’a pas besoin du semblable, et que la ressemblance empêche la naissance de l’amitié au lieu de l’encourager, comme le prouve cette citation d’Hésiode :

Le potier envie le potier, le chanteur le chanteur, 
le mendiant le mendiant.
(Travaux et Jours, 25 et suiv.) 

[modifier] L’amitié ne peut-elle naître qu’entre deux personnes contraires ?

Faut-il en conclure qu’à l’inverse, l’amitié ne peut apparaître qu’entre des personnes n’ayant rien en commun ?

Socrate rappelle ici les idées d’Héraclite d'Éphèse, selon lequel chacun désire son contraire : « c’est ainsi que le sec désire l’humide, le froid le chaud, l’amer le doux, l’aigu l’obtus, le vide le plein, le plein le vide, et ainsi du reste ». Toutefois il est évident que de nombreux types de contraires sont impossibles à unir : l’amitié et la haine, le juste et l’injuste, le bon et le mauvais…

Cette seconde idée est par conséquent tout aussi fausse que la première.

[modifier] La thèse de Socrate : l’amitié est le rapport d’un être imparfait à un être bon

Pour sortir de toutes les contradictions s’accumulant depuis le début du dialogue, Socrate soumet à son jeune public sa propre théorie.

Pour ce faire, il établit tout d’abord une distinction entre les trois concepts du bon, du mauvais et du ni bon ni mauvais. Comme convenu précédemment, le bon se suffit à lui-même et ne peut donc prendre l’initiative d’une relation amicale. Il en est de même du mauvais, dont la méchanceté exclut toute forme d’amitié.

Reste le ni bon ni mauvais. Il ne peut être ami de ce qui lui ressemble, l’amitié ne pouvant naître entre deux êtres semblables, tout comme il ne peut être l’ami du mauvais. La seule combinaison valable est donc que l’amitié peut être ressentie par le ni bon ni mauvais pour le bon.

Le corps, par exemple, qui n’est en soi ni bon ni mauvais, aime la médecine, qui est un bien, à cause du danger que représente la maladie, qui est un mal. De même un disciple aime le savoir dispensé par son maître, qui est un bien, par peur de l’ignorance, qui est un mal.

Socrate en tire ainsi la conclusion que ce qui n’est ni bon ni mauvais aime le bon, à cause de la présence du mal. Bref, l’amitié serait ce qui caractérise le rapport existant entre un être imparfait, ni bon ni mauvais, et un être bon.

[modifier] Le premier objet de l’amitié

Mais Socrate veut aller plus loin que cette première définition, en démontrant que les choses ou les personnes faisant l’objet d’un sentiment d’amitié ne sont pas aimées pour elles-mêmes, mais pour autre chose, laquelle est aussi aimée pour autre chose, et ainsi de suite jusqu’à parvenir au principe premier, au premier objet de l’amitié.

Le médecin, par exemple, n’est pas aimé pour lui-même mais pour la santé qu’il procure. La santé, quant à elle, n’est pas aimé pour elle-même mais pour le bien-être général auquel elle contribue, et ainsi de suite. En continuant sur cette voie, affirme Socrate, nous pourrions arriver à un principe premier qui ne nous renverra plus à un autre objet aimé, mais qui sera aimé pour lui-même. Toutefois il garde le silence sur la nature de ce premier objet de l’amitié.

[modifier] Conclusion : Socrate réfute sa propre thèse

Alors que la fin de la conversation approche, Socrate fait part des doutes qui l’assaillent soudain à propos de la validité de la définition qu’il a donnée de l’amitié.

Il lui apparaît en effet que la crainte du mal n’est pas la seule raison pour laquelle le ni bon ni mauvais peut ressentir de l’amitié : si le mal était aboli, l’amitié disparaîtrait alors de la même façon, devenue inutile. Mais les désirs, qui ne s’appuient pas sur la crainte du mal, eux, subsisteraient. Et comme celui qui désire aime forcément l’objet de ses désirs, l’amitié subsisterait aussi, malgré la disparition du mal. Bref la définition est mauvaise, et ne recouvre pas tous les cas où peut naître l’amitié.

Socrate allait reprendre la discussion lorsque les pédagogues de Lysis et de Ménexène viennent les chercher, ce qui met fin à la discussion sans qu’elle ait aboutie.

[modifier] Portée philosophique

Le Lysis est le premier dialogue de Platon proposant une ébauche de la théorie des Idées. On peut en effet présumer que derrière le principe premier de l’amitié, se cache en réalité le Bien absolu, c’est-à-dire l’Idée du Bien.

Il s’agit aussi, par excellence, d’un dialogue anatreptique où le but de l’auteur est de renverser les opinions couramment admises sur un sujet, sans nécessairement proposer une solution, ce qu’il se réserve de faire dans des textes ultérieurs.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

[modifier] Texte

  • Lysis en édition bilingue, Belles Lettres, 2002, ISBN 2251799400
  • Premiers dialogues, GF-Flammarion n° 129, 1993, ISBN 2080701290
  • Platon : Œuvres complètes, Tome 1, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1940, ISBN 2070104508

[modifier] Commentaires