Luigi Boccherini

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Luigi Boccherini vers 1765-1768
Luigi Boccherini vers 1765-1768

Luigi Boccherini est un violoncelliste et compositeur italien né à Lucques, près de Pise, en Toscane, le 19 février 1743, mort à Madrid le 28 mai 1805.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Formation

Luigi provient d'une famille d'artistes. Son père, Leopoldo, est chanteur et un excellent contrebassiste, employé dans l'orchestre municipal. Son frère Giovanni Gastone est le librettiste de plusieurs opéras d'Antonio Salieri et de Joseph Haydn et sa sœur ballerine.

Luigi, très précocement, montre beaucoup d'intérêt pour la musique et particulièrement pour le violoncelle. Son père lui donne ses premières leçons mais, étonné par les aptitudes de l'enfant, il le confie au maître de chapelle de la cathédrale San Martino de Lucques, l'abbé Domenico Vanussi. Il donne son premier concert à l'âge de treize ans, ce qui lui vaut de recevoir une bourse d'étude.

En 1757, il est envoyé à Rome auprès d'un compositeur célèbre à l'époque, Costanzi. Il se familiarise avec l'œuvre de Palestrina et d'Allegri dont le célèbre Miserere fera très forte impression sur le jeune homme. Boccherini est le plus grand violoncelliste de son temps, il égale en virtuosité, sur son instrument, les plus grands violonistes contemporains.

Après avoir terminé ses études à Saint-Pierre de Rome, il suit son père qui a obtenu un poste pour lui et son fils à l'orchestre de la cour impériale d'Autriche à Vienne. Boccherini ne retourne à Lucques qu'en 1764. Cette année-là, Luigi quitte Vienne pour sa ville natale, préférant la place de violoncelliste à la chapelle palatine de Lucques.

[modifier] France

Luigi Boccherini
Luigi Boccherini

Devant le relatif insuccès de sa carrière et la maigre rémunération, le violoncelliste quitte sa Toscane natale pour une tournée de concert en France avec le quatuor à cordes qu'il a créé dès 1764, chose exceptionnelle à l'époque. La formation est composée d'élèves de Tartini, les violonistes Filippino Manfredi (1738-1780) et Pietro Nardini (1722-1793) ainsi que l'altiste, également compositeur, Giuseppe Maria Cambini (1746-1825). Le répertoire est composé d'œuvres de Haydn, de Boccherini et de quelques compositeurs en vogue. Entre 1764 et 1768, il compose deux oratorios, Giuseppe Riconoscuito et Gioas, re di Guidea.

En 1767, il entreprend une tournée avec Manfredi en Italie du Nord, à Vienne puis enfin à Paris. À la suite de la querelle des Gluckistes et des Piccinistes, les Italiens y sont les bienvenus. Il peut publier quelques quatuors opus 1 et trios opus 2. Boccherini et Manfredi présentent leurs œuvres au Concert Spirituel. La renommée de Boccherini s'étend et ce voyage va décider de l'avenir du musicien.

[modifier] Espagne

L’ambassadeur d'Espagne à Paris, l'ayant entendu au Concert Spirituel, parvient à convaincre Boccherini et Manfredi de se rendre à Madrid en leur faisant miroiter une place stable sous la protection et grâce au mécénat de Don Luis, frère du roi d'Espagne, Charles III. Cette proposition peut paraître étrange car le roi n'aime pas la musique. Il s'installe en Espagne fin 1768, âgé de vingt-six ans, pour ne plus jamais quitter ce pays.

La situation n'est effectivement pas aussi brillante qu'ils auraient pu l'espérer. De nombreux musiciens italiens exercent à Madrid et jalousent le compositeur, notamment Corsetti, Confort et surtout Brunetti. De plus, seuls les auteurs d'opéras peuvent espérer la gloire, ce qui n'est pas son cas.

Ce n'est que le 8 novembre 1770 que l'Infant Don Luis engagera Boccherini comme violoncelliste de sa Chambre et compositeur de musique. Il compose une première série de douze quintettes à cordes à deux violoncelles (il n'en produisit pas moins de 114), forme qu'il a fortement contribué à développer. On suppose que la visite à Madrid du violoncelliste virtuose Jean-Pierre Duport (1741-1818), avec qui il se produisit, favorisa la naissance du genre. Dès lors, il devient très fertile et produit de nombreuses pièces de musique de chambre qui accroissent encore son prestige. Les célèbres quatuors opus 15 lui donnent une renommée européenne.

C'est aussi de 1771 que date le célèbre Menuet extrait du Quintette opus 11 n° 5 en mi majeur (G. 275). Yves Gérard précise que l'œuvre est pourtant passée inaperçue à l'époque et que c'est à partir de 1865 en France que s'est répandue la fascination pour cet extrait dans le monde, symbolisant l'œuvre du compositeur pourtant très peu jouée, évoquant un monde suranné et disparu ?[1]

[modifier] Isolement

En 1776, le mariage morganatique de l'Infant Don Luis entraîne le rejet des deux musiciens de la cour et leur exil à Las Arenas de San Pedro, petite ville d'Ávila, à 135 km de Madrid. Sa production s'en ressent. Néanmoins, il compose à cette époque le remarquable Stabat Mater, œuvre commandée fin 1781 par Don Luis et destiné à un soliste avec accompagnement d'un quintette à cordes avec deux violoncelles.

Son isolement fut si total que Joseph Haydn fut incapable de prendre un contact épistolaire avec son collègue musicien.

[modifier] Retour à Madrid

En août 1785, il perd son protecteur, puis son épouse Clementina, une cantatrice. Charles III lui accorde une pension et en janvier de l'année suivante, il parvient à se mettre au service de Frédéric Guillaume II, encore Prince héritier de Prusse, qui le nomme, à distance, compositeur de la chambre. Début 1786, il va également être employé au service de la comtesse Benavente-Osuna, qui entretient un petit orchestre. Boccherini en est le chef d'orchestre et directeur des concerts. La comtesse lui commande entre autre son unique opéra-zarzuela intitulé La clementina, sur un livret de Ramón de la Cruz (1731-1794), sorte de Metastase espagnol.

À cette époque, il fréquente le peintre Goya qui fait partie des hommes de lettres et d'artistes qui gravitent autour du palais de Puerta de la Vega, chez les Benacente-Osuna. C'est de cette époque que datent les grandes symphonies opus 37.

Mais, pour des raisons inconnues, il quitte soudain ce poste et perd, à la mort de Guillaume en 1797, la pension que ne renouvelle pas son fils et successeur. Abattu et désargenté, Boccherini tente de vendre quelques œuvres aux éditeurs parisiens, Vénier, La Chevardière, Imbault, Sieber et enfin Ignaz Pleyel, qui abusera de la situation difficile du compositeur.

L’été 1799, par l'intermédiaire de Marie-Joseph Chénier (auteur du Chant du départ mis en musique par Méhul), il dédie « à la nation française » un groupe de Six quintettes avec piano opus 57. Dans la lettre du 8 juillet au poète, il écrit ces magnifiques paroles qui sont en quelque sorte une profession de foi capable de décrire toute sa musique :

« je sais bien que la musique est faite pour parler au cœur de l'homme ; et c'est à quoi je m'efforce de parvenir, si je le puis : la musique privée de sentiment et de passions est insignifiante ; d'où il résulte que le compositeur n'obtient rien sans les exécutants[2]. »

Ayant décliné l'invitation de participer à la création du Conservatoire de Paris, Boccherini obtient tout de même en 1800 une charge rémunérée grâce à l'ambassadeur français à Madrid, Lucien Bonaparte, ce qui vaut à ce dernier la dédicace de deux séries de quintettes opus 60 et opus 62.

Une succession de malheurs familiaux (décès de plusieurs enfants, de sa seconde épouse) l'amoindrissent. Il tombe dans un état d'extrême pauvreté, mal logé, il meurt à Madrid des suites d'une maladie pulmonaire le 28 mai 1805.

Sa musique est d'une telle beauté que J.-B. Cartier, à la fin du XVIIIe siècle, écrivait très finement :

« Si Dieu voulait parler à l'homme en musique il le ferait avec les oeuvres de Haydn, mais s'il désirait Lui-même écouter de la musique, il choisirait Boccherini[3]. »

[modifier] Œuvres

Luigi Boccherini est surtout connu pour sa musique de chambre, en particulier pour ses nombreux quintettes à cordes (près de 125 pièces). C'est en effet le plus gros de son œuvre, favorisé par l'éloignement de quinze années de la capitale. Son œuvre symphonique, bien qu'abondante, reste peu jouée. Un de ses concertos pour violoncelle (en si bémol majeur) resta connu par une transcription très édulcorée de Friedrich Grützmacher (1832-1903), ainsi que le fameux menuet.

En 1969, le musicologue Yves Gérard publia un catalogue complet des œuvres du compositeur : Thematic, Bibliographical and Critical Catalogue of the Works of Luigi Boccherini, Oxford University Press, 1969. En voici l'essentiel :

  • Sonates pour violoncelle solo et BC : G 1-19 (seconde versions, G 2b & G 4b), G 562-569 (G 565b), & G 579-580
  • Sonates pour deux violoncelles : G 74, G 571, & G 572
  • Six fugues pour deux violoncelles (ou deux bassons), G 73
  • Trios à cordes : G 77-142, violon, alto & violoncelle
  • Sonates en trios : G 143-148, clavecin (ou piano), violon & violoncelle
  • Sonates en trios (arr. par Pleyel) : G 149-151
  • Piano Trios (arr. du Marquis de Louvois) : G 152, G 153
  • Quatuors à cordes : G 159-258
  • Quintettes G 265-378, deux violons, alto & deux violoncelles
  • Quintettes G 379-406, deux violons, deux altos & violoncelle
  • Quintettes G 407-418, piano, deux violons, alto & violoncelle
  • Quintettes G 445-453, guitare, deux violons, alto & violoncelle
  • Sextuors G 454-460, deux violons, deux altos & deux violoncelles
  • Sextuors G 461-466, flûte, deux violons, alto & deux violoncelles
  • Concertos pour violoncelle G 474-484, G 573
  • 21 Symphonies
  • Messe G 528
  • Stabat Mater G 532
  • Cantates : G 535, G 536, & G 543
  • 2 Oratorios : G 537, G 538;
  • Opéra La Clementina

[modifier] Discographie sommaire

Musique symphonique

  • Sinfonie a grande orchestra op. 37 (1786/87) - Academia Montis Regalis, Dir. Luigi Mangiocavallo (1996, Opus 111 OPS 30-168)
  • Fandango, Sinfonia & La Musica Notturna du Madrid - Le Concert des Nations, Dir. Jordi Savall (2005, Alia Vox AV 9845)
  • Symphonies op. 7 & 10, 12, 21, 35, 37 & 41, 42 & 45 - Deutsche Kammerakademie Neuss, Dir. Johannes Goritzki (1991/93, 8CD CPO 999 084-2 & 999 172 à 178-2)

Concertos

  • Concertos pour violoncelle, Ouvertures, Octuor & Sinfonia - Anner Bylsma, Tafelmusik, Dir. Jeanne Lamon (1993, Sony KS 53 121)
  • Concertos pour violoncelle G 477, 478, 479 & 480 - Ivan Monighetti (violoncelle, Akademie für Alte Musik Berlin (1993, Berlin Classics 0010562BC)

Musique de chambre

  • Quatuors à cordes op. 58 - The Revolutionary Drawing Room (1992, 2CD CPO 999 070-2
  • Quintettes avec piano op. 56 - Quatuor Mosaïques, Patrick Cohen, pianoforte (1992, Astrée E 8518)
  • Quintettes avec piano op. 57 - Quatuor Mosaïques, Patrick Cohen, pianoforte (1990, Astrée E 8721)
  • Quintette avec flûte - Jean-Pierre Rampal, R. Pasquier, B. Pasquier, R. Pidoux, M. Sterna (196, Sony SK 62 679)
  • Quintettes à cordes avec deux violoncelles, op. 45 n° 4, op. 46 n° 4 & op. 11 n° 6 Uccelleria - Europa Galante, Dir. Fabio Biondi (1993, Opus 111 OPS 30-82)
  • Quintettes à cordes avec deux violoncelles, op. 25 n° 1, 4 & 6 et extrait op. 11 n° 5 Menuet - Europa Galante, Dir. Fabio Biondi (2001, Virgin 5 45421 2)

Œuvres avec voix

  • Stabat Mater - Agnès Melon (soprano), Ensemble 415, Dir. Chiara Banchini (1992, Harmonia Mundi HM 901378)

[modifier] Au cinéma

  • Le fameux Menuet, extrait du Quintette op. 11 n° 5 apparaît dans Tueurs de dames [Orig. : The Ladykillers], un film de Alexander Mackendrick réalisé en 1955, avec Peter Sellers, Alec Guinness, Katie Johnson et Herbert Lom.
  • Sa fameuse Musica Notturna delle Strade di Madrid, op. 30 n° 6, est jouée dans le film Master and commander de Peter Weir (2003).

[modifier] Liens externes

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[modifier] Notes & références

  1. Livret du disque Biondi Quintettes op. 25 n° 1, 4 & 6, menuet op. 11 n° 5 (Virgin).
  2. so bene che la musica è fatta per parlare al cuore dell’uomo ed a questo m’ingengno di arrivare se posso: la Musica senza affetti, e Pasione, è insignificante.
  3. J.B. Cartier, L’Art du Violon ou Division des Écoles choisies dans les Sonates Italiennes, Françaises et Allemandes (1798) - cité par Choron & F. Fayolle, Dictionnaire historique des musiciens Paris, Valade (1810). [1]