Lolita

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Lolita est un roman en langue anglaise de l'écrivain russe naturalisé américain Vladimir Nabokov, publié pour la première fois en 1955 en France.

Ce roman est connu aussi bien pour ses qualités stylistiques que pour son sujet controversé. Le personnage principal, Humbert Humbert se définit comme « nympholept[1] », et le roman est centré sur sa relation, notamment sexuelle, avec une nymphette, Dolores Haze[2].

Sommaire

[modifier] Origine du roman

Nabokov a imaginé l'histoire d'une liaison entre un homme d'âge mûr et une préadolescente avant même son départ pour les États-Unis. Dans un premier temps, l'histoire devait se dérouler en Provence.

Dès sa sortie, le roman provoqua un scandale. Pourtant Lolita faillit ne jamais sortir. Nabokov envisagea de brûler le manuscrit inachevé quelques années auparavant las de ne pas voir la fin de ce roman. Le manuscrit fut refusé par tous les éditeurs américains, qui soit craignaient des poursuites judiciaires ou morales, soit souhaitaient modifier le livre dans un sens « moral ». Nabokov le fit publier pour la première fois par Olympia Press en version originale, à Paris, en 1955. Malgré un catalogue prestigieux (Jean Genet, Samuel Beckett, etc.), la maison d'édition fondée par Maurice Girodias le fils de Jack Kahane qui a notamment édité Ulysse de James Joyce chez Obelisk Press, est spécialisée dans l'édition d'œuvres sulfureuses, ce que Nabokov ignore en 1954. Il qualifie plus tard les titres publiés par cette maison d'édition de « nouvelles obscènes pour lesquelles Monsieur Girodias embauchait des plumitifs afin qu'ils les confectionnassent avec son assistance »[3].

Nabokov savait qu'il allait choquer. Selon lui, l'Amérique puritaine de l'époque comporte trois tabous. Outre la pédophilie et l’inceste abordés dans Lolita, il y a le « mariage négro-blanc retentissant et glorieux, produisant une foultitude d'enfants et de petits-enfants ; et un athée endurci à la vie heureuse et utile, mourant dans son sommeil à l'âge de 106 ans[4] ».

Dès sa sortie en France le roman fut censuré. La censure est levée un temps en 1958. Mais entre-temps Gallimard a publié une traduction en français. Dès lors, la censure de la version anglaise n'est qu'anecdotique. Le livre sort en 1958 aux États-Unis, chez Putnam et connaît un grand succès, restant pendant 180 jours à la tête des meilleures ventes du pays. Lolita est même le premier roman, après le best-seller Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell, à atteindre le seuil des 100 000 exemplaires vendus en trois semaines. Depuis, Lolita s'est vendu à plus de 15 millions d'exemplaires dans le monde[5].

[modifier] L'histoire

Le livre se présente comme une longue confession du personnage principal, rédigée avant son procès. Humbert Humbert (la note du médecin indique que les noms ont été changés) étant cependant mort avant son jugement, le livre est publié par un médecin — en tant que « document clinique » pouvant servir dans le milieu psychiatrique.

Humbert Humbert, professeur de littérature, quitte l'Europe pour s'installer aux États-Unis, où il cherche une chambre à louer. C'est en visitant une chambre chez Charlotte Haze qu'il aperçoit la sublime fille de sa logeuse, ce qui le pousse à rester. Après l'avoir rencontrée, il commence rapidement à espionner la jeune Dolores Haze, âgée de 12 ans (elle est surnommée Lo, Lola, Lolita, Dolly, Dolita...). Sa mère, une veuve solitaire devient alors un moyen pour Humbert pour approcher l'enfant. La mère et Humbert se marient au bout de quelque temps. Toutefois, Charlotte Haze découvre peu de temps après le journal intime de son mari où celui-ci étale son attirance pour la jeune fille et son indifférence pour sa femme. Choquée par cette découverte, elle s'enfuit de la maison et meurt quelques minutes plus tard, renversée par une voiture. Lolita n'étant pas là au moment où se déroule le drame, elle ignore tout de la mort de sa mère. Humbert profite de la situation pour venir chercher la fillette dans le camp de vacances où on l'avait envoyée.

Il commence alors un voyage à travers les États-Unis en compagnie de Lolita avec qui il entretient des relations sexuelles. Au terme de ce voyage Lolita et lui emménagent dans une ville moyenne et Lolita reprend une scolarité normale. Après cet intermède, Humbert et Lolita entreprennent un nouveau voyage. Au cours de ce dernier Lolita parvient à s'enfuir pour rejoindre un concurrent pédophile de Humbert, Clare Quilty.

À la fin du roman, Humbert retrouve brièvement Lolita, mariée et enceinte, qui lui demande de l'argent pour s'installer avec son mari en Alaska (où elle mourra en couches à une semaine de son dix-huitième anniversaire). Humbert réalise à ce moment qu'il la désire toujours, même si elle n'est plus une « nymphette ». Humbert se lance ensuite sur les traces de Quilty, et finit par le trouver et le tuer. Il est arrêté, et une fois en prison il écrit, sous le pseudonyme d'Humbert Humbert, son histoire.

[modifier] Thèmes explorés

Humbert Humbert éprouve pour Lolita une passion sans bornes. Il est à la fois amoureux et obsédé sexuellement par la jeune Américaine. Intellectuel oisif et rentier, il n'a aucune contrainte sociale et s'enfonce petit à petit dans une relation de plus en plus ambiguë. De son côté Lolita est attirée par cet homme qui symbolise à ses yeux un fantasme d'idéal masculin, et joue avec Humbert sans se douter qu'elle ouvre la porte à une relation qu'elle ne maîtrise pas et qui s'achèvera en un cauchemar pour elle. Humbert se détruit également pour vivre cette histoire.

Lolita explore d'autres thématiques que la relation entre les deux personnages. On y découvre ainsi le décalage entre l'Europe et les États-Unis des années 1950. Humbert étant l'archétype d'un Européen raffiné, tandis que l'entourage de Lolita (et Lolita elle-même) étant l'exemple même d'Américains moyens, l'œil ironique et décalé d'Humbert nous décrit ainsi la différence entre les deux cultures. Lolita est également un avatar du mythe féminin de Lilith (dont la prononciation, décrite par Nabokov, est la même : l doublé, t final), en tant que figure de la femme que l’on ne peut épouser et des amours illicites[6]. Nabokov avait déjà exploré ce thème dans un poème publié une trentaine d’années auparavant, intitulé Lilith et dont l’héroïne est une fillette qui interrompt le coït : là encore, il s’agit d’un des aspects de la figure de Lilith, comme femme qui détourne la sexualité de la procréation[7].

Les jeux intertextuels abondent dans le roman, de sorte que ce dernier constitue aussi une réflexion sur la culture (littéraire et picturale). Ainsi Clare Quilty soumet Humbert à un jeu de piste fondé sur de nombreuses références culturelles, jeu dans lequel le détective privé engagé par Humbert échoue largement.

Dans Lolita, on trouve également quelques attaques de Nabokov à ce qu'il appelle ouvertement le « charlatanisme freudien », Humbert tournant en dérision tous les psychanalystes qu'il croise. Le mot de la fin de l'auteur indique que le mot du début attribué à un médecin est également là contre les psychanalystes.

Globalement, si Humbert n'avait pas une vie sexuelle monstrueuse, il serait un personnage très séduisant, sensible, drôle et raffiné. Cela rejoint de nombreuses situations mises en scène par Nabokov : un personnage génial entouré de médiocres, les médiocrités étant ici représentées par la fade Charlotte Haze, le décadent Quilty, le sot Gaston, la faible Valérie et dans une certaine mesure Lolita elle-même : bien qu'il soit prêt à tout pour la posséder, l'univers superficiel et écœurant de la jeune fille l'incommode.

Humbert ressemble ainsi à John Shade, Sebastian Knight, Van Veen et d'autres. Chacun de ces personnages n'est d'ailleurs jamais d'un génie immaculé, et si Humbert est entaché d'un vice monstrueux, les autres héros de Nabokov ont tous des tares abominables qui gâchent leurs vertus communes : la sensibilité, l'humour, la culture, la créativité, la passion, qualités que l'on soupçonne dans Nabokov lui-même.

[modifier] Lolita au cinéma

Le roman a fait l'objet de deux adaptations cinématographiques :

La version de Kubrick employa Nabokov comme consultant, mais l'auteur fut pourtant déçu du résultat qu'il trouva éloigné de son roman. La principale différence réside dans la place donnée au personnage de Clare Quilty :

  • Nabokov dans son roman fait de Quilty un personnage en filigrane, suggéré, jamais décrit, jamais clairement identifié, jusqu'à son apparition finale (en dire plus révélerait l'intrigue).
  • Kubrick dans son film fait de Quilty un personnage de premier plan, nommé à de nombreuses reprises, et véritablement au-devant de la scène. Non seulement l'apparition finale de Quilty est déplacée au début du film de Kubrick, mais le personnage lui-même est placé au tout premier plan, juste devant la caméra, pendant que Humbert est relégué au fond du décor ou dans des plans de coupe.

Cette approche de Kubrick tiendrait au fait que Quilty était joué par Peter Sellers, son acteur fétiche qu'il réutilisera dans trois des principaux rôles dans son film suivant Docteur Folamour, et qu'il aurait naturellement mis en valeur par rapport à James Mason, qui interprétait Humbert.

L'appréciation du film est une pierre d'achoppement entre les défenseurs de Kubrick et ceux de Nabokov[8],[9].

La deuxième version tentera de s'approcher plus du roman, notamment en replaçant Quilty au second plan, en rendant plus explicite la relation sexuelle (les tabous ont reculé dans les années 1990 par rapport aux années 1960) et en évoquant le passé pré-Lolita d'Humbert (qui avait été occulté par Kubrick mais qui occupe une large part du roman de Nabokov).

[modifier] Lolita dans la musique

[modifier] Note sur la traduction française

La première traduction française de Lolita fut réalisée par E. H. Kahane. Le roman a été réédité en français en 2001 avec une nouvelle traduction de Maurice Couturier et un avant-propos expliquant ceci : la première traduction différerait considérablement du texte original, le rendant par moments illisible, et aurait été désavouée par Nabokov lui-même.

Parlant couramment le français, Nabokov a en effet exprimé son désir de retravailler la traduction de Lolita, mais n'a jamais eu le temps de s'y consacrer.

Les deux versions ont leurs forces et leurs faiblesses. La seconde gagne en fidélité mais pas forcément en lisibilité ni en poésie, la première ayant, pour certains, tous les attributs d'une adaptation plus que d'une véritable traduction (ce qu'on appelle également une belle infidèle).

[modifier] Passage dans le vocabulaire

Le terme de « lolita » est employé pour désigner certaines filles adolescentes ou préadolescentes, aussi bien que nymphette.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Notes et références

  1. « we who are in the know, we lone voyagers, we nympholepts » : « nous qui avons vu la lumière, nous les errants solitaires, les nympholeptes » (Ire partie, ch. 5 ; traduction E. H. Kahane)
  2. Elle a douze ans et demi au début de leur relation, qui dure deux ans.
  3. "Lolita et M. Girodias", Nabokov
  4. À propos de Lolita, Nabokov
  5. Encyclopedia Universalis
  6. Mireille Dottin-Orsini. « Lilith » in Pierre Brunel dir., Dictionnaire des mythes féminins. Éditions du Rocher, Paris, 2002. ISBN 2-268-04683-5, p 1155-1157
  7. Mireille Dottin-Orsini, op. cit., p. 1156
  8. Critique du Nouvel Obs
  9. Critique défendant Kubrick