Lobby

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Lobby signifie en français groupe de pression. Au pluriel, il s'écrit lobbies. Ce mot est dérivé de l'anglais.

Le mot anglais lobby, quand il ne signifiait pas « l'enclos dans un champ où sont rassemblés les animaux avant d'être envoyés à l'abattoir ».(Dictionnaire anglais Webster) signifiait littéralement « vestibule » ou « couloir », en évoquant notamment les couloirs du Congrès américain à Washington et ceux de la Chambre des Communes à Londres, là où divers représentants de groupes constitués et leurs avocats cherchent à rencontrer les parlementaires ou leurs assistants et conseillers.

De là vient l'expression lobbying et le sens actuel du mot lobby qui évoquent les efforts de groupes de pression constitués (associations, entreprises éventuellement multinationales, chambres, syndicats, fédérations, filières professionnelles, ONG (organisations non gouvernementales), clubs de réflexion, cabinet de conseils, avocats…) pour faire valoir leur point de vue auprès des élus et institutions, ou d'influer sur le cours des décisions politiques soit en leur faveur, soit pour défendre une cause externe (sociale, environnementale, humanitaire...).

On parle de clientélisme pour caractériser les élus ou partis politiques qui répondent facilement positivement aux pressions du lobbying.

Une forme extrême et illégale du lobbying étant le trafic d'influence.

Définir le « groupes d’intérêts » alors qu'une inflation de termes ou concepts décrivent un même phénomène est délicat[1]. Des nuances existent cependant. Et les concepts de « groupe de pression », « groupe d’intérêts » ou « lobby » évoluent aussi dans le temps et selon les contextes (nationaux, de filière, etc.). Nous définissons les «groupes d’intérêts» comme « des entités qui cherchent à représenter des intérêts de sections particulières de la société en vue d’influencer les processus politiques »[2].
Le terme « lobby » peut être considéré comme une version anglophone du terme « groupe d’intérêts », et synonyme de « groupe de pression » (toutefois plus négativement connoté). Quelques éléments peuvent étayer cette définition ;

Ces groupes peuvent être classés selon certaines caractéristiques. Ils sont organisés, non gouvernementaux ou représentant d'un autre gouvernement. ils cherchent à influencer le processus de décision politique, sans chercher à gouverner.[3].
Le principal processus d’influence est l'échange d’informations, tant factuel que subjectif, dans le but d’influencer l’attitude, les positions ou les décisions des pouvoirs publics.[4]. Une telle influence n’est pas unidirectionnelle et ne s’opère pas nécessairement contre la volonté des décideurs politiques. L'homme ou le groupe politique peuvent aussi chercher à établir des relations avec les groupes d’intérêts pour obtenir plus d’informations utiles à la prise de décision, ou encore pour influencer ces groupes d’intérêts, en les associant par exemple à leur action.[5]

Une innovation constante semble caractériser l’organisation de ces groupes (avec notamment l'usage de l'Internet). La forme pyramidale classique, où certains groupes fixes et bien identifiés prédomineraient une hiérarchie organisationnelle des groupes d’intérêts, s’éroderait aujourd’hui au profit d’une organisation plus flexible, en réseaux, reflètant la fluctuation des groupes d’intérêts, dans un système moins hiérarchique et mettant en avant les nouvelles techniques de coopération ad hoc ou « informelle » qui se baseraient sur des échanges plus simples d’information.[6]

Sommaire

[modifier] Les groupes d’intérêts et l’Union européenne

Depuis 1986, l’Union européenne a vu se multiplier autour d’elle des groupes d’intérêts dans tous les domaines. Cette croissance s’est exprimée tant dans le nombre de groupes d’intérêts européens, c’est-à-dire de fédérations européennes de différents groupes nationaux poursuivant les mêmes buts ou fondements, que dans l’augmentation de l’européanisation de groupes d’intérêts traditionnellement nationaux ouvrant des bureaux à Bruxelles.
Les sources chiffrées varient considérablement, mais la Commission estimait en 1992 que près de 3000 groupes d’intérêts oeuvraient autour d'elle. Greenwood en 2003 en comptait quant à lui environ 1500.[7] 70% des groupes d’intérêts représenteraient des entreprises (sur base individuelle ou collective) et des secteurs économiques, 20% représenteraient des syndicats et des groupes défendant des intérêts plus larges (écologie, consommateurs, jeunesse,…).[8] 200 organisations représenteraient quant à elles des conglomérats de régions, des régions, des villes, des communautés de communes.

Cinq facteurs pourraient expliquer l’importance que revêtent les institutions européennes pour ces nombreux groupes ;
Trois sont directement liés au processus de l’intégration européenne et expliqueraient en partie l’importance des groupes représentant des intérêts économiques:

- la création du marché unique,
- le transfert des pouvoirs vers les institutions européennes dans les traités successifs et
- le changement des procédures de prise de décision en faveur du Parlement européen.[9]


Un autre facteur se rapporte aux fonctions re-distributives de l’UE à travers des allocations spécifiques, des subsides, des programmes de soutien et de développement.[10] S’ajoutent aux quatre précédents facteurs les actions que la Commission ou le Parlement européen ont pu mener dans des domaines spécifiques. L'on peut penser par exemple à l’action de la Commission Delors (1985-1995) pour le développement du dialogue social européen[11]  : 60% des groupes représentants des entreprises ou des secteurs de l’économie sont nés avant 1980, alors que la majorité des groupes d’intérêts dits publics émergent à partir des années 1990.[12]

Toutefois, deux courants semblent s’opposer dans le débat scientifique expliquant la croissance des groupes d’intérêts à Bruxelles. Le premier met en exergue le lien entre l’augmentation des pouvoirs décisionnels de la Communauté et le développement des groupes de pression, tandis que le second insiste sur l’anticipation des groupes ou sur l’effet progressif d’entraînement.[13]

L’action du lobbying est, quant à elle, délimitée par les structures d’occasions politiques dont disposent les groupes d’intérêts. Nous entendons ici par « structure d’occasion politique » : « l’ensemble de variables parmi lesquelles nous distinguons les occasions institutionnelles, c’est-à-dire les compétences et l’accessibilité des institutions (…) dans le domaine considéré ; les occasions politiques au sens strict, c’est-à-dire l’orientation des politiques publiques (…) et leurs perspectives d’évolution, qui peuvent aussi prendre la forme d’une menace pour les intérêts ; et enfin les occasions médiatiques, selon le degré de publicité ou au contraire de confidentialité de la conjoncture. »[14]

Les capacités d’action collective de chaque groupe d’intérêts sont, quant à elles, déterminées par plusieurs variables :
« Elles sont évidemment fonction des ressources financières, juridiques, du degré d’information et des savoir-faire accumulés.
Elles dépendent également des structures organisationnelles : concentrées, segmentées, ou encore diffuses. »[15]

[modifier] Société civile, groupes d’intérêts et partenaires sociaux : quelles différences ?

[modifier] Le concept de « société civile »

Une abondante littérature scientifique évoque le concept de « société civile », avec des racines loin dans l’histoire des sciences humaines. Les différents auteurs lui accordent à la fois des origines et des variations différentes.[16]

Jürgen Habermas estime que les sociétés civiles telles que constituées dans les sociétés libres et pluralistes forment des subdivisions s’opérant à l’intérieur même des espaces publics. Elles sont un niveau d’interaction médian entre les autorités ou pouvoirs publics et les citoyens. Elles forment : « un tissu d’une grande complexité, ramifiées en une multiplicité d’arènes qui se chevauchent, aussi bien internationales que nationales, régionales, municipales ou subculturelles ; articulées, sur le fond, suivant des points de vue fonctionnels, des thèmes centraux, des secteurs politiques, etc… , générateurs d’espaces publics plus ou moins spécialisés »[17]

Espaces publics et sociétés civiles jouent un rôle-clé dans la formation des opinions citoyennes et de la volonté générale chez Habermas. Ils en sont les médiateurs essentiels, et reflètent l’évolution que semble bien prendre la politique contemporaine. Ils favorisent la participation et l’implication des citoyens dans la définition des règles qui structurent toute société, et permettent d’apprécier le caractère libre et pluraliste d’une société démocratique.
Pour Habermas, ce fait est central à notre temps, et s’intègre pleinement dans le constat que : « les déficits démocratiques se font sentir chaque fois que le cercle des personnes qui participent aux décisions démocratiques ne recoupe pas le cercle de ceux qui subissent les conséquences de ces décisions. »[18] .
Le nouveau contrat social, s’il se veut être le garant de l’idée d’autolégislation (selon laquelle les destinataires des lois doivent aussi pouvoir se regarder comme leurs auteurs[19] ), doit faire des sociétés civiles, interagissant dans les espaces publics, des interlocuteurs privilégiés en tant qu’elles constituent le socle et la substance de l’émergence des formes modernes de démocratie et de politique délibératives[20] .

Mutatis mutandis, Linz et Stepan[21] reconnaissent aussi aux sociétés civiles un rôle déterminant pour la consolidation démocratique : « Si un État existe et qu’il fonctionne, cinq autres conditions interdépendantes et susceptibles de se renforcer mutuellement doivent également exister ou être réalisées pour qu’une démocratie soit consolidée. Premièrement, les conditions du développement d’une société civile libre et active doivent êtres réunies. »[22]
Bien sûr cette proposition de Linz et Stepan s’applique plus immédiatement aux États réalisant une transition vers un système politique libre et démocratique[23]. Néanmoins cette problématisation permet de concevoir que les sociétés civiles sont au cœur des systèmes politiques libres et démocratiques contemporains. Elle permet aussi de concevoir qu’une société librement et démocratiquement constituée qui se refuserait à ces interactions nouvelles s’opérant dans les espaces publics entre les politiques d’une part, et les citoyens organisés d’autre part, resterait sourde aux évolutions nouvelles qui ne sont autres que le fruit de la pratique et de l’expérience qu’ont fait les citoyens de la démocratie depuis son avènement historique.

[modifier] Comment et autour de quels acteurs collectifs ou individuels les sociétés civiles se subdivisent-elles et se structurent-elles ?

Nous faisons bien là face à une question fondamentale. La diversité des acteurs structurant, subdivisant les sociétés civiles, et participant à la constitution d’espaces publics est pour le moins consistante : associations, organisations non gouvernementales, entreprises ou entrepreneurs, partenaires sociaux, groupes d’intérêts ou de pression, think tanks, centres de recherches ou chercheurs, médias, mouvements collectifs de citoyens (pétitions, grèves, manifestations,…), etc.

Or, tous ces acteurs, pesant d’une voix certaine à l’intérieur des espaces publics, constituent-ils tous les sociétés civiles ?

Krishan Kumar pense que ce concept de société civile ne signifie plus rien en des termes contemporains. Ce concept serait une résurrection tirée des philosophies sociales de Hegel, Marx ou Gramsci dont on ne verrait plus les raisons qui nous poussent à l’employer, ni la valeur particulière que cela revêtirait. La politique précède la société civile, et ce tissu complexe d’associations diverses et variées, de groupements de citoyens ou de personnalités morales sous des formes diverses, n’aurait aucune importance une fois défini ou catégorisé en tant qu’ils appartiennent tous à deux ensembles plus vastes : la politique et la société. Mais ce refus catégorique est-il vraiment justifié alors que les sciences ont le devoir d’établir des concepts nous permettant d’approcher de façon objective ce qui nous apparaît au premier regard abstrait et incohérent ?

Habermas quant à lui, exclut par nature du concept de « société civile » les intérêts économiques organisés et les partenaires sociaux. Si l’on peut comprendre les motivations inhérentes à une telle proposition, la formation du tissu associatif qui caractérise l’évolution de nos sociétés contemporaines ne peut pas, selon nous, être comprise comme l’expression unique des sociétés civiles. Les entreprises, les intérêts économiques organisés, les partenaires sociaux participent eux aussi à la vie civique et démocratique des sociétés libres. Ils ne sont pas par nature différents.

Et en y réfléchissant bien : Lorsque le domaine politique définit des cadres légaux qui contraignent l’action des entités morales, n’est-il pas intellectuellement fondé et acceptable que de définir le regroupement ou l’action politique de ces entités comme appartenant pleinement au champ de l’action civique et démocratique ?

Si une distinction claire est à opérer entre partis politiques et sociétés civiles , la distinction entre groupes d’intérêts économiques, partenaires sociaux et sociétés civiles n’est pas forcément évidente. Une telle distinction doit avant tout se fonder sur la nature du système de représentation des intérêts existant dans une société donnée. La nature pluraliste, corporatiste ou néo-corporatiste d’un système politique donné semble déterminer plus fortement la manière dont groupes d’intérêts, partenaires sociaux et sociétés civiles se trouvent séparés.

[modifier] Pluralisme, corporatisme et néo-corporatisme, quelles différences pour la représentation des intérêts ?

Sabine Saurugger met en avant le fait que les études concernant la place des groupes d’intérêts dans le policy-making furent longtemps inspirées par les travaux américains issus de la théorie des relations internationales et se situaient dans le paradigme pluraliste. David Truman puis Robert Dahl en ont établi les grands fondements théoriques et le pluralisme est désigné : « Comme un système de représentation des intérêts dans lequel les groupes constituants sont organisés en un nombre variable de catégories multiples, volontairement constituées, concurrentielles, dépourvues d’organisation hiérarchique et autodéterminées (par le type ou le domaine d’intérêt) ; catégories qui ne sont pas spécialement autorisées, reconnues, subventionnées, créées ou contrôlées par l’État de quelque manière que ce soit dans le choix des dirigeants ou dans l’articulation des intérêts et qui n’exercent pas de monopole de représentation dans leurs catégories respectives. »

Le système pluraliste serait donc un système dans lequel les groupes d’intérêts organisés se font concurrence pour tenter d’influencer les décisions politiques. La société est mue par un système de consultations des intérêts (non hiérarchisés et multiples) concernant l’ensemble des domaines se rapportant à la sphère de l’action publique de l’État. Aucun groupe n’aurait la possibilité, plus ou moins durable, de monopoliser les contacts avec les sphères décisionnelles. Le pluralisme est une théorie, présentant un système général de représentation et connote peu ou prou un système politique d’intérêts.

Le néo-corporatisme fait lui référence à l’idée de corporatisme sociétal ; Les groupes ne sont pas contrôlés par l’État et sont relativement indépendants. Il se différencie du pluralisme par une compétition entre les groupes participant au policy-making process limitée et légitimée par l’État. Différentes variables viennent alors influencer les relations entre les groupes d’intérêt et les pouvoirs publics. Elles sont généralement de quatre ordres : le degré de concentration de la représentation, la nature de l’adhésion (volontaire ou obligatoire), le degré de concurrence et de centralisation, la nature des intérêts défendus . Le néo-corporatisme trouve ses fondements dans l’idée que la société est principalement divisée en deux groupes d’intérêts représentant respectivement le capital ou les travailleurs. Ces deux groupes sont centraux dans cette théorie et priment sur tous les autres groupes d’intérêts, ils sont en haut d’une hiérarchie verticale légitimée par l’État et le gouvernement.

Dans la variété des études que les théories du néo-corporatisme ont suscitées dès les années quatre-vingt , quatre principaux types de relations entre les groupes d’intérêts et les acteurs gouvernementaux furent mis en avant par Grant et Coleman  :

  1. L’accès aux « hautes sphères », les groupes peuvent bénéficier d’un accès régulier aux personnes officielles ainsi qu’aux ministres, et sont fréquemment consultés dans le processus d’élaboration des politiques dans les domaines qui les concernent ;
  2. L’élaboration de politiques, les groupes ont obtenu un statut public par lequel ils sont formellement invités à assumer avec les pouvoirs publics un rôle dans l’élaboration des politiques publiques  ;
  3. La conception des politiques, les groupes assument avec les autorités publiques un rôle dans la conception des politiques publiques ;
  4. Le gouvernement des intérêts privés, une association est déléguée comme autorité publique par le gouvernement et assume pleinement des responsabilités soutenues par le pouvoir coercitif de l’État pour développer ou implémenter des politiques dans un domaine donné .

Le corporatisme se différencie du néo-corporatisme de sorte qu’il renvoie à une forme d’intermédiation des intérêts subordonnés et contrôlés par l’Etat. Cette notion renvoie au corporatisme étatique qui se réalise généralement sous des régimes autoritaires ne tolérant pas l’émergence de groupes indépendants et libres. Les groupes légitimés sont alors placés sous contrôle de l’État (l’Italie et l’Allemagne fascistes par exemple).

[modifier] La participation des groupes d’intérêt à la « Gouvernance européenne»

Pour comprendre ce que désigne le terme de « gouvernance », il est intéressant de se rapporter aux travaux touchant à la gouvernance européenne . Ces études reprennent et englobent généralement de nombreux courants historiques, et permettent de mieux approcher la conception contemporaine que l’on peut accorder à la notion de gouvernance.

Il est aussi utile de rappeler que cette la gouvernance européenne se scinde en caractéristiques très différentes selon que les auteurs la définissant se situent plus dans le courant supranationaliste, intergouvernementaliste ou néo-fonctionnaliste.

Il est possible d'envisager la portée de cette notion de manière inclusive et large. Balme et Chabanet proposent en ce sens une définition intéressante : « La gouvernance se distingue du gouvernement en ce qu’elle caractérise les relations entre un ensemble d’institutions et d’acteurs, publics et privés. »

Le concept de gouvernance est ici compris comme un processus résultant des interactions entre les différents acteurs participant au policy making. Les acteurs non gouvernementaux (associations, fédérations, mouvements sociaux,…), les institutions et acteurs gouvernementaux se trouvent inclus dans cette définition. On reconnaît leurs capacités à se mobiliser, à être consultés, à s’associer et à se confronter en vue d’influencer les décisions politiques se jouant à différents niveaux de pouvoirs. Cette définition permet aussi de reconnaître que la nature même d’un système politique puisse engendrer des formes différentes de gouvernance.

[modifier] Le modèle de gouvernance européenne est-il dominé par le niveau supranational, national, infra national?

Des études récentes tendent à montrer que le fonctionnement institutionnel de l’UE semble marqué par l’interaction et la succession de différents modes de gouvernance, c’est-à-dire que la confrontation des différents acteurs intervenant pour l’élaboration des politiques publiques européennes varie selon l’influence accordée à chacun d’entre eux pour la prise de décision. Jenson et Pochet mobilisent à ce sujet les théories de Wallace et Wallace, pour expliquer que les modes de gouvernance peuvent êtres décrits en cinq variantes, dont chacune fut dominante à un moment de la construction européenne. Si pour Wallace et Wallace le Multi Level Governance était le mode de gouvernance le plus fort durant les années 80, il semblerait qu’aujourd’hui l’UE soit dominée par l’intergouvernementalisme intensif où le Conseil serait l’acteur le plus proéminent dans le processus du policy making.

Cela dit, il est intéressant de retenir ici que différentes formes de gouvernances peuvent coexister au sein de l’UE. Il nous semble alors juste, pour cette étude, de considérer comme le proposent S.Bulmer et C.Lequesne, que : « La principale observation est que, en absence d’une forte autorité en axe vertical au sein de l’UE, les formes de prise de décision restent fluides avec une petite hiérarchie.»

Dans ce jeu fluide s'organisant sur la base d'une petite hiérarchie, la Commission et le Conseil restent cependant les maîtres de l’agenda politique de l’Union européenne, le Conseil s’affiche en tant que législateur par excellence du système politique de l’Union européenne pour toutes les décisions ne relevant pas du premier pilier du marché commun où le Parlement européen peut agir en co-législateur. Le Conseil des régions et le Comité Economique et Social Européen (CESE) apparaissent dans ce système comme des organes de second plan, non reconnus en tant qu’institutions européennes et n’occupant qu’un rôle consultatif.

[modifier] Le modèle de gouvernance européenne est-il caractérisé par un système pluraliste, corporatiste ou néo-corporatiste d’intermédiations des intérêts ?

Pour préciser ce deuxième versant du modèle de gouvernance européenne nous ferons appel aux différents éléments présentés plus haut.

« Les groupes d’intérêts organisés ne sont pas donnés, ils émergent comme résultat d’une interaction aux multiples facettes entre le social et les structures organisées – par laquelle la substance de l’intérêt collectif dépend au final (…) de la façon dont il s’est organisé. »

Avant d’obtenir les fonctions qui aujourd’hui fondent la spécificité des partenaires sociaux, ceux-ci étaient des groupes d’intérêts . Ils le demeurent aujourd’hui, puisqu’ils sont libres, au-delà des compétences spécifiques dont ils bénéficient, de mener d’autres types d’activités et de fonctions comme fournir des services à leurs adhérents, tenter d’influencer les politiques gouvernementales en exploitant les structures d’occasions politiques communes à tous les autres groupes d’intérêt (grève, lobbying, journaux, …).

« Les organisations patronales, groupes d’intérêts par définition, (…), sont des groupements représentatifs au sens où les pouvoirs publics les ont considérées comme des interlocuteurs et les ont intégrées à des degrés divers dans les mécanismes consultatifs et concertatifs de la décision politique. Toutes sont des groupes de pression au sens où elles œuvrent à la promotion des intérêts de leurs membres en tentant d’infléchir les politiques dont elles sont l’objet. »

Il serait donc dangereux de nier les fonctions et responsabilités que confère l’Union européenne aux partenaires sociaux . Et nous devons aussi en ce sens clairement les leur reconnaître, pour définir le système d’intermédiation des intérêts caractérisant le modèle de gouvernance européenne.

Ces idées sont cependant délicates à exploiter. Elles touchent à un débat particulièrement sensible et politisé en Europe : la redéfinition du rôle des partenaires sociaux et la diminution de leurs fonctions au sein du CESE depuis la création de la CECA .

Néanmoins, et quels que soient ces enjeux, nous assumons ici notre point de vue, et choisissons de définir les partenaires sociaux comme des groupes d’intérêts spécifiques, parvenus dans l’Union européenne à un degré de reconnaissance officielle et tenus de respecter des formes d’organisations particulières et représentatives pour être admis à dialoguer avec les autorités publiques européennes  :

  1. être interprofessionnelles, sectorielles ou catégorielles et être organisées au niveau européen;
  2. être composées d’organisations elles-mêmes reconnues comme faisant partie intégrante des structures des partenaires sociaux des États membres et avoir la capacité de négocier des accords et être, dans la mesure du possible, représentatives dans tous les États membres;
  3. disposer de structures adéquates leur permettant de participer de manière efficace au processus de consultation».

Les partenaires sociaux européens bénéficient donc dans l’Union européenne d’un champ particulier de compétences , leur offrant des structures d’occasions plus importantes que les autres groupes d’intérêts agissant au niveau européen. Nous définissons cette structure d’occasion spécifique, dont bénéficient les partenaires sociaux comme un champ de compétence qui leur est propre :

« La définition du champ de compétence d’une organisation patronale ne se présente pas comme un donné définitif et immuable. Les changements observables dans la structure des activités économiques, dans les découvertes technologiques, dans l’importance relative aux différents secteurs,… se répercutent dans la définition des domaines d’intervention des groupements. Celui-ci peut s’élargir ou au contraire se spécialiser. (…) Dans la plupart des cas, la définition du champ de compétence d’une association patronale se réfère aux délimitations prévues par arrêté. »

Cette analyse permet donc de cibler avec plus de justesse le modèle d’intermédiation des intérêts caractérisant le modèle de gouvernance européenne au moyen de six idéaux-types définis dans le précédent chapitre.

Bien que par nature les partenaires sociaux ne soient pas différents des groupes d’intérêts une hiérarchie minimaliste semble bien exister dans l’Union européenne. Tant les traités européens que la distinction opérée au sein du CESE entre société civile et partenaires sociaux appuient conjointement la thèse que le modèle de gouvernance européenne se caractériserait par un système néo-corporatiste minimaliste d’intermédiation des intérêts. Nous jugeons ce dernier très proche d’un système pluraliste où tous les groupes d’intérêts sans distinction ni hiérarchisation particulière seraient en concurrence pour influencer les décisions politiques.

[modifier] En France

L'Assemblée nationale a confié une mission à Jean-Paul Charié, député du Loiret, sur le développement du lobbying. Après concertation avec les acteurs du lobbying, qu'il différentie des "groupes de pression", il a rendu son rapport[24] sous forme d'un Livre bleu du Lobbying. Il estime qu'il faut aider les lobbyistes à informer les élus afin que ceux-ci fassent de meilleures lois, soient plus proches du terrain, et plus efficaces pour les entreprises. Pour cela, il propose :

-un registre national des lobbyistes officiels et un annuaire des parlementaires par spécialisation, pour mieux les identifier et faciliter les échanges avec les parlementaires, avec modification du règlement de l'Assemblée pour officialiser ce métier, avec un statut professionnel, et "une fonction : d'informer les parlementaires, dans la plus grande transparence, des conséquences pratique d'une loi sur tel ou tel secteur[25]"
-une salle réservée aux lobbyistes (permanents ou nommés temporairement), proche de l'hémicycle
-une consultation préalable des lobbyistes par les rapporteurs et une modification de l'organisation des colloques parlementaires.
une proposition de Charte de déontologie (en fin de rapport)

[modifier] Voir aussi

  • lobby

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. YOHO, J., « The Evolution of a better Definition of ëInterest Groupí and its synonyms », dans Social Science Journal, vol. 35, no. 2, 1998, p. 231 et aussi RICHARDSON, J. « Introduction Pressure Groups and Government » dans RICHARDSON, J. (ed.), Pressure groups , Oxford, Oxford University Press, 1993, p. 1
  2. SAURUGGER, S., « Analyser les modes de représentation des intérêts dans l’Union européenne: construction d’une problématique », dans Questions de Recherche/Research in Question, no. 6, juin 2002, p. 3, http://www.ceri-sciences-po.org/publica/qdr/htm
  3. YOHO, J., loc.cit, p. 232-234. Récemment de nouveaux concepts ont été proposés JORDAN, G., HALPIN, D., MALONEY, W., « Defining interests: disambiguation and the need for new distinctions? », dans British Journal of Politics and International Relations, vol. 6, no. 2, 2004, pp. 195-212. Les auteurs ont toutefois reconnu qu’ils se trouvent encore au début d’une re-conceptualisation plus profonde de la sous-discipline de l’étude des groupes d’intérêts.
  4. « The elements of information and influence are two sides of one coin » SCHENDELEN van, M.P.C.M. « Introduction: the relevance of national public and private EC lobbying » dans SCHENDELEN van, M.P.C.M. (ed.), National Public and Private EC lobbying, Aldershot, Dartmouth, 1993, p. 3
  5. MENY, Y., Politique comparée: les démocraties Allemagne, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Paris, Montchrestien, 1996, pp. 111
  6. AYBERK, U., SCHENKER, F-P., « Des lobbies européens entre pluralisme et clientélisme », dans Revue française de Science politique, vol. 48. no. 6. 1998. pp. 753
  7. GREENWOOD, J., Interest representation in the European Union, Basingstoke, Palgrave, Macmillan, 2003, pp. 8-9
  8. GREENWOOD, J., op. cit., p. 19
  9. BROSCHEID A., COEN, D., « Insider and Outsider Lobbying of the European Commission: An Informational Model of Forum Politics », dans European Union Politics, 2003,Vol. 4, no. 2, p. 166
  10. WESSELS, W., « The growth and differentiation of multi-level networks: a corporatist mega-bureaucracy or an open city », dans WALLACE, H., YOUNG, A. (ed.), Participation and policy-making in the European Union, Oxford, Clarendon press, 1997, p. 23
  11. HIX, S., The Political System of the European Union, New York, St. Martin’s Press, 1999, p. 197
  12. ASPINWALL, M., GREENWOOD, J., « Conceptualising collective action in the European Union: an introduction », dans ASPINWALL, M., GREENWOOD, J. (ed.), Collective action in the European union : interests and the new politics of associability (ed.)., London, Routledge, 1998, pp. 3
  13. SAURUGGER, S., op. cit.,2003, pp. 44-45
  14. BALME, Richard, CHABANET, Didier, WRIGHT Vincent, L’action collective en Europe, Paris, Presses de sciences politiques, 2002, p.84
  15. Ibid., p.85
  16. Dominique Colas, Dictionnaire de la pensée politique, Paris, Larousse-Bordas, 1997, pp. 240-243.
  17. HABERMAS, Jürgen, Droit et démocratie, entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997, pp.400-401.
  18. HABERMAS, Jürgen, Après l’État-nation, une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 2000, p.132
  19. Ibid., p.128
  20. HABERMAS, Jürgen, Droit et démocratie, entre faits et normes, op.cit., pp.357-368
  21. LINZ Jaun J., STEPAN Alfred, Problems of democratic transition and consolidation : Southern Europe, South America and Post-Communist Europe, Baltimore, John Hopkins university Press, 1996.
  22. Ibid., p.7
  23. Ibid., p.10
  24. Livre bleu du lobbying en France (Télécharger (pdf, 102 pages))
  25. Aticle du Figaro "Ne pas confondre lobbying et groupes de pression", interview recueillie par Samuel Laurent publiée le 15/01/2008 (Voir)