Lecture de la Torah

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La Lecture de la Torah (en hébreu: Qriat HaTorah) suit un rite défini depuis plus de deux millénaires, suite à la destruction du Premier Temple de Jérusalem, et toujours scrupuleusement suivi par les adhérents du judaïsme orthodoxe. Des mouvements récents, comme le judaïsme réformé ou le judaïsme traditionnaliste, ont réalisé des aménagements, mais sans apporter de changements à la base.

La lecture d'une section du Pentateuque dans un parchemin de Torah fait partie de l'office de certains jours. La Torah est lue selon des sections hebdomadaires (Héb. פרשת השבוע parashat hashavou'a), divisées en portions, elles-mêmes divisées en versets, mais non en chapitres (les érudits Juifs modernes utilisent la capitation biblique par commodité, mais seulement pour l'étude et non pour le rite).
Le Shabbat, une parasha entière est lue suivant un cycle annuel.
Le Shabbat après-midi, les lundis et jeudis, le début de la section suivante est lue.
Lors de certaines célébrations et jeûnes, des sections spéciales, liées à la célébration, sont également lues.

Sommaire

[modifier] Origines et évolution de la pratique

La lecture publique de la Torah a été introduite par Ezra le Scribe après le retour du peuple Juif de son premier exil, ainsi qu'il est écrit dans le chapitre 8 de Néhémie:

Alors tout le peuple s'assembla comme un seul homme sur la place qui est devant la Porte des Eaux. Ils dirent à Ezra le scribe d'apporter le livre de la loi de Moïse, que l'Éternel avait prescrite à Israël.
Et Ezra le Cohen apporta la Loi devant l'assemblée, composée d'hommes et de femmes et de tous ceux qui étaient capables de la comprendre, afin de la faire entendre le premier jour du septième mois.
Il le lut sur la place qui est devant la Porte des Eaux, depuis le matin jusqu'au milieu du jour, devant les hommes et les femmes et ceux qui étaient capables de le comprendre. Tout le peuple fut attentif à la lecture du livre de la loi.

Les Sages attribuent la première lecture à Moïse lui-même, bien que cela ne figure pas explicitement dans la Torah.

Avant Ezra, il y avait également la mitzvah du hakhel (Tu rassembleras, Deut. 31:10-13), selon laquelle le peuple entier, "hommes, femmes et enfants" (Deut 31:12) devait être rassemblé devant le roi une fois tous les sept ans, pour entendre la lecture du Deutéronome, le dernier volume du Pentateuque par le roi lui-même. (voir les derniers chapitres du traité talmudique Sota).

Sous Ezra (qui divisa certainement la Torah en versets et sections), la lecture de la Torah devint plus fréquente, à raison de trois fois par semaine, et la congrégation se substitua au roi. La tradition crédite également Ezra d'avoir initié la coutume moderne de réaliser trois lectures par semaine à la synagogue, ce qui semble confirmé par des sources extérieures (voir paragraphe suivant). Cette lecture est une obligation communautaire, non individuelle, et ne se substitue pas à la lecture de l'hakhel sous l'égide du Roi.

La tradition de lire la Torah est attestée dans des sources extra-bibliques, à savoir les écrits de Flavius Josèphe et Philon d'Alexandrie, ayant tous deux vécu aux alentours de la destruction du Second Temple, au Ier siècle EC, ainsi que de compilateurs romains de la même période.
Ils notent que les Judéens se rassemblent dans des synagogues, où ils s'occupent de lire la Torah et d'étudier ses règles, alors qu'aucun ne fait mention de la prière en public; la lecture de la Torah l'aurait donc précédée (la prière individuelle est cependant déjà mentionnée dans le Tanakh).

Aux temps talmudiques, il existait deux rites disctincts :en terre d'Israël, on lisait la Torah selon un cycle de 3 ans, alors qu'en Babylonie, il n'était que d'un an, se terminant et recommençant à Sim'hat Torah. Les sections hebdomadaires lues à Babylone étaient donc plus longues que celles lues en Galilée.
De nos jours, on suit le rite babylonien.
Le but de la lecture de la Torah était à l'origine d'enseigner ses propos au peuple. Cependant, avec le développement de la Loi orale, elle perdit de son importance, et devint plus rituelle.
Il n'en reste pas moins que l'étude de la section hebdomadaire (Héb. לימוד פרשת השבוע Limoud parashat hashavou'a) fait partie intégrante de l'étude de la Torah, et donc du quotidien du Juif observant.

Les rites de la lecture de la Torah sont traités par la Mishna, puis le Talmud, dans le traité Meguilla.

[modifier] À quel moment lit-on la Torah ?

La Torah est lue durant l'office du matin des lundis, jeudis et Shabbat, ainsi que celui des grandes et petites fêtes, ainsi que des jeûnes. La Torah est également lue lors de l'office des après-midis de Shabbat et des jeûnes.

Les matins, la Torah est lue après le ta'hanoun ou le hallel. Si ceux-ci sont omis, on le fait après la amida. Le kaddish yehe shlema est récité avant la bénédiction de la Torah",le 'hetzi kaddish. Après la lecture de la Torah, l'office continue avec le reste des prières.

Les après-midis, la Torah est lue avant la amida, séparée d'elle par le 'hatzi-kaddish."

[modifier] En quoi consiste la lecture de la Torah ?

Dans l'usage courant, Qriat HaTorah ne désigne pas seulement la lecture proprement dite, mais s'étend à toute la cérémonie, depuis l'ouverture de l'Aron hakodesh pour y prendre le (ou, parfois, les) Sefer Torah jusqu'à sa restitution.

Conditions sine qua non pour pouvoir lire la Torah

  • La lecture ne peut se faire que sur un Sefer Torah propre à l'emploi, écrit avec une encre spéciale sur un parchemin conforme par un scribe entraîné, selon un processus long et fastidieux.
  • La lecture ne peut se faire que selon la cantillation, une mélodie traditionnelle particulière, différente selon les congrégations, car dépendant d'une interprétation de signes de cantillation. Le Sefer Torah étant dépourvu de ces signes de cantillation (ou de versification), le lecteur doit les avoir mémorisés. C'est pour cette raison que la grande majorité des congrégations (à l'exception des Teimanim qui sont pratiquement tous rompus à cet exercice) est pourvue d'un expert en lecture, le ba'al q'riah' (ou plus souvent, mais improprement, le baal korè).
    Le
    ba'al q'riah peut être assisté par un fidèle lui indiquant par une gestuelle spécifique les signes de cantillation, qu'il lit lui-même dans un Houmash -- un exemplaire non-rituel, souvent imprimé, du Pentateuque -- ou un Tikkoun -- un livre indiquant en parallèle le texte versifié et cantillé, et le texte tel qu'il apparaît dans le Sefer Torah (ceci se voit plus fréquemment dans les congrégations sépharades).
  • La lecture ne peut se faire qu'en présence d'un minyan, un quorum de dix personnes. Chez les Juifs orthodoxes, il doit s'agir de dix hommes; chez les libéraux, le minyan peut être de composition mixte.

Le Sefer Torah est entreposé dans une armoire élaborée, l'Aron kodesh (Arche sainte) ou simplement armoire (Aron), spécifiquement employée à cet usage.
Le retrait du Sefer Torah est considéré comme un honneur, et retiré par l'un des membres de la congrégation; des prières spécifiques sont récitées comme on retire le Sefer.
La Torah est ensuite portée par l'officiant jusqu'à la Bima (chez les Juifs ashkénazes) ou la Teba (chez les Juifs sépharades), une plate-forme de lecture. Certaines congrégations ont coutume d'embrasser le Sefer Torah (ou plus exactement, le velours dont il est revêtu) sur son passage.
Des prières supplémentaires sont récitées une fois le Sefer sur la plate-forme.

Un fonctionnaire synagogal, le gabbaï (équivalent du "bedeau"), appelle des gens à "monter" (aliyah[1]), chacun à son tour à la Torah, ce qui est également un honneur.
Il y a au moins trois olim lors d'une lecture de la Torah : trois exactement les jours de semaine et de jeûne, des olim pouvant se rajouter en fonction du calendrier; sept à Shabbat, d'autres pouvant se rajouter en fonction des coutumes de la communauté (exemple : un Shabbat où tombent à la fois une Bar Mitzva et une cérémonie de commémoration des morts. Comment honorer les uns et les autres sans rajouter d'aliyot supplémentaires ?)

Selon le judaïsme orthodoxe, en signe de respect, le premier olèh est un cohen, et le second un levi (s'il s'en trouve dans l'assemblée); les autres olim sont des yisra'elim[2]

Le premier olèh est appelé en récitant un verset hébraïque. Ensuite, chacun est appelé par "Ya'amod [le nom hébraïque de l'olèh] ben [le nom hébraïque de son père] haCohen/Levi/Israel, liqro baTorah" (Qu'untel fils d'untel le Cohen/Lévite/Israël se lève pour lire la Torah).

Chaque olèh, lorsqu'il est appelé à monter à la Torah, s'en approche, récite une bénédiction, est supposé lire une portion de la section hebdomadaire de la Torah, et termine par une autre bénédiction, après quoi on appelle le olèh suivant.
Le plus souvent toutefois, les olim ne savent pas lire la Torah avec la cantillation, et ce rôle échoit au ba'al q'riah, qui lit le passage de la Torah avec la cantillation pour la congrégation, tandis que l'olèh suit l'expert en murmurant, et ne récite que les bénédictions encadrant la lecture de la Torah.

A Shabbat et lors de l'office du matin des célébrations, la aliyah finale est suivie par le hatzi-kaddish, et une aliyah supplémentaire lues par une personne appelée le maftir (Ya'amod ... liqro baTorah, maftir), car c'est lui qui, après avoir répété le dernier passage de septième portion, lira la Haftara.
Les autres jours, le maftir est omis, ainsi que l'après-midi du Shabbat, où le hatzi-kaddish est également omis.

Lorsqu'un garçon devient Bar Mitzva (i.e atteint sa majorité religieuse, et est désormais responsable de ses actes sur ce plan), l'un des rites initiatiques est de faire de lui le ba'al q'riah de la section hebdomadaire correspondant au Shabbat de (ou juste après) son 13ème anniversaire, bien qu'il ne s'agisse pas là d'une obligation. Beaucoup ne lisent que le Maftir et la Haftara.

Chez les Juifs ashkénazes, il est de coutume de réaliser la Hagbaha, c'est-à-dire de soulever le Sefer Torah après avoir terminé la lecture des sept portions de la section hebdomadaire, et de l'exposer en public, en chantant Vezot HaTorah asher tziva lanou Moshe morasha qehilat Ya'akov (Ceci est la Torah que nous a prescrite Moïse, héritage pour l'assemblée de Jacob). Après quoi on l'enroule - Guelila.
Chez les Juifs sépharades, on soulève le Sefer Torah avant la lecture, ce qui s'appelle Haqamat Sefer Torah (Levée du Livre de la Torah) et non Hagbaha (élévation).

Le Sefer Torah est ensuite fermé, emballé et rangé, avant d'être remis dans l'Arche sainte, ce qui se fait toujours avec des prières spécifiques.

[modifier] Que lit-on?

Les Shabbat matins, la parasha hebdomadaire est lue. Elle est divisée en sept aliyot (voir supra pour les aliyot). Le cycle des lectures hebdomadaires est fixé. Cependant, le calendrier hébreu variant d'année en année, deux sections hebdomadaires peuvent être combinées, de sorte que l'ensemble du Pantateuque soit lu en un an. Pour plus d'informations, voir Parasha.

Les lundis et jeudis matins, et les Shabbat après-midis (à l'exception de jours particuliers), une petite section de la parasha à venir est lue, divisée en trois aliyot. En d'autres occasions, la lecture est thématiquement reliée au jour : à Pessa'h, par exemple, la congrégation lit diverses sections ayant trait à Pessa'h.

[modifier] Les femmes et la lecture de la Torah

Selon le judaïsme orthodoxe traditionnel, tous les olim sont des hommes, et les femmes en ont toujours été exclues, ce qui est encore le cas dans les mouvements les plus orthodoxes. Les mouvements non-orthodoxes, comme le judaïsme réformé et même le judaïsme traditionnaliste, se sont toujours montrés plus libéraux à cet égard. Cependant, et ce discrètement et depuis peu, une tendance au sein du courant orthodoxe tend à faire de même.

En effet, certaines congrégations orthodoxes permettent la tenue d'offices de prière exclusivement féminins, où les femmes peuvent lire.
De plus, deux rabbins orthodoxes modernes, le Rav Mendel Shapiro et le Rav Daniel Sperber, professeur de Talmud à l'Université Bar-Ilan, ont récemment publié leurs opinions, selon lesquelles la halakha permet à des femmes orthodoxes de participer à la lecture de la Torah sous certaines conditions. Il ne s'agit selon eux ni d'innovations, ni d'aménagements mais de cas limites décrits dans le Talmud. Ceci a conduit à la constitution de "Partnership Minyanim" au sein d'un petit nombre de congrégations orthodoxes modernes. Cependant, cette pratique soulève de nombreuses objections, non seulement du côté orthodoxe, où le Rav Saul Berman, directeur du journal Edah, qui a édité l'article du Rav Shapiro ne partage pas ses conclusions, que du côté libéral (qui permet pourtant aux femmes de monter à la Torah, cf. supra).
Voir par exemple la réaction du Rav Y.H. Henkin à l'article du Rav Shapiro, dans le journal Edah (pdf)

[modifier] Innovations des mouvements "traditionnaliste" et réformé

Dans certaines synagogues traditionnalistes, les femmes qui descendent patrilinéairement d'un Cohen (Bat Cohenim) ou d'un Levi (Bat Leviim) peuvent être appelées à la Torah pour les deux premières aliyot. Dans quelques congrégations traditionnalistes et la plupart des congrégations réformées, les distinctions entre cohen, levi, et yisrael (cf. supra) sont omises.

Également dans quelques congrégations traditionnalistes et la plupart des congrégations réformées, le cycle de lecture annuel est devenu triennal. Il ne s'agit cependant vraisemblablement pas du cycle suivi par le Talmud de Jérusalem : ils suivent l'ordre des sections hebdomadaires selon le Talmud de Babylone, mais n'en lisent qu'un tiers par semaine : le premiers tiers la première année, le second la seconde année, le troisième la troisième année. Ils célèbrent Sim'hat Torah chaque année.

Certaines congrégations réformées célèbrent principalement l'office du Shabbat le vendredi soir, et lisent la Torah à ce moment.

Les mouvements non-orthodoxes ont également étendu le rite du Bar Mitzvah aux filles. Bien que la Bat Mitzvah soit également célébrée dans des cercles orthodoxes, les filles des mouvements libéraux lisent la section hebdomadaire correspondant à leur 12ème anniversaire, contrairement aux premiers, où la cérémonie ressemble davantage à une "confirmation".

[modifier] Notes

  1. La montée à la Torah s'appelle, comme l'immigration en Israël, aliyah (car on "monte en Israël"). Il n'y a cependant aucune connotation "sioniste" à la montée à la Torah.
  2. Israël, au sens "membre laïc, non levi non cohen, de l'assemblée d'Israël"

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes


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