Kalevala

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Le Kalevala est l'épopée nationale finlandaise, composée par Elias Lönnrot, folkloriste et médecin sur la base de poésies populaires transmises oralement. Une première version, publiée en 1835, fut suivie en 1849 d'une édition considérablement augmentée qui comprend environ 23 000 vers. Le Kalevala est une sorte de patchwork, obtenu par l'assemblage de poèmes populaires authentiques recueillis entre 1834 et 1847 dans les campagnes finlandaises, notamment en Carélie. Ce poème représente la pierre d'angle de l'identité nationale finlandaise. Cette épopée a influencé nombre d'artistes finlandais et est connu par sa traduction en 51 langues hors de la Finlande dans le monde entier.

Sommaire

[modifier] Contenu du Kalevala

La défense du sampo (Gallen-Kallela, 1896)
La défense du sampo (Gallen-Kallela, 1896)

Le Kalevala (= Pays de Kaleva, l'accent est sur la première syllabe) est un kaléidoscope de récits, qui sont pour une part indépendants les uns des autres. Le personnage principal est le barde Väinämöinen, magicien qui joue du kantele, l'instrument à cordes finlandais. Il est le fils de Ilmatar, la déesse de l'Air et la mère de l'Eau. Le Kalevala commence avec un récit de création, où le ciel, la terre, le soleil et la lune naissent d'oeufs de canard qui sont déposés sur le genou d'Ilmatar. Dans le premier chant Väinämöinen apparait déjà.

D'autres personnages importants dans l'épopée sont le forgeron Ilmarinen et le guerrier Lemminkäinen. Ilmarinen a fabriqué le Sampo, un objet merveilleux, un moulin, pour Louhi, la maitresse du pays ennemi de Pohjola (le pays du nord), qui en échange a promis sa fille. Peu après, le sampo est enlevé de Pohjola par les héros de Kalevala et se casse à cette occasion. Le sampo apporte prospérité et bien-être, même après avoir été brisé. La bataille pour cet objet est un fil rouge de l'épopée.

Six chants sont consacrés aux aventures du héros tragique Kullervo, l'esclave vengeur qui, tout en l'ignorant, séduit sa sœur et se jette à la fin sur sa propre épée. Cet épisode isolé de Kullervo ne faisait pas partie de la version du Kalevala de 1835.

À côté des récits de héros, le Kalevala contient des passages non-narratifs, tels que des lignes de conduites pour la mariée et le marié et des articles sur le brassage de la bière et le travail du fer.

[modifier] Forme du Kalevala

Le Kalevala de 1835
Le Kalevala de 1835

Le Kalevala est composé de cinquante chants (le mot finnois, runo, est souvent traduit par rune, mais ne correspond pas directement aux signes [runiques] du vieux germanique). Ces chants sont formés par des vers blancs (c'est-à-dire sans rimes, avec un nombre de syllabes variables et une segmentation de l'énoncé libre), un ensemble de 22 795 qui sont rédigés en un « rythme Kalevala » caractéristique et simple : chaque ligne est composée de quatre trochées et est suivie par une deuxième ligne, qui paraphrase la première pour le contenu, la nuance ou aussi souvent la renforce.

Il peut ne pas y avoir de rime finale dans le Kalevala, la rime du début ou l'allitération est utilisée fréquemment. Le finnois s'y prête merveilleusement, car cette langue a seulement un nombre limité de consonnes (11) avec lesquelles un mot peut commencer. Dans les traductions du Kalevala une grande partie de ces allitérations sont ainsi condamnées à disparaître.

En illustration un fragment du premier chant (r. 289-295) :

Vaka vanha Väinämöinen
kulki äitinsä kohussa
kolmekymmentä keseä
yhen verran talviaki,
noilla vienoilla vesillä
utuisilla lainehilla.

Et une traduction en néerlandais (Mies le Nobel, uitg. Vrij Geestesleven, 1985) :

Väinämöinen, oud en wakker,
wacht nog in de schoot der moeder,
dertig zomers lang nog wacht hij,
dertig lange winters toeft hij
nog in sluimerstille golven,
in de nevelrijke wateren.

La traduction de J-L Perret du même fragment donne :

Le ferme et vieux Väinämöinen
Passa dans le sein de sa mère
Près d'une trentaine d'étés
Et le même nombre d'hivers,
Au milieu des ondes tranquilles,
Sur les flots couverts de brouillard.

La première traduction française du Kalevala fut réalisée par Louis Léouzon le Duc, en prose, et publiée sous le titre La Finlande en 1845. C'était la deuxième traduction jamais faite du premier Kalevala, après celle en suédois.

Il existe désormais trois traductions intégrales françaises du « nouveau » Kalevala. Une traduction en prose de Louis Léouzon le Duc (1867) a été suivie par la traduction métrique de Jean-Louis Perret (1927) et, plus récemment, par celle de Gabriel Rebourcet (1991) qui s'efforce de restituer les archaïsmes linguistiques de l'original.

Des versions adaptées pour les enfants ont également été rédigées par Edmée Arma (1944), Madeleine Gilard (Éditions La Farandole, 1961) et Anne-Marie Cabrini (Éditions Hatier, 1967). Cette dernière, à partir d'une traduction italienne.

[modifier] L'origine du Kalevala

Elias Lönnrot, dessiné par Eva Ingman
Elias Lönnrot, dessiné par Eva Ingman

Le Kalevala est le fruit de voyages de Elias Lönnrot (1802-1884), de profession médecin, mais particulièrement intéressé par la langue et le folklore finlandais (il fit son doctorat sur la médecine populaire finlandaise). La vieille tradition orale populaire vivait encore à l'est (en Carélie) et c'est principalement dans cette région qu'il entreprit de voyager souvent entre 1828 et 1834, pour rassembler le matériel qui allait former la base de son épopée. Il fixa son cabinet médical à Kajaani, à la frontière de la Carélie.

Le premier résultat fut appelé le Proto-Kalevala de 1833 (à vrai dire Runokokous Väinämöisestä, ensemble de poèmes sur Väinämöinen). Deux ans plus tard, apparut le véritable Kalevala (en entier Kalewala taikka Wanhoja Karjalan Runoja, Kalevala ou Anciens Chants de Carélie). Cette première version, l'Ancien Kalevala de 1835, était composé de 32 chants avec 12 078 lignes versifiées et fut édité par la Société Littéraire Finnoise (Suomalaisen Kirjallisuuden Seura), dont Lönnrot était l'un des fondateurs. La date d'achèvement de cette version, le 28 février, a en Finlande le statut de Jour du Kalevala.

Au Kalevala succédèrent les moins connus Kanteletar (1840-41), aussi le résultat de recherches de terrain en Carélie. En 1849, Lönnrot acheva le Nouveau Kalevala, qui comptait 50 chants et 22 795 lignes versifiées, et était donc près de deux fois aussi important. L'apport personnel de l'auteur Lönnrot dans cette nouvelle version était plus important que dans la version originale. Le Nouveau Kalevala fait aussi montre de beaucoup plus de logique interne.

Dans la période entre 1835 et 1849 le Kalevala était déjà traduit et Lönnrot avait atteint son but : montrer que, du sein d'une petite nation, une épopée immémoriale, préchrétienne pouvait naître au même titre que l'Odyssée et l' Iliade des Grecs antiques ou le chant des Nibelungen des Germains.

[modifier] Œuvres inspirées par le Kalevala

la malédiction de Kullervo (Gallen-Kallela, 1899)
la malédiction de Kullervo (Gallen-Kallela, 1899)

L'épopée a joué un rôle important dans la constitution du sentiment national finlandais. Elle a influencé considérablement beaucoup d'artistes de ce pays.

Rudolf Steiner et ses proches intellectuellement, anthroposophiques, appréciaient fortement le Kalevala. La traduction la plus récente en vers en néerlandais du Kalevala est ainsi l'œuvre d'une maison d'édition antroposophique.

  • Beaux-Arts
    • le peintre Akseli Gallen-Kallela, qui décora le célèbre pavillon finlandais de l'exposition universelle de Paris de 1900 avec des motifs du Kalevala. Ses peintures sur le Kalevala les plus connues sont La défense du Sampo (Sammon puolustus, 1896), La vengeance de Joukahainen (Joukahaisen kosto, 1897), La mère de Lemminkäinen (Lemminkäisen äiti, 1897) et la malédiction de Kullervo(Kullervon kirous, 1899). En 1922 il illustra le Koru-Kalevala (le Kalevala d'or).
    • le sculpteur Carl Eneas Sjöstrand

Comme œuvre littéraire, le Kalevala a ausi exercé une grande influence sur la littérature. Des poètes tels que Eino Leino subirent l'influence de l'épopée d'un point de vue stylistique. L'influence de l'épopée s'étendit bien au-delà du domaine linguistique finnois, par le biais de traductions. Des écrivains anglais tels que J.R.R. Tolkien (qui basa sa langue artificielle Quenya sur le finnois) et C.S. Lewis se laissèrent inspirer par le Kalevala. La Song of Hiawatha de l'Américain Henry Wadsworth Longfellow, qui connaissait le finnois, est fréquemment mise en rapport avec l'épopée finlandaise. En Estonie et en Lettonie, qui tout comme la Finlande se trouvaient au XIXe siècle en Russie tsariste, se développèrent respectivement les épopées Kalevipoeg (1853-1862) et La¯cˇple¯sis, qui tout comme le Kalevala se basaient sur des traditions locales et avait la même fonction: le formation d'une identité nationale d'une petite nation à la découverte d'elle-même. Friedrich Reinhold Kreutzwald, l'auteur de l'épopée estonienne (et tout comme Lönnrot, un médecin), se décida uniquement après avoir vu le Kalevala (sa traduction en allemand) à versifier son œuvre.

    • Plusieurs œuvres du compositeur finlandais Jean Sibelius(1865-1957), dont Le Destin de Kullervo, symphonie pour chœur (1892) et la Suite Lemminkäinen, La fille de Pohjola (Pohjolan tytär, 1906), les légendes du Kalevala (parmi lesquelles Le cygne de Tuonela, Tuonelan joutsen, 1893), le poème symphonique Luonnotar (1913), Tapiola (1926).
    • La Marche funèbre de Kullervo du compositeur et chef d'orchestre finlandais Robert Kajanus (1856-1933)
    • Le poème symphonique Kullervo du compositeur finlandais Leevi Madetoja (1887-1947), élève de Sibélius
    • l'opéra Kullervo d'Aulis Sallinen (1988)
    • la Kalevala-suite d' Uuno Klami (1933-43).
    • Kalevala XVII runo, le 17ème chant mis en musique en 1985 par l'Estonien Veljo Tormis à l'occasion du 150ème anniversaire de l'épopée.
    • Le Mythe de Sampo d'Einojuhani Rautavaara

[modifier] Le Kalevala en traduction

Le Kalevala a été traduit dès le début. La Société Littéraire Finlandaise a subventionné, aussi pour des raisons politiques, la traduction de l'œuvre en suédois et en allemand : la première langue rendait l'épopée accessible ainsi à l'intelligentsia finlandaise, qui ne connaissait souvent pas le finnois. Le philologue Matthias Alexander Castrén se chargea de la première version en suédois (1841). Son confrère allemand Jacob Grimm en traduit des parties en allemand. La première traduction complète (et en vers) allemande fut celle d'Anton Schiefner datant de 1852 : elle fut l'une des versions les plus influentes. L'Estonien Kreutzwald lui emprunta l'idée de mettre son Kalevipoeg en des vers similaires. La version Schiefner fut revue peu après par Martin Buber et devint le texte de base de la traduction « anthroposophique » néerlandaise de Mies le Nobel (1985).

Avant l'allemande, il y eut une version française : c'était la traduction en prose de Louis Léouzon le Duc de 1845 portant le titre La Finlande. Au XIXe siècle apparurent encore des traductions en anglais, en estonien, en hongrois, en russe et en tchéque. Le premier Kalevala en néerlandais fut une adaptation pour enfants de 1905.

Entretemps, le Kalevala a été traduit en 51 langues, dont l'arménien, le swahili, le tamil et l'Espéranto. Au XXe siècle plusieurs traductions et adaptations en néerlandais ont été éditées, mais jamais un Kalevala en vers traduit du finnois. À ce sujet l'on se doit de mentionner le nom du prêtre Henrik Hartwijk, qui a, il est vrai, traduit le Kalevala, mais dont la traduction n'a jamais été publiée et est perdue en grande partie.

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • Elias Lönnrot, Le Kalevala : Épopée des Finnois, traduit du finnois, présenté et annoté par Gabriel Rebourcet, Gallimard, Paris, 1991. 2 vol. (L'aube des peuples). ISBN 2-07-072117-5.
  • (nl) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en néerlandais intitulé « Kalevala ».