Jules Guesde

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Jules Guesde
Parlementaire français
Naissance 11 novembre 1847
Décès 28 juillet 1922
Mandat Député 1893-1898
puis 1906-1922
Début du mandat 1893
Fin du mandat {{{fin du mandat}}}
Circonscription Nord
Groupe parlementaire SFIO
IIIe république

Jules Bazile dit Jules Guesde, né à Paris le 11 novembre 1847 et mort à Saint-Mandé (Seine) le 28 juillet 1922, est un homme politique français.

Sommaire

[modifier] Premiers pas dans le journalisme militant

Fils d’un professeur d’institution privée, Jules Bazile, après avoir suivi des études classiques et obtenu son bac en 1863, entre à la préfecture de Paris comme expéditionnaire-traducteur à la direction de la presse, Il collabore très tôt à des journaux républicains, se signalant par son audace contre le régime impérial, choisissant alors comme nom de plume le patronyme de sa mère, Eléonor Guesde.

Ces années sont celles d’une formation politique de plus en plus marquée à gauche. À un journaliste du Matin venu l'interviewer sur son itinéraire politique en 1893, il répond qu'il est devenu républicain sous l'Empire en lisant en cachette les « Châtiments » de Victor Hugo, athée en lisant la critique de la raison pure de Kant et enfin socialiste « par la Commune ».

De fait, c'est de Toulouse puis Montpellier, et non à Paris, que le jeune Guesde critique l’entrée en guerre de la France en 1870[1]. Après le 4 septembre, il soutient la nouvelle République et surtout, à partir de mars 1871, l'insurrection de la Commune. Ses articles, d'une grande violence, lui valent diverses condamnations à l’emprisonnement qui le poussent, pour y échapper, à l'exil au mois de juin.

Réfugié en Suisse puis en Italie, à Milan, où il survit en donnant des leçons de littérature, il entre alors en contact avec des militants de la Première Internationale, mouvement fondé par Karl Marx en 1864. D’abord hostile au philosophe, Guesde se rapproche peu à peu de ce dernier. Sans pour autant adopter toutes les idées du maître, il en défend vigoureusement le concept de prise de pouvoir par le prolétariat.

[modifier] Le leader du parti « collectiviste »

De retour en France en 1876, Guesde vise deux objectifs. D'abord reconstituer le mouvement ouvrier décapité après les événements de la commune de Paris et ensuite convaincre l’élite de la classe ouvrière française du bien-fondé des doctrines du socialisme scientifique issues de la pensée marxiste.

À cette fin, il lance avec Paul Lafargue[2] le journal L'Égalité (qui parait avec quelques interruptions de 1877 à 1883), qui diffuse en France des idées certes marxistes mais à l'évidence traversées par diverses influences françaises, de Blanqui à Rousseau. Le groupe « collectiviste » dirigé par Guesde réussit à obtenir la majorité au congrès ouvrier de Marseille de 1879, prélude à la fondation en 1882 du Parti Ouvrier, dénommé Parti ouvrier français en 1893.

Très vite, apparaissent des divergences entre les dirigeants concernant les conditions de la prise du pouvoir et les relations du parti avec la jeune République. Pour les « possibilistes » menés par Brousse et Allemane, il convient de faire, au plus tôt, les « réformes possibles » plutôt que d'attendre une révolution dont la réalisation, liée à une hypothétique grève générale, apparaît alors moins que probable.

À cette époque, Guesde incarne la ligne dure du militantisme ouvrier, opposée à tout compromis avec les « forces bourgeoises ». Tout au long de cette genèse de la Gauche française, il incarne un archétype, celui du militant pauvre, incorruptible, qui voyage sans répit pour faire connaître dans toute la France le socialisme révolutionnaire. Guesde, outre son activité inlassable – il publie beaucoup de livres, brochures, articles et anime au premier rang en dépit de sa santé incertaine les nombreux meetings socialistes – se révèle bon organisateur. Il structure rigoureusement son parti selon une logique pyramidale d’une grande efficacité, chaque niveau étant animé par des militants, souvent d’origine ouvrière, totalement dévoués, sinon soumis, à la célèbre « discipline guesdiste », qui étonne par sa rigidité partisans et adversaires. Par ailleurs, le parti ouvrier est internationaliste, ses liens sont étroits avec les partis étrangers, notamment la social-démocratie allemande.

Les succès du Parti Ouvrier sont rapides. Comptant à peine 2 000 membres en 1889, il gagne en audience – 20 000 militants en 1902 – et conquiert ensuite plusieurs grandes municipalités, notamment Roubaix qui reste le sanctuaire du guesdisme – la « Rome du Socialisme » – jusqu’en 1914[3]. Le PO atteint son point haut électoral aux législatives de 1893[4]. Très populaire dans le Nord, bastion d’un POF soutenu par les ouvriers du textile et de l’industrie, profitant d'une influence moins forte et moins durable dans le « Midi rouge », Guesde entre à la chambre des députés une première fois en 1893 pour la circonscription de Roubaix en s’affirmant « collectiviste, internationaliste et révolutionnaire ». Battu en 1898 et 1902, il est réélu en 1906. Il conserve son siège jusqu'à sa mort en 1922.

[modifier] Le repli sur des positions de plus en plus figées

Sous l’impulsion de Guesde, le PO est un des fondateurs en France des journées du 1er Mai, dites « fêtes du travail », à partir de 1889[5] qui vise à obtenir pour les ouvriers des avantages précis et immédiats, comme la réduction de la journée de travail[6]. En 1899, il s'oppose à Jean Jaurès quant à la participation d’Alexandre Millerand au ministère « bourgeois » de Waldeck-Rousseau. Cet échec, comme les effets de cette participation au gouvernement qui explique les succès de la Gauche réformiste, poussent Guesde et Lafargue à chercher des alliés sur la gauche de la Gauche. En 1902, son parti fusionne avec le Parti socialiste révolutionnaire d'Edouard Vaillant (blanquiste) pour former le Parti socialiste de France. La revendication de Guesde, que cette unité se fasse sur la base de la condamnation de toute tactique « participationniste », est adoptée puis confortée en 1904, lors du Congrès socialiste international d'Amsterdam[7].

Cependant, en dépit de ces succès partisans, le courant réformiste de Jean Jaurès, « socialiste indépendant », gagne inexorablement du terrain en France. En 1905, le Parti socialiste de France et le Parti socialiste français fusionnent pour fonder la SFIO. Par ailleurs, Guesde est également opposé à la franc-maçonnerie, qu'il considère comme « alliée à la bourgeoisie » et « nuisible de la classe ouvrière », comme il le rappela lors du Congrès socialiste de Limoges en 1906. Pour autant, de nombreux francs-maçons étaient adhérents du POF au point d'apparaître constituer un courant au sein du mouvement.

Jules Guesde au début de la guerre
Jules Guesde au début de la guerre

La fusion du POF dans la SFIO était liée, une fois encore, au refus, validé par la nouvelle organisation, du « participationnisme ». Pourtant, en dépit de ce succès tactique, le déclin du courant représenté par Guesde devient rapidement une évidence. Si les « guesdistes » apportent à la Section française de l'IO leur capacité militante, leurs publications et leur appareil doctrinal, ils connaissent un déclin inexorable sans doute accentué par l'état de santé de Guesde, de plus en plus précaire, qui l'empêche de jouer un rôle décisif.

Son courant est isolé - les amis d'Edouard Vaillant ne le soutiennent plus - notamment sur les questions internationales mais plus encore sur la direction des syndicats. L'adoption en 1906 de la Charte d'Amiens défend le principe de l'indépendance vis-à-vis des organisations politiques, fruit de la mise en minorité des Guesdistes au congrès, à la fois par les révolutionnaires et les réformistes, consacre la rupture définitive de la CGT avec la Fédération syndicale internationale.

Quelques coups d'éclats sont encore toutefois à l'initiative de Guesde. Ainsi en mars 1910, en accord ponctuel avec la CGT, il est le seul député SFIO à voter contre la loi des retraites ouvrières et paysannes, qualifiée par lui, à cause du prélèvement opéré sur les salaires pour les financer, de « vol législatif » ajouté « au vol patronal ».

En contradiction avec ses positions théoriques précédentes, dans la logique de « l'Union Sacrée » de tous les partis dans la défense du pays, Guesde devient ministre d'État de 1914 à 1916 (cabinets Viviani et Briand). Il n'hésite pas, par ailleurs, à adopter des positions aux confins du nationalisme pendant le conflit.

Après l'armistice, le Congrès de Tours le voit enfin choisir la « vieille maison » à la suite de Léon Blum contre la majorité qui adopte les principes communistes. Pourtant, ses dernières réflexions politiques s'adressent à la révolution bolchévique alors encore incertaine en Russie. Malade, Guesde meurt à Saint-Mandé le 28 juillet 1922. Ses cendres reposent au Père Lachaise.

[modifier] Au coeur de l'histoire de la Gauche

La portée du « guesdisme » interroge aujourd'hui l'histoire du mouvement ouvrier à travers les traces qu'il a laissées dans toutes les composantes actuelles de la Gauche française.

Si la question syndicale a été définitivement tranchée par la Charte d'Amiens, la relation d'un parti révolutionnaire avec le système démocratique sinon parlementaire est resté au centre des problématiques de cette époque. Cette difficulté, mal résolue, a été, par les scissions et affaiblissements qu'elle a provoqué au sein du POF, une des explications majeures de son déclin.

L'opinion publique, comme les militants, a peu à peu avalisé les choix stratégiques des « Indépendants » comme Millerand et surtout Jaurès qui apparait, à la veille du conflit mondial, bien plus que Guesde, le leader des socialistes français. À la croyance d'une crise rapidement suivie de la révolution s'est substituée peu à peu la foi en l'imminence de la victoire parlementaire.

Le positionnement partisan, très strict, parfois sectaire, a conduit Guesde dans quelques impasses qui lui ont été beaucoup reprochées. Au moment de l’affaire Dreyfus, en dépit des efforts de Jaurès, il ne soutient jamais la cause dreyfusarde, s'opposant avec des arguments tranchés, notamment en 1900, à ce combat, selon lui, étranger au monde prolétarien[8]. La même distance sera marquée en 1892-1893 lorsqu'éclatera l'affaire de Panama.

Enfin, au plan théorique, quoique « marxiste », le mouvement guesdiste n'a jamais défini sa politique sur une base théorique, philosophique, absolument fidèle à cette profession de foi. Les discours de Guesde, comme la plupart de ses articles, restent très peu influencés par les théories de Marx, sinon dans des mots d'ordre qui paraissent relever de slogans plutôt que d'une réflexion profonde, argumentée et serrée, respectueuse des idéaux du socialisme scientifique[9]. Des intellectuels socialistes de premier plan, dont Lucien Herr ou Charles Andler, étaient ainsi rebutés par des simplifications incapables d'aboutir à des apports théoriques majeurs, hors cette espérance quasi messianique, entretenue et incarnée par le chef du POF, de la sortie prochaine des prolétaires du « bagne capitaliste ».

[modifier] Notes

  1. Il défend l’opinion républicaine dans « le Progrès libéral » de Toulouse en 1868, puis, l’année suivante, jusqu’en 1871, dans « la Liberté » de Montpellier puis dans « les Droits de l’Homme » où il est alors secrétaire de rédaction.
  2. Gendre de Karl Marx depuis 1868 par son mariage avec sa fille Laura Marx
  3. Beaucoup d'ouvriers d'industrie parmi les membres du POF. Peu de mineurs, peu de ruraux. En revanche des dirigeants plutôt issus de la petite bourgeoise, dont la stabilité est un trait marquant du mouvement, qui explique sans doute la rigidité doctrinale du guesdisme jusqu'à la guerre de 1914.
  4. Le Parti Ouvrier obtient à cette date 300 000 voix. Il retombe à 186 000 en 1902 puis, en 1906, à seulement 176 000 alors même qu’il a fusionné avec les Blanquistes d'Edouard Vaillant. Le poids des militants des partis de gauche reste de plus très inférieur aux effectifs des syndicats qui comptent alors plus de 200 000 membres (à comparer toutefois au près de 2 millions de syndiqués britanniques en 1910). Moins de 1 % des ouvriers étaient membres du POF, les voix du parti atteignant en 1898 à peine 3,5 % des suffrages.
  5. En hommage aux syndicalistes américains, pour la plupart d'origine allemande, exécutés à Chicago en 1887.
  6. La loi de 1892 limite à 11 heures par jour le temps de travail des femmes et des enfants de 16 à 18 ans. Il faut attendre 1919 pour voir votée la journée de 8 heures
  7. Le débat fait rage entre Jaurès et ses adversaires. August Bebel qui est favorable à Guesde déplore que « les fatales querelles (…) dont la démocratie socialiste française souffre tant, persistent encore ». L’orateur cite alors les paroles de Jaurès six ans plus tôt et qu’il reprend à son compte : « Le socialisme ne peut accepter une parcelle du pouvoir, il faut qu'il attende le pouvoir tout entier. Nous pouvons collaborer à des réformes partielles et nous y collaborons en effet; mais un parti qui se propose la réforme totale de la société, la substitution d'un principe de propriété et de vie à un autre principe ne peut accepter que l'intégralité du pouvoir. S'il en a seulement une part, il n'a rien : car cette influence partielle est neutralisée par les principes dominants de la société présente. Les grands intérêts ennemis prennent peur sans qu'on puisse les frapper : l'idéal nouveau n'est point réalisé, mais compromis, et il y a une crise capitaliste dont le socialisme ne sort pas ».
  8. Il indique en novembre 1900 qu'il « ne s'agissait pas surtout d'imposer au prolétariat le salut d'un homme à opérer, lorsque le prolétariat a sa classe à sauver, a l'humanité entière à sauver ! ». Il ajoute plus nettement encore qu'il « y a une victime particulière qui a droit à une campagne spéciale et à une délivrance isolée ; cette victime-là, c'est un des membres de la classe dirigeante, c'est un capitaine d'état-major - c'est l'homme qui, en pleine jeunesse, fort d'une richesse produit du vol opéré sur les ouvriers exploités par sa famille et libre de devenir un homme utile, libre de faire servir la science qu'il doit à ses millions au bénéfice de l'humanité, a choisi ce qu'il appelle la carrière militaire »
  9. Anecdote souvent citée à propos de Jules Guesde, notamment par Michel Rocard, si les œuvres de Karl Marx étaient en bonne place dans sa bibliothèque au moment de sa mort, les témoins ont découvert avec étonnement que les pages de ces nombreux volumes n'étaient pas coupées.

[modifier] Sources

  • Encyclopédie Universalis, édition de 1977. Notices biographiques.
  • La Commune de 1871, Éditions Sociales, 1970.

[modifier] Liens externes

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