Journée du 10 août 1792

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Prise des Tuileries
La Prise des Tuileries le 10 août 1792 par Jean Duplessis-Bertaux, Musée du château de Versailles
La Prise des Tuileries le 10 août 1792 par Jean Duplessis-Bertaux, (Musée du chateau de Versailles).
Informations générales
Date 10 août 1792
Lieu Palais des Tuileries
Issue Victoires des Gardes nationaux et des Sans-Culottes
Belligérants
Garde suisse,
Bataillon des Filles-Saint-Thomas
Garde nationale
de Marseille et de Brest,
Sans-Culottes
Commandants
Louis XVI Antoine Joseph Santerre
François-Joseph Westermann
Forces en présence
950 gardes suisses
200 nobles armés
20 000 hommes
12 canons
Pertes
~ 650 morts au combat
~ 300 prisonniers (dont ~ 200 meurent en prison)
~ 300 morts

Au cours de la journée du 10 août 1792, la foule assiège, avec le soutien du nouveau gouvernement municipal de Paris qui sera connu sous le nom de commune insurrectionnelle de Paris, le Palais des Tuileries. Le roi Louis XVI et la famille royale demandent le soutien de l'Assemblée législative. Cet évènement marque la fin effective de la monarchie française (qui sera restaurée en 1814). La fin officielle de la monarchie se fera six semaines plus tard (le 21 septembre 1792).

Cette insurrection et ses conséquences sont communément appelés par les historiens de la Révolution française simplement « le 10 août » ; les autres désignations sont « journée du 10 août », « insurrection du 10 août » ou « massacre du 10 août ».

Sommaire

[modifier] Contexte

Depuis le début de l'année 1792, la France était entrée dans sa première guerre révolutionnaire. En avril, évènement sans précédent, le roi forme un cabinet de gouvernement avec les Girondins. Le 20 avril 1792, la guerre est déclarée contre les Autrichiens.

Les premières batailles sont un désastre pour la France, et la Prusse rejoint l'Autriche dans une alliance contre la France. Au début, le délai nécessaire à sa préparation permet à la France de former une armée.

La Révolution, à cette date, est en train d'entrer dans une phase plus radicale. L'Assemblée législative fait passer une série de décrets, notamment contre les prêtres réfractaires, qui refusent de prêter serment à la constitution civile du clergé, ce qui entraîne, au début du mois de juin, un conflit entre Louis XVI et ses ministres girondins. Lorsque le roi envisage de former un nouveau cabinet avec les Feuillants, monarchistes constitutionnels modérés, le fossé s’élargit entre le roi et une grande part des chefs de l'Assemblée, ainsi qu'avec la majorité du peuple parisien.

Le 20 juin, la foule armée envahit le hall de l'Assemblée législative et les appartements royaux aux Tuileries, mais ne s'attaque pas au roi. L'échec de l'insurrection provoque un mouvement de sympathie envers le roi. La Fayette essaie d'utiliser cette circonstance pour mettre fin au conflit interne à Paris, mais le peuple, les députés et la Cour le soupçonnent de n'agir qu'en vue de ses ambitions personnelles.

Une dernière proposition des Girondins est refusée et les Feuillants sont renversés. Les Girondins effectuent alors un tournant à gauche pour s’unir à ceux qui sont prêts à recourir à la force pour renverser la monarchie. Dans un discours à l'Assemblée, Pierre Victurnien Vergniaud questionne directement le roi sur des questions rhétoriques : « La Constitution vous a-t-elle laissé le choix des ministres pour notre bonheur ou notre ruine ? »[réf. nécessaire]. Brissot est encore plus direct : « Je vous dis de frapper sur la cour des Tuileries c’est frapper tous ces prêtres d’un seul coup. On vous dit de poursuivre partout les intrigants, les factieux, les conspirateurs ; et moi je vous dis que tous disparaissent si vous frappez sur le cabinet des Tuileries, car ce cabinet est le point où tous les fils aboutissent, où se trament toutes les manœuvres et d’où partent toutes les impulsions. La nation est le jouet de ce cabinet, c'est-à-dire de quelques intrigants qui le dominent ; voilà le secret de notre position, voilà la source du mal, voilà où il faut porter le remède, et un remède vigoureux. »[1]

[modifier] La Nation « en danger »

Jérôme Pétion de Villeneuve

Le 5 juillet, l'Assemblée déclare la nation « en danger ». Tous les citoyens en mesure de prendre les armes et de servir dans la Garde nationale sont placés en service actif. Des piques sont distribuées à ceux qui ne peuvent se procurer d'armes, et des drapeaux sont placés dans les espaces publics, avec ces mots : « Citoyens ! La Patrie est en danger ! » Le 14 juillet (troisième anniversaire de la prise de la Bastille), des festivités patriotiques sont organisées. Pétion, démis de ses fonctions de maire de Paris à cause de sa conduite durant les évènements du 20 juin, est réintégré dans ses fonctions. Les grenadiers monarchistes constitutionnels du bataillon des Filles-Saint-Thomas affrontent les fédérés de Marseille, mais c'est le dernier acte de résistance de la faction monarchiste modérée. Le club des Feuillants, les compagnies de grenadiers et chasseurs de la Garde nationale qui forment la force de la bourgeoisie sont dissous.

Pendant ce temps, les armées alliées autrichiennes et prussiennes arrivent le long des frontières. La plupart des soldats « constitutionnels » (monarchistes), ainsi qu'une part des Suisses, stationnent à Paris. Au même moment, la Garde nationale, formée de la nouvelle classe moyenne, est ouverte au recrutement dans les classes plus basses. La déclaration du duc de Brunswick, militaire prussien, le 25 juillet 1792, annonçant que les Alliés entreraient en France pour restaurer l'autorité royale, investiraient militairement l'Assemblée et la ville de Paris au moindre outrage envers le roi -, est connue à Paris le 1er août et excite la fureur et les aspirations républicaines des révolutionnaires.

[modifier] Vers l'insurrection

Georges Jacques Danton

Le grand esprit de cette nouvelle révolution est Danton, un avocat âgé de 32 ans seulement, qui ne siège pas à l'Assemblée, mais dirige le club des Cordeliers, un des plus républicains, et dispose d'un grand ascendant sur le petit peuple parisien. Danton et ses amis et alliés - Maximilien de Robespierre, Camille Desmoulins, Fabre d'Églantine, Jean-Paul Marat, entre autres - sont aidés dans leur tâche par la crainte de l'invasion.

Les volontaires et fédérés arrivent sans cesse à Paris et, alors qu'un grand nombre d’entre eux désirent rejoindre l'armée, les Jacobins enrôlent ceux qui acceptent leur invitation, notamment environ 500 Marseillais emmenés par le girondin Barbaroux.

Jean-Paul Marat

François Mignet écrit que « leur projet a été projeté et suspendu plusieurs fois. Le 26 juillet, une insurrection a été empêchée ; mais elle était artificielle, et Pétion l'avait prévue. Lorsque les fédérés de Marseille arrivent, sur la route de leur camp de Soissons, ils les rencontrent dans les faubourgs, et ils repèrent, inévitablement, le château. L'insurrection peut alors commencer. ». Il est alors décidé de porter le coup décisif le 10 août. Les clubs politiques discutent ouvertement du détrônement du roi, et le 3 août, Pétion parle à l'Assemblée, demandant la fin de la monarchie au nom de la commune et des sections.

Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy

Le 8 août, la mise en accusation de La Fayette est discutée. Il est acquitté, mais (d'après François Mignet), « tous ceux qui ont voté pour lui étaient sifflés, poursuivis, et maltraités par le peuple aux coupures de séances. », Vincent-Marie Viénot de Vaublanc et Quatremère de Quincy notamment. Ce harcèlement s'accompagne de menaces de mort ou d'invasion de leurs domiciles. Étienne de Joly, le ministre de la justice, écrit au président de l'Assemblée, « J'ai dénoncé ces attaques à la cour criminelle ; mais la loi est impuissance, et je suis tenu par l'honneur et la probité de vous informer que sans une prompte assistance du corps législatif, le gouvernement ne pourra pas être longtemps responsable. »

[modifier] Insurrection

Le peuple ne veut pas attendre le résultat de la dernière proposition de Pétion pour poursuivre le travail par la voie législative. La section des Quinze-vingts déclare le 8 août que, si le détrônement n'est pas prononcé le jour même, à minuit elle sonnera le tocsin et attaquera la résidence royale des Tuileries. La totalité des quarante-huit sections de Paris, sauf une, la suivent. Pétion informe l'Assemblée législative que les sections ont « repris leur souveraineté » et qu'il n'a pas d'autre pouvoir sur le peuple que celui de sa persuasion.

Dans la nuit du 9 une nouvelle Commune révolutionnaire prend possession de l'Hôtel de Ville de Paris, siège du gouvernement. Le plan des Jacobins de l'Assemblée, soutenu par l'armée des fédérés, est de dissoudre le département de Paris, pour démettre Pétion, et instituer une commune insurrectionnelle (un gouvernement municipal) et prendre les Tuileries d'assaut.

[modifier] Comité provisoire

Pierre-Louis Roederer

À minuit, le tocsin sonne. Les insurgés nomment un comité provisoire de la Commune, qui dirige l'insurrection depuis l'Hôtel de Ville. Pétion est aux Tuileries, où il est convoqué par le roi, qui voulait s'assurer par lui de l'état de Paris, et reçoit l'autorisation de répondre à la force par la force.

Une partie de l'Assemblée, réveillée par le tocsin, a démarré une session d'urgence sans la présidence de Vergniaud. Apprenant que Pétion est aux Tuileries, ils pensent qu'il a été arrêté et veulent le faire délivrer. Ils lui font demander, comme l'avait fait le roi auparavant, de donner un état de Paris. Il vient, à cette requête. Une députation de l'Hôtel de Ville s'informe de lui auprès de l'Assemblée, supposant également qu'il est prisonnier des Tuileries. Il part avec elle et devient en fait prisonnier de la commune insurrectionnelle, sous la garde de trois cents hommes.

La nouvelle commune somme alors le marquis de Mandat, commandant de la Garde Nationale, de protéger les Tuileries. Ne connaissant pas le changement de régime à l'Hôtel de Ville, il obéit à cet ordre. Il a été accusé d'avoir autorisé les troupes à tirer sur le peuple. Alors qu’il est envoyé à l'Abbaye, la foule le tue lorsqu'il quitte l'Hôtel de Ville. La commune confère immédiatement le commandement de la Garde nationale à Santerre.

Pierre-Louis Roederer, le greffier du département de Paris, passait la nuit aux Tuileries. Les préparatifs des Jacobins étant connus, un certain nombre de mesures de défense avaient été prises. La Chronique des Cinquante jours de Roederer rapporte que, vers quatre heures du matin, la reine Marie-Antoinette l'avait appelé, et qu'il avait alors été prévenu que le roi et la famille royale voulaient se réfugier à l'Assemblée Législative. « Vous proposez, dit Dubouchage, de livrer le roi à l'ennemi ». Roederer remarqua alors que seulement deux jours auparavant, les deux-tiers de l'Assemblée s'étaient prononcés en faveur de La Fayette, et avaient soutenu que son plan était le moins dangereux. La reine décide néanmoins de résister par la force, et Roederer y consent.

Lachesnaye, qui commandait les troupes en l'absence de Mandat, dit que les troupes de la Garde Nationale sont prêtes à la défense, mais il proteste contre la présence d'aristocrates « irréguliers ». Mandat avait auparavant conseillé la reine de disperser ces gentilshommes, en vain, arguant que leur présence décourageait le zèle des constitutionnels. Comme Mandat avant lui, Lachesnaye est contredit par la reine : « Je réponds d'eux où qu'ils soient; ils avanceront en premier ou en dernier, dans les rangs, comme vous le voulez ; ils sont prêts à tout ce qui est nécessaire; ce sont des hommes sûrs ». Joly et Champion sont envoyés à l'Assemblée pour s’informer du danger, et pour solliciter son aide et celle des commissaires.

La revue des troupes par le roi à cinq heures du matin montre que celui-ci ne peut pas compter sur tous ses protecteurs officiels. Les cris de « vive le Roi ! » mêlés aux cris de « vive la Nation ! » et parfois « vive Pétion ! » retentissent. Les bataillons armés de piques sont ouvertement hostiles, criant « à bas le veto ! » et « à bas le traître ! ». Lorsque Louis XVI rentre, ils quittent leurs positions pour se placer près du Pont Royal et tournent leurs canons contre le château. Deux autres bataillons, qui stationnent dans la cour, les imitent et se placent sur la place du Carrousel en position d'attaque.

[modifier] Marche sur les Tuileries

Pendant ce temps, les insurgés avaient forcé l'arsenal, s'étaient armés et avançaient en plusieurs colonnes. La colonne forte de 15 000 personnes du faubourg Saint-Antoine sur la rive droite et la colonne de 5 000 insurgés du faubourg Saint Marceau sur la gauche entament leur marche vers six heures ; leur nombre augmente au fur et à mesure de leur progression. Les artilleurs se sont placés sur le Pont-Neuf avec la consigne du département d'empêcher la jonction de ces colonnes, mais Manuel, le greffier de la ville, leur demande de se replier et le passage est alors libéré.

Tôt dans la matinée du 10 août, les insurgés assaillent les Tuileries. L'avant-garde des faubourgs, composée de fédérés marseillais et bretons se déploie sur le Carrousel, tournant ses canons contre le château. Joly et Champion reviennent de l'Assemblée, considérant que les soixante ou quatre-vingts membres présents ne sont pas suffisamment nombreux et que leur proposition n'a pas été entendue.

Les membres du « département », menés par Roederer, le chef du département, se présentent eux-mêmes devant la foule, faisant observer qu'une si grande foule ne pourrait accéder au roi, ou devant l'Assemblée nationale, et leur conseillent d'envoyer vingt députés avec leurs requêtes, mais ils ne sont pas écoutés. La foule se tourne vers la Garde Nationale, lui rappelant l'article de loi qui lui demande de répondre à la force par la force s'ils sont attaqués. Une toute petite part de la Garde Nationale semble disposée à agir ainsi ; et une charge de canon est la seule réponse des artilleurs. Roederer, voyant que les insurgés sont toujours triomphants, car ils sont maîtres du terrain, et qu'ils disposent de la force du nombre et de troupes, retourne précipitamment au château, à la tête du directoire exécutif.

Outre quelques aristocrates armés et un certain nombre de membres de la Garde Nationale (y compris les officiers ayant récemment démissionné), le palais est protégé par les Gardes suisses, soit environ 950 hommes. Seule une compagnie de ces gardes est normalement stationnée aux Tuileries, mais le retour du régiment (moins un détachement de 300 hommes restés pour escorter un convoi de grains en Normandie peu de jours auparavant) avait consigné dans leurs quartiers les hommes durant la nuit du 9 au 10 août. Cependant, le départ de Mandat et des morts significatives affectent la situation. La Garde Nationale voulait probablement (comme le prévoyait l'accord avec Mignet) obéir aux ordres de Mandat pour employer la force contre la foule mêlée de gardes provinciaux et de parisiens, mais ils se trouvent eux-mêmes côte à côte avec les nobles et les royalistes et manquant d'un commandement propre, ils sont alors dispersés et fraternisent avec les assaillants.

[modifier] Fuite du roi

L''Encyclopædia Britannica de 1911 affirme que sans la Garde nationale, la disparité des forces n'était pas assez grande pour rendre la résistance tout à fait désespérée, mais que Louis XVI se laissa persuader de trahir sa propre cause et de se retirer sous la protection de l'Assemblée. Mignet rendit un compte plus circonstancié basé sur les mémoires de Roederer :

«  Le roi convoqua un concile comprenant la reine et les ministres. Un officier municipal venait juste de sonner l'alarme en annonçant que les insurgés étaient en train de s'avancer sur les Tuileries.

— Eh bien, que veulent-ils ? demanda Joly, garde des sceaux.
— L'abdication, répondit l'officier.
— Et qu'elle soit prononcée par l'assemblée, ajouta le ministre.
— Et qu'est-ce qui s'ensuivra de l'abdication ? s'enquit la reine. L'officier municipal garda le silence.
À ce moment-là Roederer arriva, et intensifia l'état d'alerte en annonçant que le danger était extrême ; que les insurgés ne négocieraient point, qu'il n'était pas possible de se reposer sur la Garde nationale.
— Sire, dit-il dans l'urgence, Votre Majesté n'a pas cinq minutes à perdre ; il n'y a de sûreté pour elle que dans l'Assemblée nationale ; c'est l'opinion du département que vous devez y revenir sans délai. Il n'y pas assez d'hommes dans la cour pour défendre le château ; et nous ne sommes pas sûrs d'eux.
À la mention de défense, les artilleurs déchargèrent leur canon. Le roi répondit, en premier, qu'il n'avait pas remarqué grand-monde sur la place du Carrousel ; et la reine approuva vivement, disant que le roi avait des forces pour défendre le château. Mais, devant l'état d'urgence ravivé par Roederer, après l'avoir attentivement fixé pendant quelques minutes, le roi se tourna vers la reine et lança :
— Marchons.
— Monsieur Roederer, dit Madame Élisabeth, s'adressant au greffier, répondez-vous de la vie du roi ?
— Oui, madame, sur la mienne, répondit-il. Je marcherai immédiatement devant lui. »

[modifier] L'arrivée du roi à l'Assemblée

Vincent-Marie Viénot de Vaublanc qui était député de l'Assemblée raconte dans ses mémoires l'arrivée du roi à l'Assemblée: « Un moment avant l'entrée du roi, les députés qui siégeaient à l'extrémité gauche s'aperçoivent que des hommes portant des uniformes, sont prêt à entrer dans la salle par le côté même qu'il dominaient; ils se lèvent, et » (...) « s'écrièrent qu'aucun militaire ne peut entrer. M. Roederer se rend à la barre, demande à faire entrer les gardes nationales qui accompagnent le roi, pour faciliter son passage. L'Assemblée est dans la plus grande agitation » (...) « Enfin un grenadier » (...), « entre tenant le dauphin dans ses bras, et le dépose » (...) « sur le bureau des secrétaires. Le jeune prince » (...) « n'entendis retentir que les plus vifs applaudissements, et ne vit que l'expression du plus tendre intérêt ». (...) « La reine rentra avec beaucoup de dignité. Un ministre lui donnait la main. Madame et Madame Élisabeth étaient avec elles. Elles se placèrent au banc des ministres » (...) « Le roi parut, et tous les yeux se tournèrent vers lui. Il était vêtu d'un habit de soi violet, parce qu'il portait le deuil. Placé auprès du président, il parla ainsi: "Je suis venu ici pour éviter un grand crime, et je me croirai toujours en sureté avec ma famille, aux milieu des représentants de la nation." Ces mots furent suivis des plus vifs applaudissements. Il ajouta: "J'y passerai la journée. » (...) « Guadet, qui présidait en ce moment, lui répondit: "L'Assemblée nationale connait tous ses devoirs. Elle regarde comme un des plus chers le maintien de toutes les autorités constituées. Elle demeurera ferme son poste. Nous saurons tous y mourir. »[2]

[modifier] Attaque des Tuileries

Certains assaillants avancent amicalement, et les Gardes suisses jettent quelques cartouches à la fenêtre en gage de paix. Cependant, le feu est ouvert, sans que l'on sache de quel côté le coup est parti en premier, ni s'il a été intentionnel. La Garde suisse, un régiment profesionnel et discipliné (puisqu'entièrement composé de mercenaires ayant une grande tradition de service de la monarchie française) de la vieille Armée royale, a d'abord l'avantage, mais est largement dépassé en nombre par les forces adverses, soutenues par des canons. Progressant depuis la cour faisant face au Palais, les Suisses sont pris sur le flanc depuis la galerie du Louvre et se replient à l'entrée principale du Palais.

La Garde nationale des insurgés se rallie et retourne à l'attaque. Le roi avait envoyé une note (préservée à ce jour) ordonnant aux Suisses de cesser le feu et de se retirer dans leurs caserne baraquements. Il semble[réf. nécessaire] que son intention était d'épargner d'ultérieures effusions de sang, mais les officiers des Suisse aux commandes jugèrent inutile un tel ordre au milieu d'une bataille lourde et n'obtempérèrent pas immédiatement à la réception de l'ordre.

Cependant, la position de la Garde devient de plus en plus difficile à tenir, leurs munitions diminuant tandis que les pertes augmentent. La note du roi est alors exécutée et l'on ordonne aux défenseurs de se désengager. Le corps principal des Gardes suisses bat en retraite à travers le Palais et se retire à travers les jardins à l'arrière de l'édifice. À ce moment-là, ils sont dépassés en nombre, près de la fontaine centrale, morcelés en petits groupes et taillés en pièces. Les Gardes suisses restés dans le Palais sont pourchassés et tués, de même qu'un certain nombre de domestiques et courtisans ne pouvant se mêler à la foule.

Des 950 Gardes suisses présents aux Tuileries, environ 600 sont tués au combat, ou en tentant de se rendre aux attaquants, furieux à cause des coups de feu tirés sur la foule, qu'ils mettent sur le compte des Gardes. Environ 60 sont faits prisonniers à l'Hôtel de Ville et sont massacrés là-bas. D'autres meurent en prison des suites de leurs blessures, ou sont tués durant les Massacres de septembre qui s'ensuivent. Une centaine de Gardes aurait survécu. Les gentilshommes en armes, dénombrés à environ 200, passèrent inaperçus en habits civils et furent pour la plupart capable de s'échapper lors de la confusion.

[modifier] Demande de déposition du roi

Vergniaud

À l'arrivée des insurgés victorieux, l'Assemblée émet une proclamation demandant au peuple de respecter la justice, leurs magistrats, les droits de l'homme, la liberté et l'égalité. Mais la foule et ses chefs ont tout le pouvoir entre leurs mains, et sont déterminés à l'utiliser. La nouvelle municipalité vient affirmer leur autorité, précédée de trois bannières portant les inscriptions « Patrie, liberté, égalité ». Ils exigent la déposition du roi et l'institution d'une Convention nationale. Le corps des députés se joint à cette exigence.

Un reste de l'Assemblée législative, à majorité jacobine, se sent contrainte de céder, sans prendre sur elle de déposer le roi. À la place, à l'initiative de Vergniaud, ils votent à l'unanimité la convocation de la Convention exigée, la révocation des ministres et la suspension du roi (et non pas la déposition).

Un concile exécutif ad hoc est établi. Environ quatre mille prêtres, qui refusent de prêter serment, sont exilés. Les membres de la commission sont répartis dans le corps des armées afin de s'en assurer. Louis XVI, d'abord assigné à résidence au Palais du Luxembourg, est transféré en tant que prisonnier au Temple, par la commune au pouvoir absolu, justifiant le déplacement en invoquant la sécurité du roi.

[modifier] Suites

La fin de la monarchie et le remplacement de l'Assemblée législative par la Convention sont suivis de six semaines d'instabilité politique. Durant cette période, la commune parisienne insurgée concentre un plus grand pouvoir que l'Assemblée. Elle exige et reçoit la garde de la famille royale, obtient un pouvoir illimité d'arrestation, instigue les massacres de septembre au cours desquels plus de 1400 personnes arrêtées sont tuées en prison.

Le concile exécutif ad hoc de l'Assemblée n'a pas de statut juridique et un faible appui de l'opinion publique. La Fayette, devant le refus de ses troupes à le suivre dans la défense de la Constitution de 1791, choisit de se rendre lui-même aux Autrichiens.

Les élections pour la Convention sont faites au suffrage universel, mais l'indifférence et l'intimidation réduisent les votants à un très petit nombre. Plusieurs des siégeants à l'Assemblée nationale constituante et à la Législative sont reconduits. La Convention se réunit le 20 septembre et devient de facto le nouveau gouvernement français. Une de ses premières mesures est d'abolir la monarchie.

Mignet écrivit que le 10 août « marqua... une insurrection de la multitude contre la classe moyenne et la monarchie constitutionnelle, de même que la Prise de la Bastille vit l'insurrection de la classe moyenne contre la classe privilégiée et le pouvoir absolu de la couronne. Commença la période dictatoriale et arbitraire de la Révolution... La nature de la question fut entièrement changée ; il ne s'agissait plus d'un souci de liberté, mais de sécurité publique ; et la période de la Convention, de la fin de la Constitution de 1791, jusqu'au temps où la Constitution de l'an III établit le Directoire, fut seulement une longue campagne de la Révolution contre les partis et contre l'Europe. »

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. Extrait d'un discours de M. Brissot sur les causes des dangers de la patrie, et sur les mesures à prendre, etc. (Séance du 9 juillet 1792, an 4 de la liberté) dans Choix de rapports, opinions et discours prononcés à la Tribune Nationale p. 199 disponible sur Google Livre.
  2. Comte De Vaublanc, Mémoires sur la Révolution de France et recherches sur les causes qui ont amené la Révolution de 1789 et celles qui l'ont suivie, (4 volumes), Chez G-A. Dentu, imprimeur-libraire, rue d'Erfurth, n 1 bis, Paris, 1833, tome 2, livre 3, page 232. Texte en ligne sur la Base BNF Gallica. [10], [11] et [12],