Jeûne

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Le jeûne résulte de l'abstention de prise de nourriture, soit volontaire pour des raisons médicales, spirituelles ou politiques, soit contrainte par suite de privations ou de sous-alimentation pour des raisons socio-économiques.

Cet article traite uniquement des jeûnes volontaires.

Le jeûne pour raisons médicales ou spirituelles est connu depuis l'Antiquité. Il en est fait mention dans le Mahâbhârata et les Oupanishads.

Sommaire

[modifier] Limites du jeûne

Deux cas demandent des précautions particulières. Les personnes fragiles ou perturbées psychologiquement qui risquent d'avoir des réactions disproportionnées à des situations autrement sans gravité, et les personnes obèses qui auront une nourriture déséquilibrée au moment où le corps se nourrit de lui-même [1].

L'organisme humain, jeune et en bonne santé, peut supporter un jeûne total, mais n'excluant pas la prise de boisson, pendant une période assez longue, jusqu'à trois mois (comme en témoigne l'histoire de 9 détenus de la prison de Cork (Irlande) en 1920 dont le jeûne a duré 94 jours, il y eut aussi celui de Bobby Sands mort à Belfast le 5 mai 1981 après avoir engagé une grève de la faim sans retour le 1er mars) si la personne est bien portante et bien nourrie au moment du début du jeûne. La physiologie s'adapte rapidement en mobilisant les réserves internes, mais, assez vite (en moyenne au bout de 3 à 4 semaines), la poursuite du jeûne peut comporter des risques importants, notamment vers la fin, sur le rythme cardiaque. Un suivi médical est vital au moins à partir de la 4e semaine (plus ou moins suivant l'état de santé, les conditions du jeûne et la nature des réserves au départ).

[modifier] Les effets physiologiques du jeûne

Lorsque aucune nourriture n’est absorbée, l'organisme est contraint de puiser sur lui-même ses sources d'énergie. Il va d'abord utiliser le glucose du glycogène, une molécule de réserve contenue dans le foie (glycogénolyse), puis les acides gras des tissus adipeux et enfin, les protéines musculaires (d'où la "perte de muscle"). Le corps, le cerveau et les tissus nerveux ont besoin de glucose (glucolyse) pour un métabolisme normal (en régime normal, le cerveau consomme environ 120g de glucose par jour). Une fois le glucose transformé, le métabolisme du corps est donc en carence. Une alternative vers une autre source d’énergie peut être faite, cependant, certaines parties du cerveau ont besoin exclusivement de glucose, et des protéines sont nécessaire à sa production. Si le manque de protéines devait se prolonger, la mort s’ensuivrait.

Herbert M. Shelton a supervisé durant une période de plus de 50 ans des patients jeûnant à l’eau uniquement jusqu’à 90 jours ; selon lui, après une période approximative de trois jours de jeûne, la sensation de faim devient habituellement très peu fréquente ou disparaît complètement. Shelton déclara la faim ressentie durant les trois premiers jours de jeûne est due à une « irritation gastrique » et non une « véritable faim ». Une deuxième faim apparaît une fois que le corps a brûlé toutes ses ressources (en général au bout de 3 semaines), c’est à ce moment que le jeûne doit être stoppé, pour éviter tout dégât irréversible et permanent à l’organisme.

Désiré Mérien [1] a aussi guidé des milliers de jeûneurs et propose une méthode de jeûne progressive, pour éviter les inconvénients du jeûne à l'eau direct et pour mieux le maitriser. Sauf en cas d'obésité, notre poids dépend du type de nourriture que nous absorbons. A chaque palier, on élimine certains aliments (viande/alcool/sucre, pain, fruits/légumes, jus/bouillons) et on attend que le poids se stabilise avant de continuer. Pour éviter le risque d'une sortie trop rapide du jeûne, on réintroduit ces aliments progressivement dans l'ordre inverse.

On peut jeûner longtemps dès la première fois, mais c'est risqué et il vaut mieux découvrir le jeûne petit à petit, un jour par semaine, une semaine de temps en temps, un mois par an. Ainsi on découvre peu à peu les bonnes pratiques, les crises d'éliminations et l'on réduit les risques [1].

Lors d'un jeûne progressif, on ne ressent pas la faim. Si on le prolonge trop, on atteint une période de faim, de vitalité et d'activité destinée à une recherche naturelle de nourriture. Si l'on dépasse ce stade, on entre en phase d'inanition et l'on meurt. La faim peut ne pas apparaitre en cas de maladie grave et irréversible. D'où un indispensable suivi médical [1].

Les personnes trop grosses maigrissent mais les personnes trop maigres grossissent. Les hygiénistes indiquent des poids de sécurité inférieurs de 14 % par rapport au poids normal, à ne pas dépasser sans suivi médical [1].

Dans quelques cas accidentels, les organes ont pu être pesés après jeûne et décès. Les graisses et parties malades ou blessées sont éliminées d'abord. Les organes essentiels, cerveau, cœur, os, sont préservés [1].

[modifier] Le jeûne dans la nature

Les animaux malades, blessés ou en hibernation cessent de manger [1]. Le jeûne est indispensable à la survie en cas de pénurie ou de famine. Les morses jeûnent en période de reproduction alors qu'ils défendent leur territoire et leurs femelles. Les poussins jeûnent sans boire trois jours après éclosion. Les homards jeûnent quand ils muent [1]. Les manchots mâles qui protègent leurs œufs du froid en le portant sur leurs pieds jeûnent jusqu'à l'éclosion des petits et la prise en charge de ceux-ci par leur compagne.

[modifier] Le jeûne comme facteur d'hygiène corporelle

Un certain nombre de personnes préconisent de jeûner pour améliorer le fonctionnement de l'organisme humain et appellent cette pratique le jeûne thérapeutique. Ils mettent en avant le travail de nettoyage du corps humain (drainage) par les organes émonctoires et ne limitent pas les bienfaits du jeûne au seul domaine spirituel. Ils affirment que l'honnête homme doit prendre en compte la réalité de processus physiques mis en œuvre par cette démarche thérapeutique[réf. nécessaire]. Cette référence obligée à l'honnête homme, qui nous renvoie au XVIIe siècle, ne souligne que trop bien la contribution de Wöhler à la connaissance de tels processus physiques, au cœur de la chimie organique : c'est en 1832, en effet, que le savant allemand ruine les fictions des « médecins de Molière » par la synthèse de l'urée.

  • Le fait que la bonne hydratation du corps soit indissociable de l'aspect thérapeutique du jeûne se présente comme une discussion créative à ouvrir au carrefour de la théologie (voir paragraphe « dans l'islam ») et de la médecine (voir drainage médical).

[modifier] Jeûne religieux

[modifier] Dans la tradition juive

La religion juive recommande les jeûnes (Taanit) suivants : Yom Kippour, Tisha Beav (les seuls jeûnes mentionnés dans la Torah), le 17 Tammouz, le jeûne de Guedaliah, le 10 Tevet, le jeûne des premiers-nés, le jeûne d'Esther, la plupart étant des jeûnes de deuil.

[modifier] Dans la religion chrétienne

Le jeûne est une pratique courante où il est considéré comme un facteur de purification qui aide à rencontrer Dieu. Il consiste en une privation volontaire de certaines nourritures, la viande essentiellement. Le jeûne est souvent associé à l'abstinence, une privation non pour elle même, mais en vue de grandir dans la maîtrise de soi-même. Dans l'Église Orthodoxe, comme auparavant dans l'Église Catholique, le jeûne et l'abstinence sont demandés aux personnes souhaitant recevoir la communion ; le jeûne commence la veille à partir de minuit jusqu'à la communion. Aujourd'hui, l'Église Catholique demande un jeûne d'une heure minimum avant de recevoir la Communion. (Canon 919) De même, pendant la période de Carême (les 40 jours qui précèdent Pâques), le jeûne est fortement recommandé, même si les obligations sont moins formelles qu'autrefois. Du règne de charlemagne (VIII - IX ème siècles) le premier capitulaire saxon édicté vers 785 prevoyait la peine de mort pour les saxons ne respectant pas le precepte. Hors ces cas extrêmes qu'il convient de replacer dans leur contexte, la violation du jeûne pouvait valoir de sevères pénitences. Enfin, le vendredi a longtemps été le jour de la semaine où l'on faisait systématiquement maigre, c'est-à-dire qu'on ne mangeait pas de viande, ce qui explique la tradition culinaire française de consommer du poisson ce jour-là.

[modifier] Dans le mormonisme

Les saints des derniers jours jeûnent chaque premier dimanche du mois, du samedi soir au dimanche soir (ou du samedi midi au dimanche midi, au choix), en se passant de nourriture et de boisson et en donnant à l'Église, pour le bien-être des plus démunis, la valeur des repas non consommés, ou davantage si le donateur le souhaite. En avril et en octobre, pour cause de conférence générale de l'Église, le jour de jeûne est reporté au deuxième dimanche du mois.

[modifier] Dans l'islam

En islam, le jeûne a une signification large. En effet on parle de jeûne comme d'un renoncement (pas seulement en nourriture ou en boisson). L'islam recommande au croyant de respecter un jeûne, le saoum, pendant le mois de Ramadan principalement, et à d'autres dates également, ainsi qu'en tout temps, afin de développer sa spiritualité.

Pendant le mois de Ramadan, le jeûne est obligatoire. Par contre, il est seulement souhaitable pour certaines occasions tel que achoura,le dernier jour de pèlerinage, le lundi et le jeudi. Le jeûne commence au lever du jour (alfajr) et se termine au coucher du soleil (almaghrib). On doit s'abstenir, pendant ce laps de temps, de nourriture, de boisson et de relations sexuelles. Sont exemptés les femmes enceintes, les malades sous traitements médicaux, les enfants en bas âge, les voyageurs, et les femmes en période de menstruations.

[modifier] Dans les philosophies orientales

Le jeûne modéré (15 jours à 3 semaines ou le demi-jeûne) a pour vocation d'améliorer la conscience du corps. En combiné avec des techniques méditatives — ou simplement le temps à laisser se décanter les problèmes — le jeûne permet de mieux ressentir l'effet des pensées sur notre corps. Cette sensibilité accrue du corps est destinée à mieux ressentir l'effet positif ou négatif des pensées, actions ou projets sur le bien-être.

[modifier] Dans l'hindouisme

Le jeûne a un rôle important dans la religion hindoue. Les croyants observent différentes diètes selon leurs croyances personnelles et les coutumes locales.

Quelques exemples :

  • Certains hindous jeûnent certains jours du mois comme Ekadasi (le 11e jour de chaque cycle lunaire) ou à Purnima (pleine lune).
  • Certains jours de la semaine sont des jours de jeûne spécifiques aux croyances de chacun et à une divinité favorite.
  • Le Jeudi est un jour de jeûne très répandu dans le Nord de l'Inde. Les fidèles portent des vêtements jaunes et des fleurs jaunes.
  • Jeûner durant les fêtes religieuses est assez commun. Par exemple, lors de Shivaratri ou durant les 9 jours de Navratri (2 fois par an, en Avril et en Octobre) avant Diwali. Karwa Chauth est une forme de jeûne respecté au Nord de l'Inde par les femmes mariées en faveur de la santé, de la prospérité et pour la longévité de la vie de leurs époux. Le jeûne est rompu après que l'épouse est aperçu la lune au travers d'un voile après le coucher du soleil.

Les diètes de jeûne sont diverses. Si le jeûne est strictement respecté, la personne jeûnant n'absorbe aucune nourriture, ni solide, ni liquide, du coucher du soleil jusqu'à 48 minutes après le lever du soleil du jour suivant. Jeûner peut également signifier se priver de certaines nourritures ou de se contenter d'un seul repas dans la journée. Dans tous les cas, un/e Hindou/e, même non-végétarien, ne doit pas manger ou même toucher des produits issus d'animaux (œufs, viande, etc...) le jour du jeûne.

[modifier] Jeûne politique

Jeûne international contre les essais nucléaires, Grenoble, 1990
Jeûne international contre les essais nucléaires, Grenoble, 1990

Le jeûne politique, appelé également jeûne de protestation ou grève de la faim, est, semble-t-il, une invention de Gandhi.

Il a ensuite été utilisé par plusieurs personnalités en Europe, dont Lanza del Vasto, notamment pendant la guerre d'Algérie, pendant le concile Vatican II et la lutte des paysans du Larzac. Louis Lecoin a souvent utilisé cette méthode, qui a abouti à la reconnaissance du statut d'objecteur de conscience. Un épisode très dur a également eu lieu dans la lutte opposant les Irlandais de l'IRA au Royaume-Uni sous le régime de Madame Thatcher.

Il est aujourd'hui souvent utilisé par des réfugiés pour forcer l'obtention d'un permis de séjour ; il est aussi pratiqué par des groupes désireux d'assurer une couverture médiatique à leurs idées ou de faire pression sur un gouvernement, une autorité.

Du 7 mars au 14 avril 2006, Jean Lassalle, député français des Pyrénées-Atlantiques, a suivi un jeûne de plusieurs semaines pour protester contre le risque de départ d'une entreprise japonaise dans sa circonscription ; il a cessé son jeûne contre les garanties que l'entreprise restera dans les lieux.

[modifier] Jeûne pour raisons médicales

Avant une anesthésie non urgente, le jeûne est nécessaire, en raison du risque de vomissements lors de l'induction de l'anesthésie, pouvant entraîner un passage du contenu gastrique dans les bronches, ayant pour conséquence un syndrome de Mendelson.

Après une intervention chirurgicale, le jeûne peut être indiqué, soit en raison :

  • d'un ileus digestif (paralysie intestinale) pouvant avoir pour origine le geste chirurgical lui même ou l'utilisation de certains médicaments;
  • de la nécessité de protéger les sutures digestives jusqu'à cicatrisation.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. abcdefgh Jeûne et Santé La méthode douce des paliers, Désiré Mérien, Lorient 1984, Nature et Vie, ISBN 2950033806