Utilisateur:Jastrow/Pédérastie en Grèce antique

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La pédérastie (du grec ancien παιδ- / paid- « enfant » et ἐραστής / erastếs « amant ») est, en Grèce antique, une institution morale et éducative, fondée sur la relation entre un jeune adulte (de 20 à 30 ans) et un adolescent (à partir de 12 ans).

Sommaire

[modifier] Origines

[modifier] La Crète

Les auteurs anciens, quand ils n’attribuent pas l’« invention » de la pédérastie à des figures mythologiques, la font remonter aux Crétois du VIIe siècle av. J.-C.. C’est ainsi le cas d’Hérodote, Thucydide, Platon ou encore Éphore de Cymé, qui a laissé la description la plus complète du système crétois (résumé dans Strabon, X). En outre, nombre des couples pédérastiques de la mythologie sont étroitement associés à la Crète : Idoménée et Mérion, Minos et Thésée par exemple. Enfin, le grammairien byzantin Hésychios indique, à l’entrée « Κρήτα τρόπον » (« à la Crétoise ») de son Lexique (K, 4080) : τὸ παιδικός χρῆσθαι — « pratiquer la pédérastie ».

À l'âge classique, le garçon atteint la puberté à l’âge de 12 ans. Il entre alors dans une classe d’âge, celle des ἣϐιοι / hêbioi, littéralement « les jeunes », qui dure jusqu’à 20 ans (ou 26, suivant les sources), suite à quoi il entre dans celle des δρομείς / dromeis, littéralement « les coureurs », en référence aux exercices d’athlétisme pratiqués au gymnase. Comme à Sparte, le jeune adulte n’est pas supposé se marier avant l’âge de 30 ans.

Une fois parvenu à cet âge, l’aristocrate crétois peut procéder à l’enlèvement (ἀρπαγμός / harpagmós) rituel d’un jeune, âgé de 12 ans, qu’il emmène à la campagne pendant une période de 2 mois. Cet enlèvement fait l’objet de longues négociations entre les deux familles, à l’instar de celles précédant un mariage. De fait, l'éromène épouse souvent un membre de la famille de son éraste. Si les amis et proches du garçon sont dûment prévenus de l’enlèvement, celui-ci conserve des traces d'une pratique moins consensuelle : les amis du garçon doivent, symboliquement, poursuivre le ravisseur et se saisir de lui. Après quoi, si celui-ci est jugé digne et convenable, il est relâché, et on lui rend le garçon.

À la fin du délai de deux mois, l’éraste ramène son éromène en ville, et lui donne de nombreux présents. Parmi ceux-ci, trois sont requis par la loi : un uniforme, un bœuf (qui sera ensuite sacrifié à Zeus) et une coupe.

Un jeune aristocrate est regardé avec suspicion s’il ne se plie pas à la coutume. Inversement, un beau garçon ou un garçon de bonne famille sera soupçonné d’une grave tare morale s’il n’a aucun amant. Un garçon enlevé est qualifié de κλεινός / kleinós (« renommé, glorieux »). On leur laisse la place d’honneur dans les courses et les danses, et ils ont le droit de porter un vêtement distinctif. En revanche, les garçons qui n’ont pas encore trouvé d’amant, sont appelés σκότιοι / skótioi (« les obscurs »).

[modifier] Sparte

Selon les Anciens, c’est de la Crète que Sparte apprend la pédérastie. On en attribue la paternité à Thalétas, un sage originaire de Gortyne, appelé à Sparte soit par Lycurgue, soit par Tyrtée. En particulier, il fonde les Gymnopédies pour guérir la peste qui frappe les Lacédémoniens à la fin de la Deuxième Guerre de Messénie.

Le couple pédérastique est composé d’un « inspirateur » (ἐισπνήλας / eispnêlas, de ἐισπνέω / eispnéô, « souffler sur, inspirer ») et d’un « auditeur » (ἀΐτας / aïtas, de ἀΐω /aïô, « entendre, écouter »). La nature sexuelle de leurs relations est discutée abondamment par les Anciens. Plutarque et Xénophon assurent que, si les beaux garçons sont explicitement recherchés (contrairement aux traditions crétoises), le couple pédérastique reste chaste. Dans la République des Lacédémoniens (II, 13), Plutarque déclare même qu’un éraste désirant son éromène aurait été aussi honteux qu’un père désirant son fils. Cependant, le caractère sexuel de la pédérastie spartiate est un sujet de plaisanterie courant chez les auteurs comiques attiques. Le verbe λακωνίζς / lakônízô (« imiter les Lacédémoniens ») signifie chez eux « sodomiser ». Dans un registre plus sérieux, Cicéron indique dans les Tusculanes (IV, 4) que les Lacédémoniens permettent « toutes choses pour ce qui est de l’amour des garçons, sauf la violence. » Inversement, il est certain que l’amour porté par l’éraste à son éromène a pour les Spartiates un but éducatif. Comme le remarque Werner Jäger, l’éraste assume un rôle parental au moment même où l’éromène tend à rejeter l’autorité de sa famille.

[modifier] Thèbes

[modifier] Athènes

Là encore, un sage crétois est associé à l’origine de la pédérastie. En l’espèce, il s’agit d’Épiménide, venu purifier la ville suite au sacrilège des Alcméonides. Les légendes qui entourent le personnage (sommeil de 57 ans dans une grotte, expériences extra-corporelles) le relient à l’héritage chamanique indo-européen. Diogène Laërce (I, 109–111) rapporte qu’il débarasse Athènes de la peste qui l’accable par le sacrifice volontaire de deux jeunes gens, Cratinos et Ctésibion. Athénée (XII, 602c–d) rapporte que Cratinos est l’éromène d’un dénommé Aristodémos, ce qui laisse penser que la pédérastie est instituée avant la fin du voyage d’Épiménide.

C’est Solon, cependant, qui introduit à Athènes le système pédérastique. Cependant, il ne le rend pas obligatoire, pas plus qu’il n’importe le groupement des jeunes en « troupeaux » ou le rapt rituel. Inversement, il institue des mesures de protection des garçons.

[modifier] Bibliographie

  • Félix Buffière, Éros adolescent : la pédérastie dans la Grèce antique, Paris, Belles Lettres, 1980 (ISBN 2251325840) ;
  • Claude Calame, L’Éros dans la Grèce antique, Paris, Belin, coll. « L’Antiquité au présent », 2000 (ISBN 2701121604) ;
  • Kenneth J. Dover, Greek Homosexuality, New York, Harvard University Press, 1989 (ISBN 0674362705) [hypercritique] ;
  • (en) David M. Halperin, One Hundred Years of Homosexuality and Other Essays on Greek Love , Routledge, 1989 (ISBN 0415900972) ;
  • Henri-Irénée Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, t.I « Le monde grec », Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1re édition 1948 (ISBN 2020060140) ;
  • (en) William A. Percy, Pederasty and Pedagogy in Archaic Greece, Urbana et Chicago, University of Illinois Press, coll. « Gay and Lesbian Studies / Classics », 1996 (ISBN 0252067401).