Jacques Bouveresse

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Jacques Bouveresse (né le 20 août 1940 à Épenoy) est un philosophe français.

Influencé par Wittgenstein, le cercle de Vienne et la philosophie analytique, il est partisan d'une philosophie rationaliste, voire satirique. Il a étudié entre autres les œuvres de Ludwig Wittgenstein, de Robert Musil, de Karl Kraus, de la philosophie des sciences, de la philosophie de la connaissance, de la philosophie des mathématiques, de la logique et du langage, de la philosophie analytique et de la philosophie de la culture.

Il est aussi connu pour des ouvrages critiques sur ce qu'il considère comme des impostures scientifiques et intellectuelles, à savoir une partie de la philosophie française des années 1970, 1980, 1990, les nouveaux philosophes et la presse qui aurait asservi la philosophie en produisant un journalisme philosophique sensationnel. En raison des ses critiques envers Michel Foucault, Jean-François Lyotard, Jacques Derrida et Gilles Deleuze, il a parfois été accusé de ressentiment.[réf. nécessaire]

Il est aujourd'hui professeur au Collège de France où il occupe la chaire de philosophie du langage et de la connaissance, succédant à son maître et ami Jules Vuillemin.

Sommaire

[modifier] Biographie

Né le 20 août 1940 à Épenoy dans le Doubs (France) dans une famille paysanne, Jacques Bouveresse fait ses études secondaires au séminaire de Besançon. Il passe deux années de préparation au baccalauréat de philosophie et de philosophie scolastique à Faverney en Haute-Saône. Il suit les classes préparatoires littéraires au lycée Lakanal de Sceaux, et entre en 1961 à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm. Il est reçu premier à l'agrégation de philosophie en 1965.

Il devient rapidement un spécialiste du positivisme logique. Il se voit ainsi confier le chapitre correspondant dans l'Histoire de la philosophie dirigée par François Châtelet, dont il est un des plus jeunes contributeurs.

Sous la direction d'Yvon Belaval, il soutient en 1975 sa thèse de Doctorat d'État de philosophie sur Wittgenstein, intitulée Le mythe de l'intériorité. Expérience, signification et langage privé chez Wittgenstein.

Dès ses premiers travaux, il a construit son chemin intellectuel en marge des grandes modes philosophiques, s'inscrivant ainsi dans la lignée discrète de la philosophie des sciences de Jean Cavaillès, Georges Canguilhem ou Jean-Toussaint Desanti. En 1976, Wittgenstein était encore peu connu en France, de même que le positivisme logique. Il s'est ouvert à ces domaines grâce, en particulier, aux cours de Jules Vuillemin et de Gilles-Gaston Granger, pour lesquels il a gardé une amitié constante.

Carrière universitaire :

[modifier] Philosophie

Héritier déclaré du rationalisme des Lumières et de la tradition intellectuelle et philosophique d'Europe centrale (Bolzano, Brentano, Boltzmann, Helmholtz, Frege, Cercle de Vienne, Kurt Gödel), les esprits contemporains qui lui sont proches appartiennent plutôt au monde anglo-saxon, où beaucoup d'intellectuels d'Europe centrale se sont exilés pendant la période nazie.

[modifier] La pensée de Robert Musil

Jacques Bouveresse s'est intéressé à la pensée de Robert Musil, écrivain autrichien (ayant fait une thèse de philosophie) du début du XXe siècle très connu pour son roman L'Homme sans qualités, ainsi qu'à l'aversion — mêlée de fascination — de Paul Valéry pour la philosophie.

[modifier] Incomplétude et philosophie

Outre ses travaux sur Ludwig Wittgenstein, Jacques Bouveresse s'est intéressé au théorème d'incomplétude de Kurt Gödel et à ses conséquences philosophiques. C'est à ce titre qu'il s'est insurgé, dans un ouvrage de vulgarisation Prodiges et vertiges de l'analogie, contre l'usage que fait Régis Debray du théorème. Celui-ci prétend en effet s'appuyer sur Gödel pour montrer qu'une société ne peut se fonder elle-même. Bouveresse y dénonce la distorsion littéraire d'un concept scientifique : la démonstration de Gödel ne vaut que pour des systèmes formels tels que ceux des mathématiques ou de la logique. Cette distorsion n'a, selon lui, d'autres but que d'éblouir un public n'ayant pas la formation permettant de saisir ce théorème complexe. Ce que reproche Bouveresse à Debray n'est pas l'utilisation d'un concept scientifique en tant qu'analogie, mais l'usage d'un théorème d'accès difficile (il s'agit de mathématiques avancées) comme tentative de justification absolue par ce sophisme classique qu'est l'argument d'autorité.

L'incomplétude du système formel que constituent certains systèmes mathématiques n'implique en rien une incomplétude de la sociologie, car la société n'est pas un système formel.

[modifier] Cycle 2006 au Collège de France

Jacques Bouveresse a donné au Collège de France un cycle intitulé : Kurt Gödel : mathématiques, logique et philosophie les mercredis, à 15 heures, du 1er février 2006 au 10 mai 2006.

[modifier] Bibliographie

  • « La Philosophie des sciences du positivisme logique », in François Châtelet (dir.), Histoire de la philosophie, tome 4, 1969.
  • La Parole malheureuse. De l'alchimie linguistique à la grammaire philosophique, Éditions de Minuit, 1971.
  • Wittgenstein : la rime et la raison. Science, éthique et esthétique, Éditions de Minuit, 1973.
  • Le Mythe de l'intériorité. Expérience, signification et langage privé chez Wittgenstein, Éditions de Minuit, 1976.
  • Le Philosophe chez les autophages, Éditions de Minuit, 1984.
  • Rationalité et cynisme, Éditions de Minuit, 1984.
  • La Force de la règle. Wittgenstein et l'invention de la nécessité, Éditions de Minuit, 1987.
  • Le Pays des possibles. Wittgenstein, les mathématiques et le monde réel, Éditions de Minuit, 1988.
  • Philosophie, mythologie et pseudo-science. Wittgenstein lecteur de Freud, Éditions de l'Éclat, 1991.
  • Herméneutique et linguistique, suivi de Wittgenstein et la philosophie du langage, Éditions de l'Éclat, 1991.
  • L'homme probable. Robert Musil, le hasard, la moyenne et l'escargot de l'Histoire, Éditions de l'Éclat, 1993.
  • « Wittgenstein », in Michel Meyer, La Philosophie anglo-saxonne, PUF, 1994.
  • Langage, perception et réalité, Volume 1 : La Perception et le jugement, Éditions Jacqueline Chambon, 1995.
  • La Demande philosophique. Que veut la philosophie et que peut-on vouloir d'elle ?, Éditions de l'Éclat, 1996.
  • Dire et ne rien dire. L'illogisme, l'impossibilité et le non-sens, Jacqueline Chambon, 1997.
  • Le Philosophe et le réel, Entretiens avec Jean-Jacques Rosat, Hachette, 1998.
  • Prodiges et vertiges de l'analogie. De l'abus des belles-lettres dans la pensée, Raisons d'Agir, 1999.
  • Essais I. Wittgenstein, la modernité, le progrès et le déclin , Agone, 2000.
  • Essais II. L'Époque, la mode, la morale, la satire, Agone, 2001.
  • Schmock ou le triomphe du journalisme, La grande bataille de Karl Kraus, Seuil, 2001.
  • La Voix de l'âme et les chemins de l'esprit , Seuil, coll. "Liber", 2001.
  • Essais III. Wittgentstein ou les sortilèges du langage, Agone, 2003.
  • Bourdieu savant et politique, Agone, 2004.
  • Langage, perception et réalité, tome 2, Physique, phénoménologie et grammaire, Jacqueline Chambon, 2004.
  • Essais IV. Pourquoi pas des philosophes, Agone, 2004.
  • Robert Musil. L'homme probable, le hasard, la moyenne et l'escargot de l'histoire (nouvelle édition de L'Homme probable de 1993), Éditions de l'Éclat, 2005.
  • Essais V. Descartes, Leibniz, Kant, Agone, 2006.
  • Peut-on ne pas croire ? Sur la vérité, la croyance et la foi, Agone, 2007.
  • La connaissance de l'écrivain : Sur la littérature, la vérité et la vie, Agone, 2008.

[modifier] Citation

  • « Une bonne partie de la production philosophique contemporaine est la justification plus ou moins inconsciente d’un renoncement et d’une démission. »
  • « Il n'est plus possible aujourd'hui de rejeter simplement comme faisant partie des lamentations traditionnelles de la pensée réactionnaire l'idée, défendue par Klages, que le but réel de ce qu'on est convenu d'appeler le « progrès » pourrait être, en fin de compte, l'anéantissement pur et simple de la vie sous toutes ses formes. » « La conception apocalyptique du monde », in Essais II, p. 8
  • « Quand on songe à ce que sont devenus aujourd'hui, dans le domaine philosophique lui-même, les rapports de la création, de l'édition, de la promotion et de la critique, et à l'empressement avec lequel les journaux de gauche eux-mêmes font la politique du pire — c'est-à-dire acceptent et pratiquent [...] le copinage et le favoritisme les plus éhontés —, on se dit qu'il faudrait être encore plus idéaliste et téméraire que Kraus ne l'a été pour s'opposer ouvertement, comme il l'a fait, au pouvoir monstrueux de la presse. » « Pourquoi pas des philosophes ? », in Essais IV, p. 36.

[modifier] Liens externes

Autres langues