Incipit

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Incipit de Jacques le Fataliste.

Un incipit est le début d’un texte, en général d’un roman (du latin incipio, is, ere : « commencer »). À l’origine, on désignait par ce titre la première phrase d’un roman, aussi nommée « phrase-seuil ». Par extension, il désigne aujourd’hui le plus souvent le début d’un roman, de longueur variable selon les nécessités de composition ou d’étude scolaire qui le découpent. Il peut ne durer que quelques phrases, mais aussi plusieurs pages. Dans le cas d’un article (d’encyclopédie, de journal), d’un descriptif, d’une note technique… on parle parfois de chapeau pour désigner de façon moins savante l’incipit destiné à « accrocher » l’attention du lecteur. Contrairement à l’incipit, l’excipit est la fin d’un chapitre, d’un ouvrage (les derniers paragraphes, les dernières phrases). On emploie aussi le latin explicit, en référence à la formule latine explicit liber, concluant des manuscrits du Moyen Âge. En paléographie, cette fin de texte mentionne aussi parfois l’auteur et la date. On rencontre également le mot clausule, pour la dernière phrase particulièrement remarquable et lourde de sens d’un roman, par exemple « Il vient de recevoir la croix d’honneur » pour Madame Bovary. On parle enfin de chute, pour le dernier vers d’un sonnet ou bien lorsque dans une nouvelle la dernière phrase crée un effet de surprise et invite à une relecture soupçonneuse. Voir par exemple la nouvelle de Pascal MÉRIGEAU, Quand Angèle fut seule, parue dans la revue Polar en 1983 : « Il y avait bien vingt ans qu’on n’avait pas vu un rat dans la maison. »

Sommaire

[modifier] Rôle de l’incipit

L’incipit répond généralement à trois caractéristiques. Il informe, intéresse et noue le contrat de lecture. Il informe en mettant en place les lieux, les personnages et la temporalité du récit. Il peut même, comme chez Diderot dans Jacques le fataliste ou comme Balzac par exemple dans l’incipit du Père Goriot, apostropher le lecteur et signer un contrat explicite avec lui : «  Ainsi ferez-vous, vous qui tenez ce livre d'une main blanche, vous qui vous enfoncez dans un moelleux fauteuil en vous disant : Peut-être ceci va-t-il m'amuser. » Il intéresse par divers procédés techniques, par exemple l’utilisation de figures de style ou encore en une entrée in medias res (le récit débute dans le feu de l’action). Il noue aussi ce qu’on pourrait appeler un « contrat de genre » en indiquant au lecteur le code qu’il doit utiliser dans le cadre de sa lecture. Différents signes annonciateurs de ce genre littéraire apparaissent ainsi, comme dans le conte bien sûr, mais aussi le roman policier. Il fait souvent l’objet d’un travail d’écriture particulier, particulièrement poétique, surprenant et rythmé, comme le prouvent les exemples qui suivent.

[modifier] Incipits célèbres

Certains incipits sont insolites (par exemple les déroutantes premières pages de Jacques le Fataliste et son maître de Diderot), et désarçonnent le lecteur en jouant avec les conventions du roman ; d’autres, par leur concision, leur force ou leur humour, ont marqué les esprits et ont su rester dans les mémoires.

Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.

Je hais les voyages et les explorateurs

J’aimais éperdument la comtesse de *** ; j’avais vingt ans, et j’étais ingénu ; elle me trompa, je me fâchai, elle me quitta. J’étais ingénu, je la regrettai ; j’avais vingt ans, elle me pardonna ; et comme j’avais vingt ans, que j’étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l’amant le mieux aimé, partant le plus heureux des hommes.

Appelez-moi Ismaël. Il y a quelques années de cela — peu importe combien exactement — comme j’avais la bourse vide, ou presque, et que rien d’intéressant ne me retenait à terre, l’idée me vint de naviguer un peu et de revoir le monde marin. (traduction de Philippe Jaworski)

C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar.

Longtemps je me suis couché de bonne heure.

J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie.

Aujourd’hui, Maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas.

Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France... Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison.

Adreas Schaltzmann s’est mis à tuer parce que son estomac pourrissait.

Nous étions à l’étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre.

Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d’une obscurité et d’une épaisseur d’encre, un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou, dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à travers les champs de betteraves.

La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide.

Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire connaissance avec la glace.

Un spectre hante l'Europe : le spectre du communisme.

C'est une vérité universellement reconnue qu'un célibataire pourvu d'une belle fortune doit avoir envie de se marier.

[modifier] Bibliographie

  • L'histoire commence, Amos Oz, essai, Calmann-Lévy, 1996.
  • Au commencement du récit, Carnières-Morlanwelz, éditions Lansman, 2005.
  • L'Incipit romanesque, Andréa Del Lungo, Le Seuil, coll. "Poétique", 2003.

[modifier] Lien externe

wikt:

Voir « incipit » sur le Wiktionnaire.