Image mentale

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Le terme image mentale est utilisé en philosophie, dans le domaine de la communication et en psychologie cognitive pour décrire la représentation cérébrale mémorisée ou imaginée d’un objet physique, d'un concept, d’une idée, ou d'une situation. La capacité particulièrement développée des êtres humains à former, mémoriser et utiliser des images mentales, pour appréhender l’environnement et communiquer avec les autres, est intimement liée à l’intelligence humaine. Les biologistes et anthropologues sont partagés sur ce type de capacité chez les autres espèces [citations requises]. Ce débat, présent en biologie, est généralement ignoré dans les autres domaines qui tendent à se concentrer sur la connaissance humaine. Pourtant, l’intelligence adaptative, qu’elle soit humaine ou animale, semble être fortement liée à la capacité à stocker, traiter et faire évoluer un capital d’images et de représentations mentales.

Sommaire

[modifier] Naissance et évolution des images mentales

Durant toute notre vie, en partant probablement de la phase prénatale du fœtus, nos expériences vécues font naître une multitudes d’éléments de représentation mentale qui viennent construire dans notre esprit des images nouvelles, ou modifier, enrichir des images existantes. Un réseau d’images est ainsi maintenu, chacune d’entre elles pouvant faire appel à d’autres. Certains enchaînements privilégiés forment de véritables méta-images dynamiques, à l’instar des chemins neuronaux à la base du fonctionnement cérébral de plus bas niveau.

Trois types d’expériences participent à ce processus :

  1. les perceptions par l’un ou plusieurs de nos cinq sens, en particulier la vue qui constitue le plus puissant, mais pas le seul, générateur d'images mentales. Certaines de ces perceptions et sensations sont subies, d’autres recherchées,
  2. l’imagination et la réflexion, sur lesquelles nous avons une certaine emprise,
  3. le rêve, les visions éveillées et hallucinations qui échappent à notre contrôle conscient et font émerger spontanément des images inédites.

Dans chacun de ces cas, le cerveau manipule des représentations mentales, les évalue, les compare, les associe, les combine, avec ou sans stimuli externes. Dans son fonctionnement normal (vs. pathologique), le cerveau cherche à maintenir un stock d’images qui lui permet de trouver des solutions efficaces aux situations présentes et anticipées. Ainsi, les stratégies cognitives, plus ou moins conscientes, privilégient l’évolution de nos représentations vers ce que nous croyons être la réalité et, dans les domaines artistiques et de l’imaginaire, les images sources de plaisir et de satisfaction, souvent volontairement dissociées de la réalité. Dans une boucle incessante, ces images, ainsi que leurs séquences, sont évaluées en fonction de leur efficacité à réaliser nos besoins et objectifs de toute nature, puis modifiées en conséquence. La psychologie cognitive s'intéresse aux opérations que peuvent subir les images mentales.

[modifier] Approches philosophiques

Le concept d’images mentales est central en philosophie classique et moderne, car indissociable de l’étude de la connaissance. Dans son livre VII de la République, Platon utilise la métaphore bien connue d'un prisonnier dans une caverne, enchaîné et immobilisé, qui tourne le dos à l'entrée et ne voit sur le mur qui lui fait face que son ombre et celles projetées d'objets placés loin derrière eux. Cette métaphore expose en termes imagés le périlleux cheminement des hommes vers la connaissance de la réalité réduite dans l’esprit des êtres humains à des représentations construites à partir d’images simplifiées et déformées perçus par nos sens. Platon évoque également la non moins difficile transmission des connaissances qui se heurte à l’aveuglement et à la laborieuse confrontation des représentations mentales issues d’expériences différentes.

Au XVIIIe siècle, George Berkeley a développé des idées semblables dans sa théorie de l’idéalisme. Selon Berkeley, la réalité n’existerait qu’à travers nos images mentales, celles-ci n’étant pas des représentations de réalité matérielle, mais la réalité elle-même. Cependant, Berkeley, a clairement distingué les images relatives à la connaissance du monde extérieur, des images issues de l'imagination individuelle. Selon Berkeley, seulement les dernières ne peuvent être considérées faire partie de l’«imagerie mentale» dans le sens contemporain du terme.

L'auteur britannique, également au XVIIIe siècle, Dr. Samuel Johnson, alors qu’on lu demandait ce qu’il pensait de l'idéalisme (en promenade en Ecosse) à répondu « voyez comme je le réfute ! » en donnait un coup de pied sur un gros rocher qui fit rebondir sa jambe. Il montrait ainsi que l’idée d’un rocher n’existant qu’à travers une image mentale, sans existence matérielle, à proprement parler, était une bien piètre explication des causes de la douloureuse qu'il venait d’éprouver.

Les critiques du réalisme scientifique se demandent comment la perception intérieure des images mentales se produit réellement. On se réfère quelques fois au « problème de l'homoncule » (voir également l'œil de l'esprit). Ce problème revient à se demander comment les images affichées sur un écran d'ordinateur existent dans la mémoire de ce dernier.

Pour le matérialisme scientifique, les images mentales et leur perception ne peuvent être issues que d’états mentaux. Selon ces philosophes, les réalistes scientifiques ne peuvent pas expliquer où les images et leurs percepteurs existent dans le cerveau. Ces critiques avancent que les neurosciences n’ont pas réussi à identifier dans le cerveau des composants, processus ou mémoire qui traiteraient et stockeraient des images d’une manière analogue à une carte graphique et sa mémoire dans un ordinateur.

[modifier] Utilisation dans l'apprentissage

Les styles d'apprentissage sont largement déterminés par les capacités de représentation et de mémorisation qui privilégient les caractéristiques visuelles, auditives, ou kinesthésique (se rapportant au sens ou aux sensations du mouvement ou de la posture corporelle) d'une expérience.

Selon les théoriciens de l'éducation, l'acquisition des connaissances est facilitée par la mise en œuvre simultanée de plusieurs domaines sensoriels (visuels, auditifs, ou kinesthésiques). Les méthodes d'enseignement mettant en œuvre la parole, des gestes et l'affichage/animation de représentations graphiques et textuelles répondent à ce besoin.

L'utilisation d'images mentales existantes sans perception sensorielle ou action physique contribue à l'apprentissage. Par exemple, répéter un exercice de piano, sans piano, uniquement en visualisant le clavier (pratique mentale) permet d'améliorer de façon significative l'exécution ultérieure (bien que moins efficacement que la pratique physique). Les auteurs de l'étude associée à cette expérience ont déclaré que «la seule pratique mentale semble être suffisante pour favoriser la modulation des circuits neuronaux impliqués dans les premières phases d'acquisition des automatismes moteurs. » (Pascual-Leone 1995).

[modifier] Psychanalyse et images mentales

Les images mentales, et en particulier celles provenant des rêves, servent de base aux théories de Sigmund Freud sur le comportement humain. Sa thèse stipule que nos expériences d'enfant façonnent fortement les images mentales que nous construisons plus tard dans notre vie. Selon Freud, les êtres humains forment des images mentales dans leur inconscient en fonction de leurs désirs latents, ces images inconscientes ayant une influence importante sur le comportement humain.

[modifier] En psychologie expérimentale

Les psychologues cognitifs et, plus tard, les neurologues ont étudié empiriquement comment le cerveau humain utilise l’imagerie mentale dans la construction des connaissances.

Une métaphore des années 1970 tentait de rapprocher le fonctionnement du cerveau à celui de l’ordinateur en tant que processeur séquentiel de l’information. Zenon Pylyshyn, Computation and Cognition : Toward a foundation for Cognitive Science, MIT Press, 1984.. Il présentait la cognition comme une forme de calcul et soutenait que le contenu sémantique des états mentaux était codé de la même façon que celui des représentations d'ordinateur - Etat d’un réseau formé par l’ensemble des états des neurones et interconnexions y participant.

Le psychologue Zenon Plyshyn a développé une théorie selon laquelle l'esprit d'humain traite des images mentales en les décomposant en propositions mathématique fondamentale. Roger Shepard et Jacqueline Metzler (1971) se sont opposés à cette affirmation en présentant à des personnes une figure composée de lignes représentant un objet en trois dimensions et en leur demandant de déterminer si d'autres figures étaient la représentation du même objet après rotation dans l'espace. Shepard et Metzler ont supposé que si nous nous décomposions, puis recomposions mentalement les objets en propositions mathématiques de base - comme le suggérait la pensée dominante de l'époque par analogie au traitement d'une ordinateur - le temps pour déterminer si l'objet était identique ou pas aurait alors été indépendant du degré de rotation de l'objet. Or, cette expérience montrait, au contraire, que ce temps était proportionnel au degré de rotation qu'avait subit l'objet sur la figure. Shepard et Metzler ont ainsi pu en déduire que le cerveau humain maintient et manipule les images mentales en tant qu'entités topographiques et topologiques globales.

Des études plus récentes ont confirmé ces résultats en mettant en évidence que les gens sont plus lents à orienter mentalement des représentations de membres tels que des mains dans des directions incompatibles avec la rotation des articulations du corps humain (Parsons 2003) et que les patients dont un bras est blessé et douloureux sont plus lents à tourner mentalement un dessin de la main du côté du bras blessé (Schwoebel 2001).

Certains psychologues, y compris Stephen Kosslyn, suggèrent que ces résultats sont dus à une interférence entre les zones du cerveau qui traitent les représentations visuelles et celles qui gèrent les représentations motrices. Kosslyn (1995 & 1994) conforte cette hypothèse, dans une série d'imageries cérébrales, en montrant où des objets tels que la lettre « F » sont maintenus et manipulés, en tant qu'images globales, dans le cortex visuel.

Les sciences cognitives ont abouti à un relatif consensus sur le statut neural des images mentales. La plupart des chercheurs en psychologie et neurologie conviennent qu'il n'y a aucun homoncule (un système central qui gouvernerait l’ensemble ou un partie du cerveau) ni processus qui structurait la vision des images mentales. La façon dont ces images sont stockées et traitées, en particulier dans le langage, la communication et en relation avec notre environnement physique, demeure un domaine d'étude fertile (Rohrer 2006) à la croisée de plusieurs domaines : psychologie, neuroscience, philosophie.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Sources

J'apprends donc je suis, éd. Organisation, Paris, 1994, 272 p. Trocmé-Fabre H.,


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