Hydrazine

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Hydrazine
modèle 2D
Général
Formule brute N2H4
DCI {{{DCI}}}
Nom IUPAC Hydrazine
Numéro CAS 302-01-2
Numéro EINECS {{{EINECS}}}
Code ATC {{{ATC}}}
Apparence Liquide incolore
Propriétés physiques
Masse moléculaire 32,05 g/mol
Température
de fusion
1 °C (274 K)
Température
de vaporisation
114 °C (387 K)
Solubilité miscible à l'eau
et aux solvants organiques
polaires
Densité 1,01 (liquide)
Température
d'auto-inflammation
Point d'éclair 37,78°C
Limites d'explosivité
dans l'air
Pression de
vapeur saturante
Viscosité dynamique 0,9 mPa.s à 25°C
pKa
Thermochimie
S0gaz, 1 bar 1 bar 238,66 J/mol•K
S0liquide, 1 bar 1 bar 121,52 J/mol•K
S0solid
ΔfH0gaz 95,35 kJ/mol
ΔfH0liquide 50,63 kJ/mol
ΔfH0solide 37,63 kJ/mol
Cp
Chaleur latente
de fusion
N/A
Chaleur latente
de vaporisation
N/A
Point critique
Point triple
Toxicologie
Classification UE Toxique (T)
Dangereux pour l'environnement (N)
Phrases R 10-23/24/25-34-43-45-50/53
Phrases S 45-53-60-61
Inhalation
Peau
Yeux
Ingestion
Autres infos Peut attaquer le système nerveux.

Mortel à hautes doses.

Unités du SI & CNTP,
sauf indication contraire.

L’hydrazine est un composé chimique azoté de formule chimique N2H4 et de formule semi-développée NH2-NH2. L'hydrazine est miscible à l'eau en toutes proportions. Avec une odeur rappelant celle de l’ammoniaque, l'hydrazine est un liquide d’apparence et de densité semblable à l'eau.

Cette substance est largement utilisée en chimie de synthèse et comme composant de certains carburants pour fusées.

Sommaire

[modifier] Structure moléculaire et propriétés

La structure de l'hydrazine se présente sous l’aspect de deux molécules d’ammoniaque accouplées l’une à l’autre par enlèvement d'un hydrogène pour chacune des deux molécules. Chaque sous-unité N-H2 se présente sous une forme pyramidale. La distance N-N est de 145 pm, et la molécule adopte une conformation lévogyre. [1] Le moment de rotation est le double de celui de l’éthane. Ses propriétés structurelles ressemblent à celles du peroxyde d'hydrogène gazeux, qui adopte une conformation « asymétrique » analogue à une structure d'alcane linéaire, avec un moment de rotation élevé.

Elle possède les propriétés d’une base comparable à l’ammoniaque, mais 15 fois plus faible.

N2H4 + H+ → [N2H5]+ K = 8,5 x 10-7

(pour l’ammoniaque K = 1,78 x 10-5) Elle cède difficilement un proton : [2]

[N2H5]+ + H+ → [N2H6]2+ K = 8,4 x 10-16

[modifier] Ne pas confondre

Par abus de langage, on appelle parfois hydrazine le mono-méthyl-hydrazine (CH3-NH-NH2) qui est également beaucoup utilisé comme carburant pour la propulsion chimique (de même que l'hydrazine simple), couplé à un comburant le peroxyde d'azote, comme pour la famille des fusées Ariane 1 à Ariane 4.

Modèle 3D éclaté
Modèle 3D éclaté

[modifier] Fabrication

Theodor Curtius synthétisa l’hydrazine simple pour la première fois en 1889 par un biais détourné. [3]

L’hydrazine est produite par le procédé d’Olin Raschig à partir de l’hypochlorite de sodium et de l'ammoniaque, une méthode inventée en 1907. Ce procédé repose sur la réaction des chloramines avec l'ammoniaque. [4]

Une variante du procédé d’Olin Raschig est l'oxydation de l’urée par l’hypochlorite de sodium:[5]

(H2N)2C=O + NaOCl + 2NaOH → N2H4 + H2O + NaCl + Na2CO3

Dans le cycle Atofina-PCUK, l'hydrazine est fabriquée en plusieurs étapes à partir d’acétone, d'ammoniaque et de peroxyde d'hydrogène. L’acétone et l'ammoniaque réagissent d’abord pour donner une imine, réaction suivie d’une oxydation par le peroxyde d'hydrogène en oxaziridine, une molécule comportant trois cycles carbone, de l'oxygène et de l'azote, suivie d’une ammoniolyse qui conduit à l’hydrazone, un processus qui assemble deux atomes d'azote. L’hydrazone réagit avec l'acétone en excédent, et l'azine produite est hydrolysée pour former l'hydrazine, en régénérant l’acétone. Contrairement au procédé de Raschig, cette méthode ne génère pas de sel. PCUK est associé à Ugine Kuhlmann, un fabricant français de produits chimiques. [6]

L’hydrazine peut aussi être produite par une méthode connue sous le nom de procédé ketazine et peroxyde.

En 2001, Marc Strous, microbiologiste à l'Université de Nijmegen aux Pays-Bas, a découvert que l'hydrazine est produite par des levures et une bactérie océanique l’anammox (Brocadia anammoxidans). Ce sont les seuls organismes vivants actuellement connus capables de produire naturellement de l’hydrazine. [7],[8]

[modifier] Dérivés de l’hydrazine

On connaît de nombreux dérivés par substitution de l’hydrazine, et plusieurs d’entre eux sont produits naturellement. Quelques exemples:

[modifier] Utilisation en chimie

Les hydrazines sont utilisées dans la synthèse de nombreuses molécules organiques et beaucoup d’entres elles ont une importance pratique dans l’industrie pharmaceutique, comme antituberculeux, ainsi que dans les textiles comme colorant et dans la photographie.

[modifier] Réaction avec les carbonyles

Pour illustrer la condensation de l'hydrazine avec un radical carbonyle citons la réaction avec l’acétone qui conduit à la formation de diisopropylidène hydrazine. Celle-ci réagit encore avec l'hydrazine pour former une hydrazone : [9]

2 (CH3)2CO + N2H4 → 2 H2O + [(CH3)2C=N]2
[(CH3)2C=N]2 + N2H4 → 2 (CH3)2C=N-NH2

L'acétone et la diisopropylidène hydrazine sont des intermédiaires dans la synthèse PCUK-Atofina. L’alkylation directe des hydrazines avec les haloalcanes en présence d’une base forme des dérivés alkylés des hydrazines, mais la réaction est généralement inefficace en raison d’un mauvais contrôle sur le niveau de substitution (comme pour les Amines ordinaires). La réduction de l’hydrazone en hydrazine constitue une façon élégante de produire des hydrazines 1,1 dialkylées.

Dans une autre réaction la 2-cyanopyridine réagit avec l'hydrazine pour former des hydrazides amidées qui peuvent être converties en triazines en utilisant les 1,2-dicétones.

[modifier] Réaction de Wolff-Kishner

L’hydrazine est utilisée en chimie organique dans la réduction de Wolff-Kishner , une réaction qui transforme le groupe carbonyle d'une cétone ou d’un aldéhyde en méthylène (ou groupe méthyle) par l'intermédiaire d'une molécule d’hydrazone . La production de diazote très stable à partir de l'hydrazine favorise la réaction.

[modifier] Synthèse des molecules polycycliques

Ayant deux fonctions amines, l’hydrazine est une pièce maîtresse pour la préparation de nombreux composés hétérocycliques via la condensation avec une partie possédant deux fonctions électrophiles. Avec l’acétylacétone, il se condense pour donner le 3,5-dimethylpyrazole. [10] Dans la réaction d’Einhorn-Brunner les hydrazines réagissent avec les imides pour donner des triazoles.

[modifier] Sulfonation

Etant un bon nucléophile, N2H4 est vulnérable à l'attaque des halogénures de sulfonyle et des halogénures d'acyle. [11] Le tosyl hydrazine forme aussi des hydrazones après traitement avec des carbonyles.

[modifier] Découpage des phthalimides

L’hydrazine est utilisée pour découper la N-phthalimide en dérivés alkylés. Cette réaction de scission permet à l’anion phthalimide d'être utilisé comme précurseur d'amine dans la synthèse de Gabriel.[12]

[modifier] Agent réducteur

L’hydrazine est un réducteur apprécié parce que ses sous-produits sont généralement l'azote gazeux et l'eau. Ainsi, il est utilisé comme antioxydant, désactiveur d’oxygène et inhibiteur de corrosion dans l'eau des chaudières et des circuits de chauffage. Elle est aussi utilisée pour réduire les sels de métaux et d'oxydes de métaux à l’état métallique dans l’électrolyse du nickel ainsi que dans l’extraction du plutonium à partir de déchets nucléaires.

[modifier] Sels d’hydrazine

L’hydrazine est convertie en sels solides au moyen d’un traitement par les acides minéraux. Le sel le plus répandu est le sulfate d’hydrazine hydrogène, N2H5HSO4, qui devrait probablement être appelé bisulfate d’hydrazine. Le bisulfate d’hydrazine est utilisé comme traitement alternatif de la cachexie induite par le cancer. Le sel de l'hydrazine et de l’acide azothydrique N5H5 avait un intérêt scientifique, en raison de sa forte teneur en azote et de ses propriétés explosives.

[modifier] Autres utilisations industrielles

L’hydrazine est utilisée dans de nombreux procédés, comme par exemple la production de fibres d’élasthanne, comme catalyseur de polymérisation, agent gonflant, pour les piles à combustibles, comme flux de brasage pour le soudage, pour le développement des photos, comme prolongateur de chaîne pour la polymérisation du polyuréthane, et comme stabilisateur de chaleur. En outre, une technique utilisant des dépôts d'hydrazine sur les semi-conducteurs a été récemment expérimentée, avec une possible application à la fabrication des thin-film transistors utilisés pour les écran à cristaux liquides. L’hydrazine en solution à 70% avec 30% d'eau est utilisée pour alimenter l'EPU (unité d'alimentation d'urgence), sur les avion de chasse F-16 (General Dynamics F-16 Falcon). En usage militaire, un dérivé de l'hydrazine, le diméthylhydrazine asymétrique (UDMH), combiné avec du nitrate d'ammonium est l'ingrédient de base de l’astrolite, un explosif extrêmement puissant inventé dans les années 1960.

modèle 3D
modèle 3D

[modifier] Carburant pour fusées

L’hydrazine fut d'abord utilisée comme carburant pour fusées lors de la Seconde Guerre mondiale pour les avions Messerschmitt Me 163 (le premier avion de chasse à réaction), sous le nom de B-Stoff (hydrate d’hydrazine). En mélange avec le méthanol il est appelé M-Stoff et C-Stoff en mélange avec l'eau.

L’hydrazine est actuellement utilisée dans les moteurs à faible poussée de positionnement des satellites, il a la particularité de ne pas nécessiter de comburant : c'est un monergol. On se sert de ces propulseurs pour manœuvrer les engins spatiaux, notamment à usage de moteur auxiliaire de la navette spatiale. En outre, les moteurs de fusée alimentés par l'hydrazine monergol sont souvent utilisés dans la descente terminale d’un engin spatial. Une série de moteurs de ce type ont été utilisés à la fois dans le Programme Viking d'atterrissage sur Mars et dans la sonde Phoenix lancée en août 2007.

En effet c'est la réaction très exothermique de décomposition qui fait fonctionner le propulseur. Elle est obtenue en faisant passer l'hydrazine sur un catalyseur dont le composant actif est l'iridium métallique déposé sur une grande surface d’alumine (oxyde d'aluminium), ou de nanofibres de carbone, [13] ou plus récemment le nitrure de molybdène sur l'alumine, [14] ou encore du nitrate de molybdène, sa décomposition en ammoniaque, azote et hydrogène se fait suivant les réactions :

1. \rm {3 N_2H_4 \rightarrow 4 NH_3 + N_2}
2. \rm {N_2H_4 \rightarrow N_2 + 2 H_2}
3. \rm {4 NH_3 + N_2H_4 \rightarrow 3 N_2 + 8 H_2}

Cette réaction exothermique se déclenche en quelques millisecondes et permet un dosage très précis.

Ces réactions sont extrêmement exothermiques (le catalyseur de la chambre peut atteindre 800 °C en l'espace de quelques millisecondes[13]), et ils produisent de grandes quantités de gaz chaud à partir d’un petit volume d’hydrazine liquide, [14] ce qui en fait un bon propergol pour la propulsion.

Certains dérivés de l'hydrazine sont également utilisés comme carburant pour les fusées : le monométhylhydrazine, CH3NHNH2 (ou MMH) et diméthylhydrazine asymétrique, (CH3)2NNH2 (ou UDMH). Ils sont utilisés avec un composé oxygéné généralement le tétraoxyde de diazote: N2O4.

[modifier] Actualité

Le 21 février 2008 est annoncée la destruction du satellite-espion USA 193 en perdition par un missile antibalistique de l'US Navy. Le prétexte avancé par les aurorités Américaines pour justifier cette décision est le risque encouru par les populations sur un point de chute hypothétique, en raison de la toxicité de l'hydrazine. La plupart des observateurs pensent que la véritable raison de ce tir sans précédent est d'ordre militaire et stratégique.

Icône de détail Article détaillé : USA 193.

[modifier] Piles à combustible

Le fabricant italien de catalyseur Acta a proposé d'utiliser l’hydrazine comme solution alternative à l'hydrogène dans les piles à combustibles. Le principal avantage de ce produit est sa capacité à produire plus de 200 mW/cm2, davantage qu’une pile à hydrogène similaire sans nécessité de recourir à de coûteux catalyseurs contenant du platine. Comme le combustible est liquide à température ambiante, il peut être manipulé et stocké plus facilement que l'hydrogène. En stockant l'hydrazine dans un réservoir contenant un carbonyle avec une double liaison carbone oxygène, le combustible réagit et forme une matière solide et sûre appelé hydrazone. Ensuite il suffit de remplir le réservoir avec de l'eau chaude pour libérer l’hydrate d'hydrazine sous forme liquide. La manipulation d’un combustible liquide est en pratique beaucoup plus sûre que de celle de l'hydrogène gazeux, et le liquide a un plus grand potentiel d'oxydo-réduction (1,56 V) comparativement à 1,23 V pour l'hydrogène. La molécule d’hydrazine est cassée dans la pile pour former du diazote et des atomes d'hydrogène qui se lient à un atome d’oxygène pour former de l’eau.[15]

[modifier] Sécurité

L'hydrazine est hautement toxique et dangereusement instable, surtout sous sa forme anhydre. Les symptômes d'une exposition aiguë à des niveaux élevés d'hydrazine peuvent se manifester chez l'homme par l'irritation des yeux, du nez et de la gorge, des étourdissements, des céphalées, des nausées, un œdème pulmonaire, des convulsions, un coma. Une exposition aiguë peut également endommager le foie, les reins et le système nerveux central chez l'homme. Le liquide est corrosif et peut produire un eczéma de contact chez les humains et les animaux. Des effets nocifs pour les poumons, le foie, la rate et la thyroïde ont été rapportés chez des animaux exposés de façon chronique à l'hydrazine par inhalation. Une augmentation du nombre de cas de tumeur du poumon, de la cavité nasale, et du foie a été observée chez les rongeurs exposés à l'hydrazine.

[modifier] Phrases de risque et conseils de prudence selon l'INRS

T-Toxique
T-Toxique
Exposé des risques et mesures de sécurité
R: 45 Peut causer le cancer.
R: 23/24/25 Toxique par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.
R: 34 Provoque des brûlures.
R: 43 Peut entraîner une sensibilisation par contact avec la peau.
R: 10 Inflammable.
S: 53 Eviter l’exposition et se procurer des instructions spéciales avant l’utilisation.
S: 45 En cas d'accident ou de malaise consulter immédiatement un médecin
(si possible lui montrer l'étiquette).
206-114-9 Etiquetage CE.

[modifier] Références

  1. Miessler, Gary L. and Tarr, Donald A. Inorganic Chemistry, Third Edition. Pearson Prentice Hall (2004). ISBN 0-13-035471-6.
  2. Holleman, AF, Wiberg, E. "Inorganic Chemistry" Academic Press: San Diego, 2001. ISBN 0-12-352651-5.
  3. Curtius, J. Prakt. Chem. 1889 ', 39, 107-39.
  4. Adams, R.; Brown, B. K. , Hydrazine Sulfate, 1 , 309, 1941, cv1p0309
  5. Hydrazine: Chemical product info, chemindustry.ru, 2007-01-08
  6. Riegel, Emil Raymond. "Hydrazine" Riegel's Handbook of Industrial Chemistry p. 192 (1992).
  7. Brian Handwerk. Bacteria Eat Human Sewage, Produce Rocket Fuel, National Geographic Society, 9 Nov 2005. Consultée le 2007-11-12.
  8. National Geographic http://news.nationalgeographic.com/news/2005/11/1109_051109_rocketfuel.html
  9. [Day, A. C.; Whiting, M. C. ; Acetone Hydrazone; vol 6 | page 10; cv6p0010;]
  10. [Wiley, R. H.; Hexner, P. E.; 3,5-Dimethylpyrazole, vol 4, page 351; cv4p0351]
  11. [Friedman, L; Litle, R. L.; Reichle, W. R.;p-Toluenesulfonyl Hydrazide; vol 5; page 1055, cv5p1055]
  12. [Weinshenker, N. M.; Shen, C. M.; Wong, J. Y. ;Polymeric carbodiimide; vol 6, pages 951; (1988); cv6p0951]
  13. ab R. Vieira, « New carbon nanofiber/graphite felt composite for use as a catalyst support for hydrazine catalytic decomposition », dans Chemical Communications, p. 954—955
  14. ab Xiaowei Chen, « Catalytic Decomposition of Hydrazine over Supported Molybdenum Nitride Catalysts in a Monopropellant Thruster », dans Catalysis Letters, 79, p. 21–25
  15. Liquid asset - News - The Engineer - [News: engineering news, engineering info, latest technology, manufacturing news, manufacturing info, automotive news, aerospace news, materials news, research & development]

[modifier] Liens externes