Guerre civile grecque

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Histoire de la Grèce

Grèce préhellénique
Préhistoire de la Grèce
-3200 Civilisation cycladique
-2700 Civilisation minoenne
 -1550 Civilisation mycénienne
Grèce antique
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 -800 Époque archaïque
 -510 Époque classique
 -323 Époque hellénistique
 -146 Grèce romaine
Grèce médiévale
 330 Empire byzantin
 1453 Grèce ottomane
Grèce contemporaine
  1799 République des Sept-Îles
  1822 Guerre d'indépendance
 1832 Royaume de Grèce
 1936 Régime du 4 août
 1941 Occupation
 1946 Guerre civile
 1967 Dictature des colonels
 1974 République hellénique
Un soldat de l'ELAS
Un soldat de l'ELAS

La guerre civile grecque commença en 1942 et s'acheva en 1949. Elle est le premier exemple d'une insurrection communiste après la deuxième guerre mondiale.

Sommaire

[modifier] La Résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale

Un puissant mouvement de résistance anti-nazi, le Front National de Liberation (EAM), fut fondé le 27 septembre 1941. Des citoyens de toutes opinions démocrates, des militants socialistes, des syndicalistes, des membres des partis communiste de Grèce et de la démocratie populaire en furent à l'origine. L'EAM organisa une armée de Résistance, qui prit le nom d'ELAS (Armée populaire de libération nationale, Εθνικός Λαϊκός Απελευθερωτικός Στρατός, ΕΛΑΣ en grec), où la force dominante était le Parti Communiste de Grèce, le KKE.

D'autres mouvements de résistance, minoritaires, étaient animés par des officiers et des conservateurs (EKKA, EDES, monarchistes du général Zervas[1]), mais ils ne formèrent pas un front uni contre l'occupation. L'EAM les inquiétant fortement avec ses projets de réforme sociale et l'influence des communistes.

L'ELAS administra certains maquis (notamment en Macédoine occidentale, qu'Allemands et Italiens ne contrôlèrent jamais complètement), procéda à des réformes sociales et mena sans relâche le combat contre les troupes mussoliniennes, nazies et contre les gouvernants collaborationnistes grecs (non reconnus par la population ni par le gouvernement en exil au Caire).
Un Conseil National des régions libérées a été élu le 30 avril 1944 à Korischades, par 1.800.000 électeurs. Les femmes et les jeunes de plus de 18 ans ont alors pu voter pour la première fois.

En Égypte, la majorité de l'armée régulière grecque en exil au Caire avec le gouvernement royaliste, souhaitait mettre en place un régime démocratique républicain d'union nationale, alors que son état-major soutenu par les Alliés aspirait à restaurer le régime royaliste autoritaire. La tendance républicaine fut réprimée par les Britanniques qui procédèrent à une épuration de tout le corps militaire grec en avril 1944[2].

Le poids de l'EAM étant devenu primordial dans la Résistance, l'accord du Liban signé en mai 1944 prévoyait un gouvernement d'union nationale.

Durant l'été 1944, alors qu'Anglo-Saxons et Soviétiques avaient déjà ébauché des zones d'influence à la Conférence de Téhéran (décembre 1943) mais n'avaient encore rien entériné (la Conférence de Yalta n'aura lieu qu'en février 1945), les communistes constituèrent un gouvernement grec clandestin qui cesssa de reconnaître le roi et le gouvernement grec du Caire.[3]Le roi Georges II répondit en formant avec le libéral vénizéliste Georges Papandréou, un gouvernement de coalition composé de toutes les tendances.

En Octobre 1944, aussitôt après la retraite des forces allemandes, Winston Churchill, pour éviter d'être mis devant le fait accompli d'un passage de la Grèce au communisme, fit débarquer au Pirée la brigade britannique du général Scobie qui exigea le désarmement de l'ELAS et sa dissolution. Mais la résistance communiste, aguerrie par 3 ans de combat contre les Allemands dont elle avait récupéré l'armement, engagea le combat contre les Anglais et domina rapidement la quasi totalité de la Grèce, à l'exception de Salonique et d'Athènes: ce fut la Première Guerre civile grecque. Elle cessa en février 1945, suite à la Conférence de Yalta, lorsque Staline demanda à l'EAM-ELAS d'accepter la trêve de Varkiza et la régence exercée par le métropolite d'Athènes : Monseigneur Damaskinos, jusqu'au retour du roi George II qui eut lieu après un plébiscite (septembre 1946). [4]

Lorsque la Guerre froide commença à opposer les alliés, Staline demanda aux communistes de rompre la trêve: ce fut la Seconde Guerre civile grecque. Sous la conduite du commandant Markos, soutenu par la Yougoslavie et le bloc soviétique, l'EAM-ELAS établit un gouvernement révolutionnaire à Konitza en Épire. De 1946 à 1949, de violents combats se poursuivirent dans des conditions atroces, entre les communistes et le gouvernement soutenu par l'Angleterre, puis les États-Unis. La rupture entre Tito et Staline laissant Markos sans ressources, les partisans communistes durent déposer les armes en octobre 1949 [5]

[modifier] Le conflit armé

Le KKE, première force politique du pays à la libération, ne prit pas officiellement le pouvoir en décembre 1944, mais l'EAM-ELAS refusa de se dissoudre, et se tourna contre les troupes Alliées (grecques royalistes et britanniques) venues du Caire. L'accord de Varkiza (février 1945) proclama un cessez-le-feu et des élections, ainsi que la promesse d'un référendum sur la nature politique du régime. Mais ces élections se tinrent dans un climat de terreur mené par les milices d'extrême droite et d'extrême gauche, au point que les partis démocrates boycottèrent cette consultation.

Acculées dans la montagne par les milices de droite, celles de gauche crérent en décembre 1947 une Armée démocratique de la Grèce, conduite par d'anciens résistants de l'EAM, avec un Gouvernement Révolutionnaire communiste. Bientôt l'armée se substitua aux milices de droite (qu'elle intégra, recrutant même d'anciens collabos sortis des prisons pour faire nombre) et la guerre civile prit une dimension internationale avec l'intervention américaine et les enjeux de la guerre froide. C'est à ce moment que Truman marque sa volonté d'« aider la Grèce à sauvegarder son régime démocratique », en prenant le relais des Britanniques.

Pendant près de trois ans, l'Epire (sauf la côte) et la majeure partie de la Macédoine-Occidentale, ainsi que des zones de la Thessalie et de la Macédoine centrale, furent le territoire de la République (communiste) de Konitza, tandis que le reste de la Grèce forma un Royaume (avec toutefois des poches de résistance communiste dans les quartiers modestes des grandes villes). Dans les zones frontalières de la République de Konitza, un véritable front se mit en place, avec bombardements (y compris aériens du côté gouvernamental), offensives et contre-offensives, tandis qu'attentats et répression ensanglantaient les villes. Seules les îles furent épargnées. Des dizaines de villages changèrent de mains plusieurs fois et furent finalement abandonnés par leurs habitants, sommés de choisir un camp et accusés de trahison par l'autre.

[modifier] Bilan

Tito (jusqu'en 1948) et les partis communistes bulgare et albanais avaient aidé militairement la guérilla, à la différence de l'Union soviétique. La guerre s'est donc terminée en 1949, quand la Yougoslavie, principal fournisseur d'armes, arrêta ses livraisons, après la sécession de Tito du bloc communiste en 1948.

En 1949, la Grèce est en piteux état : on estime qu'elle aurait perdu environ 8 % de ses habitants à cause de la Seconde guerre mondiale et de la guerre civile. Les destructions furent importantes : 1,2 millions de sans-abris, la majeure partie de la flotte marchande détruite, les infrastructures réduites à néant, tout comme les capacités agricoles et industrielles.

Les gouvernements élus qui se succédèrent furent dominés par le parti conservateur en attendant la prise de pouvoir par la junte militaire. Le pays en ressortit traumatisé et exsangue.

Beaucoup moins connue que celle d'Espagne, mais proportionnellement aussi tragique, la guerre civile grecque aurait fait 150 000 morts et des dizaines de milliers de réfugiés dans les pays communistes (de 80 à 100 000 selon les estimations), et de nombreuses exactions de part et d'autre. De nombreuses familles furent déchirées par le conflit, des milliers d'enfants se trouvèrent orphelins ou enlevés à leurs familles.

Une diaspora communiste s'implanta en Yougoslavie et dans d'autres pays d'Europe de l'Est (dont la RDA), où elle se trouva rapidement marginalisée en raison de la barrière de la langue et de l'hostilité des populations locales voyant dans ces étrangers ravitaillés par le Parti, des privilégiés et des alliés de leurs opresseurs. A partir de 1985 et grâce aux lois d'amnistie, beaucoup de ces familles de Koukoués (réfugiés communistes) désenchantés rentrèrent en Grèce, malgré les difficultés d'intégration (certains sont entre-temps passés au russe, au roumain, au serbe... perdant l'usage du grec, et la plupart n'étaient pas familiers de l'économie de marché).

[modifier] Notes et références

  1. José Gotovitch, Pascal Delwit, Jean-Michel De Waele, L’Europe des communistes
  2. Cet épisode est notamment décrit dans le roman Cités à la dérive de Stratis Tsirkas
  3. Mourre. p. 2128
  4. José Gotovitch, Pascal Delwit, Jean-Michel De Waele, L’Europe des communistes
  5. José Gotovitch, Pascal Delwit, Jean-Michel De Waele, L’Europe des communistes

[modifier] Bibliographie

  • Dominique Eudes, Les Kapetanios : la guerre civile grecque, 1943-1949, Fayard, 1970
  • Robert Manthoulis, La guerre civile grecque, Paris 1997
  • Joëlle Dalègre, La Grèce depuis 1940, L'Harmattan, 2006
  • Mark Mazower, Dans la Grèce d'Hitler 1941-1944, Les Belles lettres, 2002
  • Christophe Chiclet, Les Communistes grecs dans la guerre, L'Harmattan, 1987
  • D. G. Kousoulas, Revolution and Defeat: The Story of the Greek Communist Party, London 1965
  • W. Byford-Jones, The Greek Trilogy: Resistance-Liberation-Revolution, London 1945
  • José Gotovitch, Pascal Delwit, Jean-Michel De Waele, L’Europe des communistes, Éditions Complexe, 1992, ISBN 2-87027-467-X