Gongorisme

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Góngora, concepteur du gongorisme.
Góngora, concepteur du gongorisme.

Le gongorisme est un style littéraire inventé par le poète espagnol Góngora. Caractéristique de l’écriture baroque espagnole de la fin du XVIe au XVIIe siècle, il se caractérise par sa préciosité cultiste et ses recherches de style, abus des images, des métaphores, etc.

Les littératures de l’Europe furent marquée, à la fin du XVe siècle, par une généralisation de l’affectation, la recherche, les pensées subtiles, le bel esprit et le style raffiné. L’Italie connut les concettis de Marini, l’Angleterre l’euphuisme de Lilly, l’Espagne, le conceptisme de Ledesma et la France les pointes.

Ledesma avait imaginé le conceptisme : Góngora, de parti pris, et par ambition littéraire, abandonna la poésie sensée dans laquelle il s’était fait déjà une réputation estimable et donna avec son poème las Soledades (les Solitudes) le signal d’une rupture complète entre la langue vulgaire et la langue poétique. Il inventa le style culto (estilo culto), style poli et civilisé, selon lui en triturant les mots sans se soucier de l’idée qu’ils représentaient, modifiant la signification ancienne des uns, attachant à d’autres un sens présumé profond, mais obscur, et en donnant à la langue une grande obscurité.

Góngora introduisit dans ses phrases les inversions grecques et latines, et, faisant parade d’un vain savoir, parsema ses écrits d’allusions mythologiques. Le tout, associé aux métaphores et aux boursouflures les plus recherchées, constitua le cultisme, nommé de préférence chez nous gongorisme.

Le poème las Soledades donne une idée de la seconde manière de Góngora : les oiseaux sont pour lui « des cloches de plumes sonores qui donnent le signal de l’aube au soleil, lorsque celui-ci, sur son carrosse, quitte le pavillon d’écume. » Une jeune fille, qui se lave le visage à une fontaine « réunit le cristal liquide au cristal de sa joue par le bel aqueduc de sa main. » Les bergères sont des roses vêtues : « Le printemps, chaussé d’avril et habillé de mai, voit arriver les roses vêtues qui chantent, entourées de guitares ailées ; à leur voix, le ruisseau fait de sa blanche écume autant d’oreilles qu’il y a de cailloux dans son lit. » Une nouvelle mariée est si belle qu’elle rendrait la Norvège torride avec ses deux soleils et l’Éthiopie blanche avec ses deux mains. » Góngora compare un ruisseau qui se précipite dans la mer à un papillon de cristal qui se noie étourdiment, et l’Océan devient alors un centaure moitié eau douce, moitié eau salée. Il dit d’une jeune et belle dame qu’elle a :

Muchos siglos de hermosura
En pocos anos de edad[1].

L’élégante société espagnole adopta et conserva, pendant une grande partie du XVIIe siècle, ce langage du faux bel esprit, qui, malgré les attaques de Quevedo, le grand ennemi littéraire de Góngora, Lope de Vega et Calderon, parfois cultistes eux-mêmes sans le vouloir, fleurit avec Montalván et les nombreux disciples de Góngora.

Paravicino, prédicateur de la cour, introduisit le style culto dans l’éloquence, déjà altérée par le conceptisme de Ledesma, de la chaire.

Machado s’est montré très critique envers le défaut de substance tant du cultisme que du conceptisme, qu’il a caractérisé comme double expression d’une même indigence.

[modifier] Notes

  1. Qu’un petit nombre d’années d’existence, mais qu’elle possède plusieurs siècles de beauté.

[modifier] Source

  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 909