Genèse

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sur le Livre de la Genèse.
Article principal
Résumé du Livre de la Genèse
La Création selon la Genèse
Récits du Livre de la Genèse

Le Livre de la Genèse (du grec Γένεσις, « naissance », « commencement », « source », « origine », « cause ») est le premier livre de la Torah (Pentateuque), donc du Tanakh (la "bible hébraïque) et de la bible chrétienne. En hébreu, son intitulé est Bereshit (« au début de …») d'après le premier mot de la première parasha du Livre[1]. La tradition juive considérant qu'il a été écrit par Moïse, on l'appelle parfois le Premier Livre de Moïse.

Le livre de la Genèse veut expliquer l'origine de l'homme et du peuple hébreu jusqu'à son arrivée en Égypte en l'éclairant par le projet de Dieu. Il contient les présupposés et bases historiques aux idées et institutions nationales et religieuses d'Israël, et sert de préface, introduction ou en-tête à son histoire, ses lois et coutumes.

Selon une croyance assez courante dans les religions abrahamiques, la Genèse a été divinement inspirée (écrite par Dieu, ou plutôt dictée par Lui à un humain), et soit donc infaillible. L'hypothèse dite documentaire toutefois, tend à montrer que la composition du livre est l'oeuvre non d'un rédacteur unique mais d'un ensemble de rédacteurs, qui ont raconté les traditions des Israélites, les combinant en un travail uniforme, mais préservant les particularités textuelles et formelles incidentes à leurs différences d'origine et de mode de transmission. L'hypothèse documentaire a également été envisagée par les exégètes religieux, et des réponses cohérentes avec la tradition ont pu être proposées.

Sommaire

[modifier] Ascription du Livre

Icône de détail Article détaillé : Hypothèse documentaire.

Le livre de la Genèse, en tant qu'œuvre, ne mentionne aucune assignation à un auteur ; c'est un article de la foi juive orthodoxe de croire que le livre fut dicté dans son entièreté par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï.

Pour de nombreuses raisons, cette assertion n'est plus acceptée depuis longtemps par de nombreux biblistes académiques et protestants libéraux. Ceux-ci se fondent au contraire sur une théorie, dont les racines sont basées sur l'évolution culturelle et le naturalisme philosophique, et qui enseigne que le texte du Livre de la Genèse tel qu'on le connaît aujourd'hui fut compilé aux alentours de 440 AEC, à partir de sources antérieures puisant dans les cultures environnantes, principalement celle de Sumer, dont les patriarches sont supposés avoir hérité.

Bereshit pereq aleph, premier chapitre du Livre de la Genèse, écrit sur un œuf, musée Israël.
Bereshit pereq aleph, premier chapitre du Livre de la Genèse, écrit sur un œuf, musée Israël.

[modifier] Résumé

Icône de détail Article détaillé : Résumé du Livre de la Genèse.

Les chapitres 1 à 5 de la Genèse relatent l'organisation nécessaire à l'apparition de la vie sur la Terre et les étapes de l'apparition de cette vie jusqu'au premiers temps de l'humanité. L'homme découvre que la désobéissance engendre le mauvais, c'est à dire le mal sur le corps (en hébreu le mot est mauvais et est relatif au corps alors qu'en grec cela est traduit par mal et est relatif à la morale). Adam et Ève, le premier homme et la première femme mangent le fruit de l'arbre défendu, ils sont désormais libres de définir par eux mêmes le bien du mal et sont chassés du jardin d'Eden; Caïn, fils d'Adam et d'Ève tue son frère Abel.

Dans les chapitres suivant, Dieu, voyant la corruption des hommes, provoque le déluge, auquel il ne fait survivre que la famille de Noé. Dieu établit alors une alliance (9:9)

Le chapitre 10 parle des familles qui sont à l'origines de l'humanité.

Les chapitres 11 à 20 parlent d'Abraham et de sa famille jusqu'à l'époque d'Isaac. Le chapitre 12 commence avec l'appel d'Abram (le futur Abraham) et sa femme Saraï (qui deviendra Sarah), alors stérile, et leur départ depuis leur terre natale d'Ur (probablement en Babylonie) vers le pays de Canaan. Il implique qu'Abram a accepté Dieu et a été accepté par lui, et rapporte la promesse divine que tous les peuples de la terre seront bénis par sa descendance(22:3).

Les chapitres 21 à 35 suivent la famille d'Isaac. Genèse relate ensuite les faits de ses descendants, Isaac, et Jacob (qui deviendra Israël), et leur famille, ainsi que, dans une moindre mesure, les "autres" descendants, qui formeront de grands peuples antagonistes d'Israël, à savoir Ismaël et Esaü (Edom). Lorsque le dernier verset termine, les descendants de Jacob, les Israélites, sont venus en Égypte, à l'invitation de l'un des leurs, Joseph, devenu par un "extraordinaire concours de circonstances" (que la Bible explique comme "le doigt divin") le plus important ministre auprès de Pharaon.

Le chapitre 36 traite d'Ésaü et de sa famille.

Les chapitres 37 à 50 parlent de la famille de Jacob, racontent comment Joseph fut vendu en Égypte et le rôle qu'il joua dans la préservation de la maison d'Israël.

[modifier] Interprétations du livre de la Genèse

L'interprétation du livre de la Genèse est un exercice très délicat, car, d'une part, il ne faut pas confondre Genèse et Création (qui n'est qu'une partie du livre de la Genèse), d'autre part, l'historicité des récits est très variable selon que l'on s'intéresse à la Création, au Déluge et à Noé, ou aux figures d'Abraham, Isaac, Jacob et Joseph, qui sont réelles.

Selon les cas, on interprétera ces textes au sens littéral ou en employant les sens spirituels.

[modifier] Utilisation de la lecture littérale pour dater la création

Sur la base des généalogies (toledot) dans le Livre de la Genèse et des parties ultérieures de la Bible, les érudits religieux juifs et chrétiens ont indépendamment estimé la datation de la Création du monde, en employant une interprétation au sens littéral.

Cette approche suggérerait qu'elle se tînt aux alentours du quatrième millénaire AEC après les six jours au cours desquels Dieu créa les cieux et la Terre (quelques uns supposent qu'il s'agit de jours de 24 heures, qu'Adam, Ève, et le jardin d'Eden ont existé, et qu'une trace complète des évènements depuis la Création jusqu'à une date historiquement vérifiable se trouve dans le compte-rendu biblique).

D'autres exégètes expliquent que les jours se rapporteraient à l'action créatrice sur Terre et auraient une durée de 7000 ans. Le récit étant destiné à un observateur terrestre, le mot cieux devant être compris du point de vue de l'observateur. Ce qui rend compatible le récit de la Genèse et la datation de la Terre.

Beaucoup de biblistes académiques remettent en question l'exactitude du compte-rendu historique de la Bible, et son utilisation pour retracer les évènements présentés dans la Genèse et pour dater l'histoire humaine a été rejetée par la grande majorité des historiens et archéologues. De plus, des preuves scientifiques indépendantes dans des domaines aussi variés que la cosmologie, la géologie et la biologie sont entièrement incompatibles avec la ligne de temps décrite dans Genèse (par exemple l'âge de la Terre est estimé à plus de quatre milliards d'années).

Le sujet sera abordé plus précisément dans Bible et histoire et Créationnisme Jeune Terre.

[modifier] Interprétations littérales vs allégoriques

Le Livre de la Genèse commence par un (ou des) récit originel. Comme une lecture littérale de celui ou ceux-ci peut sembler en conflit avec les théories scientifiques communément admises, comme le Big Bang ou la théorie de l'évolution, beaucoup de croyants considèrent le(s) récit(s) de la Création selon Genèse comme des allégories.

Toutefois, l'interprétation, sinon allégorique, du moins non littérale n'avait pas attendu Darwin. La tradition juive connaissait différentes façons d'interpréter les textes sacrés, puisqu'elle distinguait quatre sens de l'Écriture. Ultérieurement, la tradition chrétienne, avec Origène et Jean Cassien, reprit ces méthodes d'interprétation pour la lecture (lectio divina) des Saintes Écritures chrétiennes. L'interprétation non littérale de la Création commençait déjà avec Augustin d'Hippone[2].

Au XIIe et XIIIe siècles, la réconciliation effectuée par l'école scolastique entre la tradition chrétienne et la philosophie d'Aristote (Thomas d'Aquin), permit de faire un parallèle entre la Genèse et la cause première telle qu'elle était définie par Aristote.

[modifier] Remise en cause par les théories scientifiques au XVIIe siècle

À partir du XVIIe siècle, les observations de Galilée remirent en cause les interprétations de la Bible, particulièrement les passages cosmologiques du Premier Testament.

En 1623, le père Marin Mersenne, correspondant de Descartes, qui était au centre d'un réseau philosophique et scientifique, publia Questions sur la Genèse, ouvrage dans lequel il critiqua violemment la Kabbale chrétienne.

Après le procès de Galilée (1633), Descartes n'eut de cesse de critiquer la « philosophie spéculative » enseignée dans l'école scolastique, lui préférant une méthode « pratique » permettant aux hommes de se « rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » (discours de la méthode, Sixième partie, 1637). Le cogito de Descartes (méditations sur la philosophie première, 1641) est la manifestation de ce doute d'une cause première entendue au sens religieux et métaphysique traditionnel.

Ce fut le point de départ de la mise en place d'un paradigme mécaniste (Michel Foucault parle d'épistémè), qui discrédita progressivement la philosophie première d'Aristote, et bouleversa l'édifice scolastique. Le positivisme d'Auguste Comte, les philosophies scientistes, et le darwinisme abandonnèrent le principe même des causes premières, et allèrent jusqu'à nier toute causalité des phénomènes entendue en un sens autre que purement physique.

[modifier] Interprétations contemporaines

Pour autant, même aujourd'hui, les tenants de l'interprétation littérale des onze premiers chapitres n'ont pas dit leur dernier mot : ils font valoir que le style scripturaire des premiers chapitres partagent les caractéristiques de passages habituellement considérés de nature historique, et qu'il n'est nulle part fait mention qu'il ne s'agirait pas d'une narration littérale (ce qui est le cas pour les prophéties de Balaam par exemple)[3].

De telles analyses, se basant sur une forte tradition d’infaillibilité biblique (le fait de ne pas remettre la Bible en doute, par principe), ont conduit de nombreux individus et organisations, issus des milieux scientifiques et religieux, à rejeter les théories scientifiques traditionnelles de l'origine de la vie et de l'univers pour des théories "alternatives", comme le créationnisme Jeune-Terre (Young-Earth creationism, en abrégé YEC). Les tenants du YEC utilisent leur connaissance approfondie du récit originel selon Genèse afin de fournir des réponses aux questions que posent l'évolution et l'origine ainsi que le sens de la vie, plutôt que de rationaliser leurs positions au vu des théories faillibles des hommes.

Mais ces cas sont aujourd'hui minoritaires. La controverse ptoléméo-copernicienne et les théories de l'évolution ont été une opportunité pour revoir en profondeur les méthodes d'exégèse et d'herméneutique. Outre le fait que la crise galiléenne était apparemment une question de retour aux textes originels (en hébreu), tant la tradition protestante que la tradition catholique ont eu à cœur de renouveler la lecture des Écritures saintes, évitant toute interprétation littérale excessive.

Il existe ainsi un nombre croissant de juifs et de chrétiens qui professent que les premiers chapitres de Genèse ne relatent pas le début de la création physique. Essayant de relire les Écritures à la façon des premiers destinataires de celles-ci (à savoir les anciens Israélites), ils pensent que ces premiers chapitres relatent la propagation de l'ordre divin sur le plan physique qui existait avant le début de la narration.

Certains décrient même toute tentative d'interpréter les textes comme autre chose qu'une organisation de l'univers.

Cette interprétation était déjà celle d'Augustin d'Hippone, qui rejetait toutefois la suggestion que la Genèse soit une allégorie ; selon lui, la "lumière" signifie tout le temps "ordre", illumination, plan supérieur d'existence ; "jour" est un intervalle de temps indéterminé, qui n'est défini que par un paradigme central, comme dans l'expression "aube d'un nouveau jour". De ce point de vue, on peut rejeter l'objection des trois premiers jours (qui ont précédé l'attribution de la lumière avant le soleil), en faveur d'une interprétation "littérale" que l'univers fut créé tout d'une pièce, pour progresser du chaos à la lumière-"entendement", et non l'ensemble du spectre électromagnétique, puis aux cieux, etc.[3]

Actuellement, la Bible de Jérusalem indique, en annexe, que la Genèse correspond à une période commençant environ 100 000 ans (homo habilis) avant la période correspondant à l'Histoire et à l'apparition de l'écriture (Abraham).

Néanmoins, le Livre de la Genèse, très souvent cité tant dans la Bible hébraïque que dans le Nouveau Testament, ne l'est jamais dans un sens métaphorique, allégorique ou non-littéral : lorsque Moïse corrèle les six jours de la Création avec les six jours de travail de la semaine (Exode 20:11), que David fait allusion à la Création ou aux faits relatés dans les chapitres 1 à 11 dans les Psaumes, ou que Jésus et Pierre les évoquent, ce ne peut être qu'au sens littéral et "historique" du terme, sans besoin d'interprétation ou d'interpolation.

[modifier] Crise écologique et théologie de la Création

La crise écologique remet à l'ordre du jour ces questions fondamentales. Les scientifiques et les ingénieurs s'interrogent à nouveau sur le rapport de l'être humain à la nature. Ils se demandent quelle est la position de la tradition judéo-chrétienne sur ce sujet.

Jean Bastaire estime que la position exposée par Descartes dans le Discours de la méthode, selon laquelle les hommes seraient appelés à se « rendre comme maîtres et possesseurs de la nature », est à l'origine d'une modification profonde des comportements et des mentalités sur l'environnement. Selon lui, dans la tradition judéo-chrétienne, l'ordre divin exposé dans le chapitre premier, verset 28 de la Genèse (« Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et soumettez-la, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se meut sur la terre. ») correspond à une domination, mais non à une exploitation. Dans la vision chrétienne, l'homme ne doit pas se comporter comme un exploitant, mais comme un intendant fidèle, selon l'enseignement des Écritures[4].

Création d'Adam, par Michel-Ange, Chapelle Sixtine
Création d'Adam, par Michel-Ange, Chapelle Sixtine

[modifier] La Genèse dans la tradition juive

Bien que paradoxalement pauvre en contenu légalistique pour un Livre de lois et prescriptions, le Sefer Bereshit se trouve au centre de la conscience historique et politique israélite et juive.

Un Sage du nom de Rabbi Itz'hak résume parfaitement cette idée lorsqu'il enseigne que, n'eût été la nécessité de raconter à Son peuple le récit de Ses œuvres afin qu'ils héritent de l'héritage des nations, la Torah n'aurait pas dû commencer par le Sefer Bereshit (commentaire de Rachi sur Gen. 1:1).

Selon le comput de Maïmonide (l'une des plus grandes autorités rabbiniques du Haut Moyen Âge) et le Sefer Hahinoukh, qui s'en inspire,

  • la première prescription, "fructifier et se multiplier" Gen 1:28, s'adresse à l'ensemble de l'humanité.
  • la seconde, la circoncision Gen. 17:10, s'adresse à l'ensemble des fils d'Abraham.
  • la troisième, ne pas manger le nerf sciatique Gen. 32:33, s'adresse aux seuls enfants de Jacob.

Les prophètes, notamment Osée, font constamment référence aux récits qui y sont relatés, et Jérémie utilise volontiers le langage de ses premiers versets (tohu-bohu, ténèbres sans lumières, etc.) pour décrire le désastre représenté par la destruction du Premier Temple.

Le premier chapitre détermine la journée des Hébreux, correspondant au reste davantage à un cycle lunaire que solaire : le jour commence au soir (erev, c'est-à-dire, selon le rabbin et exégète Avraham ibn Ezra, le moment où les choses se mélangent, yit'arbou cf. "la nuit, tous les chats sont gris").

Enfin, les descendants des deux grands protagonistes de l'histoire de Joseph et ses frères, à savoir Joseph et Juda, s'illustreront dans l'épisode des explorateurs (Livre des Nombres), les seuls dressant un rapport encourageant de la terre d'Israël étant Josué fils de Noun (descendant de Joseph) et Caleb ben Yefouné (descendant de Juda). C'est également de cette histoire qu'est issu le concept des deux Messies, le Messie fils de David (descendant de Juda) et le Messie fils de Joseph.

Le Sefer Bereshit est également largement abordé dans la Mishna et le Talmud : le cinquième chapitre du Traité des Pères y est en grande partie consacré, traitant des "Dix paroles par lesquelles Dieu a créé le monde", des "dix créations au crépuscule du sixième jour", des "dix épreuves d'Abraham", etc.

Le second chapitre du traité 'Haguiga est également consacré aux secrets de l'Acte de la Création (Ma'assè Bereshit), lequel avec l'Acte du Chariot (Ma'assè HaMerkava - le "Chariot" étant le Chariot Céleste décrit par Ézéchiel) forme le noyau d'une tradition ésotérique ne pouvant être transmise que dans un certain secret, la Kabbale.

Les premiers chapitres seront également débattus au cours des siècles durant, à la base de l'éthique et de la morale juive. les philosophes tenteront de les concilier (ou les différencier) de l'hypothèse aristotélicienne de la Cause Première et du Premier Moteur. Moïse Maïmonide consacrera à ce sujet trente chapitres de son Guide des Égarés -- son interprétation, bien que marquant profondément la pensée juive ultérieure, sera âprement débattue au long de la littérature rabbinique.

[modifier] La Genèse dans la tradition chrétienne

Couverture du livre de la Genèse.Bible de Saint Paul fuori le Mura
Couverture du livre de la Genèse.Bible de Saint Paul fuori le Mura

Le Nouveau Testament contient nombre d'allusions et citations directes à la Genèse, ces références semblant lui assigner un auteur. Celui-ci n'est pas explicitement nommé, mais les Livres de la Loi étant en quelques endroits (Marc 12:19, 26; Luc 24:27) attribués à Moïse, on assume parfois qu'il en est de même.

L'auteur de l'évangile selon Jean utilise un langage similaire à celui du premier chapitre de Genèse, lorsqu'il personnifie le Verbe divin comme Logos éternel (grec : λογος "raison", "verbe", "langage"), qui est l'origine de toutes choses "avec Dieu", et "était Dieu" et "est devenu chair et a résidé parmi nous". Beaucoup de chrétiens interprètent ceci comme un exemple d'enseignements apostoliques de la doctrine de la Trinité et le caractère divin de Jésus; à l'origine, c'est en effet en s'appuyant sur le témoignage de Jean que les chrétiens assignent une personnalité au verbe créateur de Dieu, et identifient cette personnalité avec Jésus (Hébreux 1:2,3, Colossiens 1:16,17 sont d'autres sources bibliques pour ces croyances).

Outre ces références à Genèse dans le Nouveau Testament, les théologiens chrétiens (depuis les premiers Pères de l'Église jusqu'aux écrivains actuels) n'ont cessé d'interpréter et débattre des histoires et images de ce Livre, utilisant une myriade de méthodes et perspectives théologiques. En fait, l'interprétation des trois premiers chapitres de la Genèse demeure un sujet de hauts débats parmi les chrétiens de nos jours.

[modifier] La Genèse dans les études académiques

Démarrant véritablement avec Spinoza, l'"étude du texte par le texte", autrement dit l'exégèse critique, doute de l'attribution de la Genèse au seul Moïse. Commençant par relever des post-mosaïca, elle finit par estimer que le Livre de la Genèse n'est pas l'œuvre d'un seul auteur, mais une mise par écrit de plusieurs traditions orales prédatant Moïse, remaniées et modifiées au cours du temps, peut-être même totalement distinctes et artificiellement fusionnées dans le but d'obtenir une cohésion nationale autour d'"une" histoire commune.

La théorie documentaire classique du XIXe siècle distingue trois couches d'écriture, qu'elle a intitulées :

  • la narration yahviste : Dieu, toujours nommé YHWH, crée l'Homme à son image, mais l'Homme se révèle faible et manque à ses devoirs. Il s'ensuit alors une succession d'Alliances et de ruptures d'Alliance entre Dieu et les hommes, jusqu'à l'apparition des patriarches.
  • la narration élohiste : écrite probablement durant des heures difficiles en Israël, le ton en est plus austère, moins optimiste ; on insiste davantage sur le devoir d'obéissance de l'Homme. C'est le terme elohim qui désigne Dieu dans cette narration.
  • la narration sacerdotale : écrite probablement durant l'exil à Babylone, il s'agit de donner au texte une dimension religieuse plus dogmatique en insistant sur le sens de l'Alliance.

La théorie documentaire moderne duXXe siècle ne distingue plus que deux couches :

  • la couche sacerdotale, surnommée P, qui reprend à quelques nuances près cette catégorie de la théorie classique.
  • la couche non-sacerdotale, surnommée non-P. On considère aujourd'hui qu'il n'est pas possible de déterminer clairement une séparation entre le Yahwiste et l'Elohiste.

Cette théorie considère que dans la majeure partie des cas, les auteurs sacerdotaux relisent, commentent et augmentent le texte non-P.

Aujourd'hui, bon nombre des études académiques sur la Bible et la religion en général sont menées dans les Facultés de Théologie, indifféremment par des croyants ou par des non-croyants (agnostiques ou athées).

[modifier] Thématiques

  • Dieu a créé le monde, appelant toutes choses et tous êtres à l'existence par Sa Parole. Le verbe est créateur. Il convient de souligner les qualités littéraires des premiers chapitres de la Genèse. La répétition pour chaque jour de la création du même cycle : "Dieu dit… Dieu vit que cela était bon." donne à ce texte une véritable dimension poétique.
  • L'univers lorsqu'il fut créé était, selon le jugement de Dieu, bon. Genèse exprime une satisfaction optimiste et un plaisir dans le monde.
  • Le Livre de la Genèse ne donne pas de définition philosophiquement rigoureuse de Dieu. La description qu'elle donne de Lui est au contraire située dans une perspective "pratique" et "historique", c'est-à-dire en référence à Ses actions dans le monde et l'humanité.
  • L'humanité est la "couronne" de la Création, et a été faite à "l'image de Dieu". Comme tous les récits créationnistes, la Genèse montre que l'homme se perçoit différent des autres êtres vivants. Les animaux, les plantes ont été créés par la parole. Mais l'homme est créé à partir de poussière et du souffle divin. La singularité de l'homme vient de ce souffle divin que Dieu a mis en lui. C'est ce souffle qui lui permet de penser, d'avoir une conscience morale.
  • Tous les peuples descendent d'Adam et Ève ; la race humaine est précisément une et une seule race.
  • La terre possède pour l'homme une certaine grandeur morale ; en la respectant, l'homme doit respecter les créatures qui y vivent, en ne les exploitant pas pour des besoins égoïstes.
  • Dieu est présenté comme étant le seul créateur de la nature, la transcendant tout en Se trouvant au sein d'elle.
    • Certains historiens pensent que ce monothéisme serait plus récent que le zoroastrianisme, interprétant le commandement "n'aie pas d'autres dieux par devant Moi" comme une trace de l'hénothéisme primitif de la société israélite. Néanmoins, Genèse décrit le monothéisme comme la foi originelle, le polythéisme n'étant qu'une erreur ultérieure de l'humanité.
  • Dieu réalise une alliance éternelle et irrévocable avec l'humanité dans son ensemble au temps de Noé, et une deuxième avec Abraham et ses descendants, par son fils Isaac, grâce à laquelle leurs descendants seront choisis pour avoir une destinée spéciale.
  • Le peuple israélite est élu pour être dans une alliance spéciale avec Dieu ; Dieu dit à Abraham "Je ferai de toi une grande nation, et Je te bénirai et rendrai ton nom grand ; et tu seras une source de bénédictions pour les peuples. Je bénirai ceux qui te bénissent et maudirai ceux qui te maudissent ; et par toi, toutes les familles de la Terre seront bénies". Dieu répète souvent la promesse que les descendants d'Abraham seront nombreux comme les étoiles dans le ciel et le sable sur le rivage.

Les thèmes de la Genèse étaient retrouvés dans tout le Moyen Orient, notamment en Mésopotamie, où l'on trouve des récits antérieurs à la rédaction de la Genèse et travaillant sur les mêmes thèmes (Création de l'Homme par le dieu Mardouk avec de l'argile ; création de la femme à partir d'une côte de l'homme - un jeu de mots sumérien, car « côte » et « vie » sont homonymes dans cette langue -- ils ne le sont cependant pas en hébreu, "côte" est à prendre au sens de "côté", homme et femme furent créés "côte à côte", c'est-à-dire indifférenciés, jusqu'à ce que Dieu les sépare); aventures du héros Gilgamesh avec la narration d'un déluge ; construction des tours babyloniennes…).

Toutefois, si une opinion veut que les auteurs de la Genèse aient repris ces thèmes en leur donnant un nouveau sens religieux, ils pourraient être une variante de thèmes communs, preuve qu'ils émergent d'un seul et même récit régional.

Récit fondamental pour les trois grands monothéismes avec la figure d'Abraham, il est souvent au cœur de controverses parmi lesquelles :

Sources : TOB Traduction œcuménique de la Bible

[modifier] Évocations dans l'art

  • fresque des Beni Hassan : caravane sémite entrant en Égypte et accueil par les fonctionnaires égyptiens[5]
  • fabrication de briques (tombeau à Thèbes) Gen 11.3 [6]

La Genèse est évoquée dans plusieurs cathédrales :

[modifier] Notes

  1. בראשית, ([Bərêšîth]). Il est d'usage dans le judaïsme d'intituler les parashiot et les livres selon leurs premiers mots significatifs.
  2. Davis A. Young, "The Contemporary Relevance of Augustine's View of Creation", in Perspectives on Science and Christian Faith, March 1988, vol.40.1,42-45, [1]
  3. Gerhard F. Hasel, "The 'days' of Creation in Genesis 1 : Literal "days" or figurative "periods/epochs" of time?", inOrigins, 1994, vol. 21(1), 5-38, [2]
  4. Réunion du groupe X-environnement à la Maison des Polytechniciens, 13 juin 2007
  5. p. 34 Histoire d'Israël et de Juda, François Castel, le Centurion DAB, 1983 (ISBN 2-227-35104-7)
  6. p. 42 Histoire d'Israël et de Juda, François Castel, le Centurion DAB, 1983 (ISBN 2-227-35104-7)

[modifier] Références bibliographiques

  • Origène, Homélies sur la Genèse. Introduction par Henri de Lubac, s.j. et Louis Doutreleau, s.j., Traduction et notes par Louis Doutreleau, s.j., éditions du Cerf, première édition en 1944, réédition en 2003. 448 pages.
  • Walter Brueggemann, Genesis: Interpretation: A Bible Commentary for Teaching and Preaching. Atlanta: John Knox Press, 1982. (commentaire chrétien autoritatif et accessible.)
  • Terrence E. Fretheim, "The Book of Genesis", in The New Interpreter's Bible. Volume 1. Nashville: Abingdon Press, 1994. (commentaire chrétien autoritatif.)
  • Isaac M. Kikawada & Arthur Quinn, Before Abraham was – The Unity of Genesis 1-11. Nashville, Tenn, 1985. (une réponse à l'hypothèse documentaire.)
  • Nehama Leibowitz, New Studies in Bereshit, Genesis. Jerusalem: Hemed Press, 1995. (un commentaire juif faisant un emploi extensif des sources traditionnelles.)
  • Cardinal Joseph Ratzinger, In the Beginning. Edinburgh, 1995. (un point de vue catholique sur le récit de la Création et la Chute.)
  • Jean-Marc Rouvière, Brèves méditations sur la création du monde. L'Harmattan Paris, 2006.
  • Nahum M. Sarna, Understanding Genesis. New York: Schocken Press, 1966. (une perspective juive, axée davantage sur une perspective historique que traditionnelle.)
  • Nahum M. Sarna, The JPS Torah Commentary: Genesis. Philadelphia: Jewish Publication Society, 1989. (commentaire juif autoritatif.)
  • E. A. Speiser, Genesis, The Anchor Bible. Volume 1. Garden City, New York: Doubleday & Company, 1964. (traduction avec notes savantes et philologiques d'un orientaliste réputé, pour le profane comme l'initié.)
  • Bruce Vawter, On Genesis: A New Reading. Garden City, New York: Doubleday & Co., 1977. (Une introduction à Genèse par un érudit catholique spécialisé dans le domaine.)
  • Avivah Gottlieb Zornberg, The Beginning of Desire: Reflections on Genesis. New York: Doubleday, 1995. (commentaire juif érudit basé sur les sources traditionnelles.)
  • Henri Blocher (1988), Révélation des origines Presses bibliques universitaires, Lausanne.
  • "Pour commenter la Genèse" Emmanuel, Payot 1971

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

s:Accueil

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[modifier] Liens externes

[modifier] Place de Genèse dans les traditions abrahamiques