Franc-comtois

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le franc-comtois est une langue romane appartenant à la famille des langues d'oïl qui se parle notamment dans le nord de la Franche-Comté (région de l'est de la France). On la désigne par « franc-comtois », « langue comtoise », « parler comtois d’oïl » et souvent par le terme de patois. On peut la désigner également par le terme jurassien ou franc-comtois-jurassien car elle est également parlée dans le canton du Jura en Suisse. Le franc-comtois-jurassien fait partie d'un groupe de langue qui comprend le picard, le wallon et le lorrain. Ces langues ont en effet un certain nombre de caractéristiques en commun, dont une influence germanique.

  franc-comtois
(frainc-comtou)
 
Parlé en France, Suisse
Région Franche-Comté, canton du Jura, Sundgau
Nombre de locuteurs ?
Classement au delà de 100
Typologie SVO
Classification par famille

 -  Langues indo-européennes
    -  Langues italiques
       -  Langues romanes
          -  Langues gallo-romanes
             -  Langues d'oïl
                -  Franc-comtois

(Dérivée de la classification SIL)
Statut officiel et codes de langue
Officielle
en
ISO 639-1
ISO 639-2
ISO/DIS
639-3
SIL
Voir aussi : langue, liste de langues, code couleur

Sommaire

[modifier] Domaine

L’aire de la langue s’étend en France sur les départements de la Haute-Saône, du Territoire de Belfort, du Doubs (nord), dans la partie nord du Jura, ainsi que dans le canton du Jura (Suisse) et une petite partie du département du Haut-Rhin (Alsace) de langue romane. L'actuelle partie francophone du canton de Berne constitue une zone de transition entre franc-comtois et francoprovençal. Son domaine est limité au sud par les zones des parlers francoprovençaux, à l’ouest par les parlers bourguignons et champenois et au nord par le lorrain.

[modifier] Syntaxe

Au niveau linguistique, la langue franc-comtois constitue la limite sud de l'antéposition de l'adjectif épithète, celui-ci se place avant le nom qu'il qualifie.

[modifier] Dialectes

La langue franc-comtoise est composé de plusieurs dialectes :

Source : Dalby, David (1999/2000). The Linguasphere Register of the World's Languages and Speech Communities. (Vol. 2). Hebron, Wales, UK: Linguasphere Press.

[modifier] Graphie

Il n 'existe actuellement pas de graphie standard unifiée pour la langue franc-comtoise, comparable à ce qu'il existe pour d'autres langues d'oïl tel que le normand, le gallo ou le wallon. Aucune norme n'a été créée pour retranscrire les différentes variations dialectales. On peut également dire qu'il n'existe pas non plus de norme précise fixée pour son écriture, notamment en ce qui concerne la notation des sons. On trouve souvent différentes graphies "personelles" utilisées par les locuteurs pour transcrire le franc-comtois à l'écrit.

Certains locuteurs, notamment au sein des associations publiant des recueils de textes et des feuilles périodiques, utilise une graphie qualifiée d' orthographe francisée qui consiste à rapprocher l'écriture du franc-comtois des normes orthographiques et des conventions du français. Celui-ci a été popularisé par Simon Vatré dans les années quarante. Il semble que cette méthode graphique avait déjà été adoptée à la fin du 19° siècle par A. Vautherin et par Ch. Contejean. On note cependant des variations visibles dans les graphies basées sur la méthode de l'orthographe francisé.

2 conventions ont été retenu pour noter les sons inexistant dans la langue française. Ainsi, on note :

  • çh pour noter un son comparable au ch du ich allemand (pour les dialectes du nord du domaine).
  • ïn pour noter un son nasalisé entre le i et le in.

Dans les textes historiques, on trouve la notation ë qui indique l'allongement de la voyelle précedente dans un mot.

[modifier] Exemples

Français Franc-Comtois
Je I
Tu Te
il,elle èl,èlle
nous nôs / nous
vous vôs / vous
ils,elles "èls" ou "ès" suivant le verbe suivant
Français Franc-comtois
avec daivô
oiseau (l') ôjé (l')
chien (le) tchïn (lou)
chapeau (le) tchaipé (lou)
beau

[modifier] Histoire

On possède des écrits du XVII° siècle en langue franc-comtoise, même si durant des siècles, la langue est demeuré principalement parlée. Aussi les ouvrages rédigés dans cette langue sont rares, même si les plus anciens remontent au XVIIe siècle (une bulle papale provenant du Vatican, et traduites en diverses langues, a été traduite en franc-comtois). Ainsi, contrairement à l'image bien souvent véhiculée, la langue fut également écrite. Malgré tout, même si la langue française s'imposa tôt chez les élites en Franche-Comté, elle fut pendant de nombreux siècles la véritable langue du peuple, étranger à la langue française.

Le chant du Rosemont datant de 1525 est une ballade chantée en franc-comtois, célèbre la mémoire de Généry (ou Jean Neury) et de Richard Prévôt (chef d'une troupe de paysans qui participa à la Guerre des Paysans ayant agité le monde germanique cette année. Un des plus anciens textes connus en franc-comtois date de 1668, et il est intitulé " Dialogue de Porte Noire et de Pilory sur la prise de Besançon par les Français ".

Les XVIIIe et XIXe sont marqués par un grand recul de la langue aussi bien en Franche-Comté que dans le Jura, allant jusque à sa quasi-disparition au début du XXIe siècle. Ceci est notamment due aux politiques menées au sein des écoles visant à imposer le français contre les autres langues parlées en France. Il faut noter que la langue a bien souvent subi une influence du français au niveau lexical dans les textes écrits.

A la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, la langue n'est plus présente dans la vie publique et se maintient par des petits groupes de locuteurs dont la langue est parfois maternelle souvent présents au sein d'associations.

[modifier] Étude de la langue

La langue a été étudié par la linguiste Colette Dondaine qui a réalisé une étude de son domaine et écrit plusieurs ouvrages sur le sujet.

  • Atlas linguistique et ethnographique de Franche-Comté (4 volumes)
  • Les parlers comtois d'oil
  • Noël au patois de Besançon

En 2007, Jean-Marie Moine, responsable de la Société Jurassienne d'Emulation a fait paraitre un dictionnaire "français-patois" (jurassien) de 1700 pages.

[modifier] Musique et littérature

Jean-Louis Bisot (ou Bizot) né à Besançon en 1702 et ancien conseiller au baillage de la ville a écrit quelques poèmes en franc-comtois dont Arrivée dans l'autre monde d'une dame en paniers (Besançon, 1735) et La jacquemardade (Dole, 1753) poème épi-comique.

Alexandre Verdel, un chansonnier, a cultivé la langue en écrivant des textes en franc-comtois.

" L'Ulysse et la Climène " de Madeleine et Georges Becker sont des histoires ("riôles") contenues dans un fascicule de 59 pages, tiré par l'imprimerie Metthez de Montbéliard en 1949. Cela raconte les histoires d'un vieux couple de Lougres. Plusieurs de ces histoires ont été rééditées et traduites dans les mémoires de la société d'émulation de Montbéliard, en 1995,1996 et 1997.

Jules Surdez, instituteur originaire du Clos-du-Doubs, a récolté durant sa vie des centaines de contes oraux jurassiens en langue franc-comtoise (dans le dialecte jurassien ) qu’il a ensuite transcrits à l'écrit.

Les Noëls, pièces de théatre ayant pour cadre la nativité, constituent une partie de la littérature historique (à partir du XVIIe siècle). Il faut noter que ces textes doivent être considéré avec précaution étant donné que la graphie et le lexique utilisés sont la plupart trés influencés par le français.

[modifier] La langue dans le canton du Jura

La langue connaît une activité relativement importante dans le canton du Jura par l'existence de plusieurs associations la protégeant et faisant vivre le patois jurassien. L'article 42.2 de la constitution de la République et Canton du Jura fait réference à la langue sous le terme de patois :

  • (Article 42.2) : " Ils (l'Etat et les communes) veillent et contribuent à la conservation, à l’enrichissement et à la mise en valeur du patrimoine jurassien, notamment du patois. "

Le 26 avril 1997, Jean-Marie Moine proposait d’envisager la création d'un Cercle d'étude du patois au sein de la Société jurassienne d’Emulation (SJE). Il faudra néanmoins attendre le 28 avril 2001 pour que ce Cercle voit le jour. Nommé Voiyïn (regain, en français), il se réunit régulièrement quatre fois par an. Ses activités consistent notamment à : enregistrer des patoisants ; établir un catalogue de tout ce qui a été écrit ou qui a paru en patois (articles, livres, disques, cassettes, vidéocassettes, etc.) ; présenter des travaux de recherches sur la langue patoise, et prendre connaissance des textes patois nouveaux écrits aujourd'hui par les membres du Cercle ; rassembler tous les documents et les mettre à la disposition du public. Le responsable du Cercle, dès sa création, est Jean-Marie Moine.

Fondateur, en 1956, du "Réton di Ciôs-di-Doubs" (l'Echo du Clos-du-Doubs), une amicale de patoisants, Badet Joseph (1915-2007) (plus connu sous le nom de "Djôsèt Barotchèt") s'engage pour la défense et la sauvegarde du patois. Il est notamment l'auteur de dix-neuf pièces de théâtre ainsi que de nombreux poèmes et chansons mises en musique par Paul Montavon et Ernest Beuchat. Il donne aussi des cours de patois, participe à des émissions radiophoniques et écrit de nombreux articles dans les journaux. En 1983, il reçoit le Prix littéraire jurassien.

[modifier] Publications

Les différentes associations de "patoisants" de langue franc-comtoise-jurassienne éditent des publications périodiques.

  • "Voiyïn" pour la Société Jurassienne d'Emulation (S.J.E)
  • "Lou patois de tchie nos" pour l'Union des patoisants de langue romane de Belfort
  • "Le Nové S'raye" pour l'A.P.E, association des patoisants romans du Sundgau (Alsace - Haut-Rhin)

" L'Union des patoisants de langue romane " de la région de Belfort édite également des publications pédagogiques pour l'apprentissage de la langue :

  • Lexique usuel "français - patois"
  • Lexique usuel "patois - français" (paru en Avril 2008)
  • Livret de conjugaison et de mots-clés

[modifier] Toponymie

[modifier] Citations

  • Extrait de "Sébastien Commissaire, ouvrier canut et martyr républicain"  :

"Mon père, je l'ai dit déjà, aimait beaucoup son pays natal, la Franche-Comté. Il avait conservé l'habitude de parler avec ses enfants le patois des environs de Besançon. Jamais il ne nous parlait français, et mes frères et moi nous lui parlions toujours patois; nous ne parlions français qu'à notre mère qui ne parlait pas le patois de Besançon."

  • Tiré de "600 anecdotes méconnues sur 30 communes du Doubs" :

"Parler (du) patois, ce n'est pas sortir du sujet. Il s'en est allé entre les deux guerres, petit à petit, sans qu'on s'en rendre compte. Et pourquoi ? Nos parents, entre eux, parlaient patois, mais ils ont cessé de le parler à leurs enfants. Ils pensaient que ça pouvait les géner pour apprendre le français à l'école. Et de plus l'instituteur sanctionnait un élève qui sortait un mot de patois . C'est alors que le français a tué le patois. La cohabitation était devenu impossible. Le français fut un antagoniste méchant pour le patois, qui ne demandait qu'à survivre."

  • Témoignage d'une locutrice dans Lou patois de tchie nos : bulletin de l'Union des Patoisants en Langue Romane

"L'intérête qu'elle a porté à l'étude du patois nous a conforté dans notre attachement, notre fidélité à ce qui fut le langage de nos lointains aïeux. Langage injustement méprisé comme étant l'expression des classes inférieurs de la société d'antan."

[modifier] Littérature du canton du Jura

  • Gilbert Lovis " - Contes fantastiques du Jura recueillis par Jules Surdez (Edité par la Société suisse des traditions populaires à Bâle en 1987).
  • Gilbert Lovis - Vieux contes du Jura recueillis à Ocourt par Jules Surdez. (Livre jurassien-français accompagné d'un CD. Edité par l'ASPRUJ / Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Rural Jurassien en 1991).
  • Djoset Barotchet alias Joseph Badet - Musattes. (Petit recueil de textes et historiettes. Edité par la Société jurassienne d'émulation, Porrentruy)
  • Djoset Barotchet alias Joseph Badet - En lai Croujie (Pièce) (Extrait des "Actes" de la Société jurassienne d'émulation, Porrentruy, 1974.)
  • Jean Christe dit Le Vadais - Le Rveniaint (Pièce en trois parties, en patois de la Vallée de Delémont. Extrait des "Actes" de la Société jurassienne d'émulation, Porrentruy, 1978.)
  • Jean Christe dit Le Vadais - A cârre di füe / Au coin du feu , A dvaint-l'heus / Au devant-huis, Dos le gros nouchie / Sous le gros noyer. (Recueils d'histoires édités par Pro Jura à Moutier respectivement en 1975, 1976 et 1984.)
  • Gaston Brahier - Vétçhans l'Houre qu'ât li / Vivons le moment présent. (Souvenirs de l'auteur et histoires du pays ajoulot. Edités en 1996 et 1998 par Pro Jura à Moutier.)
  • Madeline et Etienne Froidevaux-Queloz - R'émeûdre di patois / Ecoutez voir ... (Edité par Florilège à Porrentruy en 1995.)


[modifier] Bibliographie

  • Colette et Lucien Dondaine - "Atlas linguistique et ethnographique de la Franche-Comté", Paris, Ed. du CNRS, 1973-1991, 4 volumes
  • Colette Dondaine- "Les parlers comtois d'oïl", Paris, Klincksieck, 1972
  • Colette Dondaine- "Trésor étymologique des mots de la Franche-Comté", Strasbourg, édition de la société de Linguistique Romane, 2002
  • Colette Dondaine- "Noël au patois de Besançon", édition Jacques et Demontrond, 1997, réédition de crèches du XVIIIe siècle

Jean-Marie Marconot, chercheur au CNRS, a réalisé plusieurs études de sociolinguistique sur le franc-comtois :

  • Jean-Marie Marconot - "Diglossie franc-comtoise" dans "Lengas", revue de sociolinguistique n°14 (1983) & n°20 (1986)
  • Jean-Marie Marconot - "Témoignage sur la diglossie franc-comtoise", extrait de "Actes des Universités d'été" - Nîmes - Association pour la culture occitane (1987)
  • Jean-Marie Marconot - "Comment appeler une langue ?", Bulletin de l'Union des patoisants en langue romane de la Trouée de Belfort et région limitrophe n°6 (1989)
  • Jean-Marie Marconot - "Ecriture de l'idiome natal comtois d'oil- Le pays de Belfort" dans "Lengas", revue de sociolinguistique n°28 (1990)
  • Jean-Marie Marconot - "La question de la langue régionale", Bulletin de la Société belfortaine d'émulation n°83 (1992), p 83-92
  • Jean-Marie Marconot - " L'union des patoisants en langue romane de la Trouée de Belfort et région limitrophe : étude d'une association patoisante", extrait de "Source picarde" (1992)
  • Jean-Marie Marconot - "Anthropologie de la langue locale : le cas du comtois", extrait de "Evaluer la vitalité : variétés d'oil et autres langues", actes du colloque international, Amien, Université de Picardie, 29-30 novembre (1996)
  • "Langues régionales et français régional en Franche-Comté nord et Jura suisse", Actes du Colloque de Belfort, numéro spécial du Bulletin de la Société belfortaine d'émulation, 88-1997, 160 pp

[modifier] Lexiques et glossaires

  • Paul Alex - Le patois de Naisey, canton de Roulans, arrondissement de Besançon, Phonétique, morphologie, syntaxe, lexique, suivis d'une étude des lieux-dits de la commune et de fables de La Fontaine en patois de Naisey.

L' Institut Pédagogique Jurassien a édité un coffret contenant :

  • un fascicule " Langue et Culture"
  • un fascicule 14 chants en dialecte jurassien
  • une cassette AV : saynètes et travaux
  • 5 CD en patois : 1: chansons , 2: dialogues, proverbes, 2: sketchs et travaux coutumiers

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes