Escadron de la mort

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Un escadron de la mort est le nom couramment donné à un groupe armé qui organise, généralement en secret, des exécution sommaires ou des enlèvements d'activistes, de dissidents, des supposés opposants politiques ou économiques (par exemple les sans-abris) ou toute personne perçue comme interférant avec un ordre social ou politique établi. Les escadrons de la mort sont souvent associés, d'une manière ou d'une autre, aux méthodes de répression orchestrées par les dictatures ou les régimes totalitaires. Ils mettent en œuvre une politique de terrorisme d'État décidée ou avec l'accord tacite des plus hauts échelons du pouvoir. Les escadrons de la mort peuvent être une police secrète, un groupe paramilitaire ou une unité spéciale d'un gouvernement où ont été détachés des membres de la police ou de l'armée.

On distingue en général, les escadrons de la mort des terroristes dans le fait que leur violence est utilisée pour maintenir un statu quo plutôt que pour rompre avec l'ordre social existant.

Sommaire

[modifier] Historiquement

Bien que le terme d'« escadron de la mort » ne fut popularisé qu'avec l'émergence de ces groupes en Amérique centrale et du Sud pendant les années 1970 et 80, l'existence de ces escadrons est attestée en bien d'autres lieux et époques : ainsi, après la guerre de Sécession américaine, certains groupes affiliés au Ku Klux Klan eurent des activités apparentées à celles d'escadrons de la mort envers les noirs des États du Sud. Après la chute du Kaiser allemand, des escadrons d'anciens combattants, les Freikorps, furent également utilisés dans les années 1920 pour mater les révoltes communistes.

C'est cependant au cours des années 1930 que l'utilisation des escadrons de la mort au service de la répression prend vraiment de l'ampleur. Le gouvernement soviétique de Joseph Staline met en place des unités spéciales du NKVD pour traquer et éliminer les opposants politiques durant les Grandes purges. Nombreux seront les simples passants raflés et exécutés pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment.

Adolf Hitler fait à la même époque un usage tout aussi massif des escadrons de la mort, commençant lors de la Nuit des Longs Couteaux et culminant lors de l'invasion de l'Union soviétique en 1941. Suivant la progression de la Wehrmacht, quatre unités spécialisées, les Einsatzgruppen A à D s'occupaient d'éliminer juifs, communistes, partisans et autres « indésirables » dans les zones occupées de l'Est. Entre 1941 et 1944, le nombre de victimes de ces Einsatzgruppen a été estimé à près de 1,2 millions de personnes.

Toujours pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Armée impériale japonaise utilise également des escadrons de la mort pour terroriser et soumettre les populations des territoires nouvellement conquis.

[modifier] La guerre d'Algérie

Le terme lui-même d'« escadrons de la mort » est utilisé pour la première fois pendant la guerre d'Algérie. Dans un entretien avec Marie-Monique Robin, le général Aussaresses a en effet indiqué que son unité est ainsi dénommée, ajoutant qu'elle avait arrêté, sous ses ordres, 24 000 personnes pendant les six mois de la « bataille d'Alger », dont 3 000 ont disparus [1]. Le principe de l'unité d'Aussaresses, bénéficiant d'une large autonomie sur le terrain vis-à-vis de la hiérarchie, est étendu à toute l'Algérie avec l'instauration des DOP, dont le seul nom suffit à terroriser l'habitant [2].

[modifier] Amérique du Sud

Les escadrons de la mort étaient courants en Amérique du Sud pendant les années 1980. Ils étaient notamment chargés de la mise en œuvre du plan Condor. Celui-ci se fondait au moins en partie sur le résultat du développement de la thèse de la guerre révolutionnaire par l'armée française après les guerres d'Indochine et d'Algérie. Elle avait en effet pu expérimenter de nouvelles formes de guerre subversive : torture, quadrillage du pays, etc. Les services de renseignement étaient ainsi placés au cœur de la lutte contre un ennemi implanté et soutenu par la population du pays. Pendant et après la guerre d'Algérie, des généraux français seront donc envoyés en Amérique du Sud (basés à Buenos Aires, ils y resteront jusqu'à la chute de la junte du Général Videla) ainsi qu'à l'École militaire des Amériques pour y enseigner leurs méthodes contre-insurectionnelles.

Un documentaire Les escadrons de la mort, l'école française, de Marie-Monique Robin, décrit précisément les enseignements français auprès des armées sud-américaines (dont celle du général Pinochet) dans la région.

[modifier] Côte d'Ivoire

En 2002 l'opposant Balla Keita, est retrouvé assassiné à Ouagadougou. Suivront l'ancien dirigeant Robert Guéï ou le comédien Camara H.. Le 7 février 2003, le quotidien français Le Monde évoque l'existence d'escadrons de la mort, et cite les noms d'hommes comme Yapo Seka Seka Anselme ou Patrice Bailly, réputés proche du pouvoir présidentiel.

En 2003, lors du 22e sommet France-Afrique le président Jacques Chirac déclare que les escadrons de la mort « sont une réalité ». Le 28 janvier 2005, Philippe Bolopion, correspondant de RFI aux Nations unies, fait part d'un rapport secret rédigé par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme : celui-ci impliquerait les plus hautes personnalités de l'État ivoirien dans la direction des escadrons de la mort. Les noms de Simone Gbagbo, l’épouse du président, et Kadet Bertin, ex-ministre de la Défense et neveu du président, y seraient notamment mentionnés.

L’ONU a publié début février un premier rapport sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, à la suite d’une mission d’enquête sur le terrain, conduite du 23 au 29 janvier par le Haut commissaire adjoint des Nations unies aux droits de l’Homme, Bertrand Ramcharan. Ce rapport indique clairement les escadrons de la mort qui opèrent en Côte d’Ivoire sont proches du pouvoir en place à Abidjan : “les escadrons de la mort en Côte d’Ivoire seraient constitués d’éléments proches du gouvernement, de la garde présidentielle et d’une milice tribale de l’ethnie bété, proche du président Laurent Gbagbo”, est-il écrit. L’ONU n’a toutefois cité aucun noms de présumés responsables ou acteurs de ces escadrons de la mort. Le Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, Sergio Vieira de Mello, a par la suite affirmé après un entretien avec le président français Jacques Chirac à Paris que les responsables d’exactions en Côte d’Ivoire pourraient être traduits devant la Cour pénale internationale (CPI). Interrogé sur l’absence de noms dans le rapport onusien, il a estimé que “cela n’est pas difficile à faire si une enquête internationale devait être menée par les Nations Unies à la demande du Conseil de sécurité. Je pense que ces responsables pourraient être facilement identifiés”. Etablie par le traité de Rome du 17 juillet 1998 signé par 138 pays, la CPI, dont le siège est à La Haye, est entrée en fonction le 1er juillet et devrait être opérationnelle à la fin de l’année. Les exactions commises par toutes les parties “sont passibles de la Cour pénale internationale”, a ajouté M. de Mello à l’issue de son entretien avec Jacques Chirac. “Même si la Côte d’Ivoire n’en fait pas partie, le Conseil de sécurité peut saisir la Cour pénale sur ce qui se passe en ce moment en Côte d’Ivoire”, a-t-il encore estimé. Pour sa part, le président français Jacques Chirac a salué “le travail solide” effectué par le Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Une clause annexe aux accords de paix de Marcoussis censés mettre un terme à la crise en Côte d’Ivoire, condamne les “actions des escadrons de la mort et leurs commanditaires”, estimant que “les auteurs et complices devront être traduits devant la justice pénale internationale.”

Assassinat du comédien et opposant Camara H. à Abidjan

Camara H., comédien et militant du Rassemblement des Républicains (RDR) d’Alassane Ouattara, a été retrouvé mort le matin du dimanche 2 février à Abidjan après avoir été “arrêté” la veille par des “hommes en uniforme”. Accusant les “escadrons de la mort” d’être à l’origine de cet assassinat, des jeunes manifestants avaient aussitôt érigé des barricades et incendié plusieurs bus en signe de protestation. Un homme a été tué par balles au cours de l’intervention des forces de l’ordre dans le quartier de Williamsville, à Adjamé.


Rappel : le 18 octobre, deux personnes ont été tuées par des hommes en uniforme à Abidjan lors de l’enterrement d’un membre de la famille d’un haut responsable du RDR. Le 8 novembre, c’est le Dr Benoît Dacoury-Tabley qui est retrouvé mort, criblé de onze balles. Il avait été enlevé par trois hommes se présentant comme des membres des forces de l’ordre dans la clinique où il exerçait. Son frère aîné, Louis-André Dacoury-Tabley, ancien compagnon de route du président Laurent Gbagbo, venait d’annoncer la veille son ralliement à la rébellion du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI). Fin novembre, le corps d’Emile Téhé, président d’un petit parti d’opposition, avait également été retrouvé criblé de balles dans une forêt à Abidjan après son arrestation par des gendarmes. Mi-décembre, deux responsables d’un mouvement de jeunesse fondé par le défunt général Robert Gueï, l’Union pour la paix et la démocratie en Côte d’Ivoire (UDPCI), avaient été retrouvés tués de plusieurs balles près d’une semaine après leur enlèvement à Abidjan par des hommes armés en civil. De nombreux cas de disparitions, d’enlèvements et d’assassinats, souvent politiques, sont attribués depuis plusieurs mois à ces “escadrons de la mort”, dont les membres et les commanditaires restent mystérieux.

Pour la presse ivoirienne pro-gouvernementale, ces accusations seraient téléguidées par la diplomatie française et relèveraient de la manipulation [citation nécessaire].

[modifier] Références

  1. Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l'école française [détail des éditions] (2008, pp.106-107; entretien de l'auteur avec Aussaresses de 2003)
  2. Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l'école française [détail des éditions]

[modifier] Bibliographie