Enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques

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L'enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques — en anglais : Registration, evaluation and authorisation of chemicals (REACh) — est un règlement du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne, adopté le 18 décembre 2006 (n° 1907/2006), qui modernise la législation européenne en matière de substances chimiques, et met en place un système intégré unique d'enregistrement, d'évaluation et d'autorisation des substances chimiques dans l'Union européenne.

Son objectif est d'améliorer la protection de la santé humaine et de l'environnement, tout en maintenant la compétitivité et en renforçant l'esprit d'innovation de l'industrie chimique européenne.

Sommaire

[modifier] Historique

La politique de l'Union européenne concernant les substances chimique repose sur quatre directives principales :

  • la directive 67/548/CEE[1] du 27 juin 1967,
  • la directive 76/769/CEE[2]du 27 juillet 1976,
  • la directive 88/379/CEE[3] du 7 juin 1988,
  • le règlement (CEE) n° 793/93[4] du 23 mars 1993.

En 1981 une distinction est faite entre substances chimiques existantes et substances chimiques nouvelles.
Les importateurs et les fabricants sont tenus de notifier les nouvelles substances. Celle-ci doivent obéir à la directive 67/548/CE, qui, depuis un amendement de 1993, exige en plus tests et évaluation des risques pour la santé humaine et l'environnement, lorsque la commercialisation prévoit des quantités supérieures ou égales à 10 kg/an. En dessous de ce seuil, une réglementation spéciale est prévue. Notification et évaluation ne signifient pas pour autant que les nouvelles substances ne sont pas dangereuses[5].

Durant les années 90 un programme sur les produits existants a été introduit.[6]En 1993 le règlement (CEE) n° 793/93 prévoit l'évaluation des 100 000 substances existantes, chaque état membre se répartissant les substances prioritaires : soit 141 entre 1994 et 2004[7].
Le nombre de substances existantes déclaré en 1981 était de 100 106. En décembre 2005 il était de 100 204 : il s'agit d'une liste close[8]. En 2001, 2 700 substances nouvelles sont répertoriées, 4000 environ en 2005.

En 1998 le Conseil des ministres de l'environnement de l'Union européenne s'engage à évaluer le fonctionnement des instruments juridiques de contrôle des substances chimiques dans la Communauté, ce qui aboutit en février 1999 à une vaste réunion à laquelle participent scientifiques, responsables de réglementation, industriels, ONG de protection de la nature et de défense des consommateurs[5].

En février 2001 est publié le Livre Blanc de la Commission européenne : « Stratégie pour la future politique dans le domaine des substances chimiques »[9]. Ce livre a conclu à la nécessité d'une réforme de la législation afin d' « assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement », tout en permettant de « garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et de veiller à la compétitivité de l'industrie chimique » de l'Union européenne. Il envisage la création d'un nouveau système de contrôle des substances chimiques dont l'objectif principal est «  de garantir une information adéquate et accessible à tous, ainsi qu'une gestion appropriée des risques présentés par les substances existantes et par les substances nouvelles ». Ce système, dénommé REACH, fonctionne sur la base d'une instance d'enregistrement, une autre d'évaluation et une dernière d'autorisation des substances. Un des principaux problèmes révélé par l'étude était que les substances existantes n'étaient pas soumises aux mêmes exigences d'essai que les nouvelles, conduisant à une méconnaissance générale des propriétés et des utilisations de ces premières. De plus ce sont les autorités qui étaient chargées de l'évaluation au lieu des entreprises qui produisaient, importaient ou utilisaient les substances. La législation requérait uniquement des informations de la part des fabricants et des importateurs de substances, et pas des utilisateurs situés en aval (utilisateurs industriels et formulateurs). Enfin cette méconnaissance était aussi considérée comme un frein à la recherche et à l'innovation industrielle, dans la mesure où les industriels prefèrent utiliser les substances "existantes" car moins chères[5].

Une proposition de législation paraît le 29 octobre 2003[10], instituant une agence européenne des produits chimiques et modifiant la Directive 1999/45/CE[11] et le règlement (CE) sur les polluants organiques persistants. La Commission Européenne adopte le projet de règlement REACH.


La proposition de règlement a été votée le 17 novembre 2005 par le parlement européen et a été adoptée en deuxième lecture le 13 décembre 2006. Le réglement entre en application progressivement à partir de 2007. En France, il s'applique à partir du 1er juin 2007.

Après d'intenses négociations entre la Commission, le Parlement, les États membres de l'Union européenne et les parties intéressées, les derniers points faisant débat concernaient une éventuelle simplification de la déclaration des substances de faible volume, et les modalités d'autorisation des substances préoccupantes (cancérigènes, mutagènes, repro-toxiques, etc.).

[modifier] Principales dispositions

  • Le nouveau règlement vise à la suppression progressive dans l'Union européenne des substances chimiques les plus dangereuses. Pour ce faire, la charge de la preuve de l'innocuité des produits chimiques couramment utilisés est inversée : il appartiendra à l'industriel de démontrer que la substance utilisée est sans danger pour l'homme et la nature. Elle devrait obliger les producteurs et importateurs à faire des études sur les risques sur la santé humaine et sur l'environnement des molécules chimiques avant leur mise sur le marché ou leur utilisation.
Article Premier :

"Il incombe aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, mettre sur le marché ou utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine et l’environnement.
Ses dispositions reposent sur le principe de précaution."

  • REACH a prévu une règlementation de toutes les substances chimiques, produites ou importées, existantes ou nouvelles, à partir d'un volume annuel supérieur à une tonne, soit 30 000 substances (parmi les plus de 100 000 utilisées en Europe).
  • L'Union européenne prévoit la création d'une Agence européenne des produits chimiques. Celle-ci enregistrera les molécules, les fera évaluer et les enregistrera dans une base de données accessible aux entreprises, aux particuliers et aux ONG.
  • Certaines substances sont soumises à une autorisation spécifique :
-celles classées CMR 1 ou 2 (cancérigène, mutagène, repro-toxique)
-celles les plus nocives pour l'environnement, c'est-à-dire :
°Persistant, Bioaccumulable, Toxique pour l'environnement ("PBT")
°ou very Persistant, very Bioaccumulable ("vPvB")
-et celles que l'Agence estime présenter un risque très élevé (l'Agence se réserve le droit de définir elle-même quelles substances doivent être soumise à autorisation).
Ces substances soumises à autorisation sont considérées préoccupantes et doivent être régularisées dans un délai de 3 ans 1/2 à compter du 1er juin 2007 (la liste de ces substances sera mise en annexe XIV du règlement d'ici un an).

[modifier] Exemptions

  • REACH n’est pas applicable :
    • aux substances radioactives (directive 96/29 Euratom)
    • aux substances soumises à un contrôle douanier, en dépôt temporaire, en zone franche ou en entrepôt franc en vue de leur réexportation, ou en transit
    • au transport de substances dangereuses telles quelles ou contenues dans des préparations dangereuses (tous modes)
  • Exemptions spécifiques aux différents processus (enregistrement, évaluation, autorisation et restrictions)
  • Les déchets (dir. 75/442 et modifications) ne sont pas considérés comme des substances, des préparations ou des articles au sens de l’art 3 (définitions) REACh
  • Exemptions possibles par les Etats Membres si nécessaires aux intérêts de la défense

[modifier] Les différents statuts

Le règlement définit 3 statuts différents vis à vis des obligations envers l'Agence européenne des produits chimiques.

[modifier] L'importateur

"Toute personne physique ou morale établie dans la Communauté Européenne qui est responsable de l'importation (introduction physique sur le territoire douanier de la Communauté)."

[modifier] L'utilisateur aval

"Toute personne physique ou morale établie dans la Communauté, autre que le fabricant ou l'importateur, qui utilise une substance, telle quelle ou contenue dans une préparation, dans l'exercice de ses activités industrielles ou professionnelles.

Un distributeur ou un consommateur n'est pas un utilisateur en aval"

[modifier] Le fabricant

"Toute personne physique ou morale établie dans la Communauté qui fabrique (produit ou extrait des substances à l’état naturel) une substance dans la Communauté."

[modifier] Mise en œuvre

[modifier] Les échéances

Le règlement prévoit des échéances en fonctionnant de bandes de tonnage définies. Plus la production est importante, plus les exigences règlementaires le sont aussi.

Production >1000 t/a
CMR 1 ou 2 >100t/a
R50/53 >1t/a
100<Production<1000 t/a 1<Production<100t/a
juin 2007 date d'entrée en vigueur de REACh
juin à décembre 2008 pré-enregistrement
décembre 2010 enregistrement - -
juin 2013 - enregistrement -
juin 2018 - - enregistrement

t/a = tonne par an

À partir de janvier 2009 se tiendront des Forums d’Échange d’Information sur les Substances. Ces forums ont pour rôle de réunir tous les fabricants et importateurs (obligatoire) ainsi que les utilisateurs aval (facultatif) concernés par une même et unique substance. Ils pourront ainsi échanger les informations qu'ils ont déjà en leur possession et devront choisir une entreprise responsable de faire les tests nécessaires pour compléter les dossiers.

[modifier] Le dossier d'enregistrement

Il est composé de 3 parties.

[modifier] Le dossier technique

Il doit comporter les informations suivantes :

  • Identité du fabricant/importateur => déclarant
  • Identité de la Substance
  • Information sur la fabrication, les utilisations identifiées (y.c les usages déconseillés) ; en option : les catégories d’utilisation et d’exposition
  • Classification/étiquetage
  • Conseils d'utilisation
  • Résumés d’étude (Annexes VII-X)
  • Résumés d’études consistants (Annexes VII-X si l’annexe I le prescrit)
  • Certaines informations examinées par un évaluateur choisi par le F/I (expérience appropriée)
  • Proposition(s) d'essais si ceux-ci sont énumérés dans les annexes IX-X (S > 100 t/an)
  • Pour les S < 10 t/an : informations concernant l’exposition (annexe VI section 6)
  • Demande de protection de certaines données (art 118) vis-à-vis de à la publication sur Internet (+ justification)

[modifier] Le Rapport sur la Sécurité Chimique

Il concerne les substances produites à plus de 10 tonnes par an. C'est une évaluation de la Sécurité Chimique qui jauge :

  • Les dangers pour la santé humaine
  • Les dangers physico-chimiques vis-à-vis de la santé humaine
  • Les dangers pour l'environnement
  • L'évaluation PBT et vPvB

et pour les substances répondant aux critères de classification CMR catégorie 1&2 et PBT/vPvB, elle est composée également de :

  • Évaluation de l'exposition (Scénario d’Exposition)
  • Caractérisation du risque pour l'ensemble des usages identifiés

[modifier] Points faibles du réglement

  • REACh se trouve cependant accusé de provoquer une augmentation significative du nombre de tests sur les animaux. Actuellement, on peut considérer qu'en l'absence de vérifications, c'est la totalité de la population européenne et l'environnement, et ce, depuis plusieurs décennies, qui « expérimente » toutes les substances : y compris les plus risquées.
  • Par ailleurs, en juin 2006, des États comme les États-Unis, l'Inde ou le Brésil ont estimé que ce texte pourrait constituer une entrave au commerce international : les multinationales de la chimie, rompues au lobbying auprès de ces États ont largement promu cet argument.
  • L'ultime controverse a porté sur l'autorisation des substances pour lesquelles les dangers sont avérés : cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. Les écologistes en demandaient l'interdiction immédiate. Les industriels ont obtenu le droit de continuer à les utiliser s'ils démontrent qu'ils ne savent pas les remplacer et qu'ils étudient la conception de substituts.

[modifier] Notes

  1. Directive du Conseil n° 67/548/CEE du 27 juin 1967 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses
  2. Directive 76/769/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses
  3. Directive 88/379/CEE du Conseil du 7 juin 1988 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la classification, à l'emballage et à l'étiquetage des préparations dangereuses
  4. Règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil du 23 mars 1993 concernant l'évaluation et le contrôle des risques présentés par les substances existantes
  5. abc Revue Prescrire n°270, Mars 2006
  6. Proposition de règlement européen des produits chimiques: REACH, enjeux et perspectives, C. Weill, Analyses, n° 06, 2005, Institut du développement durable et des relations internationale.[1]
  7. ECB ESIS
  8. Einecs : European Inventory of Existing Commercial Chemical Substances
  9. [pdf] Livre blanc - Stratégie pour la future politique dans le domaine des substances chimiques
  10. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques et modifiant la directive 1999/45/CE et le règlement (CE) {sur les polluants organiques persistants}
  11. Directive 1999/45/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 1999

[modifier] Liens externes

Liens indiquant "le pour et le contre" (organismes impliqués, mais non-militants) :


En juin 2008, Entreprise Europe - CRCI de Basse Normandie a publié un guide « REACH, enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques : 30 réponses pour être conforme à la réglementation ».