Elias Canetti

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Elias Canetti (1905-1994) est un écrivain d'expression allemande à la double nationalité turque et britannique, prix Nobel de littérature en 1981. Il est représentatif d'une certaine idée de la culture européenne, ou plutôt de la richesse et diversité des cultures européennes, en raison de son singulier parcours de vie et de ses analyses du XXe siècle.

Son œuvre est composée de pièces de théâtre, d'un unique roman, d'essais, de recueil d'aphorismes et d'une autobiographie en quatre volumes.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Enfance et adolescence ici et là en Europe

Elias Jacques Canetti est né le 25 juillet 1905 dans la ville de Roustchouk (actuellement Roussé) sur la rive sud du Danube en Bulgarie à la frontière avec la Roumanie. Ses parents, Jacques Elias (Elieser) Canetti et Mathilde née Arditti, sont issus tous deux de familles fortunées de commerçants juifs séfarades.

De nombreuses nationalités, ethnies et langues se croisaient dans cette région. Canetti lui-même, dans le premier tome de son autobiographie, le commente : « (...) et l'on pouvait entendre parler sept ou huit langues dans la journée. Hormis les Bulgares (...), il y avait beaucoup de Turcs (...) et, juste à côté, le quartier des sépharades espagnols, le nôtre. On rencontrait des Grecs, des Albanais, des Arméniens, des Tziganes. Les Roumains venaient de l'autre côté du Danube (...). Il y avait aussi des Russes, peu nombreux il est vrai. » À la lumière de son œuvre, on comprend que cette multitude de cultures est symbolique d’un état d’esprit européen avant la lettre chez Canetti et a en fait présagé de son futur cursus culturel à travers l’Europe. La première langue qu’il parla en famille fut l’espagnol des séfarades, le ladino.

Après que la Bulgarie a obtenu son indépendance totale vis-à-vis de l’Empire ottoman en 1908, Canetti conserva la nationalité turque. Deux frères naîtront en 1909 et 1911, respectivement Nissim et Georg.

En 1911, la famille déménage en Grande-Bretagne à Manchester pour que son père puisse rejoindre l’affaire florissante de deux de ses beaux-frères, l’un venant de décéder. Puis en 1912, c’est la subite mort du père de Canetti à l’âge de 31 ans. Suite à ce grave changement dans leur vie, les Canetti déménagent à Vienne en Autriche, en s’arrêtant sur leur passage quelques mois à Lausanne en Suisse : c’est là que la mère de Canetti lui prodiguera ses premières leçons de la langue allemande, utilisée auparavant par Jacques et Mathilde entre eux.

En 1916, les Canetti quittent l’Autriche et s’établissent à Zurich en Suisse: Elias Canetti va passer la plus marquante partie de son adolescence dans cette ville avec laquelle il tissera des liens singuliers et à long terme. Rapidement et pour des raisons de santé, Mathilde retourne à Vienne et son fils aîné reste seul à Zurich, confié à un pensionnat de jeunes filles (où il est l’unique garçon), afin de pouvoir mener à terme son Gymnasium (lycée). Il passera en 1924 son Abitur (baccalauréat) à l’issue de trois années scolaires à Francfort en Allemagne. À cette époque, c’est déjà le monde de l’art et de la littérature qui le séduit, mais sa famille le presse à concrétiser des études sérieuses.

[modifier] Premiers pas dans le monde de la culture

De 1924 à 1929, il vivra et étudiera la chimie à Vienne, où il obtiendra son doctorat.

Pendant cette période, il entreprendra de nombreux voyages, notamment à Paris, en Bulgarie, à Berlin... C’est également pendant cette époque charnière de l’histoire où l’on peut entendre les premiers bruits de bottes en Allemagne qu’il développera de façon autodidacte ses connaissances, son approche de l’univers culturel, ses envies et ses théories, en participant à des rencontres d’intellectuels — des salons — et aussi en travaillant sur ses premières idées littéraires. Canetti fera la connaissance de Karl Kraus, un intellectuel qui aura une forte influence sur lui, notamment fondateur de la revue "Die Fackel" (Le flambeau). Il rencontrera sa future femme Venetiana (Veza) Taubner-Calderon. Il se financera en traduisant des livres de l’anglais. Tout cela l’intéresse beaucoup plus que la chimie de toute façon.

En effet, il va entre autres fréquenter les réunions qui s’organisent autour d’Alma Mahler, la veuve de Gustav Mahler et entamera son roman "Die Blendung" (Auto-da-Fé) ainsi que des œuvres théâtrales. Il rencontrera des personnalités du monde la culture comme Bertolt Brecht, George Grosz, Alban Berg, Robert Musil...

Le 15 juillet 1927, un évènement marquera sa vie et son œuvre: une manifestation populaire qui tourne à l’incendie du palais de justice de Vienne. Cela provoquera en lui le désir d’analyser et de comprendre le rapport entre les comportements de masse et le pouvoir. Il étudiera cette problématique centrale de l’histoire du XXe siècle jusqu’en 1960, date de la publication de l’œuvre majeure de sa vie, "Masse und Macht" (Masse et puissance). « Il se peut que toute la substance du 15 juillet soit entièrement passée dans Masse et puissance. »

[modifier] Un intellectuel en exil

Ainsi, l’imposant travail de recherche pour "Masse et puissance" occupe dorénavant une majeure partie de son temps. Le début des années 1930 voit la publication de ses premiers écrits. Il se marie avec Veza en 1934. "Die Blendung" paraît en 1935, dans une indifférence générale. La mort de sa mère en 1937 lui cause une grande crise psychologique.

Suite à l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche à l’Allemagne d’Adolf Hitler en 1938, les Canetti quittent l’Autriche et se rendent à Londres en passant quelque temps à Paris. Dès 1942, Canetti prend chaque jour des notes ("Aufzeichnungen"), à savoir toutes sortes de réflexions, et ce, jusqu’à sa mort. En 1946 paraît "Au-to-dafé" en anglais, en 1949 en français. Il reçoit la nationalité britannique en 1946. Un voyage au Maroc en 1954 amènera le livre "Les voix de Marrakech", un extrait de ses notes quotidiennes.

"Masse et puissance" paraît enfin en 1960, qui obtiendra un écho mondial par son thème et par ses nombreuse traductions; cette étude s’oppose aux vues de Sigmund Freud à ce sujet.

Veza meurt en 1963. Canetti se rapproche alors d’une de ses amies de longue date, Hera Buschor, restauratrice au Kunsthaus de Zurich, qui l’aide dans sa dépression suite à la disparition de son épouse. Pendant plusieurs années, Canetti va alterner les séjours à Londres et à Zurich où habite sa nouvelle compagne, ce qui se soldera par leur mariage en 1971. Leur fille Johanna naît l’année suivante, année à partir de laquelle tous vivent définitivement à Zurich à la Klosbachstrasse 88 dans le Züriberg (colline de l’est de la ville).

Dans les années 1970, il parcourt l’Europe à plusieurs reprises pour aller donner des conférences. En 1977 paraît le premier tome de son autobiographie, qui rencontrera un grand succès critique et même populaire. Il sera suivi, de son vivant, de deux volumes, puis du dernier et quatrième en 2003 à titre posthume, finalisé par sa fille sur la base des notes et écrits qu’il a laissés.

En 1981, il devient récipiendaire du prix Nobel de littérature, « pour ses écrits marqués par une vision large, une richesse d’idées et un pouvoir artistique. »

Il vivra ensuite relativement retiré du monde. Son épouse Hera décède en 1988. Il abandonne définitivement son appartement à Londres.

Elias Canetti décède le 14 août 1994 à Zurich. La ville de Zurich a offert à la famille – qui a accepté – la possibilité de l'enterrer à côté de James Joyce dans le cimetière de Fluntern, voisin du zoo de Zurich dans le Züriberg.

[modifier] Famille

Quand les juifs espagnols ont dû quitter l’Espagne vers la fin du XVe siècle, le nom de famille était Cañete. Il s’est italianisé lors d’une halte de longue durée à Venise.

Grands-parents: Elias Canetti, commerçant en gros en denrées coloniales en Bulgarie, grand-père paternel.

Parents: Jacques Elias (Elieser) Canetti, 1er septembre 1881-8 octobre 1912, mort à 31 ans. Mathilde Arditti, ?-15 juin 1937.

Fratrie: Elias Canetti, 1905-1994; prénom du grand-père paternel. Nissim (Jacques) Canetti, 1909-1997; prénom du père. Georg (Georges) Canetti, 23 janvier 1911-27 août 1971; Georges « comme le nouveau roi d’Angleterre. »

Jacques Canetti a été un haut cadre de l’industrie du disque en France et promoteur de nombreux artistes: il a lancé Jacques Brel en 1954 en lui permettant d'enregistrer son premier album. En 1978, il a écrit ses mémoires: "On cherche jeune homme aimant la musique". Il a eu deux enfants, Bernard et Françoise, tous deux actifs dans l'édition. Une courte bio.
Georges a été un médecin et biologiste français, longtemps lié à l’institut Pasteur. Biographie.

Épouses:

  • Venetiana (Veza) Taubner-Calderon, 21 novembre 1897-1er mai 1963.
  • Hera Buschor, 12 mars 1933-29 avril 1988, mère de Johanna.
Veza a aussi été écrivaine, "La patience des roses" par exemple, mais elle n'a été publiée que longtemps après sa disparition, même après le décès de Canetti.

Enfant: Johanna, née en 1972, musicienne.

[modifier] Nationalité

Elias Canetti a été porteur de deux passeports, turc et britannique. Le prix Nobel lui a été remis à titre d’auteur autrichien, un débat ayant même été ouvert à cet égard par le comité Nobel, plusieurs pays ayant réclamé le fait d'être cité. A posteriori (cela peut se lire sur le site des prix Nobel), Canetti est classé comme écrivain britannique.

[modifier] Œuvre

(Chronologie, etc., cf. Bibliographie ci-dessous.)

[modifier] Roman

Canetti n'aura écrit et publié qu'un seul roman, "Auto-da-Fé" (1935).

[modifier] Essais

L'œuvre majeure de Canetti est "Masse et puissance" (1960).

[modifier] Autobiographie

Son autobiographie, débutée en 1971 et publiée dès 1977, se constitue de quatre ouvrages: "La langue sauvée - Histoire d’une jeunesse 1905-1921" (1977), "Le flambeau dans l’oreille - Histoire d’une vie 1921-1931" (1980), "Jeux de regards - Histoire d’une vie 1931-1937" (1985) et "Les années anglaises" (2003), ce dernier étant paru à titre posthume.

[modifier] Honneurs

[modifier] Bibliographie

Dans l’ordre: année de parution originale, titre français quand disponible, année de parution française, titre original, traduction du titre quand pas de traduction française, genre, ISBN.

  • 1932 : Noces (?), Hochzeit, théâtre.
  • 1935 : Auto-da-Fé (1949, tout d’abord traduit La tour de Babel), Die Blendung, roman.
  • 1950 : Comédie des vanités (1950), Komödie der Eitelkeit, théâtre.
  • 1956 : Die Befristeten (Les sursitaires), The numered, théâtre, à Londres.
  • 1960 : Masse et puissance, Masse und Macht, essai, ouvrage d’anthropologie sociologique, ISBN 2070705072.
  • 1962 : Welt im Kopf (Le monde dans la tête), divers.
  • 1965 : Aufzeichnungen 1942-1948, notes et réflexions.
  • 1968 : Les voix de Marrakech (1980), Die Stimmen von Marrakesch, notes et réflexions, ISBN 2226010327.
  • 1969 : Der andere Prozess - Kafkas Briefe an Felice (L’autre procès - les lettres de Kafka à Félicie [Bauer]), essai.
  • 1970 : Aufzeichnungen 1949-1970, notes et réflexions.
  • 1972 : Die Gespaltene Zukunft - Aufzätze und Gespräche (L’avenir divisé - Essais et conférences), essai.
  • 1973 : Le territoire de l’homme - Réflexions 1942-1972 (1974), Die Provinz des Menschen - Aufzeichungen 1942-1972, recueil de notes déjà parues séparément en allemand, ISBN 2226006079. Traduction en français par Armel Guerne, Albin Michel, 1978
  • 1974 : Le témoin auriculaire - Cinquante caractères (1985), Der Ohrenzeuge - Fünfzig Charaktere, série de portraits, ISBN 2226022317.
  • 1975 : La conscience des mots (1984), Das Gewissen der Worte, essais, ISBN 2226020640.
  • 1977 : La langue sauvée - Histoire d’une jeunesse 1905-1921 (1978), Die gerettete Zunge - Geschichte einer Jugend, 1er tome de l’autobiographie, ISBN 2226159681.
  • 1980 : Le flambeau dans l’oreille - Histoire d’une vie 1921-1931 (1980), Die Fackel im Ohr - Lebensgeschichte 1921-1931, autobiographie, ISBN 2226014241.
  • 1985 : Jeux de regards - Histoire d’une vie 1931-1937 (1987), Das Augenspiel - Lebensgeschichte 1931-1937, autobiographie, ISBN 2226031243.
  • 1985 : Théâtre, recueil francophone, ISBN 2226025561.
  • 1987 : Le cœur secret de l’horloge - Réflexions 1973-1985 (1989), Das Geheimherz der Uhr - Aufzeichnungen 1973-1985, notes et réflexions, ISBN 2226038299.
  • 1992 : Le collier de mouches (1995), Die Fliegenpein, notes et réflexions, ISBN 2226075755.
  • 1994 : Notes de Hampstead - 1954-1971 (1997), Nachträge aus Hampstead - Aus den Aufzeichnungen 1954-1971, notes et réflexions, ISBN 2226095144.
  • 1996 : Aufzeichnungen 1992-1993, notes et réflexions.
  • 1998 : Ecrits autobiographiques, recueil qui contient La langue sauvée, Le flambeau dans l’oreille, Jeux de regards, Le territoire de l’homme et Le cœur secret de l’horloge, ISBN 225313239X.
  • 1999 : Aufzeichnungen 1973-1984, notes et réflexions.
  • 2003 : Les années anglaises (2005), Party im Blitz - Die englischen Jahre, autobiographie, quatrième opus, ISBN 2226159630.
  • 2005 : Aufzeichnungen für Marie-Louise, notes de 1942.

[modifier] Liens externes


Précédé de :
Czesław Miłosz
Prix Nobel de littérature
1981
Suivi de :
Gabriel García Márquez