Effet multiplicateur du crédit

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En macroéconomie, l’effet multiplicateur du crédit est un effet inhérent à l'émission de crédit.

Toute création de monnaie par la banque centrale d'un pays aboutit par un processus itératif à une émission supplémentaire de crédits dans l'économie, par les établissements de crédit, qui peut être bien plus importante que la monnaie émise initialement. Cette émission, qui se produit par effet multiplicateur, est une création supplémentaire de monnaie.

Cependant, comme l'explique Dominique Plihon, deux approches du processus de création monétaire peuvent être distinguées. Le multiplicateur monétaire repose sur l'hypothèse que la masse monétaire est exogène car elle est déterminée par la monnaie centrale, contrôlée par la banque centrale. L'approche dite du "diviseur" considère au contraire que la monnaie est endogène, c'est-à-dire que son évolution est déterminée par les besoins de financement des agents non bancaires; la causalité est alors inverse dans le sens M => MC. La banque centrale intervient in fine pour satisfaire les besoins de financement du système bancaire.[1]

Sommaire

[modifier] Explications

Effet multiplicateur du crédit avec un exemple de 1.000 $ et une réserve de 20%
Effet multiplicateur du crédit avec un exemple de 1.000 $ et une réserve de 20%

Le multiplicateur de crédit est traditionnellement défini comme le coefficient mesurant le supplément de crédit dans l'économie résultant d'une augmentation de la « monnaie banque centrale » (la monnaie banque centrale correspond à la monnaie émise par la banque centrale (monnaie fiduciaire) et aux soldes créditeurs des établissements financiers privés auprès de la banque centrale)[2].

Les établissements de crédit sont autorisés par les autorités monétaires à émettre des crédits tant qu'ils disposent de réserves suffisantes en leur possession : les réserves obligatoires[3], dont le niveau est fixé par les autorités monétaires (actuellement de 2% dans la zone euro). Les autorités monétaires peuvent utiliser ce niveau comme un outil monétaire, l'augmentant pour ralentir l'investissement, le baissant pour l'encourager : un niveau élevé restreint de facto les possibilités de prêt des établisssements de crédit. Cet outil est peu utilisé dans les pays développés, où les banques centrales utilisent plutôt les taux directeurs pour réguler l'investissement : le taux minimal de réserves obligatoires y varie donc peu, et est parfois non contraignant.

Lorsqu'un crédit est accordé à un agent économique, celui-ci ne dépense pas immédiatement tout ce nouvel argent en sa possession, mais il en re-place une partie (par exemple sous forme de dépôt à vue) auprès des établissements de crédit. Par ailleurs, une partie de l'argent qu'il dépense sera placé par les commerçants sur leurs propres comptes bancaires, auprès d'autres établissements de crédit.

Ceux-ci ont donc davantage d'argent à leur disposition, peuvent augmenter leurs réserves obligatoires et donc émettre de nouveaux crédits.

Ce mécanisme a été une des causes de la Grande Dépression, à une époque où les autorités monétaires n'avaient pas suffisamment conscience des risques inhérents. Il fonctionne désormais sans heurt depuis des décennies.

L'effet multiplicateur de crédit est parfois utilisé de manière sincère ou non pour argumenter une critique du système financier contemporain : il permettrait une « création ex nihilo » de monnaie que feraient les établissements de crédit et dont ils « profiteraient ». Toute création de monnaie trouve cependant son origine dans une augmentation de la base monétaire de la banque centrale, décidée par elle unilatéralement. Voir #Critique.

L'effet multiplicateur est dans la pratique évalué entre 1 et 3 pour M1, et à des valeurs plus élevées pour M2 et M3. Par exemple, dans l'État du Missouri, pour M1, il est évalué en 2007 à 1,5[4]. La BCE signale en 2000 que le multiplicateur du crédit M3 a récemment augmenté dans la zone euro, sans en donner la valeur[5]. Le multiplicateur M2 au Japon est évalué à 10 en 2000, en baisse[6].

[modifier] Définition Théorique

La base monétaire, appelée « monnaie banque centrale », est le passif de la banque centrale, c’est-à-dire les réserves obligatoires RO que les établissements de crédit y ont placées en dépôts, et la monnaie fiduciaire notée B qu'elle a émise. Elle est notée MBC \equiv RO + B.

Le multiplicateur de crédit, noté m, est défini comme m=\frac{M}{MBC}.

Il détermine donc l’étendue de la masse monétaire M (au choix M1, M2, ou M3).

On définit r le taux de réserves obligatoires, r = \frac{RO}{D}D représente les dépôts à vue.

On a donc simplement MBC = B + r * D.

On appelle b la propension moyenne des agents non financiers à détenir de la monnaie fiduciaire, soit b = \frac{B}{M}.

Au final, m = \frac{M}{B + r * D}, donc puisque \frac{D}{M} = 1 - b, on obtient m = \frac{1}{b + r * ( 1 - b) }.

m multiplicateur du crédit désigne donc le mutliplicateur de crédit de l'économie, qui mesure la quantité de monnaie totale présente par rapport à la « monnaie banque centrale ».

[modifier] Exemple pratique

On part d'une augmentation de crédit de 1 000 euros accordée par la banque centrale à un établissement de crédit, une banque par exemple : la banque centrale crée 1 000 euros, qu'elle prête à la banque privée. L'établissement de crédit peut ensuite accorder un crédit à un emprunteur A, de 800 euros par exemple (les 200 euros supplémentaires étant utilisés comme réserves par la banque).

Cet agent A placera sur son compte bancaire 680 euros et dépensera le reste auprès de commerçants qui augmenteront leurs dépôts de 20 euros[7].

Les établissements de crédit pris dans leur ensemble disposent ainsi de 700 euros supplémentaires sur les comptes de leurs clients, dont ils placent une partie (50 euros par exemple) dans leur réserves obligatoires, et émettent de nouveaux crédits pour 650 euros.

De ces 650 euros, par le même processus, 422 euros de nouveaux crédits seront émis, et ainsi de suite.

Au final, c'est 2200 euros[8] de crédits supplémentaires, en sus des 1 000 euros de départ, qui seront accordés. On a donc dans cet exemple un effet multiplicateur de 3,2.

(exemple à retravailler car en partie faux)

[modifier] Critique

Cet effet multiplicateur est parfois suspecté de provoquer un fort accroissement de la masse monétaire, à qui il arrive effectivement de croître à des taux élevés, par exemple à la fin des années 1990 et dans la première moitié des années 2000[9]. Maurice Allais, relativement isolé dans ce jugement, considérait en 1999 : « Dans son essence, la création monétaire ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique, je n'hésite pas à le dire pour bien faire comprendre ce qui est réellement en cause, à la création de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement condamnée par la loi. Concrètement elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents »[10]. La question de la destination de ce "profit" peut alors se poser.

D’autres économistes pessimistes ont avant lui critiqué ce système. Ainsi, Ludwig von Mises, économiste de l'école autrichienne déclarait en 1912[11] :

« Ce serait une erreur de croire que l'organisation moderne de l'échange peut continuer ainsi. Elle porte en elle le germe de sa propre destruction; le développement de la monnaie fiduciaire doit nécessairement mener à son effondrement. »

Murray Rothbard développa des théories proches, insistant sur l'effet inflationniste d'un tel système. Ainsi dans Fractional reserve banking, il comparait ce système à de la création « par magie »[12].

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Notes et références

  1. in La monnaie et ses mécanismes Ed La découverte, page 23, 5° édition
  2. Le multiplicateur de credit generalisé. Un modele probabiliste, par Jean Marchal et Frédéric Poulon, entête.
  3. Voir Réserves obligatoires et Les réserves obligatoires sur le site de la Banque de France. Consulté le 3 octobre 2007
  4. graphe FED Saint-Louis
  5. (en) http://www.ecb.int/press/key/date/2000/html/sp000628.en.html
  6. (en) étude japonaise, page 14
  7. Il n'a pas spécialement de raison que le commerçant augmente fortement le montant qu'il place sur ses comptes de dépôts.
  8. Calcul : pour 1 000 euros, 650 euros sont recyclés en crédit, soit 65 %. D'où un crédit total de  1000 * \sum_{i=1}^{\infty} 0.65^{i}
  9. Voir graphiques p. 13, Excès de liquidité monétaire et prix des actifs, document de travail de la Banque de France, Septembre 2005
  10. La Crise mondiale d’aujourd’hui. Pour de profondes réformes des institutions financières et monétaires, Maurice Allais, éd. Clément Juglar, 1999, p. 110
  11. Ludwig von Mises : The Theory of Money and Credit, 1912, p. 409
  12. (en)Fractional reserve banking, Murray Rothbard sur le site de Lew Rockwell