Edgar Morin

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Edgar Morin, de son vrai nom Edgar Nahoum (נחום), né à Paris le 8 juillet 1921, est un sociologue et philosophe français.

Il définit sa façon de penser comme "co-constructiviste"[1] en précisant : « c’est-à-dire que je parle de la collaboration du monde extérieur et de notre esprit pour construire la réalité ».

Edgar Morin (à gauche) avec Jean-Louis Le Moigne
Edgar Morin (à gauche) avec Jean-Louis Le Moigne

Sommaire

[modifier] Biographie

D'origine juive séfarade, descendant d'un père commerçant juif de Salonique mais se déclarant athée (il se décrit lui-même comme d'identité néo-marrane), et fils unique, sa mère décède alors qu'il a 10 ans. Il obtient une licence en Histoire et Géographie et une licence en droit (1942), il entre alors dans la Résistance de 1942 à 1944 : lieutenant des Forces françaises combattantes. Il y joue un rôle actif et il rencontre notamment François Mitterrand. Il adopte alors le pseudonyme de Morin, qu’il garde par la suite. Attaché à l'État-major de la 1re Armée française en Allemagne (1945), puis Chef du bureau « Propagande » au Gouvernement militaire français (1946). À la Libération, il écrit L’an zéro de l’Allemagne où il décrit la situation du peuple allemand de cette époque. Ce livre a été apprécié en particulier par Maurice Thorez qui l'invite à écrire dans la revue Lettres françaises. À partir de 1949, il s’éloigne du Parti communiste français dont il est exclu peu après, en tant que résistant antistalinien. En 1955, il anime un comité contre la guerre d'Algérie. Il défend, en particulier, Messali Hadj.

Sur les conseils de Georges Friedmann qu'il a rencontré pendant l'Occupation et avec l'appui de Maurice Merleau-Ponty, de Vladimir Jankélévitch et de Pierre George, il entre au CNRS (1950), il y conduit en 1965 notamment une étude pluridisciplinaire sur une commune en Bretagne, publiée sous le nom de La Métamorphose de Plozevet (1967). Il y séjourne près d'un an. Ce fut un des premiers essais d’ethnologie dans la société française contemporaine.

Il s’intéresse très vite aux pratiques culturelles qui sont encore émergentes et mal considérées par les intellectuels : L'Esprit du temps (1960), La Rumeur d'Orléans (1969). Il cofonde la revue Arguments en 1956. Il fonde (codirecteur de 1973 à 1989) et dirige le CECMAS (Centre d'études des communications de masse), qui publie des recherches sur la télévision, la chanson dans la revue Communications qu’il dirige et qui paraît encore aujourd’hui.

Durant les années 1960, il part près de deux ans en Amérique latine où il enseigne à la Faculté latino-américaine des sciences sociales. En 1969, il est invité à l'Institut Salk de San Diego. Il y rencontre Jacques Monod, l'auteur du Hasard et la Nécessité et y conçoit les fondements de la pensée complexe et de ce qui deviendra sa Méthode.

Aujourd'hui directeur de recherche émérite au CNRS, Edgar Morin est docteur honoris causa de plusieurs universités à travers le monde. Son travail exerce une forte influence sur la réflexion contemporaine, notamment dans le monde méditerranéen et en Amérique latine, et jusqu'en Chine, Corée, Japon. Il a créé et préside l’Association pour la pensée complexe, l'APC.

Il est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence. Il soutient, depuis sa création en 2001, le fonds associatif Non-Violence XXI.

Morin a écrit plusieurs ouvrages revenant sur son passé, dont Autocritique en 1959, Vidal et les siens sur son père en 1989 et Itinérance publié en 2006.

Il a apporté son soutien à la candidature de Christian Garino, candidat à la candidature pour l'élection présidentielle française de 2007 pour le mouvement Esperanto-Liberté.

Il a également participé, durant l'entre-deux tours des élections, à un débat sur le thème de la non-violence au Comité 748 - Désirs d'avenir sur Second Life.

[modifier] Distinctions



  • Laus honoris causa de l'Institut Piaget au Portugal
  • Colegiado de Honor du Conseil de l'Enseignement Supérieur d'Andalousie (Espagne)



  • Prix européen de l'essai Charles Veillon (1987)
  • Prix Viareggio international (1989)
  • Prix Media (culture) de l'Association des journalistes européens (1992)
  • Prix Internacional Catalunya (1994)
  • Médaille de la Chambre des Députés de la République Italienne, (Comité scientifique international de la Fondation Piu Manzu)
  • Médaille d'or (Aristote d'or) de l'Unesco

Membre du comité de parrainage de l'association Marianne de la diversité

[modifier] Œuvre

[modifier] La pensée complexe

Edgar Morin s'est attaché dans toute son œuvre à mettre en évidence la complexité du monde et de l'homme et à proposer une méthode pour la concevoir. Le terme de complexité est pris au sens de son étymologie « complexus » qui signifie « ce qui est tissé ensemble » dans un enchevêtrement d'entrelacements (plexus).

Edgar Morin invite à réformer la pensée et à entrer dans un paradigme de complexité ou encore à se doter d'une épistémologie complexe.

Dans le court article « Pour une réforme de la pensée », il explique ce qu'il entend par la « pensée de la complexité » :

« La pensée de la complexité se présente (…) comme un édifice à plusieurs étages. La base est formée à partir de la théorie de l'information, de la cybernétique et de la théorie des systèmes et comporte les outils nécessaires pour une théorie de l'organisation. Vient ensuite un deuxième étage avec les idées de John von Neumann, Heinz von Foerster, Henri Atlan et Ilya Prigogine sur l'auto-organisation. À cet édifice, j'ai voulu apporter des éléments supplémentaires, notamment, trois principes que sont le principe dialogique, le principe de récursion et le principe hologrammatique.

La théorie de l'information permet d'entrer dans un univers où il y a à la fois de l'ordre (la redondance) et du désordre (le bruit) - et d'en extraire du nouveau, c'est-à-dire l'information elle-même, qui devient alors organisatrice (programmatrice) d'une machine cybernétique. L'information qui indique, par exemple, le vainqueur d'une bataille, résout une incertitude ; celle qui annonce la mort subite d'un tyran apporte l'inattendu, en même temps que la nouveauté.

La cybernétique est une théorie des machines autonomes. L'idée de rétroaction, qu'introduit Norbert Wiener, rompt avec le principe de causalité linéaire en introduisant celui de boucle causale. La cause agit sur l'effet, et l'effet sur la cause, comme dans un système de chauffage où le thermostat règle la marche de la chaudière. Ce mécanisme dit de «régulation» est ce qui permet l'autonomie d'un système, ici l'autonomie thermique d'un appartement par rapport au froid extérieur. La boucle de rétroaction (appelée feed-back) joue le rôle d'un mécanisme amplificateur, par exemple, dans la situation de la montée aux extrêmes d'un conflit armé. La violence d'un protagoniste entraîne une réaction violente qui, à son tour, entraîne une réaction encore plus violente. De telles rétroactions, inflationnistes ou stabilisatrices, sont légion dans les phénomènes économiques, sociaux, politiques ou psychologiques.

La théorie des systèmes jette les bases d'une pensée de l'organisation. La première leçon systémique est que «le tout est plus que la somme des parties». Cela signifie qu'il existe des qualités émergentes, c'est-à-dire qui naissent de l'organisation d'un tout, et qui peuvent rétroagir sur les parties. Ainsi l'eau a des qualités émergentes par rapport à l'hydrogène et l'oxygène qui la constituent. Par ailleurs, le tout est également moins que la somme des parties car les parties peuvent avoir des qualités qui sont inhibées par l'organisation de l'ensemble.

À ces trois théories, il faut ajouter les développements conceptuels apportés par l'idée d'auto-organisation. Ici, quatre noms doivent être mentionnés : ceux de John von Neumann, Heinz von Foerster, Henri Atlan et Ilya Prigogine. (…)

L'être vivant (…) est assez autonome pour puiser de l'énergie dans son environnement, et même d'en extraire des informations et d'en intégrer de l'organisation. C'est ce que j'ai appelé l'auto-éco-organisation.

Le principe dialogique unit deux principes ou notions antagonistes, qui apparemment devraient se repousser l'un l'autre, mais qui sont indissociables et indispensables pour comprendre une même réalité. Le physicien Niels Bohr a reconnu la nécessité de penser les particules physiques à la fois comme corpuscules et comme ondes. Blaise Pascal avait dit : «Le contraire d'une vérité n'est pas l'erreur, mais une vérité contraire» ; Bohr le traduit à la façon : «Le contraire d'une vérité triviale est une erreur stupide, mais le contraire d'une vérité profonde est toujours une autre vérité profonde.» Le problème est d'unir des notions antagonistes pour penser les processus organisateurs et créateurs dans le monde complexe de la vie et de l'histoire humaine.

Le principe de récursion organisationnelle va au delà du principe de la rétroaction (feed-back) ; il dépasse la notion de régulation pour celle d'autoproduction et auto-organisation. C'est une boucle génératrice dans laquelle les produits et les effets sont eux-mêmes producteurs et causateurs de ce qui les produit. Ainsi, nous individus, sommes les produits d'un système de reproduction issu du fond des âges, mais ce système ne peut se reproduire que si nous-mêmes en devenons les producteurs en nous accouplant. Les individus humains produisent la société dans et par leurs interactions, mais la société, en tant que tout émergeant, produit l'humanité de ces individus en leur apportant le langage et la culture.

Le troisième principe «hologrammatique» enfin, met en évidence cet apparent paradoxe de certains systèmes où non seulement la partie est dans le tout, mais le tout est dans la partie : la totalité du patrimoine génétique est présent dans chaque cellule individuelle. De la même façon, l'individu est une partie de la société, mais la société est présente dans chaque individu en tant que tout, à travers son langage, sa culture, ses normes. »

[modifier] La Méthode

La Méthode est son œuvre majeure. Comprenant six volumes au total, on pourrait la qualifier d'encyclopédique : la méthode y est déroulée de façon cyclique, pour ne pas dire répétitive, s'appliquant à de nombreuses notions dont certaines sont reprises ci-après. Il convient de noter que les quatre premiers volumes n'ont pas été écrits à la suite les uns des autres. Par suite, il n'est pas utile de s'attacher à les lire dans l'ordre.

Le premier tome, intitulé La nature de la nature, présente la méthode en adoptant un point de vue physique où sont traités les concepts d'ordre et de désordre, de système, d'information etc.

Le second, intitulé La vie de la vie, aborde le vivant, la biologie.

Le troisième et le quatrième volume pourraient être regroupés en un seul puisqu'ils abordent le thème de la connaissance.

Le troisième est intitulé La connaissance de la connaissance et aborde la connaissance du point de vue anthropologique.

Le quatrième tome de La Méthode, Les idées, d'après les mots d'Edgar Morin, « pourrait aussi en être le premier ». En effet, « il constitue l'introduction la plus aisée à « la connaissance de la connaissance » et de façon inséparable au problème et à la nécessité d'une pensée complexe ». Il complète l'œuvre épistémologique du troisième tome en abordant la connaissance du point de vue collectif ou sociétal (« l'organisation des idées »), puis au niveau de la « vie des idées », qu'il appelle la noologie. Il traite en particulier dans un dernier chapitre des notions philosophiques de langage, de logique et de paradigme, auxquelles il applique superbement sa méthode.

Dans une note de lecture[2], Jean-Louis Le Moigne souligne l'importance du dernier chapitre de ce tome 4 qu'E. Morin consacre à « La Paradigmatologie » : « encore un néologisme nouveau dira-t-on ? Sans doute, mais il me semble si fécond pour nous permettre d'entendre la richesse de l'univers pensable sans commencer par l'appauvrir en la simplifiant ». Jean-Louis Le Moigne cite pour conclure Edgar Morin : « Nous en sommes au préliminaire dans la constitution d'un paradigme de complexité lui-même nécessaire à la constitution d'une paradigmatologie. Il s'agit non de la tâche individuelle d'un penseur mais de l'œuvre historique d'une convergence de pensées. »

Selon les mots de Morin, la paradigmatologie est "le niveau qui contrôle tous les discours qui se font sous son emprise et qui oblige les discours à obéir"[3].

Le cinquième volume L'humanité de l'humanité, L'Identité humaine est consacré à la question de l'identité.

La Méthode se termine par un sixième tome intitulé L'Éthique qui se consacre à cette notion philosophique et prône une éthique de la compréhension.

[modifier] Conscience planétaire et Politique de civilisation

Avec Terre-Patrie, écrit en 1993, (avec Anne-Brigitte Kern), Edgar Morin en appelle à une prise de conscience de la communauté du destin terrestre, véritable conscience planétaire.

C'est en Californie, en 1969-1970, que des amis scientifiques de l'université de Berkeley m'ont éveillé la conscience écologique rapporte-t-il, avant de s'alarmer Trois décennies plus tard, après l'assèchement de la mer d'Aral, la pollution du lac Baïkal, les pluies acides, la catastrophe de Tchernobyl, la contamination des nappes phréatiques, le trou d'ozone dans l'Antarctique, l'ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans, l'urgence est plus grande que jamais.

En 2007, il est l'auteur de L'an I de l'ère écologique : La Terre dépend de l'homme qui dépend de la Terre. Le livre comporte un dialogue avec Nicolas Hulot.

Cette conscience doit s'accompagner pour Edgar Morin[4] d'une nouvelle politique de civilisation, pour sortir de cet âge de fer planétaire... préhistoire de l'esprit humain.

La politique de civilisation (concept emprunté à Leopold Sedar Senghor [réf. nécessaire]) explique Edgar Morin vise à remettre l’homme au centre de la politique, en tant que fin et moyen, et à promouvoir le bien-vivre au lieu du bien-être[5]. Cette notion de politique de civilisation s'inspire notamment des travaux de l'économiste Henri Bartoli, qui appelle à replacer l’homme au centre de l'économie (l'économie doit être au service de la vie et non l'inverse)[6]. Plus concrètement partant du constat que la civilisation moderne génère souvent mal être profond et individualisme, il propose de s'attacher à régénérer les cités, à réanimer les solidarités, à susciter ou ressusciter des convivialités, à régénérer l'éducation[7].

L'expression politique de civilisation a été reprise par le président de la République française Nicolas Sarkozy, lors de ses voeux du 31 décembre 2007.[8] Edgar Morin s'est montré très nuancé quant à cette utilisation du concept : Je ne peux exclure que M. Sarkozy réoriente sa politique dans ce sens, mais il ne l'a pas montré jusqu'à présent et n'en donne aucun signe.[9], J’ai deux désaccords très importants avec Sarkozy : sur la politique extérieure, où je vois un alignement sur Bush ; et sur l’intérieur et la politique inhumaine envers les immigrés. Pour le reste, il y a une marge d’incertitude et il peut évoluer.[...] Le chef de l’État est un personnage plastique, en mouvement. Il n’a pas encore pris conscience du caractère radical d’une politique de civilisation. [10].

[modifier] Religion

Il considère le monothéisme comme "un fléau de l'humanité"[11] et apprécie le bouddhisme, entre autre, car c'est une religion sans dieu.

[modifier] Le critique d'art

Edgar Morin s'est intéressé aussi à la peinture de l'École de Paris, et, à ce titre, il a commenté l'œuvre de Gaëtan de Rosnay[12].

[modifier] Style d'Edgar Morin

E. Morin se distingue par l'emploi régulier de formules paradoxales ou auto-référentielles, comme Nous faisons le langage qui nous fait, de préfixes comme dans l'invention du terme ré-auto-éco-organisation et l'invention de néologismes comme la paradigmatologie.

[modifier] Apport de la Méthode

Tout au long de son œuvre, Edgar Morin a employé sa méthode pour traiter de concepts clés de la philosophie comme par exemple : l'éthique, la connaissance, le langage, la logique, l'information.

[modifier] Ethique

La morale non complexe obéit à un code binaire bien/mal, juste/injuste. L'éthique complexe conçoit que le bien puisse contenir un mal, le mal un bien, le juste de l'injuste, l'injuste du juste.[13]

[modifier] Connaissance

Pour Morin, il n'y a « pas de connaissance sans connaissance de la connaissance » (La Méthode, tome 3).

Connaître c'est computer (La Méthode, tome 3), Edgar Morin propose une connaissance de type computique - une computation étant, écrit Morin, une opération sur/via signes/symboles/formes dont l'ensemble constitue traduction/construction/solution - qui prend la forme d'un « complexe organisateur/producteur de caractère cognitif comportant une instance informationnelle, une instance symbolique, une instance mémorielle et une instance logicielle » (René Barbier[14]).

Toute connaissance (et conscience) qui ne peut concevoir l'individualité, la subjectivité, qui ne peut inclure l'observateur dans son observation, est infirme pour penser tous problèmes, surtout les problèmes éthiques. Elle peut être efficace pour la domination des objets matériels, le contrôle des énergies et les manipulations sur le vivant. Mais elle est devenue myope pour appréhender les réalités humaines et elle devient une menace pour l'avenir humain.[15]

Pour répondre aux critiques en relativisme ou nihilisme, il avance : Le fond du nihilisme contemporain, je le surmonte en disant que s'il n'existe pas de fondement de certitude à partir duquel on puisse développer une connaissance vraie, alors on peut développer une connaissance comme une symphonie. On ne peut pas parler de la connaissance comme d'une architecture avec une pierre de base sur laquelle on construirait une connaissance vraie, mais on peut lancer des thèmes qui vont s'entre-nouer d'eux-mêmes.[16]

S'il n'y a pas de fondement à la connaissance, Morin identifie, à la suite de Humberto Maturana, une source originelle dans le « computo » de l'être cellulaire, qui est lui-même « indissociable de la qualité d'être vivant et d'individu-sujet » (René Barbier, idem).

[modifier] Langage

Il est donc sensé de penser que c'est le langage qui a créé l'homme, et non l'homme le langage, mais à condition d'ajouter que l'hominien a créé le langage.[17]

Le langage est en nous et nous sommes dans le langage. Nous faisons le langage qui nous fait. Nous sommes, dans et par le langage, ouverts par les mots, enfermés dans les mots, ouverts sur autrui (communication), fermés sur autrui (mensonge, erreur), ouverts sur les idées, enfermés dans les idées, ouverts sur le monde, fermés au monde.[18]

[modifier] Logique

A contrario du positivisme logique et du Cercle de Vienne, pour Edgar Morin (la Méthode, tome 4) il faut abandonner tout espoir de fonder la raison sur la seule logique et il faut reconnaître ce qu'il appelle un principe d'incertitude logique.

En effet, explique Edgar Morin, pour commencer la logique rencontre la contradiction au niveau le plus basique comme l'illustre le paradoxe du Crétois, mis en évidence dès l'antiquité par le crétois Épiménide, qui déclare que tous les crétois sont des menteurs. Ensuite, le théorème d'incomplétude de Gödel montre que la logique ne peut trouver en elle-même un fondement absolument certain, tandis que la physique quantique - avec la reconnaissance paradoxale du comportement à la fois ondulatoire et corpusculaire de toute particule (dualité onde-corpuscule ) - conduit à penser que certains aspects de la réalité micro-physique n'obéissent pas à la logique déductive-identitaire.

Ainsi il souligne que la pensée perdrait la créativité, l'invention et la complexité si la logique pouvait l'asservir.

Mais il ne propose pas pour autant de bannir la logique, il adopte une position nuancée :

L'usage de la logique est nécessaire à l'intelligibilité, le dépassement de la logique est nécessaire à l'intelligence. La référence à la logique est nécessaire à la vérification. Le dépassement de la logique est nécessaire à la vérité.[19]

Et si la logique ne peut fonder la raison c'est que la vraie rationalité reconnait ses limites et est capable de les traiter (méta-point de vue), donc de les dépasser d'une certaine manière tout en reconnaissant un au-delà irrationalisable.

[modifier] Information

Edgar Morin apporte deux idées fondamentales pour compléter la théorie de l'information de Shannon :

  • La notion d'information ne peut être dissociée du support physique portant cette information : l'information a une réalité physique.
  • Le sens de l'information est indépendant de la théorie de l'information, et est porté par la sphère anthropo-sociale.

Selon ses propres mots (la Méthode 1) :

« L'information doit toujours être portée, échangée, et payée physiquement.(...) L'information s'enracine dans la physis, mais sans qu'on puisse la réduire aux maîtres-concepts de la physique classique, masse et énergie. (...) Les traits les plus remarquables et les plus étranges de l'information ne peuvent se comprendre physiquement qu'en passant par l'idée de l'organisation. » (ib p.307)

Par exemple, « Le sens [d'une information] fonctionne en dehors de la théorie [de l'information de Shannon] » (La Méthode 1, 3.2.I). En fait, « La théorie de l'information [de Shannon] occulte le méta-système anthropo-social qu'elle suppose et dans lequel elle prend son sens. » (ib.)

Mais surtout, « Pour concevoir l'information dans sa plénitude physique, il ne faut pas seulement considérer ses interactions avec énergie et entropie ; il ne faut pas seulement considérer ensemble néguentropie et information, il faut aussi considérer ensemble information, néguentropie, et organisation, en englobant l'information dans la néguentropie et la néguentropie dans l'information. » (ib p.307)

« La réalité physique de l'information n'est pas isolable concrètement. Je veux dire qu'il n'y a pas, à notre connaissance et sur notre planète, d'information extra-biologique. L'information est toujours liée aux êtres organisés néguentropiquement que sont les vivants et les êtres métabiotiques qui se nourrissent de vie (sociétés, idées). De plus, le concept d'information a un caractère anthropomorphe qui me semble non éliminable. » (ib p 316)

Et enfin « La notion d'information est nécessairement associée à la notion de redondance et de bruit » (La Méthode 1, 3.2.I).

[modifier] Son implication internationale

Edgar Morin compte également parmi les membres fondateurs du Collegium international éthique, politique et scientifique, association qui souhaite apporter des réponses intelligentes et appropriées qu'attendent les peuples du monde face aux nouveaux défis de notre temps.

[modifier] Ouvrages

Il y a des traductions des livres d'Edgar Morin au moins en 28 langues et dans 42 pays.

  • 1951, L’Homme et la mort, Le Seuil
  • 1956, Le cinéma ou l'homme imaginaire, Éditions de minuit
  • 1957, Les Stars
  • 1959, Autocritique, Le Seuil
  • 1962, L'Esprit du temps, Éditions Grasset Fasquelle
  • 1967, Commune en France. La métamorphose de Plozevet, Fayard, Paris, 1967, 287 p.
  • 1969, La Rumeur d'Orléans
  • 1969, Introduction à une politique de l'homme, Le Seuil
  • 1970, Journal de Californie
  • 1973, Le paradigme perdu : la nature humaine
  • La Méthode (6 volumes)
    • 1977, La Nature de la nature (t. 1), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1981
    • 1980, La Vie de la vie (t. 2), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1985
    • 1986, La Connaissance de la connaissance (t. 3), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points
    • 1991, Les Idées (t. 4), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1996
    • 2001, L’Humanité de l’humanité (t. 5), 1. L’identité humaine, Paris, Le Seuil
    • 2004, L'Éthique complexe (t. 6), Le Seuil
  • Autocritique Le Seuil - (sa prise de distances avec le Parti Communiste)
  • 1981, Pour sortir du XXe siècle, Nathan. Nouvelle édition, Seuil, coll.
  • 1982, Science avec conscience, Fayard, Nouvelle édition remaniée, coll. Points, 1990
  • 1983, De la nature de l’URSS, Fayard
  • 1989, Vidal et les siens
  • 1990, Introduction à la pensée complexe, Le Seuil
  • 1993, Terre-patrie (avec la collaboration d’A.B. Kern), Le Seuil, Nouvelle édition coll. Points, 1996
  • 1994, Mes démons, Stock, coll. Au vif
  • 1994, La Complexité humaine, Textes choisis, Champs Flammarion, coll. l’Essentiel
  • 1997, Comprendre la complexité dans les organisations de soins, (avec Jean-Louis Le Moigne), ASPEPS Éd.
  • 1997, Pour une politique de civilisation, Paris, Arléa, 250 p.
  • 1999, L’Intelligence de la complexité, (avec Jean-Louis Le Moigne), Éd. l’Harmattan
  • 1999, Relier les connaissances, Le Seuil
  • 1999, La Tête bien faite, Le Seuil
  • 2000, Les Sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, Le Seuil
  • 2001, Journal de Plozévet, Bretagne, 1965 (Préparé et préfacé par Bernard Paillard), La Tour d’Aigues, L’Aube
  • 2002, Dialogue sur la connaissance. Entretiens avec des lycéens (entretiens conçus et animés par Alfredo Pena-Vega et Bernard Paillard), La Tour d’Aigues, L’Aube, 70 p.
  • 2003, La Violence du monde (avec Jean Baudrillard), Édition du Félin, 92 p.
  • 2003, Éduquer pour l’ère planétaire, la pensée complexe comme méthode d’apprentissage dans l’erreur et l’incertitude humaine (avec Raul Motta, Émilio-Roger Ciurana), Balland, 158 p.
  • 2003, Université, quel avenir? (avec Alfredo Pena-Vega), 120p., Éditions Charles Léopold Mayer, ISBN 2-84377-074-2;
  • 2003, Les Enfants du ciel : entre vide, lumière, matière (avec Michel Cassé), Odile Jacob, 142 p.
  • 2004, Pour Entrer dans le XXIe siècle, réédition de Pour sortir du XXe siècle publié en 1981, Le Seuil, 400 p.
  • 2006, Itinérance, Arléa, transcription d'un entretien avec Marie-Chritine Navarro en 1999 sur France-Culture, retraçant sa carrière.
  • 2006, Le monde moderne et la question juive, Le Seuil. ISBN 2020907453
  • 2007, L'an I de l'ère écologique (avec la collaboration de Nicolas Hulot), Tallandier, 127 p. ISBN 2847344411
  • 2007, Vers L'abîme , L'Herme, 181 p. ISBN 9782851976925

[modifier] Filmographie

  • 1966 : Un certain regard. Le cinéma vérité, d'Edgar Morin, réalisation Alexis Klémentieff et Jacques Prayer (ORTF)
  • (2004) Regard sur Edgar, entretiens thématiques accordés à Samuel Thomas, en DVD aux Éditions Montparnasse (267 mn)

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Vidéos

[modifier] Textes et articles

[modifier] Notes de lecture

[modifier] Entretiens

[modifier] Notes et références

  1. Voir dans cet entretien
  2. voir le site du Mouvement pour la Pensée Complexe
  3. Voir dans cet entretien
  4. Voir Pour sortir du XXe siècle (1981) et sa ré-édition Pour Entrer dans le XXIe siècle (2004), ou encore Pour une politique de civilisation (1997)
  5. Entretien avec Edgar Morin : pour une politique de civilisation sur le site du ministères Affaires Etrangères, 1997
  6. voir notamment la trilogie Économie et création collective (Economica, 1977), L'Économie multidimensionnelle (Economica, 1991), et L'Économie, service de la vie : Crise du capitalisme - Une politique de civilisation (Presses universitaires de Grenoble, 1996).
  7. Article « Les couleurs de la France » du NouvelObs (1996)
  8. Article Agoravox du 17 janvier 2008.
  9. Article du Monde du 2 janvier 2008.
  10. Article de Libération du 9 janvier 2008.
  11. Emission Des mots de minuit - France 2 - 7/05/08
  12. Gaëtan de Rosnay, Roger Bouillot, éditions de la Revue Moderne -Paris, juillet 1985
  13. Éthique (La méthode 6), Seuil, 2004, p.60.
  14. dans le texte Morin et la connaissance
  15. Éthique (La méthode 6), Seuil, 2004, p.65
  16. « Le complexus, qui est tissé ensemble » in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006, p.25.
  17. Le paradigme perdu, Points n°109, p.86.
  18. La Méthode, tome 4, Points n°303, p. 172.
  19. La Méthode, tome 4, Points n°303, p. 207.