Dyslexie

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Dyslexie
CIM-10 : F81.0, R48.0

La dyslexie est un trouble spécifique et durable affectant l'identification des mots écrits. Il existe des dyslexies acquises, appelées aussi alexies (elles font suite à des lésions connues du système nerveux), et des dyslexies développementales observées chez l'enfant. Un dysfonctionnement auditif est l'une des premières pistes à explorer. La dyslexie entraîne des troubles de l'écriture : on parle d'agraphie dans les dyslexies acquises, ou de dysgraphie et de dysorthographie dans la dyslexie développementale.

La notion de dyslexie de l'enfant est toujours en débat. D'après certains spécialistes, en particulier en France, elle constitue toujours une médicalisation excessive de questions pédagogiques et psycho-sociales. En Amérique du Nord et dans les pays scandinaves, au contraire, elle est considérée comme constitutionnelle, avec une forte composante génétique, les facteurs socio-pédagogiques réalisant seulement des conditions potentiellement aggravantes. Il existe néanmoins un consensus pour affirmer que la dyslexie ne doit pas englober tous les troubles de lecture. Au total, on estime qu'un adulte sur dix est ou a été dyslexique.

Ce handicap a été répertorié par l'Organisation Mondiale de la Santé en 1991 (classification des troubles du développement des acquisitions scolaires).

Sommaire

[modifier] Dyslexie développementale

[modifier] Diagnostic différentiel

L'identification des enfants dyslexiques repose depuis les années 1970 sur une définition négative. On estime que relève de la dyslexie ce qui ne peut pas être expliqué par les causes suivantes :

  • une scolarité irrégulière ;
  • une déficience sensorielle ou neurologique ;
  • une déficience dans la lecture (le niveau de lecture attendu est inférieur ou égal au niveau intellectuel) ;
  • un environnement socio-éducatif carencé ;
  • un trouble psychologique apparent.

Dans ces derniers cas, on emploiera préférentiellement le terme de retard d'acquisition du langage écrit.

Il faut bien distinguer la dyslexie de problèmes proches pouvant gêner l'enfant scolarisé :

  • les erreurs normales d'apprentissage (en France, deux trimestres de primaire sont recommandés par la Haute autorité de santé (HAS) avant d'explorer un trouble de lecture ; en situation normale, la lecture/écriture devient totalement fonctionnelle après deux ans de primaire) ;
  • les troubles du langage oral (dans ce cas, c'est le langage oral qui est affecté plus que sa transposition à l'écrit) ;
  • les syndromes d'hyperactivité / instabilité.
  • la phobie sociale.

[modifier] Diagnostic positif

Des difficultés sont observées lors de l'identification des mots (à ne pas confondre systématiquement avec l'oralisation, ou lecture à voix haute, qui est une activité de l'oral plus que de l'écrit), notamment :

  • des confusions phonétiques, auditives ou visuelles ;
  • des élisions, adjonctions ou inversions de lettres ;
  • une lenteur dans le traitement des éléments lus.

Deux types d'atteinte sont distingués :

  • la dyslexie dysphonétique est une difficulté/impossibilité à convertir les graphèmes en phonèmes (procédure d'assemblage déficiente) ;
  • la dyslexie dyséidétique est une difficulté à mémoriser la forme globale des mots (procédure d'adressage déficiente).

Les chercheurs en sciences cognitives tentent souvent d'identifier la perturbation d'« habilités » sous-jacentes :

  • conscience phonologique ;
  • analyse séquentielle ;
  • discrimination visuelle ou auditive ;
  • latéralisation ;
  • mémorisation ;
  • orientation dans le temps ou l'espace.

[modifier] Étiologie

Il existe plusieurs points de vue pour tenter d'expliquer l'apparition des troubles, où différentes causes sont identifiées en fonction des domaines de recherches :

1. Pédagogie

Certaines méthodes pédagogiques pourraient amplifier le trouble. C'est semble-t-il le cas, selon certains, de la Méthode globale et semi-globale de l'apprentissage de la lecture (aujourd'hui discutée et de moins en moins pratiquée). Bien que cela ne soit pas prouvé, de nombreuses concordances demeurent [1].

2. Linguistique

Le signe linguistique unit le signifié (ce que l'on veut dire) et le signifiant (comment on le dit). Ce dernier peut avoir une forme écrite, le graphème et une forme sonore, le phonème.

  • Les langues dites opaques où les formes écrites et sonores ne se recoupent pas exactement comme l'anglais ou le français, sont révélatrices de troubles dyslexiques.
  • Par contre, il n'y a pas de troubles dyslexiques face aux langues dites transparentes, c'est-à-dire les langues où les formes écrites et sonores se recoupent exactement comme le croate, l'espagnol, l'espéranto, l'italien, le russe, le slovène ou le tchèque.

3. Génétique

Les dyslexiques ont souvent des antécédents familiaux, ce qui n'est pas suffisant pour affirmer qu'il s'agit d'un caractère inné lié à la génétique.

Plusieurs équipes scientifiques ont affirmé avoir découvert le gène de la dyslexie. Leurs résultats se contredisent puisqu'il s'agit de gènes différents (quatre en 2006), mais ils convergent puisque ces gènes sont tous impliqués dans la migration neuronale. [2]

Un projet de recherche a été lancée en septembre 2006 pour trouver des réponses sur ce sujet. Les participants sont l'INSERM le CNRS et l'institut Pasteur. Nommé Genedys, il fait partie du projet à l'échelle européenne Neurodys.[3]

4. Neurologie

Il existe aussi des dyslexies acquises (suite à un accident cérébral par exemple), appelées aussi alexies, qui ont été utilisées dans les travaux de Carl Wernicke et de Paul Broca au début du XXe siècle dans l'étude du rôle de chaque hémisphère cérébral.

Plus tard, à l'électroencéphalogramme, on découvrit que les dyslexiques ont de façon quasi systématique une activité réduite du lobe pariétal gauche.

Mais c'est surtout Roger Wolcott Sperry, prix Nobel pour ces travaux sur l'asymétrie cérébrale, qui affine le principe et oppose :

  • un hémisphère plutôt logique, analytique, qui accepte « l'absolu », le gauche, celui du verbal ;
  • un hémisphère qui fonctionne plutôt par acquisitions analogiques, plus « relatif », le droit, celui qui crée les images mentales (pas uniquement visuelles, mais liées aux sens et au rapport à l'espace et au temps).
Icône de détail Article détaillé : Asymétrie cérébrale.

Ces différentes études ont permis d'affiner le rapport à la neurologie. Bien qu'on ne puisse affirmer que le trouble est d'origine neurologique, un lien entre neurones et dyslexie est clairement affirmé par les spécialistes [4] [5]

Une étude d'un Neurologue marseillais, le Docteur Habib, confirme le lien, en observant une concordance entre neurones surnuméraires et dyslexie. Le dyslexique aurait un excès de neurones qui constitueraient des ectopies corticales ralentissant la connexion entre les deux hémisphères du cerveau [6].

5. Psychologie

La psychanalyse (et certaines psychologies cliniques qui s'en inspirent) proposent d'autres voies de compréhension liées à l'affect. Dolto rapporte un exemple de dyslexie collective lors de l'évacuation des jeunes parisiens, loin de la capitale, avec leurs institutrices. L'explication proposée plus tard par Guy Rosolato ou Gérard Haddad sera une difficulté dans la structuration psychique et en particulier dans les images d'identification parentales. Elle exprime un dysfonctionnement entre identité sexuelle, organisation de la personnalité et signifiants symboliques. [7].

Le symbole demande, pour être facilement assimilé, d'avoir une construction psychologique proche de celle qui l'a engendré. Il est lié à une représentation subjective du monde en général, et donc du schéma familial constitutif en particulier.

Par exemple, le dyslexique souffre souvent d'une mère sur-représentée et d'un père absent... Dès lors, comment mettre une valence sur les assemblages voyelles/consonnes ? La lecture et l'écriture, ce n'est que du maniement de symboles et il faut pouvoir y trouver de quoi s'identifier. Or, dans un couple parental, quand le père est à la place de la mère et inversement, il y a décalage majeur avec la symbolique culturelle qui gère le système des signifiants de notre civilisation et notre système de signes. Le signifiant et le signifié peuvent donc glisser l'un sur l'autre et se déconnecter... D'où des confusions, des erreurs qui persistent et parfois résistent aux remédiations instrumentales mises en place. Parce que l'étiologie n'est pas simplement symptomatique.

Désorientation

C'est une expression subjective de Ronald Dell Davis, auteur d'une méthode de correction de la dyslexie. Il explique la dyslexie par la désorientation que créent les symboles (mots) dépourvus de représentation mentale (voir pensée visuelle). Ces périodes de désorientation sont caractérisées par une impression «d'avoir le mal de mer» (impression de bouger). La personne peut, à la limite, avoir des nausées ce qui va l'inciter à bouger (se lever, taper du pied, etc.) pour «contrer» l'effet désagréable. Cette problématique aurait pour cause une méthode de résolution de problème qui consisterait en : «Essayer de regarder» ce qui cause problème (en l'occurrence le mot) sous tous ses angles. Cette technique fontionne très bien avec les objets mais s'avère inefficace avec les symboles. Ce qui altère les repères du rapport à soi, à l'autre, au temps et à l'espace. La dyslexie en serait un effet, au même titre que l'hyperactivité et les autres « dys- » (dysgraphie, dyscalculie, etc.). (source : Le don d'apprendre)

[modifier] Pronostic

L'évolution des troubles du langage écrit va dépendre de plusieurs facteurs qui varient en fonction des enfants concernés et selon le type de dyslexie/dysorthographie, l'intensité des troubles, la précocité du dépistage, la régularité et l'intensité de la rééducation qui peut durer plusieurs années, les soutiens visant la motivation et la réparation des vécus d'échec. Dans de bonnes conditions de traitement, d'environnement et de soutien, les troubles dyslexiques et dysorthographiques s'atténuent et peuvent pratiquement disparaître s'ils sont d'intensité légère. Dans les cas sévères, il restera toujours une faiblesse à l'écrit, mais le rendement sera considérablement amélioré et moins handicapant, permettant même l'accès à des études et à des informations intéressantes.

[modifier] Divers

En opposition avec la définition par le handicap, on voit l'émergence d'approches flatteuses et fondées sur la séduction, qui peuvent être mises en œuvre par des mouvements sectaires.

De même que l'on peut définir un non-voyant comme une personne hypersensible (sur le plan auditif par exemple), ces mouvements définissent les dyslexiques comme ayant certaines facultés supérieures. Il convient donc d'aborder ces approches de la dyslexie avec circonspection.

[modifier] Ouvertures

Généralement il est admis que le nombre de dyslexiques est différent selon les langues et les cultures (le pourcentage de dyslexiques est moins élevé en Italie qu'en France, et il n'y a pas de véritables dyslexiques dans les pays utilisant des langues à idéogrammes [8].

Il est en tout état de cause clairement établi que la pratique de lecture, de l'écriture, de la mémorisation, de l'apprentissage des langues, même, change le cerveau de l'enfant comme de l'adulte. Considérant le lien entre dyslexie et neurologie, cette plasticité du cerveau humain permet beaucoup d'espoirs pour les dyslexiques. De nombreuses études ont pu permettre d'observer ce phénomène : plus les dyslexiques avançaient dans leurs études, plus ils semblaient aptes à gérer leurs difficultés. C'est ce qu'on appelle la plasticité du cerveau.

Enfin, une solution, envisagée par les avants-gardes poétiques, notamment dans les oeuvres de Lautréamont et Mallarmé [9], consiste à imaginer un autre langage, nouveau dans sa graphie des syllabes. Ces symboles graphiques de sons seraient plus cohérents entre l'empreinte, l'impression mentale laissée par le son et un équivalent de forme pris dans le monde, impliquant la création d'une nouvelle graphie de phonèmes en correspondance son-forme du monde. Cette théorie reste contreversée parmis les spécialistes.

[modifier] Voir aussi

  1. Comme expliqué ici [1] il y a une incidence entre l'utilisation de la méthode globale et l'explosion du nombre de dyslexiques en france, dans les années 70
  2. Le gène DCDC2 du chromosome 6 découvert en 2005? par Jeffrey Gruen, université Yale. Les gène "DYX1C1" et "Robol" découvert en 2003 et 2005? par une équipe de chercheurs finlandais. [2] (à compléter et à mieux référencer)
  3. les sites des projets genedys et Neurodys, et des article sur ce lancement ici et
  4. Les neurones de la lecture, Stanislas Dehaene - éditions Odile Jacob. Résumé sur [3]
  5. "Prenez le cas de l'autisme. L'examen post mortem du cerveau ne montre pas de lésions. Mais l'imagerie révèle des défaillances fonctionnelles au niveau du cortex frontal. Il y a donc bien une biologie de l'autisme. On peut dire la même chose de la dyslexie. " Pr Richard Frackowiak, de la Fondation Ipsen (cité sur [4] ).
  6. " Le cerveau des dyslexiques ", Dr Habib
  7. G. Rosolato : Éléments de l'interprétation ou G. Haddad : Manger le livre, entre autres peuvent aider à saisir ce lien
  8. Les neurones de la lecture, Stanislas Dehaene - éditions Odile Jacob
  9. Révolution du langage poétique par Julia Kristeva

[modifier] Bibliographie

[modifier] Articles connexes

[modifier] Lien interne

wikt:

Voir « dyslexie » sur le Wiktionnaire.

[modifier] Liens externes