Dobroudja

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Dobroudja ou Dobrogée
Région historique
Armes de Dobroudja ou Dobrogée Carte de Dobroudja ou Dobrogée
La Dobroudja bulgare (en jaune) et la Dobrogea roumaine (orange)
Subdivisions actuelles
2 départements roumains (Constanţa et Tulcea), et deux oblasti bulgares (Silistra et Dobritch)
Villes
Tulcea, Constanţa, Silistra, Tutrakan, Dobritch, Baltchik
Chronologie
1346 (fondation en tant qu'entité unique)
1404 (disparition en tant qu'entité unique)
Souverains
Balko (Balica), Dobrotitch, Mircea
Populations
Roumains, Bulgares, Grecs, Turcs, Tatars, Lipovènes

La Dobroudja (Добруджа en bulgare, Dobrogea en roumain et Dobrogée dans les documents français anciens), est un territoire couvrant l'est de la Roumanie et le nord-est de la Bulgarie, soit approximativement du sud du bas-Danube à la Mer Noire. En Roumanie, la Dobroudja se subdivise en deux départements comprenant le plus grand port de la Mer Noire : Constanţa et le delta du Danube; en Bulgarie, cette région est considérée comme le « grenier à blé » du pays).

La Dobroudja
La Dobroudja

La Dobroudja est actuellement une région agricole et touristique, dont les principales villes sont les ports de Tulcea et Constanţa en Roumanie, et les villes de Silistra, Dobritch et Baltchik en Bulgarie. Sa superficie est de 23,100 km² et sa population d'environ 1.3 million d'habitants (voir ci-dessous).

Sommaire

[modifier] Population

Groupes ethniques Dobrogée entière Dobrogea roumaine[1] Dobroudja bulgare[2]
Nombre Proportion Nombre Proportion Nombre Proportion
Total 1,328,860 100.00% 971,643 100.00% 357,217 100.00%
Roumains et Aroumains 884,745 66.58% 883,620 90.94% 5911 0.17%1
Bulgares et Gagaouzes 248,517 18.70% 135 0.01% 248,382 69.53%
Turcs 104,572 7.87% 27,580 2.84% 76,992 21.55%
Tatars 23,409 1.76% 23,409 2.41% 4,515 1.26%
Roms (Tsiganes) 33,422 2.52% 8,295 0.85% 25,127 7.03%
Russes et Lipovènes 22,495 1.69% 21,623 2.23% 872 0.24%
Ukrainiens 1,571 0.12% 1,465 0.15% 106 0.03%
Grecs 2,326 0.18% 2,270 0.23% 56 0.02%
1 Y compris les personnes comptées comme Valaques au recensement bulgare de 2001

[modifier] Agriculture

La Dobrogea roumaine (au nord), dont les sols sont loessiques, est une terre de paturage ovin (moutons Merinos), de vergers et de vignes (vins de Murfatlar). La plaine de la Dobroudja bulgare (sud) est plantée de vastes parcelles de céréales, de plusieurs centaines d'hectares chacune et ayant la particularité d'être séparées par des haies de 10 à 20 m de large qui ont été plantées à la fin de l'époque communiste pour lutter contre l'érosion des sols. En dépit d'une agriculture de plus en plus intensive, dont les nitrates contaminent les eaux superficielles, ces haies ont une fonction importante d'accueil et de refuge pour la faune utile à l'agriculture. En outre, il existe encore des forêts de chênes verts (Quercus ilex) résiduelles, tant en Roumanie qu'en Bulgarie.

[modifier] Environnement

La Dobrogée est riche faunistiquement malgré les catastrophes environnementales de l'époque communiste (régime qui promouvait "la lutte de l'Homme contre la Nature"). La région la plus riche est au nord: c'est le Delta du Danube, qui abrite encore de nombreux oiseaux aquatiques (dont des pélicans) et une faune ichtyologique en diminution depuis la privatisation des droits de pêche, tandis qu'une urbanisation de loisirs effrénée, avec tout ce que cela implique comme nuisances, menace l'ensemble des milieux. La Réserve naturelle de la Biosphère du Delta du Danube, aux moyens réduits, fait ce qu'elle peut pour limiter les dégâts. La situation géopolitique aux frontières orientales de l'Union européenne empêche les deux directeurs de la réserve, l'un roumain et l'autre ukrainien, de collaborer autant qu'il le faudrait, car le point de passage frontalier autorisé le plus proche est à 250 km vers l'ouest, hors de la Dobrogée et du Delta du Danube.

Dans la partie bulgare, les forêts de chênes verts et les haies coupe-vent ont été mieux préservées que dans la partie roumaine, souvent devenue steppique, parfois même semi-désertique à cause de la déforestation. On trouve dans ces haies et ces forêts la buse féroce (Buteo rufinus), la buse pattue (Buteo lagopus) et le faucon émerillon (Falco columbarius) qui contribuent à réguler les micro mammifères friands de céréales. La Grande Outarde (Otis tarda) fréquente aussi la Dobrogée. Mais si en Roumanie l'intégralité des zones "Natura 2000" proposées par les scientifiques ont été validées par les autorités, en Bulgarie par contre seule la moitié a été validée par le Ministère de l'Environnement, qui, de plus, a réduit de moitié la surface proposée pour la Réserve naturelle du Cap Kaliakra...

La Dobrogée a connu la grippe aviaire en 2005.

C'est en Dobrogée, à la frontière roumano-bulgare mais côté roumain, qu'a été découverte l'extraordinaire Grotte de Movile, totalement isolée du monde extérieur depuis un demi-million d'années et abritant une faune endémique unique au monde, adaptée au manque de lumière et d'oxygène, et dont la survie est fondée sur la prolifération de bactéries se nourrissant des matières en suspension dans l'eau.

[modifier] Histoire

La Dobrogée est habitée depuis le paléolithique, et les cultures néolithique de Hamangia en Dobrogea roumaine, et chalcolithique de Varna-Durankulak en Dobroudja bulgare (IVe millénaire avant J.C.), sont mondialement connues pour leurs sculptures, leurs constructions déjà en pierre et leurs tombes riches en or.

La région est peuplée dans l'Antiquité par les tribus Daces ou Gètes faisant partie de l'ensemble thrace. La population locale fait du commerce avec les colonies grecques de la Mer Noire jusqu'à la conquête romaine (Rome va contrôler la Mésie pendant 7 siècles, relayée par l'empire de Byzance), puis subit les invasions des peuples migrateurs slaves et turcophones (Huns, Avars, Bulgares, Ouzes, Pétchénègues, Coumans dits Polovtses, Tatars dits tartares, Ottomans).

La Dobrogée est intégrée au premier royaume des Bulgares de 795 à 917, redevient romaine (byzantine) de 917 à 1186, puis fait partie du "Regnum Valachorum" fondé sur le bas-Danube par les princes valaques de la dysnastie Asan de Tarnova, jusqu'en 1261 lorsqu'elle est à nouveau reconquise par Byzance. En 1205, le pape Innocent III dans une correspondance avec le roi Caloian (Kalojan) (1197-1207) le qualifie de rex Bulgarorum et Blachorum (roi des Bulgares et des Valaques) tant slavons et proto-roumains étaient alors mélangés dans tout le bassin du Bas-Danube.

En 1346 la Dobrogée devient un despotat indépendant fondé par le prince bulgare Balko de Dobritch (Pazarcik), avec la capitale à Kaliakra près de Karvouna (aujourd'hui Kavarna). Peuplé (selon les chroniques génoises) de slavons ("bulgares"), de roumains ("valaques"), de grecs ("romées"), de juifs yévaniques ("romiotes") et d'arméniens ("hermins"), ce despotat s'étend sur le bas-Danube depuis les bouches du fleuve au cap Haeminos (Emina) au sud de Varna. Les trois langues le plus parlées y sont le grec, le "dicien" et le slavon. Les portulans génois le décrivent tantôt comme un despotat grec ("terra graecorum" ), tantôt comme une "petite Valachie" ("Velacia minor"), tantôt comme une "troisième Bulgarie" ("Bulgaria tertia", les deux autres étant les Tzarats de Vidin et de Tarnovo).

Le despotat de Dobrogée en 1370: ocre: Valachie; Vert: Bulgarie (Tzarat de Trnovo); jaune: Empire ottoman
Le despotat de Dobrogée en 1370: ocre: Valachie; Vert: Bulgarie (Tzarat de Trnovo); jaune: Empire ottoman

Il s'ouvre aux marchands génois qui en assurent la prospérité, lui fournissent nefs et armes, et installent les comptoirs de San-Giorgio (Giurgiu, Djurdjevo), Dorostolo (Silistra), Barilla (Brăila, Ibrahil), Caladda (Galaţi), Licovrissi (Obluciţa, Izmail), Licostomo (Chilia Veche), Constanza (Constanţa, Kustendje), Carvouna (Kavarna), Danissa (Balcik) et Odessa (auj. Varna; le nom moderne d'Odessa, en Ukraine, vient bien de là, mais l'Odessa moderne n'a été fondée qu'au XVIIIe siècle). Les turcs Ottomans ayant pris pied sur les deux rives des Dardanelles, les génois sont évincés de la Mer Noire, et en 1404 la Dobrogée entre, après les duchés d'Olténie (banat de Severin) et d'Arges, dans la fédération constituant le Voévodat de Valachie. Hyacinthe, l'évêque de Vicina (au nord de la Dobrogée) devient le métropolite de Valachie. Mais cette protection ne s'avère pas très efficace car les sultans ottomans occuperont la Dobrogée entre 1421 (XVe siècle) et 1878 (XIXe siècle) en y colonisant de nombreux tatars et turcs musulmans. La Dobrogée est intégrée dans l'exarchat du Proïlavon qui a pour siège Brăila et inclut les territoires ottomans à majorité (encore) chrétienne entre Varna et l'estuaire du Dniestr.

Les différentes subdivisions historico-géographiques de la Dobroudja.
Les différentes subdivisions historico-géographiques de la Dobroudja.

Lors des guerres russo-turques de 1877-1878 la Dobrogée est revendiquée tant par la Roumanie que par la Bulgarie nouvellement indépendantes de l'Empire ottoman. Les deux pays sont d'accord sur le principe d'un partage, mais Roumains et Bulgares sont mélangés (aux Turcs et aux Tatars) dans toute la Dobrogée: où placer la frontière ? Les Roumains étant plus nombreux au nord et les Bulgares au sud, une commission austro-allemande attribue à la Roumanie les deux tiers nord et à la Bulgarie le tiers sud. La frontière part de la sortie est de la ville de Silistra et aboutit entre les deux hameaux de pêcheurs grecs et turcs d'Ophidaki (Yilanlik en turc, Vama-Veche aujourd'hui) et de Limanaki (Durankulak en turc -nom actuel, et Mlaştina en roumain) sur la Mer Noire.

En 1913 la Roumanie profite des difficultés de la Bulgarie lors de la Seconde guerre balkanique, pour lui arracher la Dobroudja du Sud: la Dobroudja devient dès lors une pomme de discorde entre les deux pays. La Bulgarie prend sa revanche aux côtés des Allemands pendant la Première Guerre mondiale, en occupant elle aussi toute la Dobroudja. La paix de 1918 la redonna entièrement à la Roumanie, mais un arbitrage de Hitler, en 1940, remit en vigueur le partage initial de 1878 (Traité de Craiova sur fond de traité entre le Troisième Reich et l'Union soviétique (Pacte germano-soviétique). La frontière de 1878 et de 1940 est aujourd'hui pleinement reconnue par le Roumanie et la Bulgarie. Les deux États étant membres de l'Union européenne depuis 2007, la frontière est de toute manière devenue désormais perméable.

[modifier] Bibliographie

  • Dănescu, Grigore (1903). Dobrogea (La Dobroudja). Étude de Géographie physique et ethnographique (en Français). Bucarest: Imprimerie de l'Indépendance,. OCLC 10596414. 
  • Barnea, Ion; Ştefănescu, Ştefan (1971). Byzantins, roumains et bulgares sur le Bas-Danube, Din Istoria Dobrogei, v.3 (en résumé français). Bucureşti: Editura Academiei Române. OCLC 1113905. 
  • Sallanz, Josef (ed.) (2005): Die Dobrudscha. Ethnische Minderheiten, Kulturlandschaft, Transformation; Ergebnisse eines Geländekurses des Instituts für Geographie der Universität Potsdam im Südosten Rumäniens. (= Praxis Kultur- und Sozialgeographie; 35). 2., durchgesehene Auflage. Potsdam. Universitätsverlag Potsdam, ISBN 3-937786-76-7
  • Sallanz, Josef (2007): Bedeutungswandel von Ethnizität unter dem Einfluss von Globalisierung. Die rumänische Dobrudscha als Beispiel. (= Potsdamer Geographische Forschungen; 26). (in résumé français) Potsdam. Universitätsverlag Potsdam, ISBN 978-3-939469-81-5
  • Rădulescu, Adrian; Bitoleanu, Ion (1998). Histoire de la Dobrogée (en résumé français). Constanţa: Editura Ex Ponto. ISBN 973-9385-32-X. 

[modifier] Article lié

[modifier] Références

  1. D'après le recensement roumain de 2002 pour les départements de Constanţa et Tulcea, dans Structura Etno-demografică a României, Centrul de Resurse pentru Diversitate Etnoculturală. Consulté le 2007-05-02
  2. D'après le recensement bulgare de 2001 pour les oblasts de Dobrich et Silistra, dans Население към 01.03.2001 г. по области и етническа група, Националния статистически институт. Consulté le 2007-05-02


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