Djézireh

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La Djézireh, Jazîra, (la) Jezire[1] partie du Nord de la Mésopotamie est une région syrienne située au Nord-Est de ce pays, le long des frontières avec la Turquie et l'Irak. A l'époque du mandat français, sa population sédentaire était en grande partie composée de Kurdes, d'Assyriens et d'Arméniens, dont de nombreux réfugiés de Turquie et d'Irak, rescapés des divers génocides et massacres ethniques commis dans la région (notamment à Deir ez-Zor, en Djézireh) avant, pendant et à la suite de la Première Guerre mondiale.

Sommaire

[modifier] Révolte autonomiste de 1937

Pendant l'été 1937, sous le Mandat français en Syrie, se produisit dans la région de Djézireh un « mouvement de réaction minoritaire ».

Une des causes en fut le renvoi des hauts-fonctionnaires chrétiens dans cette région par le gouvernement nationaliste de Damas en 1936, et leur remplacement par des musulmans de Damas, dont le gouverneur, Bhjat Chehabi, très nationaliste et impopulaire. Ceci provoqua des protestations de la part des chefs locaux kurdes (en majorité) et chrétiens. Le gouverneur fit alors intervenir la gendarmerie de Hassetché, ce qui entraîna un soulèvement des chrétiens de la ville, qui désarmèrent les gendarmes ; les fonctionnaires fuirent vers Damas. Finalement, les Français remirent de l'ordre à Hassetché.

Une délégation de notables kurdes et chrétiens se rendit alors à Damas pour présenter ses revendications. En même temps, d'anciens chefs tribaux écartés par la France soulevèrent (avec l'aide financière de Damas) des tribus kurdes contre les chrétiens au nom de la solidarité musulmane (à Amouda), d'où réaction d'autres éléments kurdes, d'où intervention franco-syrienne.

Un nouveau gouverneur fut nommé : Toufic Chamieh, un grec-orthodoxe de Damas. Les Français ne lui laissèrent que peu de pouvoirs, et les officiers français, ainsi que la gendarmerie, intervinrent fréquemment. Beaucoup de pouvoirs furent délégués aux municipalités et aux conseils locaux.

Cette époque vit se rompre le bon accord entre Kurdes et chrétiens, mais ces derniers furent soutenus par les nomades arabes par haine de la centralisation damascène et de certains Kurdes.

Pendant l'automne 1936, le gouvernement turc fit des promesses secrétes à des notables chrétiens de Djézireh : la restitution générale des biens des chrétiens (dont beaucoup avaient fui la Turquie de Mustafa Kemal) en cas d'annexion de la province à la Turquie. Ceci provoqua un courant d'opinion pro-turc, et Damas adopta une attitude de plus en plus méfiante à l'égard des chrétiens de Djézireh.

Parmi les autonomistes, on trouvait Michel Dôme, président chrétien de la municipalité de Qameshlié, et le chef kurde Hadjo Agha. Leurs arguments étaient les suivants: la Djézireh n'a été réunie que tardivement à la Syrie, car elle a été donnée par la Turquie en échange de la Cilicie ; en plus, la prospérité de la Djézireh a été assurée grâce à la France. Autres partisans de l'autonomie, le Cardinal Tappouni, patriarche syrien-catholique, et Monseigneur Hebbe, évêque syrien-catholique de Djézireh, « qui s'est mis très en vedette au cours des incidents d'Hassetché ». Leurs désirs étaient : le maintien de fonctionnaires français en Djézireh pour contrôler les fonctionnaires syriens de Damas, et le maintien d'une partie des troupes françaises pour protéger les minorités.

(Le texte qui précède est une synthèse de : (anonyme/confidentiel), La situation des chrétiens de Syrie après les affaires de Djézireh, novembre 1937, Centre d'Études et d'Administration Musulmanes (CHEAM), Paris)

[modifier] Composition de la population des provinces de Djézireh et de l'Euphrate en 1943

Source: recensement de 1943, repris par Albert Habib Hourani, Minorities in the Arab World, London, Oxford University Press, 1947, p. 76


Communauté Djézireh Euphrate Syrie
Musulmans sunnites 99 665
68,3 %
220 552
98 %
1 971 053
Musulmans chiites 326 0 12 742
Alaouites 93 78 325 311
Ismaïliens 8 12 28 527
Druzes 0 4 87 184
Yézidis 1 475
1 %
0 2 788
Juifs 1 938
1,3 %
72 29 770
Assyro-Chaldéens Syriens-orthodoxes 17 793 763 40 135
Syriens-catholiques 2 851 697 16 247
Chaldéens 9 176 0 9 176
Nestoriens 1 944 243 4 719
Total Assyro-Chaldéens 31 700 (21,8 %) 1 700  
Arméniens Grégoriens 7 925 1 679 101 747
Catholiques 1 863 616 16 790
Total Arméniens 9 000
6,7 %
   
Protestants 453 27 11 187
Catholiques latins 29 25 5 996
Maronites 56 71 13 349
Grecs-orthodoxes 336 159 136 957
Grecs-catholiques 70 25 46 733
TOTAL 146 001 225 023 2 860 411

Il faut préciser que parmi les Musulmans sunnites il y avait autant d'Arabes que de Kurdes, que Hourani estimait à environ 130 000 pour les deux provinces, des Turcs, des Turkmènes et des Circassiens, ces derniers étant estimés à 1 500 en Djézireh et 1 000 dans l'Euphrate d'après M. Proux (1938). Par contre, pour l'ensemble de la Syrie, les quelques 400 000 nomades (pour la plupart Arabes sunnites) n'étaient pas comptabilisés.

[modifier] Plan de la ceinture arabe dans les années 1960

Dans les années 60, le gouvernement baassiste syrien mit en place une politique dite « de la ceinture arabe » visant à implanter le long de la frontière avec la Turquie des villages majoritairement arabes, en déplaçant notamment des villages kurdes et assyro-chaldéens et en sédentarisant des nomades.

[modifier] Composition ethnique dans les années 1970

Au début des années 1970, il restait une quinzaine de milliers d'Assyro-Chaldéens en Djézireh, en raison notamment d'une forte émigration vers Alep et hors de Syrie. Il y avait encore 500 Juifs à Qameshlieh en 1973. D'après des sources pro-kurdes, la province de Djézireh-Nord comptait, en 1976, 360 000 Kurdes sur 450 000 habitants, celle de Djézireh-Sud 10 000 (dont 5 à 7 000 Yézidis) sur 100 000 (cf. Gérard Chaliand, Les Kurdes et le Kurdistan, Paris, Editions Maspéro).

[modifier] Notes

  1. arabe : al-jazayra, الجزيرة, l'île

[modifier] Bibliographie

  • Mohammed Talab Hilal, Etude sur la province de Djazira, du point de vue national, social et politique (traduit, introduit et annoté par I.S.Vanly), Damas, 1963
  • Robert Montagne, "Quelques aspects du peuplement de la Haute-Djéziré", in: Bulletin d'Études Orientalistes, 1932, t.II, pp.53-66
  • V. Vacca, "La questione dell'el-Gezirâh secondo il memoriale del Partito Communista Siriano", in: Oriente Moderno, 1938, 18, pp.197-211

[modifier] Voir aussi


 
Entités créées par la France pendant son mandat sur la Syrie
Djebel druze | Djézireh | État d'Alep | État de Damas | État du Grand Liban | Sandjak d'Alexandrette | Territoire des Alaouites