Dictature du prolétariat

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Dictature du prolétariat est une expression inventée par Auguste Blanqui et développée par Karl Marx[1] pour désigner la phase de la société étant selon lui appelée à remplacer les régimes oligarchiques et capitalistes que Marx qualifiait de dictatures de la bourgeoisie.

Des courants politiques se revendiquant de l’héritage de Marx considèrent que la dictature du prolétariat serait une phase de transition nécessaire vers une société communiste.

Le terme « dictature » qui choque parfois aujourd'hui[2], fut choisi pour souligner que le capitalisme consisterait en la « dictature de la bourgeoisie », celle d'une seule classe sociale qui détient tout le pouvoir politique et économique (que ce soit sous la forme politique du régime parlementaire ou de la dictature). Pour renverser cette classe, la classe des gens d'aucune classe - les prolétaires - devait prendre dans un premier temps tout le pouvoir.

La dictature du prolétariat se présenterait par un pouvoir détenu par l'ensemble des prolétaires, organisés de façon démocratique (avec des conseils, des élus mandatés et révocables, notamment). Le concept est ainsi présenté comme se rapprochant de la démocratie directe. Il y a toutefois deux spécificités : la dictature du prolétariat nécessite une révolution prolétarienne préalable qui passe par la prise du pouvoir populaire. D'autre part, le pouvoir serait la propriété d'une seule classe sociale, d'où un problème de discrimination.

La Commune de Paris était selon Friedrich Engels la première application de la dictature du prolétariat.

La constitution de la Russie (future Union soviétique), en 1918, s’est revendiquée comme étant une application pratique de la dictature du prolétariat[3]. Toutefois, ce terme sera enlevé dans la constitution révisée de 1936. Bien que les principaux partis se réclamant du communisme (financés par l’URSS) aient longtemps présentée l'URSS comme leur idéal, de nombreux théoriciens des divers courants marxistes ont affirmé dès sa création que l'URSS n'était ni une dictature du prolétariat, ni un « État socialiste », mais une dictature sur le prolétariat, le terme capitalisme d'État étant également employé[4].

[modifier] Notes et références

  1. L’expression est cependant totalement absente de ses principaux textes : Le Capital, le Manifeste communiste, L'Idéologie allemande, Manuscrits de 1844, etc., et il n’a également jamais employé cette expression au cours de ses huit années de militantisme au sein de la Première Internationale.
  2. « Les mots n’ont pas aujourd’hui le même sens qu’ils pouvaient avoir sous la plume de Marx. A l’époque, la dictature, dans le vocabulaire des Lumières, s’opposait à la tyrannie ; elle évoquait une vénérable institution romaine : un pouvoir d’exception délégué pour un temps limité, et non pas un pouvoir arbitraire illimité. », selon Daniel Bensaïd
  3. Selon Boris Souvarine, « Marx et Engels l’entendaient dans un sens absolument contraire à celui qu’il acquiert dans le léninisme, puis dans le stalinisme. Marx n’évoque explicitement et à sa façon que deux fois la dictature temporaire du prolétariat, non d’un parti quel qu’il soit, et incidemment, cinq lignes dans une lettre privée, autant dans ses notes critiques sur le programme social-démocrate de Gotha ». Cela « tient en quinze lignes dans les 38 gros volumes in-octavo des œuvres de Marx et Engels (en russe) et, si l’on s’y réfère, contredit entièrement l’interprétation arbitraire incluse dans le léninisme et transmise dans le stalinisme ». Boris Souvarine, Le Stalinisme, 1964, page 9.
  4. A titre d’exemples : la marxiste révolutionnaire Rosa Luxemburg écrit en septembre 1918 que le pouvoir bolchevik est « une dictature, il est vrai, non celle du prolétariat, mais celle d'une poignée de politiciens, c'est-à-dire une dictature au sens bourgeois ». En 1920 lors du Congrès de Tours, le marxiste réformiste Léon Blum se prononce pour la dictature du prolétariat, mais qualifie la politique léniniste de « Dictature sur le prolétariat ». Les communistes de conseils allemands (marxistes révolutionnaires) font de même dans les années 1920. Le Cercle communiste démocratique dénonce en 1931 la « dictature sur le prolétariat » en URSS (La Critique sociale n°2, juillet 1931). Pour le Groupe des Communistes Internationaux (néérlandais) : « Ce qui existe en Russie est un capitalisme d’Etat. Ceux qui se réclament du communisme doivent aussi attaquer ce capitalisme d’Etat » (Rätekorrespondenz, février 1937). « Le bolchévisme, capitalisme d’Etat et dictature des bureaucrates » selon le marxiste conseilliste Otto Rühle (Fascisme brun, fascisme rouge, 1939, Spartacus, p. 65 ; voir aussi le chapitre « Dictature sur le prolétariat », pages 37 à 41). Charles Rappoport dénonce dans ses mémoires « la dictature "à la Staline" d'une clique de bureaucrates sur le prolétariat » (Charles Rappoport, Une vie révolutionnaire 1883-1940, MSH, p. 158). Ces analyses sont corroborées par celles des marxistes mencheviks : Salomon Schwarz dénonce le capitalisme d’Etat en URSS (Le Combat Marxiste n°12, 1934), Théodore Dan parle de « dictature jacobine du bolchévisme » qui « n’est pas une dictature de la classe ouvrière », ainsi que de « capitalisme industriel d’Etat », qui selon lui « contredit d’une façon si évidente la doctrine de Marx » (T. Dan et J. Martov, La Dictature du prolétariat, Ed. de la Liberté, 1947). Ces analyses sont confirmées par la suite par ces différents courants, et rejoints dans les années 1960 par de nouveaux courants marxistes comme l’Internationale situationniste.