David Bronstein

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image du match Botvinnik-Bronstein en 1951
image du match Botvinnik-Bronstein en 1951

David Ionovitch Bronstein [en cyrillique avec accentuation Дави´д Ио´нович Бронште´йн] (19 février 1924 à Bila Tserkva, RSS d'Ukraine, URSS - 5 décembre 2006 à Minsk, Biélorussie) est un joueur d'échecs de classe mondiale. Grand-maître international, il est renommé également en tant qu'écrivain.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Années de formation

David Bronstein naquit dans une famille juive en Ukraine. Son père était responsable d'une minoterie et sa mère médecin. Son grand-père lui apprit à jouer aux échecs quand il avait six ans. Pendant sa jeunesse, à Kiev, il bénéficia de l'entraînement du Maître International réputé Alexander Konstantinopolsky.

Il termina deuxième du championnat de Kiev à l'âge de 15 ans, et obtint le titre de maître soviétique à 16 ans, pour sa deuxième place au championnat d'Ukraine de 1940, derrière Isaak Boleslavsky. Ce dernier deviendra un ami proche et un partenaire aux échecs. Bien plus tard, en 1984, il en épousa sa fille, Tatiana.

Il s'apprêtait à entrer à l'Université de Kiev pour y étudier les mathématiques, quand l'extension à l'est de la Seconde Guerre mondiale en 1941 interrompit ses projets. Il reprendra cependant ses études à l'Institut Polytechnique de Léningrad après la guerre. Jugé inapte au service militaire en raison de sa mauvaise vue, Bronstein occupa des emplois subalternes pendant la guerre, comme la reconstruction d'immeubles détruits par des bombardements.

Son père, Johonon fut arrêté le 31 décembre 1937 et emprisonné pendant plusieurs années au goulag pour avoir défendu des paysans contre des officiels corrompus[1]. Condamné à des travaux forcés, il fut libéré en 1944, avec cependant un bannissement de la ville de Moscou. Longtemps après sa mort, les autorités admettront par écrit que son internement n'avait pas de base légale. Il est cependant possible que son homonymie avec Léon Trotsky, dont le véritable nom de famille était aussi Bronstein et qui était comme lui originaire d'Ukraine, ait été la source de tous ses ennuis.

[modifier] Dernières années

Du fait de son soutien à son ami Viktor Kortchnoï, lors du match des candidats de 1974 contre Anatoli Karpov et dans les années suivantes[2], Bronstein fut banni des tournois à l'étranger par les autorités soviétiques dans les années 1975-1985. L'interdiction ne fut levée qu'avec la Perestroïka, en 1986 pour les tournois dans les pays de l'Est, et en 1989 pour les tournois en Occident[3].

[modifier] Carrière

Il obtint le titre de Grand-maître international en 1950.

[modifier] Championnats d'URSS et de Moscou

En 1944, il participa pour la première fois au championnat d'échecs d'URSS dont il occupa une des dernières places (+4 -7 =5) après avoir cependant battu le futur vainqueur Mikhail Botvinnik. Et, l'année suivante, il termina 3e (+7 -4 =6).

À partir de 1944, il réalisa une énorme progression puisque, quatre ans plus tard, il conquit le titre à deux reprises:

  • 1948 - Moscou: +7 -1 =10, ex aequo avec Alexandre Kotov
  • 1949 - Moscou: +8 -1 =10, ex aequo avec Vassili Smyslov et devant les meilleurs joueurs soviétiques, à l'exception de Mikhail Botvinnik.

Il fut en outre champion de Moscou à sept reprises: 1946, 1947 ex aequo, 1953, 1957, 1961 ex aequo, 1968 ex aequo et 1982 ex aequo.

[modifier] Tournois interzonaux

  • Cette progression lui permit de se faire connaître en dehors des frontières de l'URSS. Il obtint son premier succès en 1948 lors du tournoi interzonal de Saltsjöbaden, grâce auquel il se qualifia pour le Tournoi des candidats suivant. Il finit en effet à la 1e place (+8 =11), laissant le second László Szabó à un point.

En qualité de finaliste du championnat du monde, il n'eut pas besoin de participer au tournoi interzonal de Stockholm en 1952 et fut directement qualifié pour le tournoi des candidats de Zurich en 1953.

  • En 1955, il joua dans le tournoi interzonal de Göteborg où il termina 1er (+10 =10) avec 1½ point d'avance sur Paul Keres. Il accéda ainsi au tournoi des candidats d'Amsterdam de 1956.
  • À Portorož en 1958, il ne parvint pas à se qualifier pour le tournoi des candidats de 1959. Avec +4 -1 =15, il finit à la 7e-11e place, à ½ point des qualifiés.

Sa 12e-13e place du XXVIIIe championnat d'URSS de janvier-février 1961 ne l'autorisa pas à prendre part au tournoi interzonal de Stockholm de 1962.

  • À nouveau qualifié pour celui d'Amsterdam en 1964, il occupa la 6e place (+10 -1 =12), qualificative pour la nouvelle formule des matchs des candidats.

Mais une règle de la Fédération internationale des échecs (FIDE) précisait que trois représentants seulement d'un même pays pouvaient disputer la phase finale des candidats. Trois Soviétiques, Vassili Smyslov, Boris Spassky et Mikhail Tal avaient terminé dans les quatre premières places. Ainsi, Leonid Stein (5e) et Bronstein furent éliminés au profit des deux non-Soviétiques qui les suivaient au classement final.

Au XXXIVe championnat d'URSS de 1966 - 1967 qui était un tournoi zonal, il finit à la 8e-9e place et se vit éliminé de la course au titre, manquant le tournoi interzonal de Sousse en 1967.

En 1969, il ne disputa pas le XXXVIIe championnat d'URSS qualificatif pour le tournoi interzonal de Palma de Majorque en 1970.

  • Il n'était pas qualifié pour les tournois interzonaux de 1973, Leningrad ou Petrópolis, mais il remplaça dans ce dernier Leonid Stein qui était brutalement décédé deux semaines avant son ouverture. Bien qu'insuffisamment préparé, il termina néanmoins à la 6e place (+7 -3 =7) et fut éliminé.

[modifier] Tournois des candidats

  • En 1950 à Budapest, il termina 1er ex aequo (+8 -2 =8) avec son ami Isaak Boleslavski. Ils durent ensuite se départager dans un match en 12 parties qui s'acheva sur une égalité (+2 -2 =8 pour chacun des joueurs). Ce fut dans la prolongation que Bronstein l'emporta (+1 =1) et qu'il acquit le droit de défier le champion du monde Mikhail Botvinnik.
  • En 1953 à Zurich, il termina à la 2e-3e place (+6 -2 =20) et laissa Vassili Smyslov tenter de détrôner Mikhail Botvinnik. En 1956, il publia le livre du tournoi.
  • En 1956 à Amsterdam, il ne put faire mieux que partager la 3e-7e place (+4 -3 =11).

[modifier] Match pour le championnat du monde

En 1951 à Moscou, Bronstein rencontra Mikhail Botvinnik dans un match en 24 parties. Après un début de rencontre équilibré, Botvinnik atteint tout de même le milieu du match avec un avantage d'un point qu'il conserva jusqu'à la 20e partie. Puis Bronstein gagna les deux parties suivantes et prit l'avantage. Au cours de la 23e et avant-dernière partie, il commit une grosse faute dans une position nulle et perdit, permettant ainsi à Botvinnik de revenir à sa hauteur. Il ne resta plus au champion du monde qu'à assurer dans la dernière partie pour conserver son titre (+5 -5 =14) selon la règle de la FIDE qui prévoyait cette issue en cas d'égalité finale.

Bronstein est considéré comme l'un des plus forts joueurs à n'avoir jamais été champion du monde, au même titre que Paul Keres, Viktor Kortchnoï ou Bent Larsen. Il n'eut plus jamais l'opportunité de prendre sa revanche par la suite. Botvinnik et lui ne s'appréciaient guère et l'on a souvent insinué que Bronstein avait subi des pressions. La réponse de Bronstein a d'ailleurs toujours été assez évasive à ce sujet[4].

[modifier] Tournois

Il joua aussi dans de nombreux tournois internationaux et il remporta la première place à:

[modifier] Compétitions par équipes

Les années 1950 étaient riches de matchs amicaux entre villes ou pays. Bronstein participa ainsi à:

[modifier] Olympiades

Il joua pour l'URSS dès la première apparition de ce pays dans cette épreuve. Au total, il participa à quatre éditions à l'issue desquelles l'URSS remporta la médaille d'or.

  • 1952 - Helsinki: 3e échiquier (+7 -1 =2) - Médaille d'or
  • 1954 - Amsterdam: 3e échiquier (+7 =7) - Médaille d'argent
  • 1956 - Moscou: 4e échiquier (+9 =4) - Médaille d'or
  • 1958 - Munich: 4e échiquier (+7 =5) - Médaille d'or

[modifier] Championnats d'Europe par équipes

Il participa aussi à deux éditions de cette compétition qui virent la victoire de l'URSS.

  • 1957 - Vienne: 3e échiquier (+3 =3) - Médaille d'or
  • 1965 - Hambourg: 5e échiquier (+2 -1 =6)

[modifier] Match URSS contre le Reste du monde

Pour la rencontre de Belgrade en 1970, Bronstein se trouvait en deuxième position sur la liste des remplaçants, mais il n'eut pas l'occasion de jouer.

[modifier] L'écrivain

David Bronstein est également l'auteur de nombreux ouvrages et articles. Son ouvrage L'art du combat aux échecs (Tournoi des candidats de Zurich 1953) est sans doute le livre le plus lu[réf. nécessaire] dans le monde échiquéen. De nos jours encore, il constitue toujours une référence pour les joueurs d'échecs. Dans chacun de ses livres, Bronstein met l'accent sur les idées derrière les coups joués, plutôt que d'inonder le lecteur de nombreuses variantes.

Son travail théorique a transformé la défense est-indienne qui est passée d'ouverture considérée comme douteuse, avant la Seconde Guerre mondiale, à une défense solide, pleine d'opportunités de contre-jeu. Sa maîtrise de cette ouverture est illustrée dans Bronstein on the King's Indian, paru en 1999. Mais les contributions de Bronstein à la théorie des ouvertures ne s'arrêtent pas là, puisqu'une variante de la défense scandinave (dont il était un ardent partisan) porte son nom : 1.e4 d5 2.exd5 Dxd5 3.Cc3 Dd6. De plus, à l'instar de Boris Spassky, il n'hésitait pas à jouer le gambit du roi, une ouverture risquée, contre des joueurs de premier plan.

Dans les dernières années de sa vie, Bronstein a continué à jouer aux échecs à un haut niveau. Ceci grâce à de nombreuses parties en simultanée, mais aussi par son attitude chaleureuse, et des récits épiques de ses propres aventures échiquéennes.

[modifier] Partie

Voici une de ses victoires avec les Noirs au championnat du monde d'échecs à Moscou en 1951 contre Mikhail Botvinnik[5] :

1.d4 Cf6 2.c4 e6 3.Cc3 Fb4 4.e3 O-O 5.Fd3 c5 6.Cf3 b6 7.O-O Fb7 8.Ca4 cxd4 9.a3 Fe7 10.exd4 Dc7 11.b4 Cg4 12.g3 f5 13.Cc3 a6 14.Te1 Cc6 15.Ff1 Cd8 16.Ff4 Fd6 17.Fxd6 Dxd6 18.Fg2 Cf7 19.c5 Dc7 20.Tc1 Tae8 21.Ca4 b5 22.Cc3 f4 23.d5 fxg3 24.fxg3 exd5 25.Dd4 Cf6 26.Ch4 Te5 27.Txe5 Dxe5 28.Dxe5 Cxe5 29.Cf5 Cc4 30.Td1 Rh8 31.Te1 Cxa3 32.Cd6 Fc6 33.Ta1 Cc2 34.Txa6 d4 35.Ccxb5 Fxg2 36.Rxg2 Cg4 37.Cf5 d3 38.Td6 Txf5 39.Txd7 Cce3+ 0-1

[modifier] Publications

  • L'Art du combat aux échecs, le tournoi des candidats de Zurich, 1953, Payot, 1994. (ISBN 2-228-88784-6)
  • (Avec Tom Furstenberg) L'apprenti sorcier, Jean-Louis Marchand éditions, 2000.
  • (en) 200 Open Games, Dover, 1973,
  • (en) Bronstein on the King's Indian, Dover, 1999 ;
  • (en) The Modern Chess Self Tutor ;
  • (en) Secret Notes, ed. Olms, 2007
  • (ru) Boris Veinstein, L'improvisation dans l'art des échecs, Fizikoultoura i sport, 1976.

[modifier] Notes et références

  1. Furstenberg
  2. En 1976, Bronstein refusa de signer une lettre ouverte des maîtres soviétiques condamnant la défection de Kortchnoi, tout comme Mikhail Botvinnik et Boris Spassky : Grand Master David Bronstein et Bronstein: I played Chess for my dad's Jailers : Life was normal until 1976, when I did not sign the Party letter denouncing the “renegade” Korchnoi. (Botvinnik and Spassky also declined to sign. Korchnoi had defected to the West. -- Anthony Saidy) For 13 years, I was barred from playing in the West. [Soviet chess tsar] Baturinsky would say to me, “There’s an invitation for you, but important people are angry with you,” pointing to heaven. In 1974, I had quietly helped Korchnoi against Karpov, and they did not like that either. In 1981, I was invited to Iceland to lecture. [Soviet Federation president] Krogius asked me if I had helped Korchnoi during the 1974 match. I said “Yes.” One day before leaving for Iceland my passport was revoked.
    Boris Goulko ne signa pas non plus la lettre (Viktor Kortchnoï, Chess is my life, p. 98 : « The signatures of 31 grandmasters appeared below the letter. There were four who did not sign it : Botvinnik, Bronstein, Gulko and Spassky »).
  3. Tatiana Boleslavskaya et Tom Furstenberg in David Bronstein : L'apprenti sorcier, pages 26 et 280-281
  4. L'apprenti sorcier, pages 16-17
  5. Botvinnik-Bronstein Moscou 1951

[modifier] Références

La source fondamentale en français reste L'apprenti sorcier paru en 2000 aux éditions Jean-Louis Marchand.

  • (en) The Oxford Companion to Chess, Hooper and Whyld, 1984
  • (en) (Guinness) Chess; The Records, Whyld, 1986
  • (en) International Championship Chess, Kazic, 1974
  • (en) The Encyclopaedia of Chess, Sunnucks, 1970
  • (en) Two Hundred Open Games, McMillan, 1973

[modifier] Lectures complémentaires

  • (en) Irving Chernev, Twelve Great Chess Players and Their Best Games, Dover, August 1995 (ISBN 0486286746)

[modifier] Liens externes