Développement durable

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Schéma du développement durable : à la confluence de trois préoccupations, dites "les trois piliers du développement durable".
Schéma du développement durable : à la confluence de trois préoccupations, dites "les trois piliers du développement durable".

Le « développement durable » (ou développement soutenable) est, selon la définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement dans le Rapport Brundtland[1] :

« un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de " besoins ", et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »

Autrement dit, il s'agit, en s'appuyant sur des valeurs (responsabilité, participation et partage, débat, partenariat, innovation, pérennité, réversibilité, précaution et prévention et solidarité ;sociale, géographique et transgénérationelle) d'affirmer une approche double et conjointe :

  • Dans l'espace : chaque habitant de cette terre a le même droit humain aux ressources de la Terre ;
  • Dans le temps : nous avons le droit d'utiliser les ressources de la Terre mais le devoir d'en assurer la pérennité pour les générations à venir.

Des écologistes et autres personnalités de divers bords politiques considèrent le terme « développement durable » comme un oxymore, certains préférant le qualificatif de soutenable à celui de durable. (voir plus bas)

Sommaire

Sémantique et concept de développement durable

Divers institutions et acteurs sociaux et économiques se réclament de ce concept, né de deux constats qui sont :

  • l'actuelle fracture Nord/Sud et la recherche d'un développement humain ;
  • la présente crise écologique et l'urgence de sauvegarder l'environnement.

Le lien entre les objectifs du développement et la crise de l'environnement conduit au concept d' éco-développement développé au début des années 1970 par Ignacy Sachs et à la conférence internationale de Stockholm sur l'environnement humain en 1972. Puis le terme Sustainable development, traduit par « développement durable » apparaît en 1980 et est officialisé et répandu par le rapport Notre avenir à tous, (dit Rapport Brundtland) en 1987.

On emploie quelquefois en français le terme de « développement soutenable ». (Qui est la traduction littérale de l'anglais « Sustainable development »)

Historique

1968 : création du Club de Rome regroupant quelques personnalités occupant des postes relativement importants dans leurs pays respectifs et souhaitant que la recherche s'empare du problème de l'évolution du monde pris dans sa globalité pour tenter de cerner les limites de la croissance.

1972 : le Club de Rome publie le rapport Halte à la croissance ?, ou Les limites de la croissance, le titre original étant The limits to growth, rédigé à sa demande par une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology. Ce premier rapport donne les résultats de simulations informatiques, par le modèle DYNAMO de Jay Forrester sur l'évolution de la population humaine en fonction de l'exploitation des ressources naturelles, avec des projections jusqu'en 2100. Il en ressort que la poursuite de la croissance économique entraînera au cours du XXIe siècle une chute brutale des populations à cause de la pollution, de l'appauvrissement des sols cultivables et de la raréfaction des ressources énergétiques. Le modèle n'est cependant pas encore à ce stade sectorisé par régions comme il le sera ensuite.

1972 (5 au 16 juin) : une conférence des Nations unies sur l'environnement humain à Stockholm expose notamment l'écodéveloppement, les interactions entre écologie et économie, le développement des pays du Sud et du Nord. C'est le premier Sommet de la Terre.

L'environnement apparaît en effet à partir des années 1970 comme un patrimoine mondial essentiel à transmettre aux générations futures et le philosophe Hans Jonas a exprimé cette préoccupation dans son livre Le Principe responsabilité à travers le concept d'heuristique de la peur (1979).

1980 L'Union internationale pour la conservation de la nature publie un rapport intitulé La stratégie mondiale pour la conservation[2] où apparaît pour la première fois la notion de « développement durable », traduite de l'anglais « sustainable development ».

1987 (avril) : Une définition du développement durable est proposée par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement (Rapport Brundtland).

1992 (3 au 14 juin) : Deuxième Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro en 1992 : consécration du terme "développement durable", Le concept commence à être largement médiatisé devant le grand public. Adoption de la convention de Rio et naissance de l'Agenda 21. La définition Brundtland, axée prioritairement sur la préservation de l'environnement et la consommation prudente des ressources naturelles non renouvelables, sera modifiée par la définition des « trois piliers » qui doivent être conciliés dans une perspective de développement durable : le progrès économique, la justice sociale, et la préservation de l'environnement.

2002 (26 août au 4 septembre) : Sommet de Johannesburg : En septembre, plus de cent chefs d'État, plusieurs dizaines de milliers de représentants gouvernementaux et d'ONG ratifient un traité prenant position sur la conservation des ressources naturelles et de la biodiversité. Quelques grandes entreprises françaises sont présentes.

2005 : Entrée en vigueur du protocole de Kyōto sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Ce protocole se révèle contraignant : un citoyen l'enfreint déjà à son échelle en effectuant un voyage international en avion par an.

Les enjeux

L'environnement négligé au XIXe siècle

Historiquement, le mode de pensée qui est à l'origine de la Révolution industrielle du XIXe siècle a introduit des critères de croissance essentiellement économiques. On retrouve ces critères dans le calcul du Produit national brut, dont l'origine remonte aux années 1930.

Des corrections ont été apportées dans la deuxième moitié du XIXe siècle sur le plan social, avec l'apparition d'associations à vocation sociale et du syndicalisme. L'expression "économique et social" fait partie du vocabulaire courant.

Mais les pays développés (ou pays du Nord) ont pris conscience depuis les années 1970 que leur prospérité était basée sur l'utilisation intensive des ressources naturelles finies, et que par conséquent, outre l'économique et le social, un troisième aspect a été négligé : l'environnement ; Par exemple, l'empreinte écologique mondiale a dépassé la capacité "biologique" de la Terre à se reconstituer vers le milieu des années 1970[3].

Pour certains analystes[4], le modèle de développement industriel n'est pas viable ou insoutenable sur le plan environnemental, car ne permettant pas un "développement" qui puisse durer. Les points cruciaux sont l'épuisement des ressources naturelles (matières premières, énergies fossiles pour les humains), la destruction et fragmentation des écosystèmes, la diminution de la biodiversité qui diminuent la résilience de la planète.


Le développement (industriel, agricole, urbain) génère des pollutions immédiates et différées (exemple pluie acide et gaz à effet de serre qui contribuent à un changement climatique et contribue à la surexploitation des ressources naturelles (exemple : déforestation de la forêt équatoriale). Il provoque une perte inestimable en terme de biodiversité par l'extinction (donc irréversible) d'espèces végétales ou animales. Ce développement provoque une raréfaction des énergies fossiles et des matières premières qui rend imminent le pic pétrolier) et nous rapproche de l'épuisement de nombreuses ressources naturelles vitales.

Au problème de viabilité s'ajoute un problème d'équité : les pauvres subissent le plus la crise écologique et climatique, et il est à craindre que le souhait de croissance (légitime) des pays sous-développés (souvent appelés pays du Sud) vers un état de prospérité similaire, édifié sur des principes équivalents, n'implique une dégradation encore plus importante et accélérée de la biosphère. Si tous les États de la planète adoptaient l'American Way Of Life (qui consomme près du quart des ressources de la Terre pour 7% de la population) il faudrait 5 ou 6 planètes. Et si tous les habitants de la planète vivaient avec le même train de vie que la moyenne française, ce ne sont pas moins de 3 Terre qui seraient nécessaires[5].

De plus, Les catastrophes industrielles de ces trente dernières années (Tchernobyl, Seveso, Bhopal, Exxon Valdez, etc.) ont interpellé l'opinion publique et les associations telles que le WWF, les Amis de la Terre, Greenpeace. (voir aussi Chronologie de l'écologisme)

Un développement économique et social respectueux de l'environnement

L'objectif du développement durable est de définir des schémas viables et conciliant les trois aspects économique, social, et environnemental des activités humaines ; « trois piliers » à prendre en compte, par les collectivités comme par les entreprises et les individus :

  • Économique : performance financière « classique », mais aussi capacité à contribuer au développement économique de la zone d'implantation de l'entreprise et à celui de tous échelons ;
  • Social : conséquences sociales de l'activité de l'entreprise au niveau de tous ses échelons : employés (conditions de travail, niveau de rémunération…), fournisseurs, clients, communautés locales et société en général ;
  • Environnemental : compatibilité entre l'activité sociale de l'entreprise et le maintien de la biodiversité et des écosystèmes. Il comprend une analyse des impacts du développement social des entreprises et de leurs produits en termes de flux, de consommation de ressources, difficilement ou lentement renouvelables, ainsi qu'en terme de production de déchets et d'émissions polluantes… Ce dernier pilier étant nécessaire aux deux autres.

A ces trois piliers s'ajoute un enjeu transversal, indispensable à la définition et la mise en oeuvre de politiques et d'actions relatives au développement durable : la gouvernance. La gouvernance consiste en la participation de tous les acteurs (citoyens, entreprises, associations, élus...) au processus de décision. La gouvernance est une forme de démocratie participative.

Les objectifs du développement durable

Répondre aux besoins des générations actuelles et à venir

Comme vu précédemment, la définition classique du développement durable provient du rapport Brundtland de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement. Il rappelle le propos prêté à Antoine de Saint-Exupéry : « Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ».

Le rapport Brundtland insiste sur la nécessité de protéger la diversité des gènes, des espèces et de l'ensemble des écosystèmes naturels terrestres et aquatiques, et ce, notamment, par des mesures de protection de la qualité de l'environnement, par la restauration, l'aménagement et le maintien des habitats essentiels aux espèces ainsi que par une gestion durable de l'utilisation des populations animales et végétales exploitées.

Il est toutefois difficile de séparer le patrimoine naturel et le patrimoine culturel. L'idée de transmission de génération en génération alliée à celle de diversité culturelle (on pense aussi aux populations les plus démunies) et à celle d'interaction entre les communautés humaines et la nature est bien résumée dans la définition que donne l'UNESCO du patrimoine culturel :

« Ce patrimoine culturel (immatériel), transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d'identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine ». [6]

On peut considérer que les objectifs se partagent entre trois grandes catégories :

  • Ceux qui sont à traiter à l'échelle de la planète : rapports entre nations, individus, générations ;
  • Ceux qui relèvent des autorités publiques dans chaque grande zone économique (Union européenne, Amérique latine, Asie…), à travers les réseaux territoriaux par exemple ;
  • Ceux qui relèvent de la responsabilité des entreprises.

Le développement durable, associé à la notion de bonne gouvernance, n'est pas un état statique d'harmonie mais un processus de transformation dans lequel l'exploitation des ressources, le choix des investissements, l'orientation des changements technologiques et institutionnels sont rendus cohérents avec l'avenir comme avec les besoins du présent[7].

Équité entre nations, individus et générations

Pour les uns, le concept de développement durable est assez clair pour être opérationnel. D'autres le voient comme une panacée et un catalogue de bonnes intentions qui devraient permettre tout à la fois, sans trop préciser comment, de combiner un ensemble d'exigences :

  • Le respect des droits et des libertés de la personne :
    • la participation, pour l'ensemble des groupes de la société, aux différents processus de prise de décision ;
    • statut des femmes ;(importance du rôle de la femme dans la société cf AMARTYA SEN )
    • l'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées ;
    • liberté de la presse ;
    • résolution des conflits ;
    • liberté d'expression.

etc.

Réseaux territoriaux et Agenda 21

Icône de détail Article détaillé : Agenda 21.

Pour le développement durable des territoires locaux, les réseaux de villes et les communautés urbaines sont à même d'exprimer les besoins et de mettre en œuvre des solutions dans le cadre de l'outil défini au sommet de la Terre de Rio de Janeiro : l'agenda 21. L'agenda type comprenant 40 chapitres répartis en quatre sections. Pour cela les collectivités territoriales peuvent coopérer avec les entreprises, les universités (et les grandes écoles en France) ainsi qu'avec les centres de recherche, pour imaginer les solutions innovantes de demain.

Les gouvernements ont souvent élaboré un cadre de référence pour les projets territoriaux de développement durable dont les agendas 21 locaux [8], de même que l'ICLEI pour les villes, avec le réseau des villes durables ayant signées la charte d'Aalborg

Les agendas 21 locaux sont de véritables plans d'actions de la politique de développement durable du territoire. Ils sont réalisables à l'échelle d'une commune, d'un département, d'une région, d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération. Ils sont définis en concertation avec les acteurs locaux, dans un cadre de démocratie participative. Ils se déroulent en plusieurs phases :

  • définition des problématiques et priorités sociales, environnementales et économiques du territoire
  • établissement d'un plan d'actions précis ciblant ces problématiques
  • mise en oeuvre du plan d'actions
  • évaluation et ajustements des actions mises en oeuvre

Responsabilité sociale des entreprises

Pour le respect d'objectifs de développement durable par les entreprises, spécifiquement on parle de responsabilité sociale des entreprises (corporate social responsability) ou parfois plus précisément responsabilité sociétale des entreprises[9] puisque le volet de responsabilité ne correspond pas uniquement au "volet social". La responsabilité sociale des entreprises est un concept par lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, voire de bonne gouvernance ou gouvernement dans leurs activités et dans leur interaction avec leurs parties prenantes sur une base volontaire. Il y a en effet, jusqu'à présent, peu d'obligations législatives, de contraintes ou de pénalités : à citer cependant en France, une loi relative aux nouvelles régulations économiques qui oblige les entreprises cotées en bourse à inclure dans leur rapport annuel une série d'informations relatives aux conséquences sociales et environnementales de leurs activités.

Efficacité économique

Elle vise à favoriser une gestion optimale des ressources humaines, naturelles et financières, afin de permettre la satisfaction des besoins des communautés humaines, et ce, notamment, par la responsabilisation des entreprises et des consommateurs au regard des biens et des services qu'ils produisent et utilisent ainsi que par l'adoption de politiques gouvernementales appropriées (principe du pollueur/payeur (Pigou), internalisation des coûts environnementaux et sociaux, éco-fiscalité, etc.).

Définitions complémentaires

Développement désirable / économie verte

La définition classique du développement durable issue de la commission Brundtland (1987) peut apparaître à certains dépassée. En effet, il ne s'agit plus de viser, comme il y a une vingtaine d'années, la satisfaction des besoins lointains de générations futures. C'est la satisfaction actuelle des besoins qui est maintenant compromise par les crises environnementales et sociales que connaît le XXIe siècle (par exemple : l'ouragan Katrina, les ravages du Tsunami, la perte de biodiversité, la raréfaction de la ressource halieutique et le renchérissement des matières premières, la pollution atmosphérique). Il ne s'agit plus d'anticiper les problèmes mais de les résoudre. Le développement durable pourrait alors laisser place à la notion de "développement désirable"[10] qui regroupe l'ensemble des solutions économiquement viables aux problèmes environnementaux et sociaux que connaît la planète. Ce nouveau mode de développement, facteur de croissance économique et d'emplois, serait une véritable "économie verte"[11], basée sur l'économie sociale et solidaire, l'éco-conception, le biodégradable, le bio, la dématérialisation, le réemploi-réparation-recyclage, les énergies renouvelables, le commerce équitable, la relocalisation.

Durabilité / soutenabilité

Certains préfèrent parler de développement soutenable (le contraire de insoutenable, et ce que notre environnement peut supporter à moyen et long terme). C'est une traduction plus littérale du terme anglophone sustainable development. Les tenants du terme « durable » insistent sur la notion de durabilité (cohérence entre les besoins et les ressources globales de la Terre sur le long terme) plutôt que sur l'idée d'une recherche de la limite jusqu'à laquelle la Terre sera capable de nourrir l'humanité.

D'autres récusent le concept même de développement économique et préfèrent parler d'utilisation durable, voire, en s'inspirant des travaux de Nicholas Georgescu-Roegen, de décroissance durable.

Durabilité forte / faible

Icône de détail Article détaillé : Durabilité.

Il existe deux conceptions sur la durabilité :

  • Durabilité forte : on n'admet pas que le capital naturel soit amputé au détriment des générations futures ; Les partisans de cette conception sont plutôt les ONG, surtout environnementales, les associations…
  • Durabilité faible : on tolère une amputation du capital naturel, à condition que cette amputation soit substituée par un capital de connaissances, appelé capital immatériel ; les tenants de la durabilité faible se situeraient plutôt parmi les chercheurs "réalistes", parmi les dirigeants d'entreprises et dans les milieux économiques et financiers, bien qu'il soit difficile de généraliser.

Voir dans le paragraphe limites et dérives du concept les dangers de la durabilité faible.

« Agir local, penser global »

Cette formule, employée par René Dubos au sommet sur l'environnement de 1972, est souvent employée dans les problématiques de développement durable. Elle montre que la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux nécessite de nouvelles heuristiques, qui intègrent le caractère global du développement durable. Elle fait penser à la philosophie de Pascal, plutôt qu'à celle de Descartes, celle-ci étant davantage analytique. En pratique, elle se traduit par des modèles systémiques.

Aspects éthiques et juridiques

Éthique du développement durable

Les aspects essentiels du développement durable, sur les capacités de la planète et les inégalités d'accès aux ressources posent des questions philosophiques.

Jean Bastaire voit l'origine de la crise écologique chez Descartes selon qui l'homme devait se « rendre maître et possesseur de la nature » (Discours de la méthode, sixième partie).
André Comte-Sponville aborde les questions d'éthique dans le capitalisme est-il moral ?'. Paul Ricœur et Emmanuel Lévinas le firent aussi sous l'angle de l'altérité et Patrick Viveret et Jean-Baptiste de Foucauld (Les trois cultures du développement humain) sur celui de la justice sociale.
Hans Jonas fut le premier à avancer l'idée selon laquelle le fait que le modèle économique de l'Occident pourrait ne pas être viable sur le long terme s'il ne devenait pas plus respectueux de l'environnement impose une refonte de l'éthique pour supprimer les menaces que la technique posent à l'avenir de l'Humanité. En effet ce philosophe fut le premier à poser que l'on avait un devoir vis-à-vis des êtres à venir, des vies potentielles et « vulnérables » que nous menaçons. Pour Jonas, qui écrit Le Principe responsabilité durant la guerre froide, les menaces en question sont tant environnementales que nucléaires. Depuis lors l'un des thèmes de la philosophie qui interpelle le plus nos contemporains est celui de la philosophie de la nature, dont on trouve un représentant éminent en la personne du chimiste et physicien irlandais Robert Boyle.

Le philosophe français Michel Foucault aborde ces questions sur le plan épistémologique. Il parle de changements de conception du monde, qui se produisent à différentes époques de l'Histoire. Il appelle ces conceptions du monde, avec les représentations qui les accompagnent, des épistémès. On pourrait sans doute affirmer que le développement durable, et son corollaire la mondialisation, correspondent au concept d'épistémè, qui, appliqué à notre époque, est appelé hypermodernité par Michel Foucault.
Cet aspect est présent dans le film Une vérité qui dérange de Al Gore, qui montre que la vision du monde est en train de changer.
Sans en aborder tous les aspects philosophiques, on notera que le développement durable comporte des enjeux très importants en matière d'éthique des affaires, questions qui semblent plus facilement abordées par les anglo-saxons que dans le reste de l'Europe, et en particulier en France.

Aspects juridiques

Le développement durable impacte le droit international, et notamment le droit communautaire dans l'Union européenne où le droit de l'environnement s'est progressivement déplacé des États membres vers le niveau européen qui est apparu subsidiairement plus adapté pour traiter ces questions, et ceci en plusieurs étapes :

L'impact de l'environnement sur des domaines aussi vitaux que l'eau, l'énergie, les services, l'agriculture, la chimie, etc est tel que l'Union européenne a capté certaines compétences des États membres, via la législation européenne (directives cadres, directives, règlements) qui s'impose aux États membres en vertu de la hiérarchie des normes juridiques. Ceci pose des questions de souveraineté qui peuvent être étudiées sous l'angle de la légitimité des actions à mener pour aboutir à un développement plus durable.

Voir : Légitimité et développement durable

C'est vers les années 2001-2002 que le développement durable apparaît en France comme la nécessité pour les entreprises de rendre compte des conséquences sociales et environnementales de leurs activités, par rapport aux exigences de la société civile. Cela s'est traduit par une disposition législative sur la communication dans la loi NRE, poussant à l'élaboration de rapports de développement durable.

Le président Chirac a poussé à la rédaction d'une charte de l'environnement en 2004, soulignant dans un discours que la France était le premier pays au monde à inclure l'environnement dans sa Constitution.

En pratique, hormis pour quelques entreprises qui sont directement engagées dans des secteurs sensibles (énergie, environnement), on constate peu d'intérêt pour les démarches de développement durable. Le fait est que la communication d'informations potentiellement sensibles sur le plan stratégique tend à augmenter les vulnérabilités des entreprises, sans pour autant mettre en évidence l'intérêt de l'innovation. Les entreprises (notamment françaises) risquent ainsi de divulguer des informations par le canal de l'internet, qui peuvent être récupérées sans gros effort par leurs concurrentes en dehors de l'Europe.

Aspects organisationnels

Communication et développement durable

Avec la mise en place de programmes de développement durable dans les entreprises et d’agendas 21 dans les collectivités territoriales, s’est posé, à partir de 2002, la question de la « communication sur le développement durable ». Autrement dit, comment sensibiliser l’opinion au développement durable, impliquer les professionnels, et parfois convaincre les décideurs ?

Plusieurs pistes et éléments de réponse sont donnés par des professionnels[12]:

  • une communication efficace suppose de « démystifier » le développement durable. Cela implique de mettre en avant les bénéfices concrets de la démarche, de dresser un constat honnête de la situation, de décrire les initiatives en montrant l’implication de celui qui parle, et surtout, de donner les « modes d’emploi ». Cela suppose aussi d'éviter quelques écueils : les grands principes, les bonnes intentions (« La terre c’est important pour demain ») et le jargon inaccessible au public (« gouvernance », « stakeholders », « PADD »…)[13].
  • « Il n’y a pas de communication miracle mais un travail sur la durée ». En outre, il est souhaitable : "d’impliquer les associations, d'impliquer physiquement les citoyens (événements festifs, comités citoyens, témoignages, etc.), et d’agir plus sur l’émotionnel car on convainc souvent mieux avec des événements festifs que des arguments scientifiques". Concernant éco-produits et éco-services, la communication doit mettre « simultanément en avant l’aspect environnement/social et les égo-promesses (être en meilleure santé, avoir une plus jolie peau, etc.) »[14], sous peine de ne pas convaincre et de ne pas vendre.
  • « Quels que soient les outils et supports de communication utilisés, rien ne remplace un échange régulier entre les parties prenantes". La clé se trouverait aussi dans le mode d’expression, le ton : "être simple, honnête et positif : en un mot humain. Simple avec une approche humaine évitant les caricatures stéréotypées et la langue de bois"[15].
  • Le succès d’une communication environnementale repose sur deux facteurs : "porter le message au bon endroit, d’une part, et rechercher la cohérence par l’exemplarité, d’autre part[16].

Union européenne

On a vu que les préoccupations environnementales ont émergé dès 1972 en Europe. Elles ont été intégrées dans les textes communautaires avec l'Acte unique en 1987. Le traité de Maastricht évoque des objectifs sur l'environnement. La Suède a poussé à l'accélération des actions dans ce domaine. L'expression développement durable apparaît pour la première fois dans un texte communautaire avec le traité d'Amsterdam en 1997, qui inclut également un protocole sur le principe de subsidiarité. En 2001, le conseil européen de Göteborg réoriente la stratégie de Lisbonne vers le développement durable, et un livre vert de la Commission européenne aborde le sujet de la responsabilité sociétale pour les entreprises.

Le développement durable peut être traité par la recherche d'informations dans le contexte (veille), pour définir l'usage des informations dans une stratégie d'innovation. Cette politique, beaucoup plus complexe dans sa mise en œuvre, tend à se mettre en place depuis 2003-2004, tant au niveau des administrations centrales que des collectivités territoriales et des entreprises (voir intelligence économique).

États-Unis

Dans le même temps, les entreprises anglo-saxonnes tissent des réseaux d'influence autour des institutions internationales, en s'appuyant sur les réseaux des organisations non gouvernementales. Ceci permet de collecter une quantité importante d'informations, qui sont structurées puis gérées dans les réseaux internationaux d'entreprises, d'universités, de centres de recherche (voir par exemple le World Business Council on Sustainable Development).

La stratégie américaine consiste aussi à tisser des liens avec les enceintes normatives privées comme la chambre de commerce internationale, située à Paris. La CCI rédige des "rules", règles types dans tous les domaines de la vie des affaires, reprises comme modèle dans les contrats financés par les organismes internationaux. La CCI a joué un rôle important au sommet de la Terre de Johannesburg à l'été 2002 en créant, conjointement avec le WBCSD, le Business Action for Sustainable Development.

Aspects financiers

La mise en œuvre d'une politique de développement durable dans les entreprises dépend largement de l'utilisation des actifs de l'entreprise. Les actifs peuvent être des actifs physiques (immobilisations au sens classique du terme), mais aussi des actifs immatériels (immobilisations incorporelles).

La mobilisation vers un développement durable dépend essentiellement de la façon dont les entreprises vont orienter les compétences de leurs employés (capital humain), les relations avec leurs parties prenantes (capital relationnel), et leurs structures (capital structurel), qui forment ensemble le capital immatériel. Celui-ci est directement en rapport avec la gestion des connaissances.

Domaines d'application

Le développement durable concerne l'ensemble des activités humaines. Les enjeux de durabilité sont cependant différents pour chacun des secteurs d'activité.

Agriculture et sylviculture

Icône de détail Article détaillé : Agriculture durable.
Icône de détail Article détaillé : Gestion durable des forêts.

Dans le secteur de l'agroalimentaire, la société civile s'est émue des problèmes liés par exemple à l'ESB.

Construction et urbanisme

Icône de détail Article détaillé : Écoconstruction.

Le développement durable induit d'autres méthodes de construction, visant à diminuer les consommations d'énergie notamment. Mais il est aussi nécessaire de repenser l'environnement des bâtiments et les transports urbains, d'imaginer des villes plus durables et une bonne gestion des ressources notamment en eau et énergie.

Voir : Écologie urbaine.

Énergie

Énergies renouvelables

Les différentes formes d'énergies renouvelables sont :

Énergie nucléaire

L'énergie nucléaire est à court terme la seule énergie non-émettrice de gaz à effet de serre à même de compenser la faiblesse de la production renouvelable pour subvenir aux besoins d'électricité.

Les anti-nucléaires avancent les arguments suivants :

Les professionnels de l'industrie nucléaire soulignent que l'impact sur l'environnement est limité et que le problème de prolifération ne se pose pas pour les centrales des pays démocratiques. Les prochaines filières nucléaires devraient être encore plus sûres et économes en carburant.

Voir aussi 

Économies d'énergie

Des économies d'énergie à l'échelle de la planète permettraient de réduire le stress énergétique.

Eau

Certaines entreprises ont pris des engagements permettant de comprendre la problématique posée pour une gestion durable de l'eau et ont sollicité des agences de notation indépendantes pour être auditées.

Transports

Icône de détail Article détaillé : Véhicule propre.

Tableau de synthèse

Domaine Principaux articles
Pilotage Politique européenne de développement durable · Stratégie nationale de développement durable · Agenda 21 · Agendas 21 locaux · Management environnemental · Sommet de la Terre · Éthique appliquée
Économie Responsabilité sociale des entreprises · Triple bottom line · Parties prenantes · Investissement socialement responsable · Global Compact · Économie de l'environnement · Lutte contre la corruption
Social Gestion des ressources humaines · Développement humain · Indice de développement humain · CHSCT · Pays en développement
Ressources naturelles Utilisation durable de l'eau · Utilisation durable des sols · Énergie renouvelable · Économie d'énergie
Agriculture Agriculture durable · Agriculture biologique · Traçabilité agroalimentaire · Sécurité alimentaire · Gestion durable des forêts
Industrie et Construction Écologie industrielle · Chimie verte · Véhicule propre · Gestion des déchets · Écoconstruction · Haute qualité environnementale · Écologie urbaine
Technologie Meilleure technologie disponible · Technologie environnementale
Concepts Empreinte écologique · Facteur 4 · Durabilité · Traçabilité · Analyse du cycle de vie · Filière intégrée · Coût total de possession · Indicateur environnemental

Mise en œuvre multidomaines

Difficultés posées par la mise en œuvre

Si le principe ainsi défini est assez clair, les objectifs posés par le développement durable semblent plus difficiles à mettre en œuvre. Parmi les questions qui se posent :

  • Comment définir les besoins des générations futures ?
  • Une croissance économique forte est-elle compatible avec les besoins de la population actuelle et avec la population de demain ?
  • Peut-on se contenter de mieux gérer les ressources non renouvelables, l'objectif de maintien de la valeur du capital naturel est-il possible :
    • utilisation abusive de la voiture (trajet moyen : 3 km) et imminence du pic pétrolier, multiplication du transport des marchandises
    • gaspillage de l'eau (notamment dans l'agriculture), sur-utilisation d'eau potable pour des usages non alimentaires
    • gaspillage de l'électricité (éclairage, appareils électriques en veille, air conditionné mal réglé…),
    • production de déchets (emballages) ou surproduction d'objets de consommation à durée de vie courte,
  • Les modèles de mesure de la croissance sont-ils adaptés ? Souvenons-nous qu'il y a 30 ans, le sentiment général était que la planète ne serait plus viable en l'an 2000 : quelle mise à jour crédible et rigoureuse de l'argumentation peut-on avancer ?
  • Les pays du Sud sont-ils impliqués dans la réflexion ? L'innovation technologique nécessaire ne risque-t-elle pas d'introduire un fossé grandissant entre pays riches et pays pauvres sur le plan de la connaissance ?
  • Comment soutenir, sans « paternalisme » le développement des pays « du sud », comment vont-ils s'organiser pour respecter les « trois piliers » décrits plus haut?
  • Pour la question du changement climatique, le protocole de Kyoto est-il une manière efficace de résoudre le problème ?
  • Quel impact ces enjeux auront-ils sur l'équilibre du monde ? Quelle relation faire avec la mondialisation ? La croissance des grands pays d'Asie est-elle soutenable ?
  • Quels seront les impacts en termes de droit ? Quel rapport entre droit positif et droit naturel ? En particulier quels seront les impacts de la charte de l'environnement (en France), remontée au sommet de la hiérarchie des normes depuis 2005, sur le droit public, sur le droit privé et le droit des affaires ?
  • Quelles évolutions technologiques prévisibles peuvent avoir une incidence sur la situation et les politiques à suivre ?
  • Quel niveau de perception les dirigeants ont-ils de l'ampleur et de la globalité du phénomène ? La communication est-elle suivie d'action ?
  • Sur un plan éthique, la présentation du développement durable est-elle cohérente vis-à-vis des employés des entreprises et des parties prenantes ?
  • Les agences de notation financière permettent-elles de rendre compte des progrès accomplis ? Quelle place les agences de notation sociétale prendront-elles ?
  • Comment partager les bonnes informations collectivement ?
  • Comment mettre à jour notre fonctionnement économique pour qu'il s'inscrive dans ce développement durable?

Cas des entreprises et du monde économique

Au cours de ces dix dernières années, bon nombre d'entreprises se sont dotées de Directions[17] du développement durable. Elles ont engagé des politiques souvent ambitieuses pour faire évoluer les comportements internes et incarner de manière tangible leurs responsabilités sociale et environnementale. Aujourd'hui, il faut intégrer dans le modèle économique de l'entreprise les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, de protection de la santé, de préservation de la biodiversité et d'une meilleure gestion des ressources rares ; et cela dans un contexte peu favorable, où les marchés et l'État ne tiennent pas encore suffisamment compte des performances durables. Dès à présent, le Grenelle de l'environnement peut favoriser l'avènement d'un capitalisme de parties prenantes.

Mesures

Les instruments macroéconomiques classiques (PIB) s'avèrent déficients pour mesurer le développement durable. La croissance économique apparaît ainsi comme contradictoire par rapport aux objectifs du développement durable.

La mesure microéconomique du développement durable pour les entreprises peut se faire par l'intermédiaire des critères du Global Reporting Initiative. On trouve plus d'une centaine d'indicateurs, environnementaux, sociaux, économiques, et de gouvernance. Ce modèle s'intègre très difficilement aux modèles de systèmes d'information classiques des entreprises.

Concept de meilleure technologie disponible (MTD)

L'une des réponses apportées du point de vue technologique consiste à rechercher la meilleure technologie disponible (en anglais best available technology, BAT) pour un besoin identifié, ou des attentes exprimées par un marché, qui concile les trois piliers du développement durable d'une façon transversale (multidomaines).

La recherche et le choix d'une telle technologie doit également tenir compte d'autres aspects : sécurité et ressources naturelles (énergie et matières premières), système d'information (dans une optique d'économie de l'immatériel), parties prenantes (marchés, questions juridiques, institutions).

L'optimisation des MTD est évidemment un processus itératif.

Systèmes d'information

Ce serait simpliste de croire que la problématique du développement durable dans les systèmes d'information se résume au recyclage du matériel informatique. Se mettre au service du développement durable implique de structurer les informations utiles pour la gestion des programmes concernés, et plus particulièrement pour la gestion des données.

Étant donné l'ampleur du volume des données manipulées, il est apparu qu'il fallait employer des référentiels de données pour la documentation, permettant aux utilisateurs d'accéder à l'information, de la partager, et de structurer leurs propres dictionnaires de données. Cette activité s'appelle l'ingénierie des connaissances. Les ressources informatiques (textes, sons, images), particulièrement les ressources du Web, doivent donc être indexées comme des métadonnées. Les organisations qui sont chargées d'un domaine d'application doivent établir un registre de métadonnées qui décrit les éléments nécessaires au partage des informations.

Différentes organisations aux États-Unis ont lancé des programmes sur les métadonnées, pour l'environnement et des secteurs connexes (voir domaines d'application des métadonnées). L'Environmental Protection Agency et l'Agence européenne de l'environnement utilisent déjà des registres de métadonnées.

En Europe, les institutions européennes préparent la directive INSPIRE sur les données géospatiales.

Enfin, la gestion du développement durable pose la question de l'optimisation de la gouvernance d'internet.

Limites et dérives du concept

Comme tous les concepts, le développement durable trouve aussi ses limites. En effet, la société capitaliste, dans laquelle nous sommes, a su redistribuer les dividendes de la production à l'économie (sous la forme de ré-investissements) et au social (hausse du revenu des salariés) pendant toute son existence. La balance entre ces deux pôles s'est réalisée au gré des diverses luttes sociales et des convictions politiques des dirigeants. Mais comment prendre en compte l'environnement dans cette balance alors que l'équilibre entre le social et l'économique est déjà actuellement dans une impasse ?

  1. Maintenant, le concept de développement durable peut aussi dériver vers une vision malthusienne de notre société. Pourquoi les pays riches, maintenant développés, imposeraient-ils aux pays en développement une vision limitative de leur développement ? Le concept est bon, ses objectifs louables, mais il sert peut-être à justifier une politique protectionniste de certains pays craignant une trop grande concurrence. En pratique, les pays développés ne se privent pas de commercer avec la Chine, malgré les risques de dérive de l'empreinte écologique de celle-ci.
  2. Un deuxième risque est celui d'une communication mal équilibrée. Soit la communication ne serait pas suivie d'actions, dans le domaine de l'innovation par exemple, et l'entreprise se fragiliserait par rapport à ses concurrents plus innovants. Soit au contraire la communication dévoilerait trop d'informations confidentielles. Dans les deux cas, la cohérence de l'organisation et la compétitivité de l'entreprise en pâtiraient dans le contexte de la révolution internet.
  3. Un troisième risque est celui d'une dérive vers des modèles de durabilité faible, c'est-à-dire admettant la substitution du capital naturel par un capital de connaissances. Ce modèle est souvent celui des organismes américains en particulier, surtout au niveau fédéral ou de leurs ramifications mondiales. Ce risque se traduit par la constitution de réseaux d'innovation pilotés en dehors de l'Europe qui risqueraient de déstabiliser les institutions européennes et les États de l'Union européenne (recherche, universités, ...).
  4. Un quatrième risque, plus pernicieux encore, est souligné par le philosophe André Comte-Sponville. Celui-ci craint que l'éthique d'entreprise criée haut et fort dans les colloques, au nom de l'intérêt (en fait de l'entreprise) ne masque en réalité le manque d'une morale plus large. En pratique, la fluidité des flux d'informations et financiers de la mondialisation aboutit à une multiplication des investissements étrangers non contrôlés. Cela peut court-circuiter les actions coordonnées européennes, dans le domaine politique et juridique en particulier, du fait de biais culturels et de rigidités administratives des États. Comte-Sponville en conclut à la nécessité d'une morale dépassant le cadre de l'entreprise (les quatre ordres). Une réorganisation du droit paraît en outre nécessaire.
  5. Un cinquième risque vient de l'accaparement, par les puissances qui maîtrisent les technologies de l'information, des procédures de normalisation et de régulation internationaux. De ce fait, les plus riches risquent d'imposer un modèle qui aboutit de fait à une répartition encore plus injuste des savoirs, et par conséquent des ressources naturelles. Les logiciels dits open source et les sociétés ou organisations favorisant leur mise en œuvre (dont les SSLL), peuvent peut-être contribuer à réduire ce risque.
  6. Un sixième risque est que les critères d'évaluation soient mal équilibrés et croisés entre l'environnement, le social, et l'économique, ou bien la mise en œuvre de modèles globaux biaisés (retour à des utopies ou certaines formes d'idéologies, …). Par exemple, le biais environnemental peut masquer d'autres carences.
  7. Un septième risque est que le label « développement durable » soit récupéré pour appuyer de plus en plus de politiques ou d'actes n'ayant aucun rapport avec la notion même, ou s'y rattachant d'une façon très superficielle. Par exemple, le « tourisme durable », application au tourisme du concept de développement durable, a tendance à être un tourisme d'élite qui, au nom du respect de l'environnement, dresse une barrière sociale en augmentant le tarif des séjours afin de « préserver l'environnement », oubliant le volet social.
  8. Un huitième risque est que les analystes financiers chargés d'évaluer les rapports de développement durable des entreprises ne disposent pas de la formation nécessaire sur les concepts de développement durable, et qu'ils ne disposent pas des outils d'analyse adaptés (structuration).

Critique du concept de développement durable

Le concept-même de « développement durable » rencontre des critiques à plusieurs niveaux.

Critique sur les conséquences

John Baden[18], président de la Foundation for Research on Economics and the Environment[19], considère que la notion de développement durable est dangereuse car débouchant sur des mesures aux effets inconnus et potentiellement dangereux. Il écrit ainsi : « en économie comme en écologie, c'est l'interdépendance qui règne. Les actions isolées sont impossibles. Une politique insuffisamment réfléchie entrainera une multiplicité d'effets pervers et indésirables, tant au plan de l'écologie qu'au plan strictement économique. Bien des propositions qui visent à sauver notre environnement et à promouvoir des modèles de "développement durable" risquent en réalité de conduire à des résultats exactement inverses ». En outre, il rappelle les limites auxquelles est soumise à l'action publique et que l'école du choix public a souligné : recherche par les politiques de leur intérêt propre, pression des lobbys, information partielle, etc.

Il développe sa critique en regrettant le flou de la formule, qui peut masquer tout et n'importe quoi : « l'expression "développement durable" est une formule d'essence magique, qui fait appel aux émotions, mais qui est sans contenu concret, ni bien défini. Et c'est précisément pour cela qu'elle bénéficie d'un tel consensus. Son pouvoir d'attraction réside dans les impressions et les émotions qu'elle véhicule, et non dans les apports concrets d'une analyse bien construite. » C'est dès lors ouvrir la porte à des mesures dirigistes et liberticides selon lui, là encore à l'efficacité inconnue.

A l'opposé de cette notion, il défend l'efficacité de la propriété privée pour inciter les producteurs et les consommateurs à économiser les ressources. Selon Baden, « l'amélioration de la qualité de l'environnement dépend de l'économie de marché et de la présence de droits de propriété légitimes et garantis ». Elle permet de maintenir l'exercice effectif de la responsabilité individuelle et de développer les mécanismes d'incitation à la protection de l'environnement. L'État peut dans ce contexte « créer un cadre qui encourage les individus à mieux préserver l'environnement », en facilitant la création de fondations dédiées à la protection de l'environnement[20].

Critique sur le flou du terme

Il existe une confusion autour de l'expression de « développement durable », la notion de « développement » étant elle-même floue car pouvant se rapporter soit au développement humain, soit à la croissance économique[21]. (« De prime abord, le concept de "développement durable" peut rallier à peu près tous les suffrages, à condition souvent de ne pas recevoir de contenu trop explicite ; certains retenant surtout de cette expression le premier mot "développement ", entendant par là que le développement tel que mené jusqu'alors doit se poursuivre et s'amplifier ; et, de plus, durablement ; d'autres percevant dans l'adjectif "durable" la remise en cause des excès du développement actuel, à savoir, l'épuisement des ressources naturelles, la pollution, les émissions incontrôlées de gaz à effet de serre... L'équivoque de l'expression "développement durable" garantit son succès, y compris, voire surtout, dans les négociations internationales d'autant que, puisque le développement est proclamé durable, donc implicitement sans effets négatifs, il est consacré comme le modèle absolu à généraliser sur l'ensemble de la planète. » Marcel Deneux sénateur UDF.)[réf. souhaitée]

On trouve aussi une critique de ce type par Jean-Marc Jancovici[22], [21].

C'est un oxymore

Les opposants à l'idéologie du développement et de la croissance considèrent que le terme de développement durable est un oxymore[21]. Sur une planète, expliquent-t-ils, où 20 % de la population planétaire consomme 80 % des ressources naturelles, il n'est pas, pour ces 20 % les plus riches, de développement qui puisse être durable: « Si nous revenons à la définition du concept "développement durable", c'est-à-dire : "ce qui permet de répondre aux besoins des générations actuelles, sans pour autant compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins", alors, le terme approprié pour les pays riches est bien la "décroissance soutenable". »[23]

Critique anti-occidentale

Historiquement, le concept est occidental. Un de ses effets est de tenter de prolonger le développement (actuel) durablement. Ceci est explicité dans les livres de Serge Latouche.

Voir aussi

Article connexes

Aspects philosophiques et culturels

Aspects politiques

Aspects économiques et les entreprises

Aspects sociaux

Aspects environnementaux et de mise en œuvre

Aspects juridiques

Communication et usage de l'information

Relation avec la mondialisation

Liens externes

Bibliographie

  • Le mythe du développement durable, Valéry Rasplus. Publié dans l'hebdomadaire Politis n° 933, (semaine du 5 au 11 janvier 2007), page 27, rubrique « Tribune » Le mythe du développement durable.
  • La gestion des droits de l'homme, Ph. Robert-Demontrond (ed.), Éditions Apogée, 2006, ISBN 2-84398-2006-5.
  • Gérard Granier, Yvette Veyret, Développement durable. Quels enjeux géographiques ?, dossier n°8053, Paris, La Documentation française, 3e trimestre 2006, ISSN 04195361
  • La nouvelle question indigène. Peuples autochtones et ordre mondial (en co-direction avec Frédéric Déroche, Gérard Fritz et Raphaël Porteilla), L'Harmattan - Jean-Claude Fritz - Paris, 2006.
  • Assises chrétiennes de la mondialisation. Livre blanc. Dialogue pour une terre habitable. Bayard, 2006.
  • Communiquer efficacement sur le développement durable – De l’entreprise citoyenne aux collectivités durables - Les éditions Démos – Bruno Cohen-Bacrie, Paris 2006
  • Pourvu que ça dure! le développement durable en question. PIERRE, Jean-Claude, LIV'EDITIONS, mai 2006. ISBN 2-84497-092-3
  • Le développement durable au quotidien. Farid Baddache. Éditions d'organisation. 2006. ISBN 2-7081-3607-0.
  • L'ordre public écologique. Towards an ecological public order (en co-direction avec Marguerite Boutelet), Bruylant - Jean-Claude Fritz - Bruxelles, 2005.
  • Notre mode de vie est-il durable ? Nouvel horizon de la responsabilité. Justice et paix France. Édition Karthala. 2005.
  • Ce que développement durable veut dire. Geneviève Ferone. 2003.
  • Le Guide du territoire durable, Jean-Marc Lorach, Étienne de Quatrebarbes, avec la participation de Guillaume Cantillon, Éditions Village mondial, 2002
  • Atlas mondial du développement durable. Concilier économie, social, environnement. Anne-Marie Sacquet. Autrement. 2002. ISBN 2-7467-0234-7
  • Le développement durable. des enjeux stratégiques pour l'entreprise. Geneviève Férone, Charles-Henri d'Arcimoles. Pascal Bello. Najib Sassenou. Éditions d'organisation. 2001. ISBN 2-7061-2577-X.
  • L'humanité face à la mondialisation. Droit des peuples et environnement (en co-direction avec Charalambos Apostolidis et Gérard Fritz), L'Harmattan - Jean-Claude Fritz - Paris, 1997.
  • La gestion des ressources naturelles d'origines agricoles (en co-direction avec Philippe Kahn), LITEC - Jean-Claude Fritz - Paris, 1983.
  • Le Principe responsabilité Hans Jonas, 1979

Filmographie

Références

  1. du nom de Gro Harlem Brundtland, ministre norvégienne de l'environnement présidant la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, ce rapport intitulé "Notre avenir à tous" est soumis à l'Assemblée nationale des Nations unies en 1987
  2. Ouvrage publié par le WWF, l'UICN et le PNUD, voir Gérard Granier, Yvette Veyret, Développement durable. Quels enjeux géographiques ?, dossier n° 8053, Paris, La Documentation française, 3e trimestre 2006, (ISSN 0419-5361), page 2
  3. Source : WWF
  4. notamment les précurseurs du Club de Rome, René Dumont, le sociologue Jacques Ellul, Ivan Illich à Nicholas Georgescu-Roegen, comme l'économiste Serge Latouche, la physicienne et philosophe Vandana Shiva
  5. Source : WWF, à propos de l'Empreinte écologique
  6. Voir Définition que donne l'UNESCO du patrimoine culturel immatériel
  7. [pdf] ( Selon le Mémento de critères de développement durable dans les actions de coopération et de solidarité internationale)
  8. Ex ; en France : Réseaux territoriaux et agenda 21, actuellement en cours de rédaction.
  9. responsabilité sociale des entreprises est la traduction "brute" de l'anglais, moins précise mais ce terme est plus connu
  10. Thierry Kazazian "Il y aura l'âge des choses légères" Victoires éditions 2004
  11. Pascal Canfin "L'économie verte expliquée à ceux qui n'y croient pas
  12. dans l'ouvrage : « Communiquer efficacement sur le développement durable – De l’entreprise citoyenne aux collectivités durables » de Bruno Cohen-Bacrie, Les éditions Démos, Paris 2006.
  13. Selon Alexandre Pasche, de l'agence Eco&Co
  14. Selon Sauveur Fernandez, consultant à L’Econovateur
  15. Pour Cyrille Souche, agence M&C
  16. pour Valérie Martin, direction de la communication de l’ADEME
  17. Exemples d'entreprises francophones ayant une Direction du Développement Durable :
  18. (en) John Baden
  19. (en) Foundation for Research on Economics and the Environment
  20. « L'économie politique du développement durable », John Baden, document de l'ICREI
  21. abc Trois types de critiques explicités sur citoyen.eu.org : Une sélection d'articles sur le développement.
  22. « À quoi sert le développement durable ? »
  23. Bruno Clémentin et Vincent Cheynet, Contre le développement durable