Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

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Représentation de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789
Représentation de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) est un des textes fondamentaux de la Révolution française, qui « expose » un ensemble de droits naturels individuels et collectifs. Elle est adoptée définitivement le 26 août 1789[1].

Elle comporte un préambule et 17 articles qui mêlent des dispositions concernant les droits des Hommes (Français, étrangers ou ennemis)[2] qui reprennent des dispositions du Droit des gens, les droits des citoyens (Français)[3] qui rappellent ou renforcent les libertés publiques et les droits de la Société (Nation)[4] qui sont, à proprement parler, constituants.

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen fait partie de la Constitution française, y étant intégrée par le biais de son préambule[5]. Ses dispositions sont donc de droit positif et, se plaçant au sommet de la hiérarchie des normes, vont irriguer l'ensemble du droit français.

Sommaire

[modifier] Histoire

L’Assemblée réunie à Versailles par la convocation des États généraux pour trouver une solution fiscale au déficit de l'État, se déclare Assemblée nationale en réunissant les trois ordres dont elle décide l'abolition, puis s'institue Assemblée nationale constituante et décide de rédiger une déclaration des principes fondamentaux à partir desquels sera établie une nouvelle constitution. Elle se réunit pour cela, après avoir pris les décrets des 4 et 11 août 1789 sur la suppression des droits féodaux qu'elle reprendra dans l'article premier de la Déclaration.

La Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen a été débattue par l'Assemblée nationale française sous la présidence du Marquis de Mirabeau à partir d'un des trois projets proposés, celui de 24 articles rédigé par le VIème bureau[6]. C'est donc à tort qu'on attribue le texte primitif à Lafayette et qu'on lui donne comme inspiration la Déclaration d'indépendance des États-Unis, alors que c'est celui de Jérôme Champion de Cicé, bon connaisseur de la philosophie politique de Thomas d'Aquin dont est issue la distinction entre droits naturels et droits du citoyen.

La discussion débute le 9 juillet et débouche sur un vote le 26 août 1789, sous l’influence des leaders du tiers état et de la noblesse libérale. Le texte est peu modifié, mais précédé d'un préambule.

Ratifiée le 5 octobre 1789 par Louis XVI à Versailles, où la populace des faubourgs avait accouru sous la conduite du Citoyen Lafayette et de sa Garde nationale, puis promulguée par le roi à Paris le 3 novembre 1789, la déclaration de 1789 est la dernière ordonnance royale, elle servira de préambule à la première Constitution de la Révolution française.

[modifier] Sources

Le Préambule, ajouté au projet, a été rédigé sous l’influence de Mirabeau, et de Mounier, député du Tiers qui avait fait adopter le serment du Jeu de Paume, tous deux monarchiens, c'est-à-dire partisans d’une Monarchie constitutionnelle à l’anglaise.

L’invocation à l’ « Être suprême » a été rajoutée au cours des séances pour tenir compte des convictions chrétiennes de presque tous les citoyens.

Le texte de l'article Un « Tous les Hommes naissent libres et égaux en droit », synthétise la Loi du 4 août 1789 abolissant la société d'ordres hiérarchisés.

L'article 16 qui énonce que le but d'une constitution est d'organiser la séparation des pouvoirs, est un principe qui a toujours été déjà admis avec la séparation des ordres spirituel, politique et économique. Mais les trois pouvoirs politiques auxquels renvoie implicitement cet article, à savoir le législatif, l'exécutif et le judiciaire, est la conception proposée par Montesquieu depuis 1750 dans De l’Esprit des Lois.

L'article 3 qui attribue la souveraineté à la Nation s’inspire des thèmes des remontrances des Parlements, portées par les nombreux membres du club des Amis de la Constitution, plus connu sous le nom de Club des Jacobins, mais aussi du célèbre pamphlet de l'abbé Sieyès qui pose l'équation: peuple = Tiers-État, c'est-à-dire que les députés du Tiers-État sont les représentants légitimes de l'ensemble du peuple.

Les autres articles reprennent des principes généraux du droit ou de la procédure qui sont déjà établis, comme la positivité du droit, le caractère contradictoire des procédures, la non rétroactivité des lois, etc.

Son idéal est l’individualisme libéral. C’est une œuvre de circonstance, une proclamation universelle, un texte tourné vers le passé avec pour objectif d’abolir idéologiquement l’Ancien régime.

[modifier] Influences de la Révolution américaine

La Révolution américaine qui précéda la Révolution française, a influencé les débats de l'Assemblée constituante française autour de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Parmi les députés siégeaient en effet treize hommes qui sont allés en Amérique du Nord ou qui admirent la Révolution américaine : ce groupe informel des « Américains » comprenait La Fayette[7], le vicomte de Noailles (qui proposa la fin des privilèges et des droits seigneuriaux le 4 août 1789), le marquis de Ségur, le comte Mathieu de Montmorency, le duc de la Rochefoucauld d'Enville (qui traduit la Constitution américaine de 1787 en français) ; on peut ajouter Condorcet qui écrivit De l’influence de la révolution de l’Amérique sur l’opinion et la législation de l’Europe. Les historiens ont montré que la Déclaration des Droits de 1789 servit de modèle à la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen[8] ; La Fayette fut le premier à présenter un projet de Déclaration en France[9], projet qui avait été discuté avec Thomas Jefferson, l'un des Pères fondateurs des États-Unis[10]. Les discussions qui précédèrent l'adoption de la Déclaration par les députés français ont fait de nombreuses références à l'oeuvre de la Révolution américaine.

Cependant, les deux Déclarations divergent sur plusieurs points : les deux textes ont été élaborés à la même époque, mais dans des cadres géographique et politique très différents. Les Français ont d'abord rédigé la Déclaration avant leur constitution (1791). La Déclaration française est universelle et offre un droit à l'égalité qui va plus loin, alors que les députés américains sont gênés par le problème de l'esclavage. La Déclaration française est moins radicale pour la liberté de culte et ignore le droit au bonheur qui avait été affirmé par Jefferson dans la Déclaration d'indépendance américaine de 1776[11].

[modifier] Contenu

Icône de détail Article détaillé : droits de l'Homme.

La Déclaration pose les principes de la société, base de la nouvelle légitimité. Chaque article condamne les principes, les institutions, les pratiques de l’Ancien régime (absolutisme, administration centralisée, système criminel d’Ancien régime) : « La souveraineté réside dans la Nation ». La Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen légitime la rébellion des députés contre la monarchie en déclarant droit imprescriptible de l’Homme la « résistance à l’oppression ».

Elle a une portée universelle et orientée vers l’avenir. Les constituants déclarent quels sont les droits qui appartiennent à tout individu de par la nature même (Préambule : « droits inhérents à la nature humaine » et ce ne sont pas des droits créés par les Révolutionnaires, mais constatés). C’est l’aboutissement de la philosophie des Lumières du XVIIIe siècle tournée vers l’universalisme et l’abstraction.

L’article 2 qui énumère les droits naturels et imprescriptibles de l’Homme, présentés conformément à la conception du libérale du XVIIIe siècle :

Ces droits naturels et imprescriptibles sont antérieurs aux pouvoirs établis, ils sont considérés comme applicables en tout temps et en tout lieu.

De nombreux articles sont consacrés à la liberté : l’article 1er (« Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », les articles 4 et 5 (qui cherchent à définir et à circonscrire la liberté, limitée seulement par la loi et définie par « tout ce qui ne nuit pas à autrui »), les articles 7, 8 et 9 (qui précisent les caractères de la liberté individuelle : présomption d’innocence, non rétroactivité de la loi), les articles 10 et 11 (liberté d'opinion, de presse, de conscience). L’égalité est affirmée à l’article 1er, l’égalité devant l’impôt à l’article 13 (satisfaction des revendications dans les cahiers de doléances), l’égalité face à la loi à l’article 6 (égalité dans l’accès aux charges publiques sans autres distinctions que les capacités individuelles).

La propriété, droit naturel et imprescriptible de l'Homme (article 2) est inviolable et sacré (article 17). Selon cet article 17, « Nul ne peut être privé de la propriété sauf nécessité publique légalement constatée et sous condition d’une juste et préalable indemnité ». Les articles qui définissent le citoyen dans l’organisation du système politique sont beaucoup plus vagues, et orientés par la défiance vis-à-vis de l’Ancien régime. Selon l’article 6, la loi est l’expression de la volonté générale, l’expression de la souveraineté, source des pouvoirs publics, qui sont divisés selon l’article 16 (séparation des pouvoirs). Selon l’article 15, les agents publics sont responsables de leur administration puisque la société a le droit de leur en demander compte. Il n’est pas question par contre de droits sociaux, qui découlent d'une définition différente du mot "droit": la DDHC détermine la légitimité des actes, alors que les droits sociaux définissent des garanties matérielles.

Les Constituants manient des idées générales, des concepts théoriques bien plus qu’à connaître les conditions concrètes de gouvernement d’un peuple. Ils ont posé des principes transcendents. La Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen a une valeur universelle. Selon le mot de Jules Michelet, elle constitue le « credo du Nouvel Âge », mais rien n’est précisé quant à son application concrète. Ce texte sera révéré par tous les régimes qui se rattachent à la tradition républicaine.

La Déclaration de 1789 a inspiré, au XIXe siècle, un grand nombre de textes similaires dans de nombreux pays d’Europe et d’Amérique latine. La tradition révolutionnaire française est également présente dans la Convention européenne des droits de l'Homme signée à Rome le 4 novembre 1950.

[modifier] Société des amis des droits de l'Homme et du citoyen

Une société politique est fondée sous ce nom à Paris le 27 avril 1790 pour défendre et développer les principes des droits de l'Homme. Elle est plus connue sous l'appellation de club des Cordeliers, à cause de l'ancien couvent où elle tenait ses réunions à Paris.

[modifier] Mémoire du monde

Depuis 2003, l'ensemble des documents divers ayant trait à la proclamation et à l’entrée en vigueur du texte de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen est classée par l'Unesco sur la Liste Mémoire du monde recensant les collections du patrimoine documentaire d’intérêt universel, dans le but d'en assurer la préservation.

Cet ensemble de documents, qui prennent sens l’un par rapport à l’autre, est conservé par les Archives nationales et la Bibliothèque nationale de France, qui ont fait une proposition de classement conjointe. C’est par leur réunion que l’on comprend la portée tant symbolique que politique de la Déclaration, ainsi que le contexte historique dans lequel elle a été rédigée.

  • Les archives possèdent un ensemble de documents, dont la version originale manuscrite de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. De la confrontation de toutes les variantes existantes du texte de la Déclaration, il ressort que l’on se trouve en présence de six états différents, depuis le début des débats jusqu’à la promulgation de la Constitution de 1791 et non, comme semblent toujours l’indiquer les historiens et le laisser penser la mémoire collective, d’un texte unique. Figure également dans cet ensemble, un billet autographe de Louis XVI portant acceptation du texte précédent: « J’accepte purement et simplement les articles de la Constitution et la Déclaration des Droits de l’Homme que l’Assemblée nationale m’a présentés. Le 5 octobre 1789. Louis ».
  • La Bibliothèque nationale possède, quant à elle, la première édition de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen mise au point au cours de l’été 1789 par l’Assemblée nationale à Paris. Cette édition est le premier élément de diffusion auprès de la classe politique ainsi que la première trace imprimée des premiers articles constitutionnels existant en France. Au plan historique, l’importance de cet exemplaire est capitale. Extrait des procès-verbaux de l’Assemblée nationale, des 20, 21, 22, 23, 24, 26 août et 1er octobre 1789, Déclaration des droits de l’Homme en société S.l.n.d. (publié par Baudoin, imprimé à Versailles en 1789). Cette pièce complète l’ensemble du Centre historique des Archives nationales. Elle est sans doute la toute première édition des procès-verbaux en question. En effet, Baudoin, membre de l’assemblée du Tiers état de Paris pour l’élection aux États généraux de 1789, avait été nommé imprimeur de l’Assemblée nationale en juin 1789 et avait été chargé de l’édition de l’impression des procès-verbaux des séances.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Date sur le site du Conseil Constitutionnel
  2. Par exemple les articles n° 1, 2, 3, 4, 7, 9, 10
  3. Par exemple, les articles n° 6, 14,
  4. Par exemple les articles n° 13, 15, 16,.
  5. Sa valeur constitutionnelle dans la Ve République est confirmée par les décisions des 16 juillet 1971 et 27 décembre 1973 du Conseil constitutionnel : elle fait partie du bloc de constitutionnalité
  6. Trois projets avaient été proposés, l'un Marquis de Lafayette, l'autre de l' Abbé Sieyès, et c'est un projet anonyme du VIème bureau qui fut choisi, rapporte Louis Blanc, Histoire de la Révolution française, sd, éditions du Progrès, II, 198. En fait, cette commission était celle dirigée par Champion de Cicé, docteur en théologie, qui sera aussitôt nommé garde des sceaux, mais démissionnera presque aussitôt pour s'opposer à la Constitution civile du Clergé.
  7. Claude Fohlen, Les pères de la révolution américaine, Paris, Albin Michel, 1989, (ISBN 2226036644), p.234
  8. Jean Imbert, Les Droits de l’homme en France, Paris, 1985, p.11
  9. François Furet, Mona Ozouf (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française, Article « Droits de l’homme » par Marcel Gauchet, Paris, Flammarion, 1988, p.686
  10. Claude Fohlen, Les pères de la révolution américaine, Paris, Albin Michel, 1989, (ISBN 2226036644), p.238
  11. Claude Fohlen, Les pères de la révolution américaine, Paris, Albin Michel, 1989, (ISBN 2226036644), p.242


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