Crise de la conscription (1944)

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La Crise de la conscription de 1944 est une crise politique et militaire survenue au Canada durant la Seconde Guerre mondiale. Suite à une mauvaise gestion des soldats francophones dans l'armée canadienne, la population francophone s'est activement opposée aux menées du gouvernement canadien pour augmenter les effectifs de l'armée canadienne.

Semblable à la Crise de la conscription de 1917, elle fut moins dommageable politiquement.

[modifier] Contexte

Le Canada, avec le reste de l'Empire britannique, déclare la guerre à l'Allemagne le 10 septembre 1939 et envoie une division en Europe, qui ne peut combattre avant que la France ne soit complètement envahie par l'Allemagne. En 1940, le premier ministre King promet de limiter la participation canadienne au conflit. La plupart des Canadiens appuient cette position de King, même s'il devenait de plus en plus évident que la guerre continuerait pour plusieurs années.

Les hommes et les femmes s'enrôlent, mais en nombre insuffisant pour remplacer ceux tués en Europe, particulièrement dans l'infanterie et les forces blindées. Tout comme pendant la Première Guerre mondiale, les jeunes Canadiens-français qui cherchent l'aventure ou à fuir l'ennui de la vie de ferme, se dirigent vers les quelques régiments traditionnels francophones de l'armée canadienne, comme le Royal 22e Régiment, et plusieurs régiments de réserve qui sont mobilisés pour la guerre. La vie dans les quartiers d'infanterie et l'entraînement se déroulaient en français. Seuls le commandement et les échanges radio étaient en anglais.

Dans le reste des forces militaires, toutefois, les unités fonctionnent en anglais à cause de la prédominance de la radio, ainsi que l'instruction technique intense qui se faisait dans des centres d'entraînement exclusivement anglophones. Le Régiment de Trois-Rivières, une unité blindée, est réorganisé et combat comme une unité anglophone sous le nom de The Three Rivers Regiment.

Le gaspillage de talent des soldats, des marins et des pilotes canadiens-français est démontré par la carrière d'un des officiers francophones du Three Rivers, Jean-Victor Allard. Frustré par l'anglicisation de son unité et la marginalisation des Canadiens-Français (y compris lui-même), il mute vers l'infanterie, où il gravit rapidement les échelons pour commander un bataillon et une brigade pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les unités comme le Royal 22e Régiment, les Fusiliers Mont-Royal, le Régiment de la Chaudière et le Régiment de Maisonneuve ont tous des bilans exceptionnels durant la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, tout comme pendant la Première Guerre mondiale, la tradition militaire canadienne quelque peu francophobe :

  • refuse l'usage du français pour le commandement,
  • fait des efforts inadéquats pour placer les recrues francophones dans les unités francophones
  • limite l'expansion du secteur francophone de l'armée.

Certains estiment que s'ils avaient été concentrés dans la même brigade (ce que les Canadiens-Français réclamaient et qui existe aujourd'hui dans les Forces armées canadiennes), elle aurait été un sujet de fierté pour le Canada français, encourageant l'effort de guerre et l'appui politique au Québec. Toutefois, les unités sont plutôt distribuées dans les différentes divisions anglophones de l'Armée canadienne outre-mer. Dans son livre The Generals, le Dr Jack Granatstein note que toute tentative de créer une brigade entièrement francophone se serait soldée par un échec suite à une pénurie d'officiers francophones de formation.

La perception d'une culture militaire anti-française fait renaître les souvenirs du mauvais traitement réservé aux soldats canadiens-français pendant la guerre de 1914-1918. Il faut noter que, dans l'infanterie du moins, on acceptait depuis le début de la Seconde Guerre mondiale des unités entièrement francophones. Ceci constitue une différence majeure avec la guerre précédente, quand la création du 22e bataillon d'infanterie (canadien-français) a nécessité de grandes manifestations de la part des Canadiens-Français, ainsi qu'une énorme pression politique, afin de venir à bout de la haine que vouait le ministre de la Défense Sam Hughes à cette idée. Cette plus grande acceptation des unités canadiennes-française sous leurs propres chefs, ainsi que l'acceptation de l'usage informel de la langue, a sans doute grandement contribué à diminuer la résistance du Québec envers l'effort de guerre.

En juin 1940, le gouvernement canadien adopte la conscription pour le service au pays par la Loi sur la mobilisation des ressources nationales (anglais : National Ressources Mobilization Act), qui permet au gouvernement d'enrôler hommes et femmes et de les placer dans des emplois considérés comme nécessaires à l'effort de guerre, mais n'autorise pas la conscription pour le service militaire outre-mer.

Le plébiscite de 1942

En 1941 il y a suffisamment de volontaires pour maintenir cinq divisions outre-mer. Pendant ce temps, les conservateurs font pression sur King pour qu'il adopte la conscription. En avril 1942, King tient un plébiscite, qui demande à la population non pas d'appuyer la conscription immédiate, mais plutôt de permettre au gouvernement de revenir sur sa promesse faite durant l'élection de 1940. La phrase célèbre de King sur cette question, « la conscription si nécessaire, mais pas nécessairement la conscription », reflétait la nature ambiguë du plébiscite.

Sans surprise, le plébiscite reçoit l'appui de la plupart des Canadiens-Anglais, qui votent pour à 83 %, mais est massivement rejeté par les Canadiens-Français, surtout au Québec, où les groupes anti-conscription (dont un mené par Henri Bourassa, un des plus importants opposants de la conscription en 1917) contribuent à ce que 76 % de la population vote contre la conscription.

Le gouvernement canadien adopte alors la Loi 80, abrogeant les sections de la Loi sur la mobilisation des ressources nationales qui interdisent la conscription pour le service outre-mer. Toutefois, la plupart des Canadiens n'appuient toujours pas la conscription immédiate. Il y a quelques émeutes à Montréal, quoique n'approchant pas la même échelle que les émeutes survenues en 1917 et 1918. Même à Toronto, une région fortement pro-conscription, le conservateur Arthur Meighen est défait lors d'une élection partielle après avoir promis d'aider à introduire la conscription.

[modifier] Adoption de la conscription

Après des campagnes en Italie en 1943 et le Débarquement de Normandie en 1944, faute de volontaires, le Canada fait face à une pénurie de troupes. Les ministres canadiens-français de King, et le Québec en général, ne font pas confiance au ministre de la défense James Ralston, et King juge politiquement sensible de le remplacer par le général anti-conscription Andrew McNaughton en novembre 1944. Cependant, ce dernier est incapable de produire un grand nombre de volontaires pour l'infanterie, bien qu'il y ait un grand nombre de volontaires pour la marine et l'aviation. Le cabinet de King menace de démissionner et de faire tomber le gouvernement. King accepte finalement la conscription en novembre.

Lorsqu'une brigade est envoyée aux Îles Aléoutiennes en 1943, il y avait des centaines de conscrits dans les rangs (les îles étant techniquement en terre nord-américaine, le déploiement n'était donc pas considéré comme « outre-mer ») et des désertions avant l'embarquement sont notées. Toutefois, aucun autre déploiement n'est fait avant 1945, quand 12 908 hommes sont envoyés à l'étranger. La plupart proviennent des conscrits pour le service domestique recrutés sous la Loi sur la mobilisation des ressources nationales, et non dans la population en général. Peu participent aux combats en Europe : seuls 2 463 hommes atteignent les unités en première ligne. De ceux-ci, 79 conscrits perdent la vie. Politiquement, il s'agit d'un pari réussi pour King, qui évite de s'embourber dans une crise politique et demeure au pouvoir jusqu'à sa retraite en 1948.

Les hommes conscrits sous la Loi sur la mobilisation des ressources nationales qui refusent de devenir « actifs » sont affublés du surnom dérisoire de « Zombis », autant au Canada qu'à l'étranger. Farley Mowat raconte, dans ses mémoires de guerre, la haine sauvage qu'il entretenait face à ceux qui portaient l'uniforme, mais refusaient de faire les mêmes sacrifices que lui et ses camarades furent appelés à faire en Italie et dans le nord-ouest de l'Europe.

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