Crise de Bizerte

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La crise de Bizerte est un conflit opposant, en 1961, la France et la Tunisie indépendante depuis 1956.

Sommaire

[modifier] Contexte

En 1956, la presque totalité du territoire de l'ancien protectorat est passé sous l'autorité du jeune État. Dans le cadre des accords ayant conduit à l'indépendance, seule la base navale de Bizerte, port situé au nord du pays, demeure sous contrôle de la France : il s'agit en fait d'un point stratégique pour l'armée française et l'OTAN car elle est alors leur seule base navale situé sur la rive sud de la mer Méditerranée en dehors de l'Algérie.

Isolé diplomatiquement car suspecté de pro-occidentalisme par les pays récemment décolonisés et recherchant un rapprochement avec le monde arabe (en particulier l'Égypte, la Libye et le Maroc) et le gouvernement provisoire de la République algérienne, le président Habib Bourguiba décide de revendiquer l'évacuation immédiate de ce territoire par les troupes françaises. En conséquence, il organise une marche populaire de militants de son parti, le Néo-Destour, sur la ville de Bizerte malgré les avertissements de la France. Parallèlement, l'armée et la garde nationale tunisienne sont mises en alerte.

[modifier] Chronologie

Le 27 février 1961, Bourguiba s'entretient avec Charles de Gaulle alors président de la France. Ces derniers se mettent d'accord sur le statut de Bizerte. Le 6 juillet, la tentative de négociation entre nationalistes algériens et Français est interrompue. Ceci met Bourguiba en colère, lui qui voulait un accord de paix parce que l'aide de ces deux pays était importante pour l'économie de la Tunisie. Il demande alors le retrait des Français de Bizerte et la délimitation des frontières du sud du pays — l'Algérie voisine est alors française —, en particulier à proximité des puits pétroliers d'Edjelé d'où provient l'oléoduc qui ramenait le pétrole algérien en Tunisie.

Le 17 juillet, Bourguiba formalise ses demandes devant l'Assemblée nationale et annonce le blocage de la base française. Il demande également des volontaires pour protester contre la présence française dans la ville.

Le 19 juillet, trois bataillons des forces tunisiennes, renforcées par l'artillerie, encerclent la base. Le général de Gaulle prend la décision de ne pas céder au chantage de Bourguiba et ordonne une intervention militaire. Le 20, la Tunisie procède aux premières attaques aériennes contre des avions français qui ramenaient des renforts sur la base de Bizerte, en l'occurrence deux régiments parachutistes d'infanterie de marine.

Les combats se poursuivent durant les trois jours suivants avec de l'artillerie, des blindés et des avions. Les troupes tunisiennes sont écrasées alors que les dépôts pétroliers de Menzel Jemil ainsi que la gare de Sidi Ahmed où sont retranchées des troupes tunisiennes sont bombardés par l'aviation française et que les navires français mettent en place un blocus sur les côtes. Les Français obtiennent une victoire facile en occupant la totalité de Bizerte ainsi que d'autres villes environnantes. Ces quelques jours de combat auront fait, selon des estimations diffusées à l'étranger, plusieurs milliers de morts[réf. nécessaire], la France ne perdant que 20 hommes. Cependant, le communiqué officiel tunisien fera état de 630 morts et 1 555 blessés[1]. Celui-ci est reproduit sur le monument du cimetière des martyrs de Bizerte.

La Tunisie demande une réunion urgente du Conseil de sécurité qui se réunit les 21 et 22 juillet. Tous les États membres des Nations unies votent pour le retrait des troupes françaises, à l'exception du Royaume-Uni, des États-Unis et de la France elle-même, et demandent un début de négociations ainsi qu'un cessez-le-feu dans une résolution approuvée le 22 juillet avec la seule abstention de la France fermement opposée à tout retrait du territoire. La lutte s'achève le jour même et, le 21 août, le problème est ramené devant l'Assemblée générale des Nations unies.

Bourguiba avait ordonné dans l'intervalle à ses forces militaires d'entrer en Algérie par le sud de la Tunisie et d'occuper une petite zone entre Fort Saint et la région de Gharat al-Hamal, zone considérée comme tunisienne par le traité signé en 1910 entre la France et l'Empire ottoman avec la participation du bey de Tunis. Comme preuve de sa bonne volonté, mais aussi par manque de soutien de la part des nationalistes algériens, Bourguiba ordonne le retrait de ses troupes de cette zone.

Le 25 août, l'Assemblée générale des Nations unies vote le retrait des troupes françaises par 66 votes pour et 33 abstentions, résultat que la France rejette aussitôt. Le 9 septembre, le président tunisien propose à la France de garder la base jusqu'à la fin de la crise menant à la construction du mur de Berlin. De Gaulle avait déjà déclaré que le retrait final était inévitable mais que le moment n'était pas adéquat. Le 16 septembre, les deux parties procèdent à un échange de prisonniers et, le 18, les Français se retirent sur leurs positions d'avant le conflit. Le 28 septembre, un accord met définitivement fin aux hostilités.

[modifier] Conséquences

Le 20 juillet 1962, le premier ministre tunisien Bahi Ladgham se rend en France et, en août de la même année, les relations diplomatiques entre les deux pays sont rétablies. À ce moment, la France accepte d'abandonner la base de Bizerte, sans en préciser la date, mais le gouvernement tunisien annonce qu'il aurait lieu avant la fin 1963.

Le gouvernement français ne consent à quitter la base que le 15 octobre[2] 1963 après le règlement de la guerre d'Algérie à l'issue de laquelle les accords d'Evian lui garantissent l'usage de la base de Mers el Kébir pour 15 ans, rendant peu utile le maintien d'une implantation à Bizerte.

[modifier] Cartes

La France conserve l'autorité militaire dans deux zones de sécurité selon les termes de la convention du 3 juin 1955. Celle située au sud du pays est la première à être évacuée alors que la seconde n'est évacuée qu'après la crise de Bizerte.


[modifier] Source

(ca) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article en catalan intitulé « Conflicte de Bizerta ».

[modifier] Références

  1. (fr) Tahar Belkhodja, Les trois décennies Bourguiba. Témoignage, éd. Publisud, Paris, 1998
  2. (fr) Dates phares du mouvement national (RCD)

[modifier] Liens externes


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