Claude Allègre

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Claude Allègre, né le 31 mars 1937 à Paris, est un géochimiste et un homme politique français. Ses travaux scientifiques et sa carrière de chercheur ont notamment été récompensés par le Prix Crafoord en 1986 et la Médaille d'or du CNRS en 1994. Il a été ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie dans le gouvernement Lionel Jospin de 1997 à 2000.

Il a publié de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique et pris des positions publiques sur les thèmes de l'université française et de la recherche. Il a parfois pris le contre-pied de certaines considérations de l’écologie politique, suscitant des controverses médiatiques. Sa position sur l'origine du réchauffement climatique est très controversée dans les milieux scientifiques.

Sommaire

[modifier] Jeunesse

La famille Allègre est originaire du village de Ceilhes dans l'Hérault. Claude Allègre est le fils d'une institutrice et d'un agrégé de physique-chimie[1]. À l'adolescence il se lie avec Lionel Jospin, au côté duquel il réside à la cité universitaire Jean Zay d’Antony. Il est resté depuis lors son ami fidèle et un soutien politique.

À l'issue de ses études universitaires, il obtient un doctorat en sciences physiques[réf. nécessaire].

[modifier] Carrière scientifique

Les travaux de chercheur de Claude Allègre ont essentiellement porté sur des problèmes de géochimie terrestre, se basant sur l'étude des éléments trace et des isotopes. Ses contributions ont facilité par la suite la compréhension de la constitution de la croûte et du manteau terrestres et aussi de l'interaction entre ces deux couches de la Terre. Allègre a également conçu des modèles sophistiqués d'un certain nombre de processus géologiques comme le volcanisme, l'évolution de l'atmosphère terrestre et la formation des nébuleuses planétaires. Parallèlement à l'américain G.J.Wasserburg, il a développé un certain nombre de techniques de datations isotopiques, et notamment la méthode de datation par le système Samarium-Neodyme.

[modifier] Reconnaissance scientifique

Ce sont ces recherches lui ont permis d'obtenir en 1986, en compagnie de Wasserburg, le prix Crafoord, la plus haute distinction en géologie, qui est souvent comparée à un prix Nobel dans cette discipline[2]. Claude Allègre a également reçu la médaille d'or du CNRS, la plus haute distinction scientifique française, en 1994 et la médaille Wollaston en 1987. Il est membre de l'Académie des sciences française[3] et de la National Academy of Sciences, l'académie des sciences américaine. Il est co-auteur de 46 articles dans les revues scientifiques internationales Nature et Science, ce qui le place au 3ème rang des contributeurs français de ces revues[4].

[modifier] Fonctions scientifiques

Il dirige une équipe de géochimie dans les années 1960. En 1968, l'équipe qu'il dirige, installée depuis un an dans les locaux d’une usine de Saint-Maur-des-Fossés, est rattachée à l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP) et déménage dans le nouveau Campus de Jussieu. Claude Allègre devient ensuite directeur de l'IPGP. En 1992, il succède à Maurice Allègre (aucun lien familial) à la présidence du Bureau de recherches géologiques et minières.

[modifier] Carrière politique

Claude Allègre adhère au Parti socialiste en 1973. Il anime le "groupe des experts" du PS dans les années 1980.

Conseiller spécial de Lionel Jospin au ministère de l'Éducation nationale de 1988 à 1992 il est souvent qualifié[réf. nécessaire], en raison de son influence, de « ministre officieux » ou de « vice-ministre » de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il est notamment l'initiateur du plan « Université 2000 »[5]. Il propose une réforme profonde du système des classes préparatoires[6]. Il fait partie des conseillers de Lionel Jospin qui refusent le renvoi des jeunes filles musulmanes « voilées » des écoles publiques et par là même il s'oppose au projet de loi sur le port du voile islamique en France dans les établissements scolaires[réf. nécessaire].

[modifier] Ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (1997-2000)

Claude Allègre est nommé le 2 juin 1997 ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie dans le gouvernement Lionel Jospin.

Claude Allègre entend réformer l'enseignement supérieur. Il réforme la gestion du personnel enseignant, supprime les heures supplémentaires des professeurs et contribue à mettre en place le système de diplômes européen LMD[7] . Il défend la nécessité d'un rapprochement de l'école et de l'entreprise et d'un « décloisonnement » des systèmes[réf. nécessaire]. En ce sens, il rencontre des chefs d'entreprise ; la loi Allègre de 1999 sur l'innovation et la recherche permet aux universitaires et aux chercheurs de créer une entreprise de type startup et de déposer des brevets.

Toutefois, sa gestion et ses annonces à la télévision et à la radio conduisent à une opposition croissante des syndicats enseignants (dont le SNES, alors présidé par Monique Vuaillat[8]). Le 24 juin 1997, il prononce la phrase : « il faut dégraisser le mammouth »[9]. Cette phrase sera l'emblème du conflit avec les enseignants. Les chiffres qu'il annonce en septembre 1997 sur le taux d'absentéisme des enseignants (12 %) sont un peu supérieurs à la réalité (entre 8 % et 10 %[10]). En plus de leurs revendications, les syndicats dénoncent de manière récurrente les paroles prononcées et le choix des termes[réf. nécessaire] : « massification » de l'école, « Les enseignants ont quatre mois de vacances et, en plus, ils prennent leurs congés formation sur la scolarité ». De plus, un certain nombre de ses décisions passent pour autoritaires[11].

Il se retrouve par ailleurs isolé avec Pierre-Gilles de Gennes, en opposition à la majorité des physiciens français, lorsqu'il renonce à mettre en œuvre en France un projet de synchrotron de nouvelle génération[12][13]. Il préfère une participation au Diamond Light Source (le synchrotron anglais) pour des raisons budgétaires. Roger-Gérard Schwartzenberg, son successeur au ministère de la recherche, reviendra sur ce choix et lancera la construction du synchrotron Soleil.

Le conflit avec les enseignants conduit à des manifestations en mars 2000 qui contraignent Claude Allègre à remettre sa démission. Jack Lang lui succède au ministère.

[modifier] Opposition à Ségolène Royal

Au sein du PS, après le retrait de Lionel Jospin, en 2002, il milite pour le retour de ce dernier à des responsabilités nationales. Au printemps 2006, il espère le voir se porter candidat et tente de s'opposer à la montée en puissance de Ségolène Royal pour la candidature aux élections présidentielles[réf. nécessaire]. Il soutient d'abord Dominique Strauss-Kahn pour les primaires socialistes de novembre 2006, puis Jean-Pierre Chevènement quand Ségolène Royal est investie. Chevènement finit par se désister en faveur de cette dernière.

En septembre 2007 il publie un livre d'entretien avec Dominique de Montvalon. Ce livre, La Défaite en chantant, revient sur l'échec de la gauche aux élections présidentielle et législatives du printemps. Il s'en prend à Ségolène Royal, dont il juge les capacités insuffisantes pour la présidence de la République, à François Hollande (« Il a foutu un bordel noir ») et à Lionel Jospin qu'il épargnait jusque là[14],[15].

[modifier] Aujourd'hui

Bien que militant depuis 1973 au PS, il décide de ne pas reprendre sa carte en janvier 2008. Nicolas Sarkozy, chez qui il avait été aperçu entre les deux tours de l'élection présidentielle[16], déclare en février 2008 qu'il aimerait bien travailler avec lui[17].

[modifier] Controverse autour des prises de position publiques de Claude Allègre

[modifier] L'évacuation des populations à la la Soufrière

En 1976, après être devenu directeur de l'IPGP, il est amené à préconiser, lors du réveil du volcan la Soufrière en Guadeloupe, l'évacuation d'urgence de la population par crainte d'une éruption avec nuées ardentes, s'opposant au volcanologue Haroun Tazieff qui diagnostique à juste titre une simple éruption phréatique. Le même diagnostic porté plus tard par Tazieff sur l'activité du mont Saint Helens se révèlera erroné.

[modifier] Opposition au désamiantage du Campus de Jussieu

Chroniqueur au magazine Le Point, il dénonce, le 19 octobre 1996, la décision de désamiantage du Campus de Jussieu et qualifie l’affaire de « phénomène de psychose collective ». En 2004, dans le livre Quand on sait tout, on ne prévoit rien, il estime que le désamiantage des bâtiments du campus de Jussieu, au coût très élevé, n'était pas justifié, et que des opérations d'encapsulage de l'amiante auraient suffi. L'économiste et spécialiste de la gestion hospitalière, Jean de Kervasdoué, partage cet avis[18].

La décision de désamiantage de Jussieu a été prise en 1996 à la suite d'une étude menée par quatre bureaux d'études européens dont le rapport a été remis en 1995[19]. Celui-ci préconisait l'enlèvement. Il n'écartait pas cependant les opérations d'encapsulage : elles ont pour avantage un coût immédiat moindre, mais pour inconvénients une pérennité non garantie, et des risques pour les personnels des entreprises amenés à intervenir dans les bâtiments[20].

Le désamiantage de Jussieu a été intégré par ailleurs à une vaste opération de réhabilitation du campus Jussieu, et au déménagement de l'une des deux universités du campus[21], ce qui rend le coût du désamiantage proprement dit sujet à interprétations.

[modifier] Réchauffement climatique et activités humaines

Claude Allègre a été critiqué pour ses prises positions publiques relatives aux question environnementales. Celles-ci ont pour problématique d'ensemble de poser la question de l'origine du réchauffement climatique dans un contexte où une controverse sur le réchauffement climatique et une incertitude scientifique sur son ampleur demeurent. Claude Allègre a écrit en 2006 qu'il n'est pas certain que le réchauffement soit d'origine humaine[22]. Au sein de la controverse sur le réchauffement climatique, la position défendue par Claude Allègre est très minoritaire, en particulier au sein des climatologues, et les prises de positions de Claude Allègre ont suscité de très vives réactions, notamment de la part de scientifiques réputés (notamment le climatologue Jean Jouzel[23]).

Un exemple en est donné par ses déclarations sur le réchauffement climatique du 21 septembre 2006 dans la chronique hebdomadaire qu'il tient dans le magazine L'Express qui ont fait naître une polémique. Il y écrit que la cause de la modification climatique contemporaine reste incertaine et n'est pas forcément due à l'activité humaine. Il stigmatise simultanément « l’écologie de l'impuissance protestataire [qui] est devenue un business très lucratif pour quelques-uns ! »[24]. Il précise, dans une seconde chronique du 5 octobre 2006, que selon lui, au sein des changements climatiques, la hausse globale des températures n'est pas le phénomène essentiel, en comparaison avec les impacts plus graves liés à l’augmentation de la fréquence des phénomènes extrêmes[25].

La grande majorité des scientifiques considère que le réchauffement climatique est causé par les activités humaines. En réaction aux prises de positions d'Allègre, certains scientifiques ont ainsi critiqué explicitement ses arguments[26]. Le biologiste Pierre-Henri Gouyon parle de « négationnisme écologique » de la part d'Allègre[27]. Pierre Joliot-Curie, biologiste, affirme pour sa part : « la défense de thèses apparemment révolutionnaires est une manière trop facile de conforter sa popularité. L'attitude de Claude Allègre vis-à-vis du changement climatique me paraît de ce point de vue inadmissible »[27].

D'autres scientifiques soutiennent, parfois partiellement, Claude Allègre. Ainsi, lors d'une séance de l'Académie des sciences, programmée afin de discuter des incertitudes liées au climat et d'analyser notamment les arguments de Claude Allègre, qui a eu lieu en l'absence de Claude Allègre, ses arguments ont été défendus par ses collègues géophysiciens de l'IPGP Jean-Louis Le Mouël et Vincent Courtillot, membres de l'Académie des Sciences. Ces derniers ont été vivement critiqués par deux autres académiciens des sciences, spécialistes du climat, Hervé Le Treut et Édouard Bard (professeur au Collège de France)[28],[29],[30],[31].

Au-delà des milieux scientifiques concernés par les causes du réchauffement planétaire, des auteurs dénoncent le traitement dont serait victime Claude Allègre ; Cécile Philippe, fondatrice de l’Institut économique Molinari (think tank libéral) considère dans une tribune qu'« on essay[e] de discréditer Claude Allègre pour avoir osé se montrer sceptique à l’égard de l’origine humaine du réchauffement global »[32]. Xavier Méra, du même institut, estime pour sa part que si Claude Allègre est critiqué, c'est qu'il « a mis le doigt sur une vérité qui dérange bien plus que la thèse d’Al Gore : il n’y a pas véritablement de consensus sur un réchauffement catastrophique d’origine humaine. »[33].

Par ailleurs, Claude Allègre a critiqué l’inscription du principe de précaution sous sa forme actuelle dans la Constitution, car son flou est selon lui une entrave à la recherche ; dans Ma Vérité sur la planète, il écrit : « Le principe de précaution, c’est l’arme contre le progrès »[34].

[modifier] Chronologie

Précédé par Claude Allègre Suivi par
François Bayrou
Ministre français de l'Éducation nationale
1997-2000
Jack Lang

[modifier] Distinctions

[modifier] Ouvrages

Il collabore également depuis 2002 à l'élaboration de scénarios pour la télévision :

[modifier] Notes et références

  1. Éric Aeschimann, L'allergique à Royal, Libération.fr
  2. Biographie de Claude Allègre sur le site officiel du prix Crafoord
  3. Page de Claude Allègre à l'Académie des sciences
  4. Base de données scientifiques ISI Web of Science : Recherche effectuée le 16/04/2008 avec comme critères une adresse en France et les revues Nature et Science
  5. Fiche Personnalité de "EduPro"
  6. Times Higher Education, 22 octobre 1999
  7. Fiche Personnalité de "EduPro"
  8. Valeurs actuelles du 31 mars 2000
  9. [pdf] La petite phrase qui tue.
  10. Claude Allègre réitère ses allégations, 1997, L'Humanité. Consulté le 19 novembre 2007
  11. (en) Times Higher Education, 22 octobre 1999 : refus de nomination du directeur de l'École centrale
  12. Texte de Claude Allègre : "Les priorités Politique de la recherche et les Très Grands Equipements", 1999
  13. Article du figaro le 15/10/2007
  14. (fr) Le Foll : Allègre a « envie de régler des comptes » sur nouvelobs.com, 31 août 2007, Le Nouvel Observateur. Mis en ligne le 31 août 2007, consulté le 16 décembre 2007
  15. (fr) Allègre: « François Hollande est responsable de cette pagaille » sur liberation.fr, 30 août 2007, Libération. Mis en ligne le 30 août 2007, consulté le 16 décembre 2007
  16. RTL, 4 mai 2007
  17. Le Nouvel Observateur, 26 février 2008
  18. Jean de Kervasdoué, Les prêcheurs de l'apocalypse, pages 36 et 123
  19. Voir la chronologie et une copie partielle du rapport sur ce site http://amiante.eu.org/
  20. voir http://amiante.eu.org/Jussieu/951123rapport.html, paragraphes 8.1.2 et 8.1.3
  21. voir le site de l'établissement public en charge de ces opérations http://www.epajussieu.fr
  22. Claude Allègre répond aux chercheurs, L'Express, 5 octobre 2006
  23. Claude Allègre fait peur à Jean Jouzel, Libération, 29 février 2008 (Comme Allègre, Jean Jouzel a reçu la médaille d'or du CNRS, la plus haute distinction scientifique française).
  24. Neiges du Kilimandjaro – La cause de la modification climatique reste inconnue. Donc, prudence
  25. Climat: la prévention, oui, la peur, non, L'Express, 5 octobre 2006
  26. Le Monde: les climatologues en colère, Lettres à l'Express après publication de la chronique de C. Allègre, Réponse de "Libération" à Claude Allègre : le point sur les arguments, [pdf] Réponse à Claude Allègre par Michel Crépon dans Le Monde, « Commentaire de lecture : Ma Vérité sur la Planète » de septembre 2007 et « Claude Allègre, ou l'art d'avoir une position publique en porte-à-faux avec son activité "privée" » d'octobre 2006 par Jean-Marc Jancovici
  27. ab « Claude Allègre, un si brillant chercheur ? » par Jade Lindgaard, 16 mars 2008, sur mediapart.fr
  28. Climat : polémique entre académiciens dans Le Figaro du 15 octobre 2007.
  29. L'Académie des sciences s'échauffe sur le climat dans Libération du 14 mars 2007.
  30. Une étude "climato-sceptique" soulève des soupçons de fraude dans Le Monde du 19 décembre 2007.
  31. Page consacrée à la critique de l'hypothèse de V. Courtillot
  32. « Le réchauffement climatique: un débat qui dérange », Cécile Philippe, 30 novembre 2006
  33. « Claude Allègre contre l’écologiquement correct », Xavier Mera, Les Echos, 31 octobre 2006, tribune dans Les Echos
  34. in Ma vérité sur la planète, p.48

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes