Chute de Constantinople

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Chute de Constantinople
Le siège de Constantinople. Peint en 1499.
Informations générales
Date 29 mai 1453
Lieu Constantinople
Issue Victoire des Turcs Ottomans
Belligérants
Byzantins Ottomans
Commandants
Constantin XI (†) Mehmet II
Forces en présence
5 000 Byzantins
2 000 étrangers
80 000
Pertes
Inconnues Inconnues

La chute de Constantinople a eu lieu le 29 mai 1453 et marqua la fin de l’empire byzantin, ainsi qu'une nouvelle ère d'expansion pour l’empire ottoman. Les historiens considèrent parfois que cette date marque aussi la fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance.

Sommaire

[modifier] État de l'empire byzantin

L’Empire byzantin en 1400
L’Empire byzantin en 1400

En 1453, l’empire byzantin est réduit à la portion congrue. Les Paléologues n’exercent plus le pouvoir qu'autour de Constantinople et une partie du Péloponnèse. Les Byzantins ne contrôlent plus les voies commerciales entre l'Occident et l'Extrême-Orient qui avaient contribué à leur enrichissement. Les concessions commerciales accordées aux Vénitiens et aux Génois se sont notablement accrues au fil des siècles, les caisses sont de fait vides.

La ville avait déjà été encerclée par les forces turques en 1393. Seulement devant l'obligation de combattre les Mongols à l'Est, les Turcs laissèrent la ville sauve. Les années qui suivirent constituèrent une période de calme relatif pour Constantinople, les Ottomans étant occupés par des querelles dynastiques.

Cette accalmie ne fut pas mise à profit pour renforcer l’Empire. Les rivalités théologiques entre les églises d'Orient et d’Occident empêchaient l’acheminement d'aide aux Byzantins. Par ailleurs, la méfiance envers les occidentaux était grande suite au sac de la ville lors de la quatrième croisade en 1204. Lucas Notaras, dernier grand amiral de la flotte byzantine aurait dit : « Mieux vaut le turban d'un sultan que la mitre d'un évêque ».

En 1422, Murad II, ayant mit fin aux querelles dynastiques, fait le siège de Constantinople, impliquée dans les intrigues de la cour ottomane. Il pille les possessions byzantines du Péloponnèse. Le sultan négocie néanmoins un traité de paix et le versement d'un tribut avec Jean VIII Paléologue afin de retourner mater une révolte en Anatolie.

En 1430, les forces turques prennent et mettent à sac Thessalonique et réduisent la population en esclavage.

La menace ottomane se fait de plus en plus pressante et le basileus Jean VIII Paléologue est décidé à trouver un accord avec l'église d'Occident. Aussi, en 1438, il prend la mer pour l'Italie en emmenant avec lui des théologiens et des évêques (ils sont près de 700 à avoir fait le voyage). Les deux églises se réunissent aux concile de Ferrare et concile de Florence. Un accord finit par être trouvé entre les églises latine et orthodoxe en 1439.

En 1440, les Turcs sont repoussés devant Belgrade et le pape en conçoit de grands espoirs. Il prêche donc pour une nouvelle croisade. Celle-ci est commandée par Vladislas, roi de Pologne et de Hongrie. En 1444, les croisés sont mis en déroute à la bataille de Varna, Vladislas est tué.

En 1448, une nouvelle bataille a lieu à Kossovo Polié ; les Turcs, grâce à des forces quatre fois plus nombreuses, remportent la victoire sur les troupes hongroises de Jean Hunyadi. Ce fut la dernière tentative pour aider l'empire byzantin agonisant.

En 1451, Mehmet II accède au pouvoir et sitôt sur le trône, prépare le siège de Constantinople. La même année, le sultan, désireux d'enlever toutes chances de secours à Constantinople, signe un traité avec Venise (10 septembre), puis avec Jean Hunyadi (20 novembre). Constantinople, abandonnée par ses alliés, se retrouve seule face à la très forte organisation militaire Turque. En 1452, il fait bâtir la forteresse de Rouméli-Hissar pour bloquer l'entrée du Bosphore aux Chrétiens. Plus rien ne s'oppose à ce que les Turcs conquièrent la ville.

[modifier] Déroulement du siège

Les Turcs sous les murailles de Constantinople
Les Turcs sous les murailles de Constantinople

Depuis son accession au trône, Mehmet II prépare l'attaque contre Constantinople. Devant la réputation de solidité des murs de la ville, il fait spécialement construire des canons par un ingénieur hongrois, Urbain. Les Byzantins n'ont pas pu s’offrir ses services, il est donc allé les proposer aux Turcs. Le sultan met à la disposition d’Urbain tous les moyens nécessaires afin de fondre des canons de fort calibre. Il en fondra un dont les dimensions sont formidables pour l'époque, au tout début de l’artillerie. Son tube avait une longueur de 7,80 m et il pouvait tirer des boulets d'une masse de 544 kg.

De son côté Constantinople tente désespérement d'exhorter l'amiral vénitien Gabriel Trévisano, qui avait amené le légat du pape pour la proclamation de l'Union, à rester à Constantinople. Mais le vénitien refuse et s'en va avec ses galères au grand dam de Constantin XI. Cependant, le 28 janvier 1453 le Génois Giovanni Giustiniani, ancien podestat de Caffa arrive avec deux navires et 700 hommes. Il est reçu très chaleureusement par le basileus (nom donné à l'empereur Byzantin). Les habitants de la cité de Péra, eux, refusent d'aider la capitale de l'empire byzantin car ils sont en paix avec le sultan.

Ainsi, Phrantzès, qui est l'homme qu'a désigné Constantin pour défendre la ville, ne compte en tout et pour tout que 4973 hommes y compris les volontaires ainsi que 2000 étrangers. Ce nombre est bien sûr très insuffisant pour défendre la capitale Constantinople.

L'armement en possession des défenseurs était médiocre. Ils combattaient tous à l'arme blanche et l'artillerie consistait en de petits canons de fer. La marine, elle, était constituée de 7 à 8 navires situés le long de la chaîne de la Corne d'Or. L'empereur a un mal énorme pour recueillir assez d'argent pour payer les troupes et doit en demander à l'Église. On comprend tout de suite qu'entre les 7000 à 8000 hommes, pour la plupart volontaires et n'ayant aucune expérience au combat, et les troupes que le sultan avait demandées à tous ses vassaux la disproportion est énorme. Enfin la flotte qu'a levée Mehmet II s'avère la plus puissante qui ait jamais été rassemblée par l'empire ottoman. Elle est constituée de 15 galères et de plusieurs autres types de navires commandés par le bulgare Baltoglou et est positionnée à Péra.

C'est dans ces conditions que s'apprête à se dérouler le trentième et dernier siège de Constantinople.

Après deux ans de préparatifs, Mehmet II est prêt et part d’Edirne le 23 mars 1453, il arrive sous les murs de la ville le 5 avril, précédé par son armée.

Les Turcs sont positionnés en face de la ville, du quartier des Blachernes jusqu'à la Propontide. Constantin XI a organisé la défense de la ville en 14 secteurs, Giustiniani avec 400 chevaliers doit garder la Porte Saint-Romain, la plus exposée à l'attaque des Turcs. Les Grecs ont bien tenté une sortie pour gêner les préparatifs des Turcs, mais ce fut un échec cuisant.

Une section reconstituée du mur de Théodose
Une section reconstituée du mur de Théodose

Le lendemain, l’armée turque commence le pilonnage du mur de Théodose. Un des canons détruit une tour à proximité de la Porte Saint-Romain. Il deviendra célèbre car en explosant quelques jours plus tard, il provoquera la mort de son constructeur. Le feu de l'artillerie dure plusieurs jours jusqu'à l'assaut final.

Manuscrit français dépeignant le siège
Manuscrit français dépeignant le siège

Dans le même temps, les Turc cherchent à combler le fossé devant la ville avec tous les moyens disponibles. De leur côté, les assiégés essayent tant bien que mal de réparer les murs, tandis que les Turcs tentent de les détruire avec des mines auxquels répondent des contres-mines génoise qui pulvérisent du feu grégeois sur les Turcs. Puis le 18 avril, Mehmet II ordonne un assaut des fantassins de nuit qui sont repoussés une nouvelle fois grâce au feu grégeois.

Les combats se déroulent aussi sur l’eau ; dès le début du siège les Turcs avaient pris le contrôle des postes avancés de Constantinople. Le 19 avril, la flotte turque tente l'attaque de la chaîne qui barre la Corne d'Or mais elle est repoussée par le mégaduc Lucas Notaras.

Le soir du 20 avril, une flotte de trois navires envoyés par le pape Nicolas V avec vivres et munitions parvient à forcer le blocus maritime malgré l'intervention de Mehmet II qui ordonna à son amiral de les détruire. Devant l'échec de cette action Baltoglou est roué de coup par le sultan. Cette aide providentielle leur sera très utile, mais insuffisante. Les tergiversations de Venise à envoyer 15 bateaux en renfort font que ces bateaux partent trop tard et arrivent à un moment assez avancé du siège ; Constantinople ne peut donc pas bénéficier de cette aide.


Le 22 au matin, une flotte d'une vingtaine de navires turcs mouille dans la Corne d'Or. Les Constantinopolitains sont consternés car le passage vers ce havre naturel, situé à l'est de la ville, est commandé par une lourde chaîne dont les Byzantins ont encore le contrôle. Mehmet II, se rappelant une ancienne stratégie russe du Xe siècle, a fait hisser les navires sur terre par des centaines de bœufs durant la nuit de la rive de Top Hané jusqu'à Péra, sur environ 1300 mètres. Pour les assiégés l'effet sur le moral est terrible, en effet le mur maritime n'est que très peu protégé (1 homme pour 2 ou 3 créneaux) et les défenseurs sont obligés d'amener des hommes d'autres secteurs ce qui bien sûr les dégarnit.

Mais les navires envoyés par le sultan n'ont pas l'effet escomptés ; en effet, ils sont en quelques sortes prisonniers dans la Corne d'Or et n'ont aucune liberté d'action. Quelques navires vénitiens venant de Trébizonde et dirigés par Jacopo Cocco tentent d'aller incendier ces navires. L'opération aurait pu réussir si les Génois de Galata n'avaient pas transmis l'information au sultan qui s'empresse de détruire les navires incendiaires.

Peu à peu les défenseurs faiblissent et Génois et Vénitiens se querellent. Le 23 avril, Constantin XI tente d'offrir la paix moyennant le paiement d'un tribut mais Mehmet II répond : « Je prendrai la ville, ou elle me prendra mort ou vif ». Le sultan impatient lançe plusieurs attaques à travers les brèches de la muraille, notamment entre la porte de Caligaria et la porte d'Andrinople les 7 et 12 mai, mais l'infanterie turque est repoussée héroïquement par les défenseurs conduits par Constantin XI lui-même.

Le 16 mai, la marine turque tente une nouvelle fois l'attaque de la chaîne mais elle est repoussée par Trévisano ; au même moment le sultan envoie une partie de sa flotte miner la porte de Caligaria, mais Notaras les en empêche. Deux jours après, l'attaque est lancée au moyen d'une tour roulante (hélépole) qui est avancée au devant des murailles mais l'engin est incendié après 24 heures de combat avant que les Turcs ne prennent pieds sur les murs. De nouveau, le 21, une attaque est menée au devant de la chaîne mais elle résiste.

[modifier] L'assaut final

Constantin XI
Constantin XI

Après 40 jours de combats intenses, trois brèches ont été réalisées : une entre Tekfour-Seraï et la porte d'Andrinople à la porte Caligaria, une autre brèche du côté de la porte Saint-Romain et la dernière à la porte de Selymbria. Le travail des défenseurs est de combler ces brèches avec tout les moyens disponibles. Mais la longueur du siège n'est pas pour plaire au sultan d'autant plus que le moral de ses troupes a baissé notamment à cause d'une rumeur de gigantesque croisade en Occident. Mehmet II tente de se faire livrer la ville par capitulation, offrant au basileus la Morée et en cas de refus le massacre des Constantinopolitains, mais Constantin XI répond que lui et ses hommes préfèrerent mourir plutôt que de livrer la ville. Néanmoins les assiégés sont dans une situation catastrophique, pendant que les Turcs reçoivent des renforts, les Grecs désespèrent et les relations entre les défenseurs sont mauvaises : Constantin XI a par exemple beaucoup de mal à réconcilier Notaras et Giustiniani dont les relations se sont envenimées. Le 3 mai, un bateau est envoyé dans la mer Egée pour avoir des nouvelles de la flotte vénitienne, mais revient le 23 mai sans aucune nouvelle des Vénitiens. Les défenseurs comprennent donc qu'ils n'ont plus aucune chance de secours et qu'ils doivent s'apprêter au dernier sacrifice.

L'assaut final est lancé dans la nuit du lundi 28 au mardi 29 mai 1453, à une heure trente du matin environ. Il porte sur les trois côtés du triangle que forme la ville, mais ne fut vraiment intense qu'en face des murs terrestres entre Tekfour Sérai et la porte Saint-Romain. La première vague d'assaut, composée d'irréguliers, de bachibouzouks, la plupart chrétiens, s'avança lentement portant des échelles, et essaya de franchir le fossé : accablée de projectiles, elle recula après deux heures de combat. La deuxième vague lui succéda ; elle consistait en contingents d'Anatolie, disciplinés et bien armés ; ils attaquèrent la brèche et commencèrent l'escalade mais furent repoussés à leur tour. Ce fut en vain qu'on les ramena au combat après que le gros canon eût tiré contre la brèche. Alors Mehmet II exaspéré fit donner sa réserve. Le jour se levait. Les défenseurs étaient épuisés quand les janissaires, en poussant des cris terribles s'élancèrent contre la brèche, tandis que les cloches et les simandres retentissaient dans toute la ville, et que l'attaque se concentrait autour de la porte Saint Romain. Ce fut à ce moment que Giustiniani reçut une blessure au sternum et se retira du combat, toujours plus furieux après son départ. Les assiégés tenaient toujours lorsqu'ils virent tout à coup l'étendard du sultan flotter dans la ville. Les Turcs avaient pu y pénétrer par la Cercoporta, une poterne située non loin de la porte d' Andrinople, à l'endroit où le mur théodosien se soude à l'enceinte d'Héraclius. Les défenseurs de la porte Saint Romain, l'empereur en tête, continuèrent à se battre, mais attaqués par derrière, ils furent littéralement submergés par le flot des Turcs. Ce fut alors que Constantin XI, suivi de deux ou trois fidèles, s'élança dans la mêlée, en frappant d'estoc et de taille, et y trouva la mort glorieuse qui convenait au dernier empereur de Byzance. (source : Louis Bréhier Vie et mort de Byzance, p 427-29)

Quelques citoyens, vénitiens et génois surtout, parviennent à s'échapper dans des navires bondés de rescapés. Du basileus Constantin XI Paléologue, on ne retrouve que les insignes impériaux et un corps que plusieurs soldats, y compris turcs, reconnaissent être celui de l'empereur. La légende entretient ainsi l'image d'un souverain ayant combattu jusqu’aux dernières heures de Byzance, et mort l'épée à la main. Cependant, les troupes ottomanes envahissent Constantinople. Selon la coutume islamique, elles ont droit de se livrer pendant trois jours aux pillages. Elles massacrent les derniers défenseurs qui résistent encore,faisant prisonniers des milliers d'habitants, en particulier ceux qui avaient cru trouver refuge dans Sainte Sophie. Dans l'après midi du 30 mai, Mehmet II fait son entrée dans Constantinople à cheval. Le sultan ordonne de cesser les pillages bien que le délai de trois jours n'ait pas encore expiré. Puis il se rend à Sainte Sophie, aussitôt transformée en une mosquée pour y faire réciter les prières (source : Robert Mantran, Histoire d'Istanbul, 1996, p 191)

[modifier] Conclusion

La chute de Constantinople en 1453 est un moment clé de l'histoire. Cette date est même considérée pour certains comme marquant la fin du Moyen Âge (au lieu de 1492). En effet, la disparition de l'empire byzantin marque le début d'une nouvelle ère. Malgré leur désintéressement complet pour l'état de Constantinople, sa chute provoque un grand vide en Occident. L'empire byzantin avait depuis sa création été un rempart aux invasions arabes, protégeant ainsi la plus grande part de l'Europe chrétienne. Cet empire était continuellement en guerre et il est étonnant de se dire qu'il a résisté pendant plus de 1000 ans à l'assaut de 20 peuples et que sa capitale eut à subir le nombre incroyable de 30 sièges. Constantinople avait pendant des siècles été une des villes les plus riches et la plus peuplées au monde. L'empire byzantin avait perpétué l'héritage de l'empire romain qui, lui, croûlait sous l'assaut des barbares. Cet héritage fut perpétué au travers des siècles et enrichi. Constantinople marqua l'histoire des peuples d'une manière indélébile. La capitale de cet empire était de plus située à un carrefour stratégique de première importance entre l'Orient et l'Occident, l'Asie et l'Europe. Toutes les principales routes de commerces y convergeaient.

Mais l'empire fut ruiné par les croisades et par la prise de Constantinople par les Latins. Il fut ruiné inutilement car jamais les croisés ne purent s'installer durablement en Orient. Bien sûr l'empire avait su se relever sous l'impulsion des Comnène et des Paléologue, mais l'Occident l'en empêcha et plus particulièrement Gênes et Venise qui, voulant s'attribuer les points stratégiques de l'Empire lui ravirent sa principale source de richesse, à l'image des génois de Galata qui, attirant les bateaux du monde entier, les avaient fait déserter le port constantinopolitain. De plus, les guerres entre les deux puissances maritimes ruina définitivement l'Empire. Les Turcs n'avaient fait que sa conquête territoriale, l'Occident l'avait ruiné au niveau commercial. Cependant la chute de Constantinople ouvre une ère nouvelle en Occident : tous les savants grecs après la chute du dernier état grec qu'était Trébizonde se réfugient en Italie où ils amènent le reste de leur bibliothèque et leur savoir. Ce mouvement conduit à la Renaissance.

[modifier] Sources

  • Mika Waltari relate dans son roman "Les Amants de Byzance" (1952), les derniers jours de Constantinople.

Robert MANTRAN, Histoire d'Istanbul, Paris, 1996 (une histoire de la ville, de Constantin à nos jours) Louis bréhier, Vie et mort de Byzance, Paris, 1946 (histoire événementielle)

[modifier] Voir aussi

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