Chambre des pairs

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En France, ce fut la Chambre haute pendant les deux Restaurations, les Cent-jours et sous la monarchie de Juillet. Elle succéda en 1814 au Sénat conservateur du Premier Empire. En 1848, elle disparaît pour faire place à l'Assemblée nationale constituante de la Seconde République, mais ne sera réellement remplacée en tant que Chambre haute que par la restauration du Sénat sous le Second empire.

Ses membres sont héréditaires jusqu'à la révolution de 1830.

Sommaire

[modifier] Introduction

La Chambre des Pairs de la monarchie constitutionnelle fut établie par la Charte de 1814. On sait à la suite de quels événements celle-ci avait été promulguée. Le 31 mai 1814, les Alliés vainqueurs entraient dans Paris. Le tsar réunissait chez Talleyrand les souverains et les diplomates et leur exposait les trois partis à prendre : faire la paix avec Napoléon Ier, établir la régence de Marie-Louise ou rappeler les Bourbons. Talleyrand qui avait persuadé sans peine l’assemblée, avait conclut que le rappel des Bourbons était la meilleure solution : « la République est une imposture, tout le reste est une intrigue, les Bourbons seuls sont un principe ». Ainsi on rédigea une proclamation portant que les souverains ne traiteraient plus avec Napoléon ni avec aucun membre de sa famille et invitant le Sénat à désigner un gouvernement provisoire qui pût préparer une nouvelle constitution. Le Sénat vota la déchéance de Napoléon et proclama Louis XVIII roi. La Chambre des députés ratifia ces décisions. Louis XVIII, arrivé à Paris dans les premiers jours de mai, ne voulut pas du projet de constitution élaboré par les membres du gouvernement provisoire et adopté par le Sénat le 6 avril. Bien que profondément libéral, il demeura intraitable en ce qui concernait la base de la constitution. Représentant un principe, celui qui avait plané sur tout l’Ancien Régime, Louis XVIII ne voulut tenir son titre que de Dieu et de son prédécesseur et il se réserva d’octroyer une charte à son peuple. Mais la Charte de 1814, bien que pure concession de l’autorité royale consacrait cependant un état de choses fort différent de celui que l’Ancien Régime avait constitué. Elle tenait compte du chemin parcouru depuis 1789 et, en établissant en France le gouvernement représentatif, elle répondait aux aspirations que la Révolution avait fait naître. Louis XVIII avait su mettre à profit les leçons de l’exil. Il avait vu fonctionner la constitution qui, la première, avait organisé la liberté politique, c'est-à-dire la constitution britannique et il voulut doter la France d’institutions analogues. C’est pourquoi la Charte contient les deux principes des gouvernements libres : la responsabilité ministérielle et la dualité des Chambres.

Sans doute le préambule de la Charte ne fait aucune allusion au véritable modèle. On ne fait que prétendre « renouer avec l’ancien temps » et rétablir en les adaptant aux circonstances, les institutions de l’ancienne monarchie française : « Nous avons cherché, disait-on, les principes de la charte constitutionnelle dans le caractère français et dans les monuments vénérables des siècles passés. Ainsi nous avons vu dans le renouvellement de la pairie une institution vraiment nationale et qui doit lier tous les souvenirs à toutes les espérances, en réunissant les temps anciens et les temps modernes ». La Chambre des Pairs que Louis XVIII instituait devait évidemment se trouver en harmonie avec la monarchie restaurée. La monarchie était légitime et absolue ; la Chambre des Pairs fut aristocratique. Elle représentait une classe sociale, la noblesse : le roi devait en effet en choisir les membres dans la noblesse ou conférer un titre à ceux qu’il faisait entrer. Cette Chambre devait être par conséquent l’organe naturel des intérêts de l’aristocratie. Elle devait aussi constituer un appui solide pour la royauté, puisque que c’était d’elle que les membres tiraient leur titre. Les principes d’absolutisme contenus dans la Charte amenèrent Charles X à rendre les ordonnances de 1830 lesquelles entraînèrent le remplacement de la monarchie légitime par la monarchie nationale. La Chambre des Pairs devait nécessairement sentir le contre-coup de ces évènements. La Chambre haute de la Monarchie de Juillet conserve le même nom que sous la Restauration mais la physionomie en a changé : elle doit recevoir un reflet du caractère bourgeois de la royauté. Le suppression de l’hérédité, la possibilité de créer des Pairs sans leur conférer de titres de noblesse, l’établissement de catégories dans lesquelles ils devaient être choisis, la publicité des séances ont fait de la pairie de Louis-Philippe un corps bien différent de la pairie de Louis XVIII et de Charles X.
La composition des Chambres hautes influe le plus souvent sur leurs attributions et surtout sur leur rôle en matière législative et politique. Nous verrons si cette idée se vérifie dans l’évolution qu’a subie la Chambre des Pairs de 1814 à 1848 en étudiant dans une première partie sa composition, dans une seconde partie ses attributions.

[modifier] Composition de la Chambre des Pairs

[modifier] Sous la charte de 1814

Nous avons signalé l’influence de la constitution anglaise dans l’adoption par la Charte de 1814 du principe de la dualité des Chambres : nous la retrouvons dans la manière dont est composée la Chambre des Pairs.
Les Pairs sont nommés par le roi. Celui-ci doit conférer aux Pairs qu’il nomme un titre de noblesse dont il peut varier la dignité. Enfin, il peut les nommer à vie ou les rendre héréditaires, selon sa volonté. La combinaison de la nomination à vie avec l’hérédité présente des avantages et des inconvénients. En effet elle permet d’insuffler une nouvelle vigueur à un corps auparavant renouvelé par l’hérédité. C’est un moyen pour le gouvernement de s’assurer l’apport de nouveaux talents qui ne se transmettent pas nécessairement par génération. Le roi peut donc influer sur la Chambre haute sans que cela ne la sclérose nécessairement pour toujours, en laissant la possibilité à ses successeurs de faire des fournées de Pairs. Enfin, à côté des membres auxquels l’hérédité donne l’indépendance, le roi pourra compter sur ceux qu’il a nommés à vie et qui ne pourront oublier que c’est à lui qu’ils doivent leur dignité.
Mais ces avantages sont contrebalancés par des inconvénients de même importance : les Pairs héréditaires ne voudront jamais considérer comme leurs égaux les Pairs à vie, et par conséquent ceux-ci n’auront aucune influence. D’autre part, les Pairs à vie n’auront aucune reconnaissance envers le roi pour une dignité inférieure à celle de l’hérédité. Ainsi au lieu de l’appuyer, on les verra tout de suite prendre une attitude frondeuse et aller s’asseoir sur les bancs de l’opposition. Ces considérations amenèrent Louis XVIII à renoncer par une ordonnance du 13 août 1815 à la nomination des Pairs à vie. L’article premier disait : « la dignité de pair est et demeure héréditaire, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture ». La combinaison du mandat à vie et de l’hérédité était une manière de donner une nouvelle force à une Chambre héréditaire en lui assurant l’apport de talents. Louis XVIII y ayant renoncé doit recourir à d’autres procédés.
Certaines constitutions doublent la force que donne l’hérédité par l’influence que donne la fortune. Ainsi l’ordonnance du 25 août 1817 décida que nul ne pouvait être appelé à la Chambre des Pairs, exceptés les ecclésiastiques, s’il n’avait obtenu préalablement à sa nomination par le roi, l’autorisation de former un majorat et s’il n’avait pas constitué celui-ci. Cette condition correspondait à celle du cens exigée des députés et complétait l’avènement de la propriété foncière au pouvoir politique.
A côté de ces membres héréditaires, la Charte de 1814 mentionnait des Pairs de droit, les princes du sang. Mais ceux-ci ne pouvaient prendre séance que sur l’ordre du roi exprimé par un message pour chaque réunion. Cette limitation à l’exercice du droit des princes du sang était inspiré par la crainte de voir quelque nouveau duc d’Orléans créer dans la Chambre des Pairs un foyer d’opposition à l’autorité royale.

[modifier] La Chambre des Pairs des Cent-Jours

Icône de détail Article connexe : Catégorie:Pair des Cent-Jours.

[modifier] Après la Révolution de 1830

La révolution de 1830 n’eut pas un effet immédiat sur l’organisation de la Chambre des Pairs. L’article 23 de la charte du 14 août 1830 était la reproduction intégrale de l’article 27 de la charte de 1814. On s’aperçut bien vite cependant que l’institution d’une Chambre aristocratique, exclusivement héréditaire, était en contradiction avec une Monarchie basée sur la volonté nationale.
Le décalage entre l’organisation de la Chambre des Pairs et les nouvelles assistes de la Monarchie donnait par répercussion une force nouvelle à la Chambre des députés (notamment auprès du peuple) qui correspondait mieux à la nouvelle idée de la Monarchie. Il fallait rétablir l’équilibre entre les deux Chambres. La loi du 23 décembre eut pour but de mettre la pairie en harmonie avec les institutions nouvelles. Quelques mois auparavant dans la discussion de la Constitution belge du 7 février 1831, un député au congrès national belge avait affirmé que pour que la Chambre haute ait de l’influence, il fallait qu’elle fut élue par les mêmes électeurs que la Chambre des députés. Les législateurs français se contentèrent de supprimer l’hérédité et de limiter la nomination royale en déterminants des catégories en dehors desquelles elle ne pouvait s’exercer.
La suppression de l’hérédité donna lieu dans les deux Chambres à de longues discussions parlementaires. À la Chambre des députés, ce furent des représentants de la bourgeoisie comme Berryer, Guizot, Thiers, Royer-Collard, qui se firent les champions les plus ardents de l’hérédité. Ils furent vivement attaqués par un parti important en nombre à la tête duquel se trouvait La Fayette. Thiers déclara que pour sauvegarder les intérêts du progrès, il fallait défendre ceux de la stabilité. Cette défense, passant par un pouvoir indépendant parce que héréditaire, peut seule s’en charger. Il faisait donc appel à l’aristocratie héréditaire. Loin de penser que la pairie héréditaire servirait l’aristocratie, il voulait qu’on voit en elle le meilleur moyen de paralyser l’ambition. La noblesse si on lui enlevait la Chambre haute se précipiterait dans la Chambre populaire. L’orateur termina en disant que la République et la démocratie laissaient des questions irrésolues. Grâce à l’hérédité, la monarchie représentative n’en laissait aucune. Elle concentrait à la fois l’unité de la royauté, l’esprit de suite de l’aristocratie, la vie et l’énergie de la démocratie. À son tour Royer-Collard s’efforça de démontrer que l’hérédité était indispensable pour sauvegarder la supériorité de la Chambre haute. Pour lui, il ne fallait pas confondre l’agitation bruyante d’un moment avec l’opinion réfléchie de la nation. Une institution ne devait être jugée que sur son action.

Après lui Guizot exposa admirablement la question. La pairie, dit-il en substance, réside dans trois éléments, trois conditions : par la nomination royale elle est monarchique et fortifie le gouvernement ; par le nombre illimité de ses membres, elle s’adapte bien à la monarchie constitutionnelle et tient bien sa place dans le jeu des trois pouvoirs. Par l’hérédité, elle est monarchique et libérale, en même temps que politique. Si vous détruisez un de ces trois éléments, vous portez atteinte à la monarchie constitutionnelle, à son jeu libre et complet. En ce qui concerne l’hérédité, on la combat seulement pour des raisons préjudicielles. Ses adversaires disent : on ne veut pas, on ne doit pas, on ne peut pas la créer. Quant à dire que le pays ne veut pas du droit de naissance, c’est vrai. Mais le pays ne peut-il pas se tromper ? Enfin, Berryer soutint, lui aussi, la nécessité d’une aristocratie dans la nation et il implora la Chambre de repousser le projet de loi supprimant l’hérédité.
Parmi les adversaires de l’hérédité, les uns, comme Emmanuel de Las Cazes, contestaient l’existence d’une aristocratie digne de ce nom. Les autres voulaient faire pénétrer, dans la composition de la première Chambre, l’intervention nationale. Ils étaient les partisans du système des candidatures. Parmi eux Odile Barrot recommanda un procédé intéressant : la désignation des membres de la Chambre haute par les conseils généraux. Malheureusement, à cette époque, ces assemblées n’étaient pas encore définitivement constituées et ne pouvaient servir de bases sérieuses à un recrutement de la pairie.
Après une longue discussion qui avait épuisé les arguments dans les deux camps, le discours du président du Conseil était impatiemment attendu. Casimir Perier rendit à l’hérédité un hommage éloquent : elle avait été une institution des plus utiles au bien national, mais son maintien était incompatible avec l’âge naissant de la démocratie. Son discours emporta les suffrages. La suppression de l’hérédité fut votée par la Chambre des députés.
Restait à obtenir l’adhésion de la Chambre intéressée. C’était l’œuvre la plus difficile. Le vieux duc de Fitz-James défendit en termes pathétiques l’institution : il essaya de démontrer que bien loin d’être contraire à la démocratie, elle était la récompense la plus haute de la valeur personnelle. Cependant, la Chambre des Pairs finit elle aussi par voter la suppression de l’hérédité. On enlevait donc ainsi à la Pairie la force qui vient de l’hérédité. On lui enleva aussi une autre sorte de prestige en décidant que le roi ne serait plus obligé de conférer aux Pairs un titre de noblesse. On voulait que seuls le talent et la fortune puissent l’influencer. C’est pourquoi on obligea le roi à choisir les Pairs dans vingt-deux catégories qui peuvent facilement se ramener à cinq. La première catégorie comprend ceux qui ont occupé ou occupent les plus hautes fonctions électives. La seconde ceux qui ont occupé ou occupent les plus hautes fonctions administratives. La troisième ceux qui ont occupé ou occupent les plus hautes fonctions judiciaires. Dans la quatrième catégorie rentrent les citoyens qui présentent des garanties élevées de capacités intellectuelles. La cinquième enfin comprend ceux qui payent au moins 3000 francs d’impôts directs : elle a pour but d’assurer la représentation à la Chambre haute de la grande propriété et de la grande industrie.
Le système des catégories présente des inconvénients et peu d’avantages. Il n’assure pas nécessairement un bon recrutement de la Chambre haute : ou ces catégories sont trop étroites et le choix du monarque est trop limité, ou elles sont trop larges et alors elles sont inutiles. Dans tous les cas elles constituent une gêne pour le souverain sans constituer un avantage certain pour le pays. Certains fonctionnaires peuvent offrir des garanties de capacités administratives sans pour autant présenter des aptitudes politiques : la pratique générale des détails de l’administration ne donne pas toujours une vision suffisamment large, nécessaire dans la direction générale des affaires d’un pays. Certes, peu de Chambres hautes réunirent autant de « lumières » que sous la Monarchie de Juillet, mais peu eurent une aussi faible influence en matière gouvernementale. Il manquait une vertu que les catégories n’avaient pas, une vertu essentielle en politique : l’indépendance.

[modifier] Les attributions

La charte de 1830 qui avait modifié l’allure de la Chambre des Pairs ne toucha pas à ses attributions. En principe, celle-ci étaient les même que celles de la Chambre des députés. Les deux Chartes portent que la Chambre des Pairs est une portion essentielle de la puissance législative (article 24 Ch.1814- article 20 Ch. 1830). La Chambre des Pairs pouvaient donc, comme la Chambre des députés, recevoir en premier lieu les projets provenant de l’initiative royale et, comme la Chambre des députés, elle pouvait « supplier le roi » d’exercer cette initiative dans un domaine bien défini. Et, lorsque le roi, après 1830, renonça à l’usage exclusif de l’initiative, celle-ci appartint également à la Chambre des Pairs et à la Chambre des députés. Cette égalité entre les deux Chambres comporte cependant une exception pour les lois de finance au détriment de la Chambre des Pairs. Les deux Chartes consacrent seulement le « droit de priorité » de la Chambre basse au point de vue de la « loi de l’impôt ». Mais elles le font avec des termes d’inégale vigueur : la Charte de 1814 (art.17) déclare que la loi de l’impôt doit d’abord être « adressée » à la Chambre des députés. Ce terme assurait seulement à la Chambre basse une priorité de pure forme. La constitution de 1830 (art.15) est plus énergique : elle exige que la loi de l’impôt ait d’abord été « votée» par la Chambre des députés.
Comment, en fait, la Chambre des Pairs a-t-elle usé de ses pouvoirs politiques en matière financière ? Il faut pour cela distinguer quatre sorte de lois financières : les lois de dépenses qui consacrent un crédit à un but déterminé ; les lois d’impôts qui fixent les revenus avec lesquels les dépenses seront couvertes ; les lois d’organisation financière qui règlent les modes de paiement des dépenses et des revenus ; enfin, les lois de comptabilité qui interviennent lorsque les revenus ont été perçus et les dépenses effectuées pour contrôler la régularité de ces opérations. L’influence de la Chambre des Pairs fut quasi nulle sur les lois d’impôt : les textes constitutionnels attribuaient la priorité en ces matières à la Chambre des députés. La Chambre des Pairs renonça elle-même au droit d’amendement. Elle se reconnaissait simplement un droit de remontrance. Quand elle l’exerçait et que la Chambre des députés persistait dans son opinion première, c’était cette dernière qui devait avoir le dernier mot. La Chambre des Pairs fit preuve de la même timidité en matière de lois de dépenses. Sous la Monarchie de juillet, la Chambre des députés, qui représentait la bourgeoisie sceptique, voltairienne, anticléricale, supprima plusieurs crédits relatifs au budget des cultes, notamment ceux relatifs à des bourses aux séminaires et aux évêchés qui n’étaient pas prévus par le concordat. La Chambre des Pairs rétablit les crédits ; la Chambre des députés les rejeta à nouveau. Le conflit cessa par une transaction dans laquelle la Chambre des députés eut le dessus.
La Chambre des Pairs sut seulement jouer un rôle dans les lois d’organisation financière et dans les lois de comptabilité. Malheureusement ce rôle ne fut pas toujours satisfaisant. Par exemple, le baron Louis, député à la Chambre basse, qui sut remettre de l’ordre dans les finances françaises, avait voulu modifier la date de l’ouverture de l’année financière. Il voulait la porter du 1er janvier au 1er juillet. Tout le monde approuvait sur le fond cette décision qui simplifiait la comptabilité, mais encore qui donnait à la Chambre des Pairs le temps d’effectuer un contrôle plus sérieux sur la loi du budget. Mais la Chambre des Pairs rejeta cette proposition parce que l’auteur lui déplaisait : ainsi elle risqua l’avenir du pays pour satisfaire les ressentiments d’un moment.
L’intervention de la Chambre des Pairs dans les lois de comptabilité ne fut pas toujours profitable au bien du pays : quand on lui proposa la loi des comptes qui approuvait le paiement des crédits illégalement engagés par M. de Peyronnet pour la construction de la salle à manger au ministère de la justice, elle supprima par voie d’amendement l’article qui ordonnait les poursuites. Mais la Chambre des députés le rétablit. Il en ressort donc qu’en matière financière la Chambre des Pairs eut un rôle très discret.
C’est par imitation de la constitution anglaise que les deux Chartes avaient admis l’infériorité de la Chambre des Pairs dans ce domaine. C’est sous cette même influence qu’elles ont décidé que la Chambre des Pairs serait Haute Cour de Justice. Elle était compétente pour connaître les crimes des ministres et des Pairs et aussi pour connaître les crimes de haute trahison ou les crimes contre la sûreté de l’Etat. Les principales affaires dont la Chambre des Pairs eut à traiter comme Haute Cour de Justice concernèrent par exemple : Ney, des ministres de Charles X, des insurgés de 1835, des auteurs des attentats contre Louis-Philippe… Il existe encore de nombreux inconvénients pour une pareille attribution. Ces inconvénients sont encore aggravés lorsque cette assemblée applique des peines non déterminées par la loi pour des crimes non prévus par elle ; ce qui, une fois de plus, nous amène à réfléchir sur la distinction entre la justice et la politique.

La Chambre des Pairs eut quelquefois un rôle important à jouer lors de la première partie de la Restauration : elle rejeta un projet de loi de M. Peyronnet nuisible à la liberté de la presse, elle repoussa le rétablissement du droit d’aînesse : ce jour là on illumina Paris en son honneur et elle eut un moment de popularité. En 1830, elle adressa au roi une lettre qui, en des termes analogues à celle de la Chambre des députés, certes plus respectueux, rappelait le roi au respect de la Charte. Comme la Chambre des députés, elle vota la déchéance de Charles X. Sous la Monarchie de juillet, elle tint une place plus modeste dans les préoccupations du pays. C’est à la Chambre des députés que se débattaient les questions vitales du pays et où se rendaient les grands hommes politiques du moment.

Ainsi nous avons vu comment la Chambre des Pairs était formée sous la Restauration : nominations par le roi, titre de Pair de France héréditaire ou à vie, constitution d’un majorat, puis, en 1830 suppression de l’hérédité avec la mise en place des catégories. La Chambre des Pairs comme la Chambre des députés était considérée comme une partie essentielle du pouvoir législatif : participation à la confection et au vote des lois, consentement de l’impôt, contrôle sur le gouvernement. Nous avons aussi observée quelle était Haute Cour de Justice. Il faut reconnaître que c’est à la Charte de 1814 que revient le mérite d’avoir établi en France sur le modèle de la Chambre des lords anglaise, une Chambre des Pairs héréditaire, consacrant à la fois la théorie de Montesquieu sur la nécessité de donner à l’aristocratie une représentation particulière et le système qu’une longue expérience pratiquée en Angleterre et quelque peu en France avait fait apprécier : la dualité des Chambres législatives. Malheureusement cette Chambre des Pairs de la Restauration ne rendit pas tous les services que l’on attendait d’elle. Les défauts liés à sa constitution, qui n’était plus en harmonie avec les progrès accomplis, attirèrent la défaveur populaire. Elle fut incapable de remplir le rôle qui lui était assigné et de défendre les institutions dont on lui avait confié la garde.

[modifier] Membres célèbres

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