Bruno Bauer

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Bruno Bauer
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Bruno Bauer (né le 6 septembre 1809, mort à Rixdorf le 13 avril 1882), était un Allemand, théologien, philosophe et historien.

[modifier] Biographie

Bauer était le fils d'un peintre sur porcelaine à Eisenberg en Saxe-Altenburg. Il étudia sous la direction de Hegel lui-même jusqu’à la mort de ce dernier en 1831. Hegel récompensa par un prix de l'Université son jeune élève pour un essai philosophique où il critiquait Kant.

Bauer a étudié à l'Université Friedrich Wilhelm de Berlin, où il fit partie de ceux qu'on appelait les Hégéliens de droite conduits par Philip Marheineke.

  • En 1834 il a commença à enseigner à Berlin comme licencié en théologie et en 1839 fut transféré à l'Université de Bonn.
  • En 1838 il publia son Kritische Darstellung der Religion des Alten Testaments (2 vols.), qui montre qu'à cette date il était encore fidèle à la droite hégélienne.

En réaction à la Vie de Jesus de David Strauss, il se plonge dans l'étude des évangiles pour défendre l'honneur de Jesus mais au fil de son étude son opinion évolue et dans deux travaux, un sur le Quatrième Évangile, Kritik der evangelischen Geschichte des Johannes (1840) et un autre sur les Synoptiques, Kritik der evangelischen Geschichte der Synoptiker (1841), aussi bien que dans son Herr Hengstenberg, kritische Briefe über den Gegensatz des Gesetzes und des Evangeliums, il montra un rejet complet de son orthodoxie antérieure. Bauer s'associa aux Jeunes hégéliens ou « Hégéliens de Gauche ». Il publie de manière anonyme, fin 1841, un pamphlet satirique et ironique auquel aurait participé Karl Marx intitulé La trompette du jugement dernier. Contre Hegel, l'athée et l'antéchrist. Un ultimatum. Dans cet ouvrage il montre l'athéisme sous-jacent du hégélianisme en prenant le point de vue d'un croyant qui démasque une philosophie sans dieu qui se déguise en christianisme. En 1842 le gouvernement le révoqua et il se retira pour le reste de sa vie à Rixdorf, près de Berlin.

En 1843, il publie un essai, La Question juive l'objet d'un commentaire critique de Karl Marx dans un ouvrage du même nom, La Question juive.

Il regroupa autour de lui le club des docteurs, désormais appelé les freien. À partir de ce moment, il fut pris d'un intérêt passionné pour l'histoire moderne et pour la politique, autant que pour la théologie et il publia Geschichte der Politik, Kultur und Aufklärung des 18ten Jahrhunderts (4 vols. 1843-1845), Geschichte der französischen Revolution (3 vols. 1847) et Disraelis romantischer und Bismarcks' socialistischer Imperialismus (1882). Parmi ses autres travaux critiques on peut citer une critique des évangiles et une histoire de leur origine, Kritik der Evangelien und Geschichte ihres Ursprungs (1850-1852), un livre sur les Actes des Apôtres, Apostelgeschichte (1850) et une critique des épîtres de Paul, Kritik der paulinischen Briefe (1850-1852).

La critique de Bauer du Nouveau Testament était extrêmement déconstructrice. David Strauss, dans sa Vie de Jésus, avait expliqué que les récits des Évangiles étaient des produits à moitié inconscients de l'instinct mythique dans les communautés chrétiennes primitives. Bauer tourna en ridicule cette conception. Il affirmait lui-même, reprenant une théorie de C. G. Wilke (Der Urevangelist, 1838), que le récit original était l'Évangile de Marc.

Cet Évangile, affirmait-il, avait été achevé sous le règne d'Hadrien (tandis que son prototype, le Ur-Marcus, qu'une analyse critique permettait de retrouver dans l'Évangile selon Marc, avait été commencé vers le temps de Flavius Josèphe et des guerres entre Romains et Juifs). Bauer, comme d'autres partisans de cette hypothèse marcienne, était persuadé que tous les autres récits évangéliques s'étaient servis de l'Évangile de Marc comme de modèle dans les communautés où on les avait écrits.

Albert Schweitzer, un de ceux qui ont étudié l’œuvre de Bruno Bauer, dit de lui qu'il avait commencé par vouloir défendre l'honneur de Jésus en défendant sa réputation contre la parodie de biographie inepte qu'avaient forgée les apologistes chrétiens. Cependant, une étude approfondie du Nouveau Testament l'avait fait arriver à cette conclusion qu'il s'agissait d'une fiction complète et il considérait l'évangéliste Marc non seulement comme le premier narrateur, mais même comme celui qui avait inventé toute l'histoire qui n'était plus qu'une fiction tandis que le Christianisme reposait sur les inventions d'une seule personne ». (Otto Pfleiderer).

Bauer publia de nombreux articles dans divers journaux, défendant sa "critique", critique politique, puis critique critique ou critique pure. Bauer l'hégélien de gauche influencera notamment Stirner.

Bien que Bauer eût examiné l' « Ur-Marcus », ce sont ses remarques sur la version actuelle de l'Évangile de Marc qui attirèrent l'attention du public. Surtout, quelques thèmes clés dans l'Évangile de Marc lui paraissaient purement littéraires. Le thème bien connu du secret messianique, dans lequel Jésus ne cessait d'opérer des miracles pour dire ensuite à ceux qui en avaient été témoins de ne les raconter à personne, semblait à Bauer un exemple de fait imaginaire. Si c'est le cas, écrivait-il, alors le rédacteur qui a ajouté que ce thème était probablement le rédacteur final de notre version actuelle de l'Évangile de Marc. Dans cette spéculation Bauer n'était pas d'ailleurs un théologien isolé.

C'est ainsi que certains théologiens importants de l'École de Tübingen considéraient quelques-unes des épîtres de Paul comme des contrefaçons du IIe siècle. Bauer approuvait certaines de leurs conclusions et y ajoutait les siennes, développant ses analyses théologiques. Par exemple, il suggérait que les épîtres de Paul avaient été écrites en Occident pour s'opposer au Paul des Actes. Bauer continuait en discutant sur la prépondérance de l'élément gréco-romain sur l'élément juif, dans les Écritures chrétiennes et il soutenait sa théorie en dépeignant tout un arrière-plan historique.

Selon Bauer, l'auteur de l'évangile de Marc était « un Italien qui se sentait chez lui à la fois à Rome et à Alexandrie »; celui de l'évangile de Matthieu « un Romain, nourri de l'esprit de Sénèque »; le christianisme est essentiellement « le Stoïcisme triomphant dans un déguisement Juif. »

Il est évident que Marc est un nom romain, pas un nom juif. Ce en quoi Bruno Bauer a innové lui venait d'un examen attentif de la littérature européenne du premier siècle. Selon lui bien des thèmes clefs du Nouveau Testament, en particulièrement ceux qui s'opposent à eux de l'Ancien, peuvent être retrouvés assez facilement la littérature gréco-romaine qui a fleuri au premier siècle. (Nous devons noter ici que le même point de vue a été aussi soutenu par quelques savants Juifs.)

Le dernier livre de Bauer, Christ et les Césars (1877) offre une analyse pénétrante qui montre que des mots-clés sont communs aux auteurs du premier siècle, comme le stoïcien Sénèque, et aux textes du Nouveau Testament. C'est une chose qui avait déjà été remarquée, mais on expliquait autrefois que Sénèque avait probablement été secrètement chrétien. Bruno Bauer est peut-être le premier à avoir voulu démontrer que certains auteurs du Nouveau Testament avaient fait librement des emprunts à Sénèque.

(à suivre)

[modifier] Liens

(en) « Bruno Bauer », dans Encyclopædia Britannica, 1911 [détail édition] [lire en ligne]