Blocus continental

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Épisode important de l'histoire du Premier Empire, le Blocus continental est le nom donné à la politique suivie par Napoléon qui tentait de ruiner le Royaume-Uni en l'empêchant de commercer avec le reste de l'Europe, initiée par le décret de Berlin en novembre 1806.

État de l'Europe en 1811.Les couleurs indiquent (du bleu foncé au bleu clair) les pays :  - Membres de l'Empire,  - Satellites,  - Appliquant le Blocus
État de l'Europe en 1811.
Les couleurs indiquent (du bleu foncé au bleu clair) les pays :
- Membres de l'Empire,
- Satellites,
- Appliquant le Blocus

Sommaire

[modifier] Concepts généraux

Lors de la signature de la paix d'Amiens entre la France et le Royaume-Uni, l'empire napoléonien se trouve quasiment au sommet de sa gloire. Outre la confirmation de la possession de la Belgique et du port d'Anvers, cet accord lui rend ses colonies, confirmant ainsi l'empire comme puissance mondiale commerciale et politique.

La rupture de la paix, généralement attribuée au Royaume-Uni, va largement changer la donne. Le Royaume-Uni en effet s'empare à nouveau des colonies françaises, détruit quasi-totalement la flotte française à Trafalgar et s'assure la maîtrise des océans.

Napoléon va alors reconnaître l'impossibilité de lutter sur le domaine maritime et, comme il le déclare dans une lettre adressée à son frère, Louis, roi de Hollande, de reconquérir les colonies par terre, et de vaincre la mer par la terre[1] en privant le Royaume-Uni de ses alliés et en déplaçant le combat sur le domaine financier et commercial.

Dès 1806, les ports français ainsi que les embouchures de l'Ems, du Weser et de l'Elbe sont fermés aux marchandises britanniques. Cependant, celles-ci sont introduites sur le continent par d'autres voies et Napoléon doit trouver des moyens plus rigoureux pour parvenir à ses fins. Le Royaume-Uni lui-même lui montre la voie en déclarant tous les ports entre Brest et Hambourg en état de blocus, y compris pour les nations neutres. Cette déclaration va provoquer une vive réaction de l'empereur, débouchant sur le concept de blocus continental.

[modifier] Motivations de Napoléon

Lorsqu'il introduit la notion de blocus contre le Royaume-Uni, l'empereur n'est certainement pas le premier à utiliser cette arme. En effet, depuis l'apparition du commerce maritime, de très nombreuses déclarations de blocus ont été prononcées, même en temps de paix (citons par exemple le blocus de 1756, lors de la guerre de Sept Ans). Cependant, la quasi totalité d'entre elles sont restées lettres mortes, simplement à cause de l'impossibilité technique de fermer totalement les débouchés d'une nation.

La première différence entre ce blocus et les versions antérieures «classiques» provient de la dimension de celui-ci. En effet, dans le passé, seule une ville ou (plus rarement) un pays était soumis à un blocus. Dans ce cas, c'est l'ensemble de l'Europe continentale qui est concerné.

La seconde différence concerne le sens du blocus. Traditionnellement, le blocus consiste à empêcher le ravitaillement de la ville ou du pays concerné. Dans ce cas, bien que les Îles Britanniques soient déclarées en état de blocus, il est impossible d'empêcher les marchandises britanniques et coloniales de quitter les ports britanniques (l'Empire ne disposant pas ou plus d'une flotte digne de ce nom), il doit donc lui être impossible de débarquer celles-ci pour les vendre.

De cette manière, l'empereur espère ainsi empêcher, pendant quelques années, le Royaume-Uni d'écouler ses marchandises et ainsi provoquer une hausse massive des stocks, provoquant une inflation générale et une chute du pouvoir d'achat. Bien appliqué, le blocus devrait mettre en péril de larges pans de l'économie britannique, tant pour l'importation (de céréales, d'armes et de munitions) que pour l'exportation (de produits coloniaux et principalement du coton et de la laine qui, à eux deux, représentent plus de 50% du total des exportations britanniques). De fait, bien que le blocus n'ait jamais été totalement efficace, le crédit britannique va perdre jusqu’à 20% de sa valeur entre 1808 et 1810[2].

[modifier] La fuite en avant

Lorsqu'il promulgue le décret de Berlin (suivi par celui de Milan), Napoléon sait que son blocus ne peut réussir que si l'ensemble du continent le respecte. Or, à fin 1806, le décret n'est exécuté qu'en France et dans les royaumes alliés et pays occupés, à savoir l'Italie, l'Espagne, la Toscane, Rome, Naples, la Hollande, la Haute- et la Basse-Allemagne ainsi que le Danemark.

Dans les années suivantes, l'ensemble des efforts de politique extérieure de l'Empire vont converger dans le but d'étendre le blocus à l'ensemble de l'Europe que ce soit par des traités (avec la Russie, la Prusse ou la Suède) ou par des invasions militaires (le Portugal ou la Sicile).

[modifier] Le système continental

Appliqué à un petit État, le décret de Berlin l'aurait fatalement étouffé. Cependant, l'Empire français est alors un géant s'étendant de Bayonne à Danzig et de Reggio à Hambourg laissant à ses produits un immense marché comprenant plus de 80 millions de consommateurs. La mise en place d'une vaste organisation permettant d'ouvrir le marché européen aux entreprises et aux productions locales (principalement françaises) sera effectuée parallèlement à l'application du blocus. Cette organisation prendra le nom de système continental et aura comme résultat un profond changement dans les habitudes commerciales de la France et donc de l'Europe.

[modifier] En France

Sans contestation, la France est la grande bénéficiaire du système continental. Les pays alliés et conquis devaient acheter des produits bruts ou transformés venant des manufactures françaises. Ce système entraîne, parallèlement, le développement de plusieurs grandes inventions telles que la fabrication du sucre de betterave, la filature mécanique du lin ou la préparation de la garance et du pastel. D'un autre côté, les grands ports tels que Nantes, Bordeaux ou Marseille déplorent la ruine de leur économie.

[modifier] Dans le reste de l'Empire

Les pays alliés ou intégrés à l'Empire subiront de plein fouet la récession économique liée au blocus. Obligés d'acheter leurs produits en France à des prix importants, soumis à de lourdes taxes lors de l'export de leurs propres produits, leur économie va largement péricliter jusqu'en 1812. En particulier, les grands ports de Hollande, d'Allemagne et d'Italie vont connaître une baisse d'activité sans précédents.

Il n'est donc pas étonnant que la plupart d'entre eux n'aient suivi les directives qu'à contre-cœur, l'exemple symptomatique étant le royaume de Hollande, pourtant dirigé par le propre frère de Napoléon, qui montrera tellement de mauvaise volonté à appliquer les décisions impériales (voir plus bas, le chapitre contrebande) que l'empereur, excédé, devra finalement annexer ce pays à la France.

[modifier] Au Royaume-Uni

Depuis le début du siècle, le Royaume-Uni voit son commerce européen décliner. En effet, les exportations vers le continent passent de 55% à 25% de leur valeur totale entre 1802 et 1806[3]. Au début de l'année 1807, les Britanniques intensifient leurs relations avec la Russie, les États-Unis le Portugal et les États scandinaves.

Après la conclusion du traité de Tilsit, les prémices de la crise tant attendue par Napoléon semblent se dessiner : les exportations britanniques chutent en effet de 20% et le chômage commence à toucher les filatures, privées de coton. Cependant, les manifestations restent très limitées (notamment dans le Lancashire) et la bonne récolte de 1807 permet d'éviter d'importer du blé.

À partir de 1809, de par la généralisation des licences et suite à la paix signée avec l'empire ottoman, la situation va en s'améliorant et la mauvaise récolte de 1809 arrive trop tard alors que les difficultés des années antérieures sont réglées.

Le mot de la fin est attribué au genevois Francis d'Ivernois qui conclut en 1809 son ouvrage sur Les Effets du Blocus Continental par ses mots :

«Votre blocus ne bloque point
Et grâce à votre heureuse adresse
ceux que vous affamez sans cesse
ne périront que d'embonpoint…»

[modifier] Dans le reste du monde

[modifier] Rappels chronologiques

Pour des raisons de lisibilité, les dates du calendrier révolutionnaire ont été converties

[modifier] Annexes

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Documents provenant de Gallica
    • Louis Nicolas Davout, Correspondance du Maréchal Davout, 1885 - Cote : NUMM 67966
    • William Duckett, Dictionnaire de la conversation et de la lecture, Tome ⅩⅥ, 1835 - Cote : NUMM 50873
    • Léon Say, Dictionnaire des finances Tome 1 (A-D), 1889 - Cote: NUMM 37311
    • Philippe Le Bas, France, annales historiques, 1943 - Cote : NUMM 20748
    • Abel Hugo, France Militaire, histoire des armées françaises de terre et de mer de 1792 à 1837, tome 4,1838 - Cote : NUMM 28955
    • Emile Levasseur, Histoire du commerce de la France, Ⅱe partie, de 1789 à nos jours, 1911 - Cote: NUMM 75720
    • Paul Viard, L'administration préfectorale dans le département de la Côte d'Or sous le consulat et le Premier Empire, 1914 - Cote : NUMM 66605
    • Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont, Mémoires du Maréchal Marmont, Duc de Raguse, 1857 - Cote : NUMM 69580
    • Revue des études napoléoniennes, tome ⅩⅩⅥ, Janvier-Juin 1926 - Cote: NUMM 15502
    • Félix Bodin, Résumé de l'histoire d'Angleterre, 1825 - Cote: NUMM 28966
  • Autres documents

[modifier] Liens externes

[modifier] Références

  1. Léon Say, Dictionnaire des finances Tome 1 (A-D), 1889 - Cote: NUMM 37311
  2. William Duckett, Dictionnaire de la conversation et de la lecture, Tome ⅩⅥ, 1835 - Cote : NUMM 50873
  3. Jean Tulard, Alfred Fierro et André Palluel-Guillard, Histoire et Dictionnaire du Consulat et de l'Empire,1995 - ISBN 2221058585


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