Bien commun

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Dans la philosophie grecque (Platon, Aristote), la notion de bien commun désigne l'intérêt général en vue duquel les gouvernants dirigent la société.

En économie, on désigne par biens communs (en anglais « Commons ») les objets matériels ou immatériels n'appartenant à personne, et à ce titre appartenant à tous. Certains préfèrent parler de biens communs universels pour souligner que ces biens s'étendent à toute l'humanité.

Sommaire

[modifier] Bien commun philosophique

« Socrate :... j’ai une qualité merveilleuse, qui me sauve, c’est que je ne rougis pas d’apprendre, je m’informe, je questionne et je sais beaucoup de gré à ceux qui me répondent, et jamais ma reconnaissance n’a fait faute à aucun d’entre eux. »[1]

Qu’entend t-on par biens communs philosophiques ?

Philosophe vient du grec philosophos, « ami de la sagesse ». Sagesse et savoir ont la même racine latine : sapere, sapire : « avoir de la saveur, du goût » et « avoir du discernement ». Dans la philosophie grecque, les deux sources complémentaires de la sagesse sont la conscience de ses propres talents et la reconnaissance de son infini ignorance.

Les maximes suivantes reflètent cette philosophie fondatrice :

« Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux »[2]

« Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien ». « Si tu n’as rien en toi, tu seras moins pesant pour ceux qui te fréquenteront, et plus doux, puisque tu auras la sagesse de ne pas croire ce que tu ne sais pas. »[3]

Socrate et Platon s’opposaient ainsi aux sophistes qui n'avaient à recevoir de leçons de personne mais en donnait à tous. [4]

Les biens communs philosophiques sont des moyens accessibles à tous permettant à chacun d’accroître ses propres connaissances et d’en reconnaître les limites.

On distingue quatre types de biens communs philosophiques :

  1. Les Instruments intellectuels permettant à chacun de clarifier ses intérêts et ses connaissances (causalité efficiente)
  2. Les supports d’écriture et les logiciels permettant la formalisation et la communication de connaissances (causalité matérielle)
  3. Les contrats permettant de reconnaître des auteurs de logiciels ou des porteurs de connaissances (causalité finale)
  4. Les témoignages de savoirs, de connaissances ou de compétences (causalité formelle)


[modifier] Les Instruments intellectuels permettant de clarifier des connaissances (causalité efficiente)

Les théories ancestrales de la connaissance proposent des instruments intellectuels utiles à chacun pour clarifier ses connaissances. Ces instruments sont composés de principes logiques, support à un élan méthodique pour tendre vers une connaissance fiable.

Ces principes logiques apparaissent la première fois de façon simultanée dans Timée. Platon y expose les quatre genres de principes appliqués par le démiurge pour créer le monde : intellect, illimité, limite et être. Dans Philèbe, Platon reprend ces principes pour concevoir la dialectique, art d’élaborer des discours stables et inébranlables, art qu'il utilise dans la plupart de ses dialogues. Ces principes soutiennent un questionnement, composant un cadre et une trame, une aide à l'accouchement de connaissances, un art du tissage appelé maïeutique.

Aristote enrichit ces quatre principes et élabore un outil intellectuel ultra puissant : les quatre causalités. On ne peut pas clairement et distinctement connaître une chose ou un problème sans l’interroger avec ces causalités. Les quatre causalités d’Aristote sont la causalité efficiente (l'énergie), la causalité finale (le but), la causalité matérielle (le moyen) et la causalité formelle (le résultat). Aristote complète cet outil des dix catégories : la substance, la quantité, la qualité, la relation, le lieu, le temps, la position, la possession, l’action et la passion. Les quatre causalités permettent de distinguer une chose ou un problème d’un autre, et les dix catégories, de le décrire sans confusion ni mutilation. Les concepts d’Aristote soutiennent un système universel de classification qui assure l’accord de l’ordre logique et de l’ordre physique. Les choses ne sont pas séparées des idées. Il y une continuité entre modes de perception des choses et leurs modes de représentation ; entre production des choses et génération des idées, entre réel et virtuel.

L’ultra rationalité de la métaphysique d’Aristote a été perpétuée par la théorie de la connaissance de Spinoza. Pour lui, une affection est simultanément chose et idée. Une affection est le résultat de la rencontre d’un corps avec un autre corps. Une affection est aussi une idée qui affirme une force d’exister plus grande ou moindre qu’auparavant. Un désir peut être traduit en action bénéfique, et une affection peut augmenter notre puissance d’agir, si l’on s’en forge des idées claires et distinctes. Spinoza affirme l’existence d’instruments intellectuels communs, ensemble organisé de principes, constituant des remèdes pour traiter nos affections afin d’en pâtir le moins possible. Grâce à ces outils, l’homme peut se forger une vision claire et distincte de ses affections et désirs, et tendre ainsi vers sa propre perfection, c'est-à-dire persévérer dans son être.

Kant a joué un rôle fondamental pour liquider la métaphysique d’Aristote et ses prolongements, en supprimant notamment les catégories de position et de passion des conditions d’une connaissance fiable. La théorie kantienne tente de séparer les idées des choses concrètes et justifie cette rupture épistémologique par une croyance en un dieu unique totalement indépendant du monde sensible. Sa théorie de la science exclut l’implication des corps et des désirs du champ des connaissances vraies, et hante encore certaines de nos institutions. Aux théories ancestrales de la connaissance ont été substitué une théorie de la science, pour laquelle seuls les énoncés scientifiques valent. Cette théorie a confisqué des instruments intellectuels communs aidant chacun à élever ses expériences à la problématique et de révéler ainsi ses connaissances à la lumière naturelle, c'est-à-dire clairement et distinctement.

1. 1. 1. Exemple d'un instrument intellectuel d'analyse de son rapport aux autres – à destination de décideurs et de managers

Ces pages constituent la proposition d’un instrument intellectuel d’autoévaluation de compétences relationnelles, à destination de managers ou d'animateurs de réseaux. Un utilisateur de cet instrument peut accoucher d’une connaissance claire de ses relations aux autres, grâce à un questionnement complet sur sa manière de prendre place dans les espaces sociaux l'environnant. Cet instrument permet à l’utilisateur une réflexion et une autoanalyse de sa façon de prendre position quant aux autres et donc de participer à l’émergence d’espaces ou de corps sociaux. Cet instrument aide à prendre des décisions de renforcement ou de rééquilibrages de ses pratiques habituels de management ou de coordination.

Celui-ci constitue un moyen fiable de décrire clairement et distinctement sa façon d’interagir avec les autres pour collaborer et décider. Grâce à cette connaissance, l’utilisateur pourra éventuellement choisir une réorientation ou un renforcement de son mode actuel de production d'espaces sociaux.

Cet instrument intellectuel comprends un questionnement complet sur sa relation aux autres ainsi que des repères pour répondre à chaque question. À chaque question sont en effet associés deux concepts, deux polarités, repérant deux modes d’être opposés.

Le questionnement est composé des quatre questions suivantes :

Question 1. : L’énergie / la force motrice de la prise de position (causalité efficiente) :

Lorsque je donne un ordre ou un avis, Quelle est la nature de ma prise de position quant à autrui ? Position ferme /position généreuse

Question 2. : La finalité de la relation ? (causalité finale) :

Lorsque je donne un ordre ou un avis, Quel est le but de la relation ? Donner / recevoir

Question 3. : L’environnement de la relation (causalité matérielle) :

Lorsque je donne un ordre ou un avis, Quel est le climat de la relation ? Climat de confiance / climat de méfiance

Question 4. : Le résultat de la prise de position (causalité formelle) :

Lorsque je donne un ordre ou un avis, De quel ordre est l’espace qui émerge de la relation ? Espace ouvert / espace cloisonné

Chaque couple de concepts permet de réfléchir et de nuancer une réponse. Par exemple, « position ferme » et « position généreuse » caractérisent deux pôles opposés délimitant un champ de réflexion quant la question de la nature de sa prise de position.

La référence exclusive et continue à l'un des deux pôles caractérise un comportement violent, envers soi ou envers les autres.

1. Dimension Énergie : nature du mouvement vers l’autre : fermeté / générosité

La première question est celle de l’origine du mouvement, c’est-à-dire la force motrice, l’énergie, qui impulse une prise de position quant à l’autre.

Question : Lorsque je donne un ordre ou un avis, Quelle est la nature de ma prise de position ? Plutôt « position ferme » ou « position généreuse » ? Quel dosage entre les deux ?

Avec fermeté, j’impose ma position dans l’espace. Je me permet d’occuper un moment une place qu’un autre aurait pu prendre.

Avec générosité, j’autorise un autre à intervenir dans l’espace commun, à une place que j’aurais pu prendre.

La fermeté a pour but l’utilité de soi seulement. La générosité a pour but l’utilité d’autrui aussi.

L’extrême de la fermeté est convoitise. L’extrême de générosité est renoncement / abnégation.

L’indifférence est un attribut commun à ces deux extrêmes.

2. Dimension finalité de la relation à autrui : donner / recevoir

La deuxième question concerne la finalité de l'action. La finalité est ce qui oriente le mouvement.

Question : Lorsque je donne un ordre ou un avis, quelle est la finalité de ma prise de position quant à autrui ?

La finalité est-elle plutôt de donner ou de recevoir ? Quel dosage entre les deux.

En donnant, on fait gagner du temps à un autre.

En recevant, on gagne du temps grâce à un autre.

L’extrême du donner est « sacrifice ». L’extrême du recevoir est « abuser ».

Un juste milieu entre donner et recevoir : partager, dialoguer, échange réciproque.

3. Dimension environnement relationnel : climat de la relation : confiance / méfiance

La cause matérielle est la condition de l’action, du mouvement. Sans matière, une énergie ne peut pas s’inscrire. Concernant un espace virtuel de relation, la matière est le climat qui invite ou pas à l’action.

Question : Quel est le climat de la relation ?

Plutôt un climat de confiance ou un climat de méfiance ?

Dans un état de confiance, je prends l’autre pour un allier possible.

Dans un état de méfiance, je prends l’autre pour un agresseur possible.

La confiance se fonde du respect, alors que la méfiance, d’une peur de l’autre.

L’extrême de la confiance est naïveté (ou innocence ?). L’extrême de la méfiance est paranoïa. Un juste milieu entre confiance et méfiance est la prudence.

4. Dimension Espace / corps : nature de l’espace généré : ouvert / cloisonné

Une forme est le résultat d’actions sur une matière. Par exemple, la forme sculptée naît des gestes de l’artisan sur la pierre. Des relations entre personnes dans un certain climat naît aussi une forme, un espace commun.

Un espace social spontannée émerge des relations et ne le précède pas. Par exemple, quand deux personnes se parlent, elle génère un espace de parole, ou quand deux personnes dansent, un espace de danse, un corps collectif.

Question : De quel ordre est l’espace qui émerge de la relation ?

L’espace est-il plutôt ouvert ou cloisonné ? Un espace ouvert est susceptible de changer de forme ou de configuration quand un nouveau membre intervient ou un membre existant change de position.

Un espace cloisonné n’offre pas la possibilité à un membre nouveau de participer et ne change pas de configuration quand un membre existant ne change de posture.

L’extrême de l’espace ouvert est la foule. L’extrême de l’espace fermé est le clan.

Un juste milieu entre ouvert et cloisonné est « réseau par cooptation ».

Conclusions :

Des applications à développer de cet instrument sont par exemple :

Une aide à l’autoanalyse de son rapport à la cellule familiale lors de l’enfance

Lors de mon enfance, comment mon père ou ma mère ont-ils eu tendance à m’accompagner au sein de de la cellule familiale ? (Analyse des effets d’une surprotection maternelle ou de l’abandon par son père par exemple.)

L’utilisateur de cet instrument pour répondre à ces questions est plus fort pour clarifier certaines sources de problèmes relationnels actuels et donc d’y remédier.

Une aide à l’autoanalyse de son rapport au couple

Dans mon couple, comment ai-je tendance à intervenir dans l’espace commun ?

(Analyse d’une relation de couple déséquilibré, en terme de disproportion entre féminin et masculin ou de cristallisation de posture dominant/dominé, …).

L’utilisateur de cet instrument sera plus apte à analyser les éventuelles inscriptions d’habitudes de rapport dominant / dominé et à dépasser certaines oppositions.

Une aide à l’autoanalyse de son rapport au travail

Dans ma vie professionnelle, comment ai-je tendance à intervenir dans l’espace de travail ?

(Analyse des relations de collaboration, cristallisation de posture dominant/dominé, …).

L’utilisateur de cet instrument sera plus apte à comprendre l’intérêt commun de travailler en réseau.

[modifier] Les logiciels d'inscription et de partage d'informations ou de connaissances (causalité matérielle)

[modifier] Les contrats permettant de reconnaître des auteurs de logiciels ou des porteurs de connaissances (causalité finale)

[modifier] Les témoignages de savoirs, de connaissances ou de compétences (causalité formelle)

[modifier] Bien commun au sens économique

[modifier] Liste des biens communs

Dans la pratique, il existe des divergences d'opinions sur la liste des biens à classer comme des biens communs.

L'eau, l'air, la diversité des espèces vivantes sont en général considerés comme des biens communs.

C'est souvent le cas pour l'éducation, la santé, l'environnement, voire l'énergie (mais là se pose le problème d'éviter le gaspillage).

Les logiciels, les médicaments, les gènes, les semences agricoles font l'objet d'une lutte virulente entre ceux qui voudraient en faire des biens communs universels et ceux qui tentent de se les approprier notamment à travers l'extension du domaine des brevets (brevets logiciels, brevets sur le vivant...).

[modifier] Bien commun et génome

2 citations de John Sulston, prix Nobel de médecine 2002 apportent un éclairage sur la relation entre bien commun et génome :

« Mais la séquence du génome est une découverte, pas une invention. Comme une montagne ou un torrent, c’est un objet naturel qui existait déjà, ­ pas avant nous, certes, mais avant que nous nous rendions compte de sa présence. Pour moi, la Terre est un bien commun, et même si nous y érigeons des barrières, il est préférable qu’elle n’appartienne à personne. Si une région prend de l’importance parce que son paysage est particulièrement beau ou parce qu’elle abrite des espèces rares, alors oui, il faut la protéger en tant que bien commun. »

« Nos sociétés occidentales traversent une période d’intensification de la croyance dans la propriété privée, au détriment du bien public. Pourtant, tout démontre notre incapacité à prendre des décisions collectives sensées en nous fondant sur la concurrence commerciale. L’appât du gain a ainsi presque réussi à privatiser le génome, notre code ADN commun ­ et cette menace pèse toujours. Dans cette lutte, la ténacité du projet public a fait de la séquence du génome humain le socle d’un système d’informations biologiques ouvert et libre, qui permettra d’accroître nos connaissances à une vitesse incomparable. C’est là le patrimoine, inaliénable, de l’humanité. [5] »

[modifier] Bien commun et économie

Les biens communs ont fait l'objet d'études de la part des économistes. On peut citer en particulier l'économiste Carl Menger, fondateur de l'école autrichienne d'économie, dont la pensée fut inspirée par l'éthique à Nicomaque d'Aristote, par l'école de Salamanque (XVIe siècle), et par les classiques français.

Carl Menger s'est penché sur la gestion des biens communs que sont l'eau, l'air, ...

[modifier] Notes et références

  1. Platon, Hippias mineur, 372b.
  2. Maxime attribuée à Socrate gravée au fronton du temple d'Apollon à Delphes. Principe expliqué par Platon dans les dialogues Charmide et Ménon en particulier
  3. Platon, Théétète, 210c. Socrate a cette posture dans la plupart des dialogues où Platon le met en scène.
  4. Platon, Le Sophiste
  5. John Sulston, Le Monde Diplomatique, décembre 2002, p.28, 29

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Lien(s) externe(s)