Bataille de Mers el Kébir

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Bataille de Mers el-Kébir
Informations générales
Date 3 juillet 1940
Lieu Port de Mers el Kébir
Issue Victoire britannique
Belligérants
Royaume-Uni Royaume-Uni France France
Commandants
Amiral Somerville Amiral Gensoul
Forces en présence
1 porte-avions
2 cuirassés
3 croiseurs
11 destroyers
1 porte-hydravions
2 cuirassés
2 croiseurs
5 destroyers
Pertes
2 tués
2 torpilleurs
4 avions
1 297 tués
2 cuirassés
1 croiseurs
1 destroyer
1 aviso
Seconde Guerre mondiale
Opération Catapult
Bataille de l'Atlantique

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Guerre sino-japonaise

La bataille de Mers el-Kébir fut une confrontation entre les marines française et britannique, au début de la Seconde Guerre mondiale, alors qu'une importante escadre française était stationnée dans le port militaire de Mers el Kébir. Ce fut une tragédie qui fit 1 380 morts. La bataille eut lieu le 3 juillet 1940.

Sommaire

[modifier] La raison de l'attaque

Le 21 juin 1940, la France a perdu la guerre et se prépare à signer l'armistice du 22 juin 1940 avec l'Allemagne. À ce moment-là, la Royal Navy avait positionné en Méditerranée la force H de Gibraltar, commandée par l'amiral Somerville. Cette flotte comptait 1 porte-avions, 2 cuirassés, 1 croiseur de bataille, 2 croiseurs et 11 destroyers. De son côté, la marine française, sous le commandement de l'amiral Gensoul, alignait 2 croiseurs de bataille, 2 cuirassés, 15 torpilleurs, 6 contre-torpilleurs, 1 transport d'hydravions et 6 sous-marins.

«Les relations entre les deux nations, qui se sont dégradées après Dunkerque, prennent une nouvelle tournure quand Pétain, Président du Conseil, propose l’armistice à l’Allemagne. Les accords interalliés prévoyaient, en effet, qu’aucune paix séparée n’était possible sans l’accord de l’autre partie. L’armistice est signé le 22 juin.»[1] A cela, les Britanniques qui ont transmis depuis le 16 juin, un télégramme exige que si l'armistice est signé, elle ne peut l'être « à la seule condition que la flotte française soit immédiatement dirigée sur les ports britanniques en attendant l’ouverture de négociations ».[2] Cet aspect durant la signature de l'armistice entre la France et l'Allemagne est complétement omis. Pire, les Britanniques ne sont pas informés des clauses de l'armistice.

De facto, l'ambassadeur britannique ne prend connaissance de la clause 8 de l'armistice, exigeant que les navires français seraient désarmés dans les ports d'attache sous contrôle allemand et italien, qu'après la signature. Comme le confirme l'historien Max Lagarrigue « Les deux tiers des ports d’attache de la marine française étant en zone d’occupation et donc à la merci d’un coup de force de la Wehrmacht, les Britanniques et en premier lieu Churchill ne peut pas prendre le risque de ne pas demeurer la première puissance navale du monde. » [3]

Le 27 juin, Churchill décida donc de mettre hors d'état de nuire la marine française. Cette opération avait pour nom de code Catapult. Ainsi, les navires en rade en Angleterre et à Alexandrie sont neutralisés sans effusion de sang. Mais les Britanniques ne savaient pas que les installations portuaires de l'Atlantique et de la Manche avaient été sabotées par les marins français, avant l'arrivée des troupes allemandes, ni que l'amiral de la flotte, Darlan, avait donné l'ordre à tous ses états-majors de saborder leurs bâtiments si les Allemands essayaient de s'en emparer; ce que les Allemands tenteront de faire un peu plus tard le 27 novembre 1942 (sabordage de la flotte à Toulon) après avoir franchi la ligne de démarcation le 11 novembre 1942.

[modifier] Les pourparlers

L'amiral James Somerville reçut donc l'ordre d'appareiller afin de mettre hors d'état de nuire la flotte française basée à Mers el-Kébir. Arrivé à l'aube du 3 juillet devant la base navale, l’amiral Somerville adressa à l'amiral Marcel Gensoul un télégramme imposant un ultimatum dont le terme échouait six heures plus tard. Il fit trois propositions :

  • soit la flotte française rejoignait la flotte britannique dans sa lutte contre les forces de l'Axe ;
  • soit elle se sabordait ;
  • soit elle gagnait les ports britanniques, américains ou antillais afin d'être désarmée.

Dans le courant de l'après-midi, un compromis était sur le point d'être trouvé, après que Somerville eut prolongé son délai. Mais l'adjoint de Darlan fit savoir par radio à Gensoul que les escadres françaises de Toulon et d'Alger se portaient à son secours. Les Britanniques captèrent ce message et Londres ordonna à Somerville d'intervenir.

[modifier] Liste des navires présents

Navires présents
Français Britanniques
Porte-aéronefs Commandant Teste Ark Royal
Cuirassés Bretagne Hood
Provence Valiant
Resolution
Croiseurs Dunkerque Enterprise
Strasbourg
Contre-torpilleurs/destroyers Mogador Faulknor
Tigre Fearless
Kersain Foxhound
Volta Vidette
Lynx Foresight
Le Terrible Escort
Keppel
Active Wrestler
Vortigern

[modifier] Le déroulement de l'attaque

À 16h53, l'amiral Somerville donne à contrecœur l'ordre d'attaquer la flotte française. La marine française, bloquée dans la rade, est dans l'impossibilité de tirer sur la flotte britannique, qui est, elle, bien abritée par le relief[4]. En effet, les navires étant "cul à la jetée", ne peuvent riposter. Les navires français sont écrasés sous les salves d'obus. Le cuirassé Provence et le croiseur de bataille Dunkerque sont touchés et s'échouent. Le cuirassé Bretagne, atteint par une salve britannique, prend feu et coule en quelques minutes avec une grande partie de son équipage.

Le croiseur de bataille Dunkerque
Le croiseur de bataille Dunkerque
Le cuirassé Bretagne en flamme, quelques minutes avant qu'il ne saute
Le cuirassé Bretagne en flamme, quelques minutes avant qu'il ne saute

Durant le combat, le croiseur de bataille Strasbourg réussit à appareiller et, suivi de cinq contre-torpilleurs, gagne le large après un bref engagement, mais le Mogador est touché de plein fouet par un obus de 380 mm et coulé sans avoir pu sortir de la rade.

Sortie de l'escadre sous le feu le 3 juillet 1940
Sortie de l'escadre sous le feu le 3 juillet 1940
Contre-torpilleur Mogador le 3 juillet 1940, vue arrière
Contre-torpilleur Mogador le 3 juillet 1940, vue arrière

Seul le porte-hydravions Commandant Teste, resté au mouillage, sortira indemne de ce carnage. À 18 heures, l'amiral Gensoul demande un cessez-le-feu pour évacuer les blessés.

Le 6 juillet, les avions torpilleurs du porte-avions Ark Royal reviennent achever le travail en bombardant le Dunkerque et en faisant exploser le patrouilleur Terre-Neuve. Ils ajoutent ainsi de nouveaux noms à la longue liste des victimes.

[modifier] Bilan

Cet engagement fait 1 380 morts du côté français, tandis que les blessés sont évacués vers les hôpitaux d'Oran. La plus grande partie de la flotte présente à Mers el-Kébir est inutilisable. Mis à part les FNFL, la Marine française ne prit plus part au combat contre les forces de l'Axe avant 1943, au contraire, elle fut engagée ponctuellement plusieurs fois contre les Alliés.

Pertes de la force de raid à Mers el-Kébir
Officiers Officers mariniers Quartiers-maître et marins Totaux
Bretagne 36 151 825 1 012
Dunkerque 9 32 169 210
Provence 1 2 3
Strasbourg 2 3 5
Mogador 3 35 38
Rigault de Genouilly 3 9 12
Terre Neuve 1 1 6 8
Armen 3 3 6
Esterel 1 5 6
Totaux 48 202 1 050 1 300

Les Britanniques ont, pour leur part, perdu 4 avions et 2 torpilleurs. Avec cette attaque, le message des Anglais adressé au monde est clair : nous sommes résolus à continuer la guerre.

A Londres, le général de Gaulle justifie l'opération Catapult en déclarant le 8 juillet :

« …en vertu d’un engagement déshonorant, le gouvernement de Bordeaux avait consenti à livrer les navires à la discrétion de l’ennemi. Il n’y a pas le moindre doute qu’en principe et par nécessité l’ennemi les aurait employés soit contre l'Angleterre, soit contre notre propre Empire. Eh bien, je le dis sans ambages, il vaut mieux qu’ils aient été détruits.  »

On prétend souvent que cette attaque ainsi que la déclaration de De Gaulle a porté un coup à la dynamique de l'appel du 18 juin. Toutefois les renoncements à la poursuite de la lutte par les principaux gouverneurs de l'Empire, sont antérieurs à cet évènement, les quelques ralliements de territoires sont postérieurs et les engagements dans les forces françaises libres, ne décroissent pas avant septembre 1940.

De Gaulle écrira cependant plus tard dans ses Mémoires de guerre[5] :

« Contrairement à ce que les agences anglaises et américaines avaient d'abord donné à croire, les termes de l'armistice ne comportaient aucune mainmise directe des Allemands sur la flotte française. Par contre, il faut reconnaître que devant la capitulation des gouvernants de Bordeaux et les perspectives de leurs défaillances futures, l'Angleterre pouvait redouter que l'ennemi parvint un jour à disposer de notre flotte.» »

L'affaire de Mers el-Kébir indisposa les Français d'Algérie qui voyaient disparaître un élément essentiel à leur protection. Mais la population métropolitaine n'était pas disposée à se jeter dans les bras de l'Allemagne. Seuls les collaborateurs ultra comme Pierre Laval et l'amiral Darlan étaient favorables à une déclaration de guerre immédiate à la Grande-Bretagne. En l'occurrence c'est le maréchal Pétain qui joua un rôle modérateur, déclarant : « Une défaite suffit ». Cependant les relations diplomatiques entre les deux pays furent rompues. C'est ce moment que choisirent Pétain et Laval pour en finir avec la IIIe République et instaurer un régime autoritaire.

La plupart des amiraux français, formés à l'Ecole navale, dans les années qui suivirent la crise de Fachoda, virent leurs préjugés confirmés, d'autant que plusieurs autres incidents franco-britanniques eurent lieu, de l'été 1940 à l'automne 1942 : combats de Dakar, du Gabon, de Syrie, de Madagascar, enfin d'Afrique du Nord ou cette fois ci elle affronta également les Américains. Et c'est ce qui explique en partie que le 27 novembre 1942, la flotte de Toulon préféra se saborder pour échapper aux Allemands, plutôt que de chercher à rejoindre les Alliés.

[modifier] Notes et références

  1. Max Lagarrigue, 99 questions... La France sous l'Occupation, CNDP, Montpellier, 2007, p. 10.
  2. Max Lagarrigue, ibidem,
  3. Max Lagarrigue, ibidem, p. 11.
  4. Le site anglophone Maritime Quest propose une photographie de la rade en juillet 1940, probablement peu avant l'attaque.
  5. Mémoires de guerre (L'appel 1940-1942 - La France Libre) - Charles de Gaulle


[modifier] Bibliographie

  • Hervé Coutau-Bégarie et Claude Huan, Mers el-Kébir (1940), la rupture franco-britannique, Economica, 1994
  • Yves Rochas, Vérités interdites : Mers el-Kébir, juillet 1940, éditions de l'Officine, 2006
  • Max Lagarrigue, 99 questions...La France sous l'Occupation, CNDP, Montpellier, 2007 (ISBN : 978-2-86626-280-8).

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes