Autorité

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L’autorité est une notion étendue dont nous essaierons de retenir une définition unique et, ce faisant, de déterminer ce qui peut moralement (ou idéalement) justifier l’autorité. Pour la majorité des courants anarchistes et libertaires, rien ne peut justifier l'autorité ou l'autoritarisme. Il semble pertinent de se poser la question de la différence entre autorité et pouvoir, ce qui revient à s'interroger sur les méthodes.

Sommaire

[modifier] Définition

Originellement, l’autorité est une puissance exercée par une institution ou une personne en raison et à raison des fonctions reconnues à celle-ci.

D’autres acceptions du mot sont possibles : Lorsque l’on dit d’une personne qu’elle a « de » l’autorité, cela signifie qu’elle a une aptitude à commander (ou à imposer son point de vue ou à se faire respecter), une propension à commander. Dans ce sens, l’individu qui aurait beaucoup ou trop d’autorité serait qualifiée d’autoritaire. En revanche, si l’on se réfère à la définition mise en exergue, on dira qu’elle a l’autorité ( le « de » étant à proscrire dans ce type de proposition) ou si l’on veut, qu’elle est autorisée à agir, à exercer sa puissance.

La puissance, c’est la faculté d’influer notablement sur le déroulement d’une action, sur l’évolution d’une situation.

Le terme institution est à prendre au sens organique mais pas nécessairement politique ou juridictionnel, l’institution pouvant par exemple, se concrétiser par un professeur ou les parents. L’institution se comprend en définitive, comme une entité intégrée à une organisation. L’entité « professeur » ipso facto, fait partie du système éducatif; l’entité « parents » est un élément constitutif du système « famille ».

Par métonymie, l’autorité désigne souvent l’institution elle-même.

La locution « en raison et à raison » est utilisée pour signifier la cause (en raison) et la limite (à raison).

On remarquera donc à quel point les mots autorité, puissance, institution et fonctions sont intimement liés. L’étymologie exprime également l’importance de la notion.

Concept central de la pensée politique, "L’autorité implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté." L’autorité qui requiert cette l’obéissance ne relève en effet ni de la force, ni de l’argumentation. C’est une notion qui ne fait appel ni à la contrainte (rapport de tyran à sujet), ni à l’argumentation (d’égal à égal). Par exemple outre la relation maître-élève, celle d’un médecin et de son patient, du capitaine d’un navire et de ses équipiers. En ce sens, autorité implique inégalité et différence.

Selon Hannah Arendt, "La caractéristique la plus frappante de ceux qui sont l’autorité est qu’ils n’ont pas de pouvoir… /…elle nous paraît curieusement insaisissable et intangible, ayant à cet égard une ressemblance frappante avec la branche judiciaire du gouvernement de Montesquieu". Il ne faut donc pas confondre être autoritaire avec avoir de l’autorité.

[modifier] Éléments d'étymologie

Le mot autorité vient du latin auctoritas. Le Professeur Michel HUMBERT, dans son livre « Institutions politiques et sociales de l’antiquité » (Précis Dalloz) donne des informations très intéressantes au sujet de ce dernier mot. Seulement quelques fragments sont retranscrits ci-après.

« La notion d’auctoritas, essentielle en droit privé et en droit public romains, se rattache, par sa racine, au même groupe que augere (augmenter), augure (celui qui accroît l’autorité d’un acte par l’examen favorable des oiseaux), augustus (celui qui renforce par son charisme [...celui qui est porteur de l'auctoritas]). L’auctoritas exprime à son tour l'idée d'augmenter l'efficacité d'un acte juridique ou d'un droit.[...] De même le Sénat, grâce à son incomparable prestige, a la vertu d'augmenter la portée de tout acte pour lequel il a donné son accord (son auctoritas).[...] Aucune de ces décisions ne sera prise directement par le Sénat (il n'en a pas le pouvoir). Mais tous ces projets, enrichis de l’auctoritas du Sénat, sont assurés du succès.[...] Aucun acte politiquement significatif n'est mis à exécution par un magistrat sans l'accord (et la délibération) du Sénat. Au point que tout se passe comme si l'inspirateur de la décision était le Sénat, et l'exécutant, le magistrat. Telle est la force de l’auctoritas : sans elle, pas d'action ; devant elle, pas d'inaction. »

La notion d'autorité vient d'être définie dans un sens plutôt juridique et social. C'est son caractère nécessaire, voire indispensable à la structure de toute société qui la rend légitime pour le plus grand nombre et qui permet de l'opposer erga omnes (à condition bien sûr, qu'elle soit régulière juridiquement) On ne doit pas oublier, non plus, ce qu'on appelle l’autorité naturelle pouvant se dégager d'une personne (et là encore l'aspect bénéfique est sous-jacent).Sur le plan professionnel, par exemple, on attribuera à une personne une autorité certaine si elle inspire, de par sa compétence et sa moralité, la confiance qui permettra d'obtenir le meilleur de chacun et la bonne entente entre les différents individus du groupe.

Le problème de l'autorité est au centre de la philosophie politique et de la sociologie. Si, depuis Platon, tous les écrits philosophiques contiennent des discussions de l'autorité, on peut citer comme auteurs contemporains Max Weber (qui a formulé une célèbre définition du pouvoir charismatique), Alexandre Kojève qui s'inspirait librement d'Hegel, Carl Schmitt et enfin Giorgio Agamben, qui dénonce l'autorité comme "mythologème" de la philosophie politique.

[modifier] L'autorité dans la pensée chinoise

Chez Confucius, l'art de gouverner se fonde sur la rectitude politique, articulée autour du double principe du Li (Raison et Loi à la base des droits et devoirs mutuels, dans le sens de la force du droit, en contraste au droit de la force) et du Chi (énergie psychique, âme, cœur, courage, proche de l'anima latin).

Le sinologue Marcel Granet note :

"[...] On se plaît à parler de l’instinct grégaire des Chinois, et l’on aime aussi leur prêter un tempérament anarchique. En fait, leur esprit d’association et leur individualisme sont des qualités campagnardes. L’idée qu’ils ont de l’ordre dérive d’un sentiment, sain et rustique, de la bonne entente. L’échec des Légistes, les succès conjugués des Taoïstes et des Confucéens le prouvent : ce sentiment, — que blessent les intrusions administratives, les contraintes égalitaires, les codifications ou réglementations abstraites (1285), — repose (pour des parts, variables, sans doute, selon les individus, mais, en gros, sensiblement égales) sur une sorte de passion d’autonomie, et sur un besoin, non moins vif, de compagnonnage et d’amitié. État, Dogmes et Lois ne peuvent rien en faveur de l’Ordre. L’Ordre est conçu sous l’aspect d’une Paix que les formes abstraites de l’obéissance ne sauraient établir, ni imposer les formes abstraites du raisonnement. Pour faire rogner en tout lieu cette paix, ce qui est nécessaire, c’est un goût de la conciliation qui demande un sens aigu des convenances actuelles, des solidarités spontanées, des libres hiérarchies. La logique chinoise n’est point une logique rigide de la subordination, mais une souple logique de la hiérarchie : on a tenu à conserver à l’idée d’Ordre tout ce qu’avaient de concret les images et les émotions dont elle est sortie. Qu’on lui donne pour symbole le Tao et qu’on voie dans le Tao le principe de toute autonomie et de toute harmonie, qu’on lui donne pour symbole le Li et qu’on voie dans le Li le principe de toute hiérarchie ou répartition équitables, l’idée d’Ordre retient en elle, — très ramé, certes, et pourtant tout proche encore de son fond rustique, — le sentiment que comprendre et s’entendre, c’est réaliser la paix en soi et autour de soi. Toute la Sagesse chinoise sort de ce sentiment. Peu importe la nuance plus ou moins mystique ou positive, plus ou moins naturiste ou humaniste de leur inspiration : dans toutes les Écoles se retrouve, — exprimée par des symboles qui demeurent concrets et n’en conservent que plus d’efficience, — l’idée que le principe d’une bonne entente universelle se confond avec le principe d’une universelle intelligibilité. Tout savoir, tout pouvoir procède du Li ou du Tao. Tout Chef doit être un saint ou un Sage. Toute Autorité repose sur la Raison." (Marcel Granet, "La pensée chinoise", pp. 478-480, réédition, Albin Michel, Paris, 1968, première édition, La Renaissance du Livre, Paris, 1934).

L'Ordre chinois signifie à la fois "impératif" et "ordonnancement" entrelacés. "Camarade" se dit en chinois "Tung (même) Chi (volonté)", signifiant une communauté d'intention et d'action (pouvant rappeler le mot grec synodos (à l'origine de synode), "chemin commun").

[modifier] Avoir l'autorité ou être l'autorité?

Dans les œuvres de Erich Fromm, “Avoir ou être?” est le résumé et le carrefour de toutes ses idées majeures de “Union-au-monde”.

Un autre exemple de la différence entre le mode ”avoir” et le mode “être” est l’exercice de l’autorité. Le point essentiel s’exprime par la différence entre “avoir” de l’autorité et “être” une autorité. Chacun (ou presque) d’entre nous exerce une autorité, du moins à certaines périodes de sa vie. Ceux qui élèvent des enfants doivent exercer une autorité - qu’ils le veuillent ou non pour protéger leurs enfants et leur donner un minimum de conseils sur la conduite à tenir en différentes circonstances. Dans la société patriarcale, les femmes, également, sont soumises à une autorité de la part de la majorité des hommes. Presque tous les membres d’une société bureaucratique hiérarchiquement organisée, comme la nôtre, exercent une autorité, sauf les individus qui se situent au plus bas de l’échelle sociale et qui ne sont qu’objets d’autorité.

Notre compréhension de l’autorité selon les deux modes nécessite que nous admettions que le mot "autorité" représente un terme général qui a deux acceptions totalement différentes: l’autorité peut être "rationnelle" ou "irrationnelle". L’autorité rationnelle est fondée sur la compétence et elle aide à se développer la personne qui s’appuie sur elle. L’autorité irrationnelle est fondée sur le pouvoir et sert à exploiter la personne qui lui est soumise.

Dans les sociétés les plus primitives, c’est-à-dire dans les sociétés de cueillette et de chasse, l’autorité est exercée par la personne qui est généralement reconnue comme étant compétente dans une certaine tâche. Les qualités dont relève cette compétence dépendent surtout de circonstances spécifiques, bien qu’il semble qu’on puisse y inclure l’expérience, la sagesse, la générosité, l’habileté, la "présence", le courage. Dans la plupart de ces tribus, il n’existe aucune autorité permanente, mais une autorité émerge en cas de besoin.

Ou bien il existe différentes autorités correspondant à différentes circonstances: la guerre, les pratiques religieuses, le règlement des querelles. Quand les qualités sur lesquelles repose l’autorité disparaissent ou s’affaiblissent, l’autorité elle-même prend fin. On peut observer une forme d’autorité très semblable dans de nombreuses sociétés primitives où la compétence est souvent déterminée non par la force physique mais par des qualités telles que l’expérience et la "sagesse " . Au cours d’un test très ingénieux pratiqué avec des singes, J. M. R. Delgado, en 1967, a montré que l’animal dominant, s’il perdait même momentanément les qualités justifiant sa compétence, perdait en même temps son autorité.

L’autorité du mode “être” repose non seulement sur la compétence personnelle nécessaire à l’accomplissement de certaines fonctions sociales, mais aussi sur l’essence même d’une personnalité qui a atteint un haut degré de développement et d’intégration. De telles personnes rayonnent d’autorité et n’ont pas à donner d’ordres ni à menacer, ni à corrompre. Ce sont des individus hautement évolués qui, par ce qu’ils sont - et non, surtout, par ce qu’ils font et disent - montrent ce que peuvent être les êtres humains.

Les grands maîtres de la Vie étaient des autorités de ce genre, et, à un degré moindre de perfection, on peut trouver de ces individus à tous les niveaux d’éducation et dans les cultures les plus variées. (Le problème de l’éducation s’articule sur ce point. Si les parents étaient eux-mêmes plus évolués et s’ils s’appuyaient sur leur propre centre, l’opposition entre l’éducation autoritaire et l’éducation laxiste n’existerait probablement pas. Ayant besoin de cette autorité du mode être, l’enfant réagit devant elle avec empressement ; en revanche, l’enfant se révolte contre l’oppression, l’indifférence ou l’excès d’attention des gens qui montrent par leur propre comportement qu’ils n’ont pas accompli eux-mêmes l’effort qu’ils attendent de l’enfant en cours de croissance.)

En même temps que se formaient les sociétés fondées sur un ordre hiérarchique, et beaucoup plus grandes et plus complexes que celles des chasseurs et des cueilleurs, l’autorité de la compétence a cédé la place à l’autorité du statut social. Cela ne veut pas dire que l’autorité existante soit nécessairement incompétente ; ni que la compétence ne soit un élément essentiel de l’autorité. Que nous ayons affaire à une autorité du type monarchique - où la loterie des gènes décide des qualités de la compétence - ou à un criminel sans scrupule qui parvient à devenir une autorité par le meurtre et la fourberie, ou, comme si souvent dans nos démocraties modernes, à des autorités choisies sur la base de leur photogénie ou de la quantité d’argent qu’elles ont pu dépenser pour leur élection, dans tous ces cas il peut n’y avoir pratiquement aucun rapport entre la compétence et l’autorité.

Mais il y a quand même de sérieux problèmes dans le cas d’une autorité établie sur la base d’une certaine compétence: un chef peut avoir été compétent dans un domaine et incompétent dans un autre - par exemple, un homme d’État peut conduire une guerre avec compétence et se révéler incompétent en temps de paix ; ou bien tel chef qui est courageux et honnête au début de sa carrière peut se laisser griser par les séductions du pouvoir; ou encore, l’âge et les troubles physiques peuvent amener une certaine déchéance. Finalement, il faut considérer qu’il est beaucoup plus facile pour les membres d’une petite tribu de juger le comportement du détenteur de l’autorité que pour les millions d’individus de notre système, qui ne connaissent leurs candidats que par l’image artificielle créée par les spécialistes des relations publiques.

Quelles que soient les raisons de la perte des qualités constitutives de la compétence, le processus d’aliénation de l’autorité intervient dans les grandes sociétés hiérarchiquement organisées. La compétence initiale, réelle ou prétendue, est transférée à l’uniforme ou au titre. Si l’autorité porte l’uniforme idoine ou possède le titre approprié, ces signes extérieurs de la compétence remplacent la véritable compétence et ses qualités. Le roi - ce titre étant considéré comme le symbole de ce type d’autorité - peut être stupide, dépravé, méchant, c’est-à-dire privé totalement de la compétence qui lui permettrait d’être une autorité, mais il a pourtant l’autorité. Tant qu’il détient le titre, il est censé avoir les qualités de la compétence. Même lorsque le roi est nu, le peuple croit qu’il porte de magnifiques vêtements.

Le fait que les gens prennent les uniformes et les titres pour les réelles qualités de la compétence est quelque chose qui ne va pas tout à fait de soi. Ceux qui détiennent ces symboles de l’autorité et qui, par conséquent, en bénéficient, doivent endormir la pensée réaliste (c’est-à-dire critique) du peuple-sujet et doivent lui faire croire en la fiction. Quiconque y réfléchit connaît les machinations de la propagande, les méthodes qui permettent de détruire le jugement critique, la façon dont l’esprit est endormi et soumis par des clichés, comment les gens sont réduits au silence parce qu’ils deviennent dépendants et perdent la capacité de faire confiance à leurs yeux et à leur jugement. Ils sont aveugles à la réalité par la fiction en laquelle ils croient.

[modifier] Hiérarchie des pouvoirs

Pour mieux agir situer l'autorité, pour mieux comprendre la notion d'autorité la relier à celle du pouvoir et pour mieux percevoir cette idée d'autorité en une hiérarchie des pouvoirs reculer pour éviter l'arbre qui masque la forêt dans une approche écosystémique.

Le pouvoir est simplement la capacité d'influencer, d'orienter et de délimiter la pensée ou l'action d'un individu ou d'un groupe.

Chez Marcel Mauss, dans cette "Anthropologie sociale" de la cohésion sociale, il y a le "pouvoir social immédiat" exercé par personne et auquel tout le monde se soumet. C'est celui de la tradition et de la coutume.

Si la politologie est l'étude, la connaissance et le dicours (ogos) sur le pouvoir, alors voyons cette hiérarchie des pouvoirs dans le monde et faire un tour dans un des instituts d’études politiques français ou un département de sciences politiques d'une des grandes universités du monde.

- 1 "Auctoritas" ou pouvoir sénatorial des auteurs (auctor, oris) des lois. C'est le pouvoir législatif;

- 2 "Imperium" ou pouvoir consulaire des grands commis de l'État;

- 3 "Potestas" ou pouvoir administratif de l'exécution des détails (minutiae, d'où "ad minutiae": pour les détails)

  • "[...] Cedant arma togae" (Cicéron). Que les armes cèdent à la toge.

Telle est l'injonction de Ciceron (Des devoirs) sur la primauté du législatif sur l'exécutif d'une démocratie d'un État de droit.

La sociologie distingue la "dominance" qui est une prévalence effective de la "domination" qui est cette prévalence consacrée par le droit. La dominance devient domination à travers la longue marche vers la législature de l'autorité qui légalise et consacre cette dominance. Par exemple, la langue anglo-américaine est "dominante" par acceptation, mais elle n'est pas "dominatrice" en absence de loi qui oblige à son emploi. Aucune loi obligel'Institut Pasteur à publier en anglo-américain. Un autre exemple est la dominance japonaise de la Bourse de Tokyo et de l'industrie d'automoble, l'électronique et l'optique où rien n'oblige l'industrie des autres pays à suivre ses normes de conception, de production et de distribution. Chrysler, Ford et GM ont adopté ces normes pour survivre, comme Renault a dû s'allier à Nissan et GM à Toyota.

C'est à travers l'autorité des auteurs de la loi qu'une "dominance" se transforme en "domination", que les préférences des uns deviennent les obligations de tous.

- La dominance demande l'acceptation;

- La domination demande la soumission;

- L'autorité demande l'obéissance. C'est le phénomène de la "compliance" étudié par Amitai Etzioni.

.

Voir à la conclusion" de 442 RCT.

  • "[...] Le sociologue Amitai Etzioni a étudié, à partir des camps d'internement des Nippo-Américains, le phénomène de "compliance" qui est l'obéissance à une "autorité" voulue et acceptée et la dévotion envers cette autorité, obéissance et dévotion qui ne sont pas une soumission à un "pouvoir".

Alors, la notion de "autorité" devient plus intelligible comme un système de pouvoirs avec sa "structure" hiérarchique, sa "fonction" de commandement et d'ordonnancement et son "évolution", de la tyrannie à la démocratie parlementaire d'une dictature électoraliste du grand nombre, dans une écologie des philosophies.

En tant que forme de communication ou d’interactions où "les interactions sont des actions réciproques modifiant le comportement ou la nature des éléments, corps, objets, phénomènes en présence ou en influence." (Edgar Morin, 1977, p. 51), une investigation sur la notion d’autorité privilégie la relation plutôt l’entité discrète disjointe, la relation entre autorité et obéissance, entre la source et le récipiendaire. Comme “leadership” et “charisme”, l’autorité est la description d’un mode de relation dans le registre des influences.

  • "[…] La différence entre le monde newtonien et celui de la communication tient, simplement, au fait que le premier attribue une réalité aux objets et parvient à une certaine simplicité théorique en excluant le contexte du contexte, donc en fait, toute métarelation et, a fortiori, tout recul à l'infini dans la chaîne de telles relations." (Gregory Bateson, p. 72, "Vers une écologie de l'esprit". 2, Seuil, Paris, 1980).

[modifier] Autorité politique

Dans la tradition européenne d'Ancien Régime, l'autorité politique était détenue par les rois, souverains à partir de la Renaissance. La monarchie est même devenue absolue au XVIIe siècle en France.

Les révolutions américaine et française ont bouleversé cette conception des choses, en introduisant la notion de souveraineté du peuple. Comme tous les citoyens ne pouvaient avoir autorité sur tous les sujets, le principe de démocratie a voulu que la souveraineté du peuple soit déléguée par le suffrage universel à des institutions et des personnes qualifiées : parlement, président du Conseil, cours de justice, ... selon le type de compétences nécessaires à l'exercice de l'autorité.

Selon le politologue américain Stephen Krasner, l'autorité et le contrôle sont deux aspects de la souveraineté.

Les processus de décision dans les institutions politiques contemporaines sont complexes, de sorte que l'autorité est nécessairement partagée entre différents types de pouvoirs : pouvoir exécutif, pouvoir législatif, pouvoir judiciaire.

Dans l'Union européenne, l'autorité s'exerce à différents niveaux selon les compétences attribuées à l'Union et aux États membres, en vertu des principes de subsidiarité / suppléance, et du principe de proportionnalité.

Quel que soit le type d'institution exerçant une autorité, et quelles que soient les compétences requises, l'exercice de l'autorité passe par de l'information. De nos jours, les informations d'autorité doivent être gérées dans des registres de métadonnées.

[modifier] Autorité et violence

Selon les auteurs classiques, toute forme d'autorité est d'abord basée sur la violence. Il y a toujours la menace que l'on peut recourir à la force.

Ainsi, certains disaient que l'école était "l'intériorisation de la violence"[réf. nécessaire].

Pour Hannah Arendt, cependant, l'autorité se définit comme le pouvoir de se faire obéir sans contrainte. La violence est alors conçue comme une dénaturation de l'autorité.

[modifier] La remise en question de l'autorité : Hannah Arendt

Dans la Crise de la culture[1], Hannah Arendt explique pourquoi l'autorité est entrée dans une crise généralisée (à noter que le livre fut publié en 1968).

Pour cela, il faut reprendre le schéma classique de l'autorité opéré par Max Weber. Selon lui, il existe trois formes [de transmission] de l'autorité :

  • coutumière (issue de la tradition) ;
  • charismatique (une personne qui fascine, dont l'autorité est retransmise à la descendance, mais avec une certaine dégradation, à cause d'une routinisation) ;
  • rationnelle-légale (les régimes politiques contemporains ou lorsque l'on dit de quelqu'un qu'il a de l'autorité en la matière).

Selon Arendt, la crise de l'autorité touche en premier lieu le schéma de retransmission coutumier (et s'étend également par la suite au schéma charismatique).

Cette crise touche toutes les sphères de la société : le politique, la religion, l'école, la famille. Elle ne touche cependant que peu le schéma classique de l'économie, où le chef d'entreprise reste toujours le dépositaire de l'autorité, sans (presque) aucune contestation possible de la part de ses employés.

Les causes de cette crise remontent à l'insertion du système démocratique dans la société. Paradoxalement, ce sont les totalitarismes qui ont été les premiers à profiter de cette crise politique. Le principe démocratique est d'abord entré par le biais du politique en 1789, mais en mai 1968, il touche toutes les autres sphères de la société, qu'elle appelle "prépolitiques". Le système démocratique est fondamentalement opposé à l'autorité coutumière, car dans une démocratie, tout le monde est égal, il n'y a donc pas d'autorité naturelle. La seule autorité qui peut alors prévaloir dans ce cas est l'autorité légale-rationnelle (où le dépositaire de l'autorité doit démontrer ses compétences).

Ainsi, plus qu'une véritable crise de l'autorité, on voit apparaître une transformation de celle-ci : l'autorité traditionnelle doit faire place à une autorité légale-rationnelle. Hannah Arendt souhaite cependant limiter ce mouvement dans un cas particulier : celui des enfants (à l'école ou dans la famille). Les enfants ont besoin de structuration ; apprendre le principe démocratique avant même d'apprendre l'autorité est mauvais, car dans ce cas, ils remettent en question l'autorité de leur professeur et de leurs parents.

L’éducation est un cas de figure où l’autorité trouve en effet sa pleine expression est celui du rapport de maître à élève : la relation, déjà pressentie par Aristote, entre les anciens et les jeunes est pédagogique par excellence et selon Hannah Arendt, "La nécessité de l’"autorité" est plus plausible dans l’élevage de l’enfant et dans l’éducation que nulle part ailleurs".

Dans une approche historique, l’intuition de l’autorité telle qu’elle a été vécue en Occident est très ancienne. Elle n’a vu le jour qu’après une réflexion philosophique grecque profonde (dès Platon) vécue plus tard et par d’autres encore, les Romains. L’autorité que Platon cherchait, et que le monde romain devait découvrir, était bien "une relation où l’élément de contrainte résidât dans la relation elle même antérieure à l’expression effective du commandement".

C’est ainsi que pour Hannah Arendt, malgré son caractère « utopique » la philosophie grecque a été logiquement reprise par les Romains qui "dans leur recherche infatigable de la tradition et de l’autorité" ont "décidé de la reprendre et de la reconnaître comme leur plus haute autorité dans toutes choses de la théorie et de la pensée". Imaginée et conçue par les Grecs (Platon) notre idée de l’autorité aura donc fonctionné à plein dans l’Empire romain, où elle reposait par ailleurs et avant tout sur une "fondation dans le passé". "Le mot auctoritas dérive du mot augere, augmenter, et ce que l’autorité ou ceux qui commandent augmentent constamment : c’est la fondation".

A la chute de l’Empire romain, l’Église devient naturellement détenteur de l’ "autorité" et reconstitua au prix d’une transformation fondamentale une indéformable trinité religion / tradition / autorité (Hannah Arendt observe que jamais dans l’histoire, l’une des trois notions ne s’est affaiblie sans entraîner les autres dans sa propre disparition). L’Église aura été la première touchée par l’affaiblissement de la religion, mais aussi par celui de la tradition. Après l’Empire romain, en dehors d’elle, politiquement, l’autorité n’aura nulle part été réinstaurée, même par les révolutions et leur propension paradoxale à s’inspirer de la fondation romaine.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Références

  1. La Crise de la culture - Huit exercices de pensée politique, 1968

[modifier] Liens externes